M. le président. « Art. 1er. - Il est institué pour 1996, au profit du budget de l'Etat, un prélèvement exceptionnel de 150 millions de francs sur les réserves de l'Office des migrations internationales. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par MM. Masseret et Richard, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Régnault, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 25 est déposé par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 26, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 1er :
« I. - Dans le premier alinéa du I de l'article 3 de la loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-885 du 4 août 1995), le pourcentage "10 %" est remplacé par le pourcentage "30 %".
« II. - Le même article est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... En 1996, le versement de la majoration intervient au plus tard le 31 décembre 1996. »
La parole est à M. Moreigne, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de l'article 1er du projet de loi on poursuit les ponctions systématiques et les prélèvements sur les organismes publics.
Au-delà du fait que ces opérations sont contestables dans leur principe, les réserves constituées par ces organismes, loin d'être des « trésoreries dormantes », sont utiles à leur désendettement ou au financement d'actions à plus long terme.
Ainsi, dans le cas précis de l'office des migrations internationales, son endettement a fortement augmenté, atteignant 181,1 millions de francs. Cette ponction à des fins comptables paraît donc malvenue.
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre les amendements n°s 25 et 26.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit également d'un amendement de suppression de l'article 1er.
Ainsi, pour trouver 150 millions de francs destinés à doter le budget de 1996, le Gouvernement nous propose, avec cet article, de prendre cette somme dans la caisse de l'office des migrations internationales, c'est-à-dire dans la bourse des travailleurs étrangers et de leurs familles résidant légalement sur le territoire national.
Je rappelle les missions de l'office. Le rapport de notre collègue M. Lambert, rapporteur général, est particulièrement instructif en la matière.
Il précise en effet que l'office a pour mission essentielle d'assurer les meilleures conditions d'application des accords et des conventions internationales relatives à l'expatriation de la main-d'oeuvre.
Il indique également que l'office a pour mission de participer aux actions administratives, sanitaires et sociales relatives, d'abord, au contrôle, à l'accueil, au séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ou à l'établissement des étrangers en France ainsi qu'à leur rapatriement ou à leur résinsertion dans leur pays d'origine, ensuite, à l'emploi des Français à l'étranger, enfin, à la réinsertion en France des Français ayant résidé à l'étranger.
Ce rapport montre, de plus, que l'office assume des missions particulièrement importantes auprès des demandeurs d'asile, notamment en matière sociale et sanitaire.
L'office des migrations internationales joue donc un rôle décisif dans la politique étrangère et de coopération de notre pays.
Cet organisme assure ses missions en bénéficiant du produit d'un certain nombre de taxes et de redevances appropriées, dont le montant assure la couverture de la majeure partie de ses coûts de fonctionnement.
Bien entendu, le Gouvernement justifie son prélèvement par le fait que les réserves de l'office ne seraient que peu entamées par les dispositions de l'article 1er. Mais plusieurs observations doivent être présentées, à cet égard.
Nous devons en effet avoir une véritable politique en matière de coopération internationale, laquelle passe notamment par la mise en place de dispositifs d'aides au retour pour les travailleurs étrangers qui le souhaitent, par un respect des dispositions de la convention de Genève en matière de droit d'asile, par un effort particulier d'insertion tant des ressortissants étrangers vivant en situation régulière sur notre territoire que des Français amenés à revenir dans notre pays après un séjour à l'étranger.
Cette politique exige des moyens à la mesure des ambitions normales que peut nourrir un grand pays comme le nôtre, un pays porteur de valeurs et d'une culture reconnues dans le monde entier.
Cette politique ne peut s'accommoder des artifices comptables que l'on nous propose ici d'avaliser.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter l'amendement n° 25.
L'amendement n° 26, quant à lui, a pour objet de venir en aide au Gouvernement, puisque ce dernier manque de ressources.
Nous proposons en effet d'accroître les recettes fiscales de l'Etat en procédant à la majoration de la majoration de l'impôt de solidarité sur la fortune que la loi de finances rectificative d'août 1995 a instituée.
On sait que le produit attendu de cette majoration, ignorant d'ailleurs les dispositions relatives au plafonnement de l'impôt sur la fortune, était de quelque 800 millions à 900 millions de francs.
Notre proposition, sur un plan strictement comptable, permet de dégager un produit fiscal complémentaire de 1,6 milliard à 1,8 milliard de francs, ce qui correspond, par exemple, aux annulations de crédits de construction ou de rénovation de logements sociaux proposées dans ce collectif par la validation des arrêtés du 26 septembre et du 13 novembre 1995. Elle est d'ailleurs autrement plus rentable que la mesure préconisée dans le texte gouvernemental à l'article 1er.
Je tiens à souligner que ces amendements visent à mettre en situation de contribuer plus largement à l'effort nécessaire de solidarité nationale les 176 000 assujettis à l'ISF.
On ne peut omettre, en particulier, que, loin du complexe de punition que nous avons entendu évoquer voilà peu, l'impôt de solidarité sur la fortune ne représente que moins de 0,5 % de la valeur du patrimoine imposable des assujettis.
Cette situation pose d'ailleurs avec force la question de l'assiette de l'impôt sur la fortune, notamment le problème de la pérennité de l'exonération d'un certain nombre de biens.
Il est en effet regrettable que l'ISF, qui porte sur des patrimoines estimés à un peu plus de 1 800 milliards de francs, soit tronqué par la non-prise en compte de plusieurs centaines de milliards de francs, du fait de l'exonération de biens professionnels ou de toute une série d'autres dispositions dérogatoires.
Nous espérons que les recettes complémentaires que cet amendement permet de dégager aideront le Gouvernement à équilibrer le budget de 1996 !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 21, 25 et 26 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission des finances a relevé qu'entre 1986 et 1993 les réserves de l'office ont été en forte croissance, passant de 188,5 millions à 665,6 millions de francs. Au 31 décembre 1995, elles s'élevaient encore à 623,8 millions de francs.
Notons aussi qu'en 1996 les recettes de l'office, c'est-à-dire 229,8 millions de francs, recouvraient 72,3 millions de francs de redevances dues par les étrangers ou les employeurs de main-d'oeuvre étrangère et 16,5 millions de francs de ressources affectées.
En dépit d'une légère décrue, les réserves de l'office demeurent abondantes et le prélèvement prévu pour cette année ne devrait pas engendrer de difficultés particulières pour cet organisme.
C'est ce qui a conduit la commission des finances à recommander au Sénat de repousser les amendements identiques n°s 21 et 25.
En outre, malgré les explications toujours brillantes de notre excellent collègue M. Paul Loridant, la commission des finances a eu beaucoup de difficultés à trouver un lien entre l'article 1er et l'amendement n° 26, ce qui justifie davantage encore que toute autre raison qu'elle émette un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Le Gouvernement demande le rejet de ces trois amendements.
M. le rapporteur général a parfaitement motivé la demande de rejet des amendements de suppression ; je n'ai donc rien à ajouter sur ce point.
S'agissant de l'aide que M. Loridant se propose d'apporter au Gouvernement pour équilibrer le budget de 1996, au-delà du fond, je voudrais lui dire que nous aurions des difficultés pour mettre en recouvrement cette majoration d'ici au 31 décembre. C'est un motif supplémentaire pour demander le rejet de l'amendement n° 26.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 21 et 25, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er