SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidatures à un organisme extraparlementaire (p. 1 ).

3. Questions orales (p. 2 ).

MOBILITÉ DES DIRECTEURS D'ÉCOLE (p. 3 )

Question de M. Jean Clouet. - MM. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Jean Clouet.

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
ET TECHNOLOGIE INFORMATIQUE DES RÉSEAUX (p. 4 )

Question de M. Guy Cabanel. - MM. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture ; Guy Cabanel.

DÉGÂTS CAUSÉS PAR LA PROLIFÉRATION
DES CORMORANS (p. 5 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement ; M. Jean-Claude Carle.

CONSTRUCTION D'UNE TURBINE À COMBUSTION PAR EDF
À VITRY-SUR-SEINE (p. 6 )

Question de M. René Rouquet. - Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement ; M. René Rouquet.

FINANCEMENT DES TRAVAUX DE PRÉVENTION
DES RISQUES NATURELS PRÉVISIBLES (p. 7 )

Question de Mme Janine Bardou. - Mmes Corinne Lepage, ministre de l'environnement ; Janine Bardou.

PRÉVENTION DE L'ÉCHEC SCOLAIRE CHEZ LES ENFANTS
DITS INTELLECTUELLEMENT PRÉCOCES (p. 8 )

Question de M. Alain Gournac. - Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement ; M. Alain Gournac.

RÉGLEMENTATION DE LA VENTE
PAR CORRESPONDANCE (p. 9 )

Question de M. Marcel Bony. - MM. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat ; Marcel Bony.

PROJET D'UN CENTRE COMMERCIAL
« CARRÉ DE SÉNART » (EX. FRANCILIA) (p. 10 )

Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat ; Jean-Jacques Robert.

COMPENSATION DES DÉPENSES
SUPPORTÉES PAR LES COMMUNES
EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT ET DE SÉCURITÉ (p. 11 )

Question de M. Edouard Le Jeune. - MM. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; Edouard Le Jeune.

AVENIR DE LA CAISSE NATIONALE DE RETRAITE
DES AGENTS DES COLLECTIVITÉS LOCALES (p. 12 )

Question de M. Edouard Le Jeune. - MM. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; Edouard Le Jeune.

REMBOURSEMENT DES COTISATIONS FAMILIALES
PAYÉES PAR LES ENTREPRISES SITUÉES
EN ZONE DE REVITALISATION RURALE (p. 13 )

Question de M. Alain Joyandet. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Alain Joyandet.

QUALITÉ SANITAIRE DE L'EAU (p. 14 )

Question de Mme Janine Bardou. - M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Mme Janine Bardou.

FINANCEMENT DES HÔPITAUX D'ILE-DE-FRANCE (p. 15 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

SUPPRESSION D'UNE BRIGADE DE GENDARMERIE
DANS LE DÉPARTEMENT DU VAL-DE-MARNE (p. 16 )

Question de M. Lucien Lanier. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Lucien Lanier.

CONSÉQUENCES POUR LE DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-SAÔNE
DU DÉTOURNEMENT DU RAPIDE SUISSE
L'ARBALÈTE (p. 17 )

Question de M. Alain Joyandet. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Alain Joyandet.

MISE EN PLACE D'UNE QUATORZIÈME LIGNE DE MÉTRO
SUR LE TRACÉ DE MÉTÉOR (p. 18 )

Question de Mme Nicole Borvo. - Mmes Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; Nicole Borvo.

RELANCE DU SECTEUR DU BÂTIMENT (p. 19 )

Question de M. Léon Fatous. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat au transports ; M. Léon Fatous.

SUITE DONNÉE À LA PROPOSITION DE RACHAT DU PÉAGE
DE ROQUES-SUR-GARONNE EN HAUTE-GARONNE (p. 20 )

Question de M. Gérard Roujas. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Gérard Roujas.

CONDITIONS D'OCTROI DE LA PRIME À L'HERBE (p. 21 )

Question de Mme Annick Bocandé. - Mmes Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; Annick Bocandé.

EXTENSION DE LA ZONE DE MONTAGNE
DANS LE DÉPARTEMENT DE LA NIÈVRE (p. 22 )

Question de M. René-Pierre Signé. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. René-Pierre Signé.

TRANQUILLITÉ PUBLIQUE
DANS CERTAINS QUARTIERS DE PARIS (p. 23 )

Question de M. Jacques Bimbenet. - MM. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement ; Jacques Bimbenet.

SITUATION DES SAPEURS-POMPIERS AUXILIAIRES (p. 24 )

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement ; René-Pierre Signé.

RENFORCEMENT DES EFFECTIFS DE GENDARMERIE
EN ESSONNE (p. 25 )

Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement ; Jean-Jacques Robert.

4. Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire (p. 26 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 27 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

5. Candidatures à un organisme extraparlementaire (p. 28 ).

6. Institution d'une prestation spécifique dépendance. - Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire (p. 29 ).
Discussion générale : MM. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales ; Mme Michelle Demessine, M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales.
Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance (p. 30 )

Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p. 31 )

Sur l'article 19 (p. 32 )

Amendement n° 1 rectifié du Gouvernement. - MM. le ministre, Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Adoption.

Vote sur l'ensemble (p. 33 )

M. Guy Cabanel, Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Adoption de la proposition de loi.

7. Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire (p. 34 ).

8. Zone franche de Corse. - Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 35 ).
Discussion générale : MM. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration ; Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances ; Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jacques Rocca Serra, Jean-Patrick Courtois, Michel Charasse, Mme Marie-Claude Beaudeau.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Exception d'irrecevabilité (p. 36 )

Motion n° 2 rectifiée de M. Charasse - MM. Charasse, le rapporteur, le ministre, du Luart. - Rejet.

Question préalable (p. 37 )

Motion n° 1 de Mme Luc - MM. Minetti, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance (p. 38 )

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

M. le président.

Article additionnel avant l'article 1er (p. 39 )

Amendement n° 50 rectifié de Mme Beaudeau. - Mme Beaudeau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 1er (p. 40 )

Amendements identiques n°s 46 de M. Charasse et 51 de Mme Beaudeau ; amendements n°s 58, 59 de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, 61, 5 de la commission et sous-amendement n° 64 du Gouvernement ; amendements n°s 6 à 16 de la commission, 69 rectifié du Gouvernement et 52 rectifié de Mme Beaudeau. - MM. Charasse, Minetti, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, le rapporteur, le ministre, Mme Beaudeau. - Retrait des amendements n°s 58, 59 et 11 ; rejet des amendements n°s 46, 51, du sous-amendement n° 64 et de l'amendement n° 52 rectifié ; adoption des amendements n°s 61, 5 à 10, 69 rectifié et 12 à 16.
Adoption de l'article modifié.

Article 1er bis (p. 41 )

Amendement n° 47 de M. Charasse. - MM. Charasse, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.

Article 2 (p. 42 )

Amendements identiques n°s 48 de M. Charasse et 53 de Mme Beaudeau ; amendements n°s 17 à 19 rectifié de la commission et sous-amendement n° 65 du Gouvernement ; amendements n°s 20 à 23 de la commission et sous-amendement n° 70 du Gouvernement ; amendements n°s 62 du Gouvernement, 24 de la commission et sous-amendement n° 66 du Gouvernement ; amendements n°s 25 à 29 de la commission, 54, 55 de Mme Beaudeau et 60 de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. - M. Charasse, Mme Beaudeau, MM. le rapporteur, le ministre, Minetti, Louis-Ferdinand de Rocca Serra. - Retrait des sous-amendements n°s 66, 65 et de l'amendement n° 60 ; rejet des amendements n°s 48, 53, 62, 54 et 55 ; adoption des amendements n°s 17 à 22, du sous-amendement n° 70 et de l'amendement n° 23 modifié, et des amendements n°s 24 à 29.
Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 43 )

Amendements identiques n°s 49 de M. Charasse et 56 de Mme Beaudeau ; amendements n°s 30 à 35 de la commission, 71 rectifié, 63 du Gouvernement, 36 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 67 et 72 du Gouvernement ; amendements n°s 37 à 44 de la commission. - M. Charasse, Mme Beaudeau, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait du sous-amendement n° 67 et de l'amendement n° 37 ; rejet des amendements n°s 49, 56 et 44 ; adoption des amendements n°s 30 à 32, 71 rectifié, 33, 34, 63, 35, du sous-amendement n° 72 et de l'amendement n° 36 rectifié, modifié, et des amendements n°s 38 à 43.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 3 (p. 44 )

Amendement n° 57 de Mme Beaudeau. - MM. Minetti, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 4 (p. 45 )

Amendement n° 45 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 4 (p. 46 )

Amendement n° 3 de M. Charasse. - MM. Charasse, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 4 de M. Charasse. - MM. Charasse, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Vote sur l'ensemble (p. 47 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
Adoption du projet de loi.

9. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 48 ).

10. Loi de finances rectificative pour 1996. - Discussion d'un projet de loi (p. 49 ).
Discussion générale : MM. Alain Lambert, rapporteur de la commission des finances ; Philippe Marini, René Régnault, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Paul Girod, Alain Lamassoure, ministre délégué au budget.
Clôture de la discussion générale.
Renvoi de la suite de la discussion.

11. Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire (p. 50 ).

12. Dépôt d'une proposition de loi (p. 51 ).

13. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 52 ).

14. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 53 ).

15. Dépôt de rapports (p. 54 ).

16. Ordre du jour (p. 55 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURES
À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La commission des affaires économiques et du Plan a fait connaître qu'elle propose les candidatures de MM. Bernard Hugo et Bernard Joly, comme membres titulaires, et de MM. François Gerbaud et Jacques Rocca Serra, comme membres suppléants, pour siéger au sein du Conseil national des transports.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

3

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

mobilité des directeurs d'école

M. le président. M. Jean Clouet attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation des directeurs d'école, qui exercent une fonction importante et complexe : à l'égard des enseignants, ils ont une mission pédagogique ; ils doivent connaître les élèves et leurs parents ; acteurs de la vie locale il est nécessaire qu'ils soient au fait de ses divers aspects, notamment au niveau des quartiers d'implantation de leur école ; il leur faut par ailleurs nouer et développer des relations de travail et de convivialité avec les élus municipaux et leurs services.
Tout cela demande du temps. Or, pour des raisons administratives qui paraissent ignorer tout ce qui précède, les directeurs d'école souffrent d'une mobilité excessive, ne séjournant parfois qu'un an ou deux ans dans leur établissement.
Il conviendrait de revenir à la situation antérieure où régnait une heureuse stabilité.
Il appartient aux services compétents de s'y employer. (N° 485.)
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Je suis ravi d'avoir l'occasion de m'adresser à M. d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche, pour une question concernant l'enseignement maternel et élémentaire. (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, les directeurs et les directrices d'école exercent une fonction pédagogique et sociale importante et complexe.
Ils figurent parmi les principaux acteurs de la vie collective dans les communes et dans leurs quartiers.
Ils sont responsables de l'harmonie du corps enseignant et contribuent à l'efficacité de son action. Ils doivent connaître les élèves ainsi que leurs parents et entretenir avec eux des rapports de compréhension mutuelle.
Ils doivent également connaître les multiples aspects de la vie locale, notamment au sein des quartiers où leur école est implantée.
Il leur faut, par ailleurs, nouer et développer des relations de travail et de convivialité avec les élus municipaux et leurs services.
Tout cela demande du temps.
Or, pour des raisons difficiles à pénétrer, l'administration impose aux directeurs une véritable frénésie ambulatoire (Sourires), qui dévalorise gravement leur fonction en ne les laissant parfois séjourner qu'un an ou deux dans leur établissement.
Si je prends l'exemple de la ville de Vincennes, je constate que, sur les douze écoles qu'elle compte, onze nominations de directeur ou de directrice sont intervenues en trois ans. Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une telle situation soit satisfaisante. Pourriez-vous me dire si M. le ministre de l'éducation nationale envisage d'y mettre fin ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, vous avez raison de le souligner : la fonction de directeur d'école est devenue, au fil du temps, plus lourde et plus contraignante. S'agissant du qualificatif « ambulatoire » que vous avez employé, nous y reviendrons.
L'environnement institutionnel a évolué. La décentralisation et la déconcentration ont modifié les conditions d'exercice d'un métier qui, pour la plupart des directeurs d'école, se cumule avec des fonctions d'enseignement. C'est aujourd'hui un fait reconnu : les charges administratives se sont accrues pour les directeurs d'école.
Je voudrais vous rappeler les règles qui régissent le corps des directeurs d'école, et qui concernent notamment la mobilité.
Les instituteurs et professeurs des écoles peuvent être nommés directeur d'école après inscription sur une liste d'aptitude.
Les directeurs d'école ne sont soumis à aucune obligation de mobilité et ne peuvent se voir retirer leur emploi que dans l'intérêt du service, après avis de la commission administrative paritaire départementale.
Ce n'est que lorsqu'une direction d'école est vacante à l'issue du recrutement des personnels que l'intérim est confié à un maître, à titre provisoire. C'est en fait ce cas que vous évoquez à propos de Vincennes. Faute de titulaire, le poste de directeur d'école est confié à un professeur des écoles faisant fonction, généralement pour un an, en attente de la nomination définitive d'un directeur d'école titulaire.
Il faut bien reconnaître que cette situation n'est pas exceptionnelle. En effet, les charges de plus en plus contraignantes ont rendu l'emploi moins attractif et il est parfois plus avantageux pour un maître du premier degré d'être remplaçant que directeur d'école. C'est ainsi que 8 % environ des postes de directeur d'école n'étaient pas pourvus faute de candidats.
C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité, pour tenir compte de ces évolutions, améliorer la situation des directeurs d'école. Un relevé de décisions relatif aux conditions d'exercice de la fonction de directeur d'école a été pris en 1996. Ce relevé traduit la politique de l'encadrement qui constitue, depuis 1994, l'une des priorités du nouveau contrat pour l'école.
Il met en place un dispositif qui vise un double objectif : d'une part, permettre aux directeurs d'école d'exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions possibles ; d'autre part, organiser une meilleure reconnaissance matérielle de leur fonction.
Ces décisions constituent un ensemble cohérent de mesures qui doivent être regardées comme une première étape dans la voie de l'amélioration des conditions d'exercice des directeurs d'école.
Ainsi, la formation initiale est renforcée : elle passe de quatre à cinq semaines prises, sur le temps de service.
L'information sur les conditions d'exercice de la responsabilité est largement diffusée, sous forme de guides de sécurité et de responsabilité.
Le régime des décharges est amélioré : toutes les écoles à six classes bénéficieront d'une décharge partielle de quatre jours par mois au plus tard à la rentrée scolaire de 1997.
Tous les chargés d'école et tous les directeurs d'école perçoivent, dans le cadre des tranches de nouvelles bonifications indiciaires de 1994, 1995 et 1996, huit points supplémentaires.
Enfin, l'indemnité de sujétions spéciales est portée de 3 378 francs à 5 202 francs par an pour les directeurs d'école comprenant dix classes et plus.
Les discussions sur les conditions d'exercice de la fonction de directeur d'école et sur les moyens qui pourraient être dégagés afin d'améliorer encore ces conditions d'exercice seront, bien sûr, poursuivies.
La situation indemnitaire des directeurs d'école de moins de dix classes sera examinée, ainsi que l'ouverture du champ des décharges de service aux directeurs d'école à cinq classes, dès que les décharges partielles de service auront été attribuées, en septembre 1997, à tous les directeurs d'école à six classes.
Ces mesures devraient permettre à la fois de mieux reconnaître la fonction de directeur d'école et, ainsi, de la rendre plus attractive et plus stable. Elles limiteront en effet le nombre de postes vacants qui sont soumis à la mobilité d'enseignants faisant fonction.
M. Jean Clouet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Je remercie M. le secrétaire d'Etat de sa réponse et je note avec satisfaction que le Gouvernement s'intéresse aux directeurs d'école. Il y a longtemps que cela ne s'était pas produit !
M. René Rouquet. N'importe quoi !
M. Jean Clouet. J'espère que, de ce fait, la mobilité dont je parlais tout à l'heure fera place à une stabilité féconde.

propriété intellectuelle
et technologie informatique des réseaux

M. le président. M. Guy Cabanel attire l'attention de M. le ministre de la culture sur la négociation, courant décembre à Genève, en vue de l'adjonction d'un protocole à la convention de Berne, de 1971, portant sur les droits d'auteur et la propriété industrielle, et dont l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a proposé la révision.
Il interroge le ministre de la culture, en charge de ce dossier, sur les difficultés pouvant résulter de mesures décidées, notamment si l'on considérait que les droits exclusifs propres à la dissémination d'une oeuvre devaient s'appliquer aux copies éphémères, invisibles, rendues indispensables à la transmission de données aux points d'interconnexion des réseaux informatiques.
Il souhaiterait connaître les orientations données par le Gouvernement aux négociateurs français dudit protocole, notamment quant à la différence qu'il convient d'introduire entre les distributeurs de services qui se contentent de relayer l'information et ceux qui la fournissent. (N° 510.)
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le ministre de la culture, ma question a trait à l'évolution du code de la propriété intellectuelle, qui résulte notamment des exigences de l'harmonisation européenne. Le Sénat aura d'ailleurs prochainement à examiner un projet de loi sur ce sujet.
Ma question porte plus particulièrement sur la conduite de la négociation menée ce mois-ci à Genève, en vue de l'adjonction d'un protocole à la convention de Berne de 1971. L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a en effet proposé cette démarche pour actualiser la convention portant sur les droits d'auteurs.
J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur les difficultés qui pourraient résulter des mesures qui seront décidées à Genève, car il ne serait pas sans risque de considérer que les droits exclusifs propres à la disséminénation d'une oeuvre doivent s'appliquer aux copies éphémères, invisibles, rendues indispensables à la transmission de données aux points d'interconnexion des réseaux informatiques.
Je souhaite connaître les orientations données par le Gouvernement aux négociateurs français dudit protocole, notamment quant à la différence qu'il conviendrait d'introduire entre les distributeurs de services qui se contentent de relayer l'information et ceux qui la fournissent. Il me paraît nécessaire de bien distinguer les intérêts et les obligations, d'une part, des auteurs et des éditeurs et, d'autre part, des fournisseurs d'infrastructures.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez à propos des relations entre les fournisseurs de services sur les nouveaux réseaux numériques et les titulaires de droits d'auteur.
Il est exact que la conférence diplomatique en cours à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI, concernant la modernisation de la convention de Berne, traite partiellement ce sujet en précisant l'étendue du droit de reproduction dont disposent les auteurs.
Je sais que diverses initiatives professionnelles tendent à réduire la portée de ce droit. Vous vous en faites aujourd'hui l'écho, certainement, monsieur le sénateur, dans l'intention de favoriser le développement des autoroutes de l'information en France et en Europe, ce qui est, vous le savez, un objectif du Gouvernement.
Personne n'a jusqu'à présent démontré que la protection des auteurs, en l'état de notre droit, puisse compromettre ce développement. C'est ce qu'a exposé, sans être contredite, la réponse française au Livre vert de 1995 de la Commission européenne sur le droit d'auteur face à la société de l'information.
Toutefois, allant dans le sens de vos préoccupations, monsieur le sénateur, j'ai donné pour instruction à notre délégation à l'OMPI que des exceptions au droit d'auteur pouvaient être admises. Il s'agit des cas où la reproduction se limite à un acte technique sans incidence économique sur l'exploitation des oeuvres protégées.
Cette position correspond, me semble-t-il, à un équilibre raisonnable entre la protection des oeuvres de l'esprit, qui est un élément essentiel de notre politique culturelle, et les nécessités techniques de l'exploitation des réseaux numériques.
Je ne manquerai pas de m'exprimer sur le résultat des conversations en cours à Genève, qui, comme vous le savez, ne sont pas encore achevées.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le ministre, je vous remercie des propos que vous venez de tenir et auxquels j'adhère pleinement. Il est en effet nécessaire de concilier à la fois le respect dû aux droits d'auteur et le développement de la société informatique en cette fin du XXe siècle. Je me réjouis de vos dispositions d'esprit et des instructions que vous avez données aux négociateurs français.
Toutefois, compte tenu de la difficulté que l'on éprouve pour trouver un équilibre entre le respect le plus strict possible des droits d'auteur et le développement des réseaux informatiques où l'information circule sans cesse et librement, sans qu'il soit possible d'organiser des péages à chaque copie éphémère, je souhaite que, au fur et à mesure du processus que vous venez de décrire, une concertation s'instaure avec les principaux professionnels engagés dans le développement du réseau informatique pour les autoroutes de l'information.

dégâts causés par la prolifération
des cormorans

M. le président. M. Jean-Claude Carle attire l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur les dégâts provoqués par la prolifération des cormorans dans les zones de pêche et d'aquaculture. Les deux millions et demi de pêcheurs associatifs de France ont, à cet égard, fait de la journée du 26 octobre dernier une journée nationale de protestation contre la prolifération des cormorans.
Protégé par la directive « Oiseaux » de 1979, le cormoran a depuis lors proliféré, envahissant des territoires sur lesquels sa colonisation était inconnue, mettant en danger l'équilibre économique de la pêche et des exploitations aquacoles et minant les efforts entrepris en faveur de la restauration des écosystèmes aquatiques.
Sur l'initiative de l'Alliance européenne des pêcheurs à la ligne, le Parlement européen, dans une résolution adoptée le 15 février 1996, a invité la Commission et le Conseil à étudier des solutions propres à atténuer les effets néfastes des cormorans. La France vient de diligenter une mission d'experts scientifiques. Malgré ces multiples actions, les solutions envisagées à ce jour ne permettront pas de gérer convenablement la prolifération des cormorans.
Dès lors, ne pourrait-on pas envisager l'exclusion du cormoran de l'annexe I de la directive n° 79/409/CEE, des mesures de rééquilibrage dans les zones où la prolifération anormale des cormorans est vérifiée et des interventions de régulation de la reproduction des cormorans ?
Pour avoir lui-même constaté les dommages générés par un vol de cormorans s'abattant sur les étangs de la Dombe, il peut témoigner des pertes que provoquent pour les aquaculteurs et pêcheurs la prolifération incontrôlée de ces volatiles.
Une prolifération excessive de l'espèce est aussi dangereuse pour elle-même que sa raréfaction.
Aussi, il lui demande si elle compte aller dans le sens des mesures évoquées plus haut afin de restaurer un équilibre souhaité par tous. (N° 493.)
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je souhaite attirer votre attention, madame le ministre, sur les dégâts provoqués par la prolifération des cormorans dans les zones de pêche et d'aquaculture. Les deux millions et demi de pêcheurs associatifs de France ont, à cet égard, fait de la journée du 26 octobre dernier une journée nationale de protestation contre la prolifération de ces volatiles.
Protégé par la directive « Oiseaux » de 1979, le cormoran a depuis lors proliféré, envahissant des territoires sur lesquels sa colonisation était inconnue, mettant en danger l'équilibre économique de la pêche et des exploitations aquacoles et minant les efforts entrepris en faveur de la restauration des écosystèmes aquatiques.
Sur l'initiative de l'Alliance européenne des pêcheurs à la ligne, le Parlement européen, dans une résolution adoptée le 15 février 1996, a invité la Commission et le Conseil à étudier des solutions propres à atténuer les effets néfastes des cormorans.
La France vient de diligenter une mission d'experts scientifiques. En dépit de ces multiples actions, les solutions envisagées à ce jour ne permettront pas de gérer convenablement la prolifération des cormorans.
Dès lors, ne serait-il pas possible d'envisager l'exclusion du cormoran de l'annexe I de la directive n° 79/409/CEE, des mesures de rééquilibrage dans les zones où la prolifération anormale des cormorans est vérifiée et des interventions en matière de régulation de la reproduction de ces volatiles ?
Pour avoir moi-même constaté les dommages entraînés par un vol de cormorans s'abattant sur les étangs de la Dombe, je puis témoigner des pertes que provoque pour les aquaculteurs et les pêcheurs la prolifération incontrôlée de ces oiseaux. Une prolifération excessive de l'espèce est aussi dangereuse pour elle que sa raréfaction.
Aussi, madame le ministre, comptez-vous aller dans le sens des mesures que je viens d'évoquer afin de restaurer un équilibre souhaité par tous ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les conséquences des dégâts occasionnés par les grands cormorans sur le milieu piscicole et vous souhaitez connaître les mesures qui ont été prises ou qui le seront pour prévenir la prolifération de ces oiseaux.
Je suis comme vous très sensible au déséquilibre actuel qui nuit effectivement aux pisciculteurs mais qui, en lui-même, n'est pas satisfaisant, l'objectif d'une politique de l'environnement étant d'assurer un équilibre. Comme je l'ai déjà précisé devant la représentation nationale, plusieurs mesures ont déjà été mises en oeuvre.
En premier lieu, les préfets des départements sont désormais autorisés à délivrer, sur demande motivée des pisciculteurs, des autorisations de tir aux exploitants des étangs de pisciculture extensive.
En deuxième lieu, plus de 3 000 cormorans ont été éliminés en 1995, mais les mesures prises sont apparues insuffisantes. Aussi, après avis des conseils spécialisés, j'ai décidé de porter les quotas de prélèvement de 5 % à 10 %, un dépassement de cette limite pouvant même être autorisé par le préfet dans les départements à très forte concentration d'étangs. Cette mesure pourrait conduire à éliminer quelque 10 000 cormorans, ce qui serait quand même considérable.
En troisième lieu, pour 1996, afin de simplifier les démarches administratives, j'ai mandaté les préfets qui, en fonction de la situation locale et après avoir pris l'avis d'un comité réunissant les différents acteurs concernés, peuvent déterminer les secteurs géographiques du département où les tirs seront autorisés.
En quatrième lieu, comme vous venez de le rappeler, j'ai confié une mission d'expertise à deux directeurs de recherche, l'un du CNRS, spécialiste en ornithologie, l'autre de l'INRA, spécialiste en ichtyologie, afin qu'ils procèdent à une analyse globale de la situation et me proposent des solutions de régulation conformes au droit et assurant la prise en compte des activités économiques et le respect des équilibres écologiques.
Les mesures que je prendrai à la suite de ce rapport feront l'objet d'une large consultation de tous les acteurs concernés, tels que les associations de protection des milieux aquatiques, les associations de protection des oiseaux, les pêcheurs et les pisciculteurs.
Par ailleurs, je me suis entretenue de ce sujet avec ma collègue Mme Angela Merkel, en marge du conseil franco-allemand. Dans le cadre d'une démarche commune, je viens de demander à Mme Ritt Bjerregaard, commissaire européen à l'environnement, le déclassement du cormoran phalocrocorax carbo sinensis de l'annexe I de la directive sur la conservation des oiseaux sauvages adoptée le 2 avril 1979.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame le ministre, je vous remercie de ces précisions. J'espère que les mesures que vous avez prises seront réellement appliquées.

construction d'une turbine à combustion
par EDF à Vitry-sur-Seine

M. le président. M. René Rouquet appelle l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur le démarrage des travaux de construction d'une turbine à combustion par EDF sur le site Arrighi de Vitry-sur-Seine à l'heure où de graves problèmes de pollution atmosphérique se posent en Ile-de-France.
Choqué par le caractère pour le moins prématuré et inacceptable du début de ces travaux, décidés avant même d'avoir obtenu les résultats définitifs de l'étude globale de pollution réclamés à maintes reprises sur ce secteur qui paye déjà un lourd tribut aux nuisances atmosphériques, il lui demande de bien vouloir lui faire part de la position du Gouvernement sur cette situation, qui suscite les plus vives inquiétudes au regard de la santé publique. (N° 500.)
La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Madame le ministre, je suis très heureux que vous soyez présente pour répondre à cette question, qui me tient énormément à coeur.
La mise en oeuvre effective du projet de loi sur l'air, qui vient d'être adopté en commission mixte paritaire, est désormais attendue avec une légitime impatience par de nombreux élus locaux, dont je suis, qui n'admettent pas de voir nos concitoyens subir plus longtemps les conséquences des nuisances atmosphériques sur leur santé.
Aussi, je voudrais appeler votre attention sur le lancement par EDF des travaux de construction d'une nouvelle turbine à combustion sur le site d'Arrighi de Vitry-sur-Seine, déjà amplement pourvu en unités à caractère polluant.
Cette situation provoque les plus vives inquiétudes dans ma commune d'Alfortville, qui est située juste de l'autre côté de la Seine. Il s'agit, en effet, d'un secteur d'habitations très proche du site, et des milliers d'habitants ont assisté, depuis la fin du mois de septembre, sous leurs fenêtres, à l'ouverture d'un chantier pour le moins prématurée. En effet, celle-ci est intervenue avant même que l'autorisation d'exploitation de l'établissement ait été officiellement notifiée par l'Etat et sans que mon conseil municipal ait eu connaissance des résultats définitifs, pourtant maintes fois réclamés, de l'étude globale de pollution sur ce site industriel.
J'attends, madame le ministre, que le Gouvernement adopte une position claire face à l'attitude hégémonique et pour le moins irresponsable d'EDF. L'attitude de cette entreprise est en effet hégémonique, parce qu'elle choisit de privilégier des intérêts fonciers en exploitant une installation sur un site dont elle est propriétaire, au mépris des craintes et des oppositions qui se sont exprimées à propos des risques réels que crée la concentration d'unités polluantes dans ce secteur ; l'attitude de cette entreprise est également irresponsable parce qu'elle n'hésite pas à engager des fonds publics, ceux que vous et moi alimentons de façon régulière par le paiement de nos factures d'électricité, pour financer à concurrence de plusieurs centaines de millions de francs un projet qui n'a pas encore obtenu officiellement, à ce jour, l'autorisation d'exploitation.
Madame le ministre, il s'agit de savoir si aujourd'hui, dans notre pays, une telle entreprise publique est au-dessus des lois pour qu'elle se permette, à l'heure où s'exerce un contrôle rigoureux des dépenses publiques, de se lancer ainsi dans de tels travaux. Il s'agit aussi de dire si aujourd'hui, dans notre pays, il y a deux poids, deux mesures et si les efforts de rigueur budgétaire qui sont demandés aux collectivités locales ne s'appliquent pas à une entreprise comme EDF.
Qu'adviendrait-il, madame le ministre, si d'aventure un maire ou un président de conseil général engageait ce type de dépenses sans plus de garanties ? Qu'adviendrait-il enfin si, à la suite du recours que notre commune vient d'introduire sur ce dossier, la justice établissait qu'une erreur a été commise et donnait satisfaction à Alfortville ?
Madame le ministre, les habitants d'Alfortville, de Maisons-Alfort, de Vitry-sur-Seine et de Choisy-le-Roi souhaitent aujourd'hui connaître votre position sur ce chantier et soulignent une fois de plus l'attitude hégémonique de cette grande entreprise publique, qui est vécue dans ma commune comme une véritable provocation doublée d'une profonde injustice.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous savez à quel point je suis soucieuse des problèmes de pollution atmosphérique. Je comprends donc l'inquiétude que vous avez manifestée. Je ne vous répondrai pas sur la question du permis de construire, qui ne relève pas de ma compétence. Vous savez que notre droit distingue la législation de l'urbanisme, qui aboutit à la délivrance du permis de construire, et la législation des installations classées, qui aboutit à l'autorisation d'exploitation. Ainsi, dans de nombreux cas, en application de la loi, même si l'on peut s'interroger du point de vue du bon sens, un permis de construire peut être délivré et une construction débuter avant qu'une autorisation d'installation classée soit délivrée.
Cela dit, je vous rappelle la législation actuelle en matière d'installations classées, qui relève de ma compétence.
La demande d'autorisation d'exploiter, déposée par EDF le 20 novembre 1995, a été instruite conformément aux dispositions de la loi du 19 juillet 1976. Une enquête publique, au cours de laquelle vous vous êtes du reste exprimé, s'est déroulée du 21 mai au 20 juin 1996. Simultanément, l'ensemble des services administratifs ainsi que les conseils municipaux de Vitry-sur-Seine et des communes avoisinantes ont été consultés. Le conseil départemental d'hygiène du Val-de-Marne a donné un avis favorable le 22 octobre 1996 et un arrêté préfectoral d'autorisation d'exploiter a été délivré le 22 novembre 1996.
L'arrêté réglemente les émissions polluantes de l'installation à des niveaux très bas correspondant à la mise en oeuvre des meilleures technologies actuellement disponibles. Les rejets soufrés de l'installation ne devraient pas dépasser le centième, c'est-à-dire 43 tonnes par an contre 5 000, et les rejets d'oxyde d'azote le cinquantième, soit 54 tonnes par an contre 2 500, des rejets de la centrale thermique existante.
La faiblesse de ces augmentations confirme la justesse de l'avis favorable du conseil départemental d'hygiène du Val-de-Marne et devrait permettre d'exclure les vives inquiétudes pour la santé publique dont vous faites état.
Cela dit, monsieur le sénateur, je vous rappelle que nous sommes dans le cadre d'une législation des installations classées et que si, d'aventure, les dispositions paraissaient insuffisantes dans les années à venir, elles pourraient toujours être modifiées.
M. René Rouquet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Vous vous doutez bien, madame le ministre, que je ne suis pas satisfait de votre réponse. Bien sûr, elle fait référence à des textes et à des décisions, mais il n'en reste pas moins que ce secteur comprend déjà un certain nombre d'installations très polluantes. Celle dont nous parlons n'accroîtra sans doute pas énormément la pollution, mais elle en ajoutera un peu plus. On vient en effet d'autoriser sur le site d'Arrighi l'installation d'une turbine, mais d'autres viendront s'y ajouter.
Par ailleurs, une usine d'incinération des déchets sera construite en plein centre urbain, sur le site d'Alfortville-Vitry.
Nous avions déjà demandé à M. le préfet ainsi qu'à vous-même, madame le ministre, qu'une étude soit menée dans ce secteur pour recueillir des données globales sur la pollution. Or, à ce jour, nous n'avons pas encore obtenu satisfaction. A chaque fois, on nous dit que ces installations n'augmentent que très peu la pollution. Malheureusement, elles sont toujours situées au même endroit. On installe des turbines d'appoint pour l'hiver en plein centre-ville dans la région parisienne ! Pourquoi pas boulevard Haussmann ?
Pourquoi Alfortville-Vitry ? Pourquoi toujours l'est parisien ? Pourquoi ce sont toujours les mêmes qui « trinquent » ? Demain, il s'agira de l'usine d'incinération d'ordures ménagères, puisque le SIVOM a obtenu un vote favorable du conseil général pour l'installer sur le site d'Alfortville-Vitry, afin de brûler les ordures ménagères de Paris et de la Seine-Saint-Denis. On va convoyer par train et par voie fluviale, nous dit-on, des ordures de Romainville, et c'est une fois de plus ce secteur très urbanisé et très industrialisé du Val-de-Marne qui paiera.
Les habitants de cette région en ont plus qu'assez et ils vont finir par se révolter !
J'attire votre attention, madame le ministre, pour que l'on étudie tous ces dossiers d'une façon un peu plus humaine, en tenant compte des impératifs de santé publique plutôt qu'en considérant les problèmes de législation, de droit, d'installations classées. Je vous remercie de ce que vous pourrez faire à l'avenir pour ce secteur.

FINANCEMENT DES TRAVAUX DE PRÉVENTION
DES RISQUES NATURELS PRÉVISIBLES

M. le président. Mme Janine Bardou attire l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur les conditions d'application de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, ce à la suite d'un éboulement survenu, fin 1995, sur une commune de son canton - Barjac, en Lozère - qui a causé la mort d'une personne et des dégâts à plusieurs habitations.
Ce village, d'environ six cents habitants, est en effet surplombé par une falaise pour laquelle une mission d'expertise technique a été diligentée par les services de l'Etat.
Cette étude, récemment menée sur ce site, évaluant précisément le risque et définissant les mesures de sécurité adaptées, a conclu à l'instabilité de cette falaise et à la possibilité de prévenir les risques d'éboulement par la réalisation d'ouvrages de protection.
L'article 11 de la loi suscitée prévoit, en cas de risques naturels majeurs, une procédure d'expropriation diligentée par l'Etat à la condition que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation.
Or, dans le cas de Barjac, le coût des ouvrages de protection envisagés, bien que très important, demeure toutefois inférieur à la valeur vénale des habitations susceptibles d'être atteintes par des blocs, mais reste hors de proportion avec les moyens financiers de cette petite commune.
Dans une telle situation, il semble qu'aucun financement spécifique ne soit prévu par la loi car il n'est pas possible d'émarger au fonds de prévention des risques naturels majeurs.
C'est pourquoi elle lui demande quels moyens sont à la disposition de la commune et notamment s'il n'est pas possible d'envisager de réserver une part de ce fonds aux communes qui se trouvent dans cette situation.
Enfin, elle souhaiterait également connaître les recours financiers qui existent pour assurer les travaux de prévention des risques naturels prévisibles. (N° 508.)
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. J'ai l'honneur d'attirer l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur les conditions d'application de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, ce à la suite d'un éboulement survenu, fin 1995, sur une commune de mon canton - Barjac, en Lozère - qui a causé la mort d'une personne et des dégâts à plusieurs habitations.
Ce village d'environ six cents habitants est en effet surplombé par une falaise pour laquelle une mission d'expertise technique a été diligentée par les services de l'Etat.
L'étude qui a été récemment menée sur ce site, évaluant précisément le risque et définissant les mesures de sécurité adaptées, a conclu à l'instabilité de cette falaise et à la possibilité de prévenir les risques d'éboulement par la réalisation d'ouvrages de protection.
L'article 11 de la loi suscitée prévoit, en cas de risques naturels majeurs, une procédure d'expropriation diligentée par l'Etat, à la condition que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation.
Or, dans le cas de Barjac, le coût des ouvrages de protection envisagés, bien que très important, demeure toutefois inférieur à la valeur vénale des habitations susceptibles d'être atteintes par des blocs, mais reste hors de proportion avec les moyens financiers de cette petite commune.
Dans une telle situation, il semble qu'aucun financement spécifique ne soit prévu par la loi, car il n'est pas possible d'émarger au fonds de prévention des risques naturels majeurs.
C'est pourquoi je me permets de vous demander, madame le ministre, quels moyens sont à la disposition de la commune et notamment s'il n'est pas possible d'envisager de réserver une part de ce fonds aux communes qui se trouvent dans cette situation.
Enfin, je souhaiterais également connaître les recours financiers qui existent pour assurer les travaux de prévention des risques naturels prévisibles.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Madame le sénateur, le ministre de l'environnement en charge de la prévention des risques majeurs est particulièrement préoccupé par la question que vous venez de poser. Le cas de la commune de Barjac, en Lozère, est en effet représentatif de situations locales particulièrement difficiles à gérer.
Les conclusions des études réalisées par le préfet de Lozère après l'accident mortel du 8 octobre 1995 montrent qu'il ne peut être fait recours à l'application de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement pour mettre en sécurité les populations menacées par la voie de l'expropriation pour risque naturel majeur. Le coût des ouvrages de protection, de l'ordre de 10 millions de francs, est en effet moins élevé que les indemnités d'expropriation, compte tenu du nombre d'habitations concernées. Ces coûts sont, par ailleurs, hors de proportion avec les possibilités financières des propriétaires.
Etant donné la nature des travaux préventifs à engager, qui peuvent être qualifiés de travaux d'intérêt collectif, il appartient en premier lieu à la commune d'en examiner la mise en oeuvre dans le cadre de ses compétences et, bien entendu, de ses possibilités financières.
Des subventions peuvent être recherchées auprès des autres collectivités et du ministère de l'intérieur, qui dispose de crédits d'aide limités. En ce qui le concerne, mon département ministériel n'a pas de crédits spécifiques pouvant financer des travaux. En revanche, il a pris à sa charge l'intégralité des expertises et études réalisées par le préfet de Lozère, pour un montant total de 552 488 F. Il a, par ailleurs, financé le plan de prévention des risques prescrit par le préfet de Lozère le 30 janvier 1996 sur la commune de Barjac, afin de prendre en compte les risques naturels prévisibles dans le droit des sols.
Des réflexions sont actuellement engagées par l'instance d'évaluation de la politique publique de prévention pour résoudre les problèmes financiers posés par la réalisation de tels travaux. Le Gouvernement examinera très attentivement les propositions qui lui seront faites. Elles lui permettront peut-être d'envisager des solutions plus satisfaisantes que celles que je suis en mesure de vous apporter aujourd'hui.
Mme Janine Bardou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Madame le ministre, je souhaite tout d'abord vous remercier de l'aide que votre ministère a apportée en ce qui concerne les études et expertises des travaux que nous sommes susceptibles de réaliser. Mais vous comprendrez que votre réponse ne me satisfait pas tout à fait.
En effet, Barjac est une petite commune de 600 habitants et son budget de fonctionnement s'élève à 2,5 millions de francs. Avec un tel budget, elle n'a pas les moyens d'entreprendre ces travaux, dont le coût atteint 10 millions de francs. Ceux-ci peuvent, il est vrai, être étalés sur cinq ans, mais la situation demeure extrêmement dangereuse.
Or, s'il survenait un sinistre comme celui que nous avons connu, le maire serait responsable. Je regrette vraiment que l'on ne puisse pas apporter à ce maire tous les apaisements nécessaires. A l'heure actuelle, des financements sont recherchés, mais il sont plus difficiles à trouver qu'on ne le pense. La commune ne pourra donc apporter qu'une contribution très faible.
Il est urgent d'étudier ces cas qui, dans l'avenir, peuvent se reproduire.

prévention de l'échec scolaire chez les enfants
dits intellectuellement précoces

M. le président. M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessité de mettre en place une politique de prévention de l'échec scolaire chez les enfants dits intellectuellement précoces.
Il n'est pas encore suffisamment su que ces enfants sont aujourd'hui en situation d'échec pour la simple raison que, dès leur plus jeune âge, leur goût de l'étude n'a pas été stimulé par un rythme d'apprentissage adapté à leurs potentialités et qu'ils se sont ennuyés à l'école.
Or ces enfants, loin de n'être pas faits pour l'école, sont trop faits pour l'école : ce sont en effet des enfants extrêmement vifs, curieux de tout, imaginatifs, animés d'une soif d'apprendre telle qu'ils deviennent très facilement la proie de l'ennui lorsqu'ils doivent suivre un rythme trop lent pour eux.
Bénéficiant d'immenses facilités, ils ne sont pas entraînés à l'effort personnel et n'acquièrent pas les méthodes de travail nécessaires pour réussir dans les études supérieures. Or ces méthodes doivent s'acquérir le plus tôt possible - dès les premières années - pour permettre à ces enfants intellectuellement précoces de donner toute leur mesure.
Ils représentent de 2,5 % à 5 % d'une classe d'âge et appartiennent à tous les milieux, car la précocité n'est pas un phénomène social ; ce qui l'est, c'est l'aide que reçoivent ceux qui ont la chance d'appartenir à des familles culturellement favorisées, parce que ces familles sauront souvent persuader les enseignants qu'une solution plus adaptée est à trouver pour leur enfant.
Il faut savoir que 33 % de ces enfants sont en situation d'échec en fin de troisième et que 17 % font des études médiocres. C'est un gâchis qui, comme tous les gâchis, n'est pas acceptable.
C'est pourquoi il lui demande ce qu'il envisage de mettre en oeuvre pour apporter une solution à ce problème, car il n'est dans le rôle de la République ni d'abandonner aux seuls établissements privés sous contrat le soin de le régler ni de laisser des écoles sans contrat, donc sans contrôle, se créer et faire croire aux parents qu'elles détiennent la solution. (N° 511.)
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; elle concerne la prévention de l'échec scolaire chez les enfants dits « intellectuellement précoces ».
Il n'est pas encore suffisamment su, madame le ministre, que ces enfants sont aujourd'hui en situation d'échec pour la simple raison que, dès leur plus jeune âge, leur goût de l'étude n'a pas été stimulé par un rythme d'apprentissage adapté à leurs potentialités et qu'ils se sont ennuyés à l'école.
Or ces enfants, loin de n'être pas faits pour l'école, sont - si vous me permettez cette expression - trop faits pour l'école : ce sont en effet des enfants extrêmement vifs, curieux de tout, imaginatifs, animés d'une soif d'apprendre telle qu'ils deviennent très facilement la proie de l'ennui lorsqu'ils doivent suivre un rythme trop lent pour eux.
Bénéficiant d'immenses facilités, ils ne sont pas entraînés à l'effort personnel et n'acquièrent pas les méthodes de travail nécessaires pour réussir dans les études supérieures. Or ces méthodes doivent s'acquérir le plus tôt possible - dès les premières années - pour permettre à ces enfants intellectuellement précoces de donner toute leur mesure.
Ils représentent de 2,5 % à 5 % d'une classe d'âge et appartiennent à tous les milieux - j'insiste sur ce point - car la précocité n'est pas un phénomène social ; ce qui l'est, c'est l'aide que reçoivent ceux qui ont la chance d'appartenir à des familles culturellement favorisées, parce que ces familles sauront souvent persuader les enseignants qu'une solution plus adaptée est à trouver pour leur enfant.
Il faut savoir que 33 % de ces enfants sont en situation d'échec en fin de troisième et que 17 % d'entre eux font des études médiocres. C'est un gâchis qui, comme tous les gâchis, n'est pas acceptable.
C'est pourquoi je vous demande, madame le ministre, ce que vous envisagez de mettre en oeuvre pour apporter une solution à ce problème. Vous conviendrez, en effet, qu'il n'est dans le rôle de la République ni d'abandonner aux seuls établissements privés sous contrat le soin de le régler ni de laisser des écoles sans contrat, donc sans contrôle, se créer et faire croire aux parents qu'elles ont la solution.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue François d'Aubert, qui a dû repartir. Je vais donc vous apporter les éléments de réponse qu'il souhaitait vous communiquer.
Je tiens tout d'abord à rappeler qu'il n'existe pas de données chiffrées officielles sur ce sujet.
Ensuite, le nouveau contrat pour l'école a mis en place des mesures qui visent à favoriser la réussite des élèves par un enseignement adapté à la diversité de leurs souhaits, de leurs aptitudes et de leurs besoins, qu'il s'agisse d'élèves qui éprouvent des difficultés d'apprentissage ou d'élèves plus précoces dans l'acquisition et la constitution des savoirs. Donner sa chance à chacun, tel est l'objectif du nouveau contrat pour l'école.
Ainsi, pour le premier degré, la nouvelle organisation de l'école en cycles pédagogiques pluriannuels apporte aux élèves une réponse adaptée à leurs besoins, à la diversité de leurs aptitudes. Elle permet de trouver un rythme de scolarité qui convient à leur développement.
Certains élèves peuvent accomplir un cycle d'études des apprentissages fondamentaux ou des approfondissements en deux ans, d'autres en quatre ans ; la très grande majorité des élèves l'effectuent en trois ans.
Cette organisation de l'école permet de ne pas constituer, pour certains enfants, des classes spéciales au sein de la même école.
Il est important de répondre de façon pertinente à la rapidité des acquisitions cognitives. Néanmoins, il demeure nécessaire de prendre en compte les aptitudes, le comportement et de veiller aux aspects liés aux capacités physiques et artistiques, à l'acquisition des méthodes de travail personnel.
Pour le second degré, la nouvelle architecture en trois cycles définie par le décret du 29 mai 1996 relatif à l'organisation de la formation au collège traduit ces objectifs. Il propose à tous les élèves, jusqu'à la classe de troisième, des « parcours de réussite » pour les préparer à la poursuite de leurs études dans les meilleures conditions.
Dans le cadre de la mise en oeuvre du nouveau collège, la possibilité est offerte au collège de mettre en place, dans le cycle normal, conformément à la note de service n° 96-132 du 10 mai 1996, des parcours diversifiés fondés sur les centres d'intérêt des élèves et prenant appui sur leurs domaines d'excellence. Ces parcours, qui doivent permettre de mieux prendre en compte l'hétérogénéité des élèves, sont organisés pour répondre aux difficultés de certains élèves, mais également pour enrichir les apprentissages de chacun.
En outre, il est prévu que, à compter de la classe de cinquième, chaque élève pourra enrichir son parcours d'un ou deux enseignements optionnels facultatifs, en sus des enseignements communs. La réintroduction, dès la cinquième, de l'option facultative de latin, qui constitue désormais non plus une simple initiation mais un véritable apprentissage, enrichit également le cycle central.
Les arrêtés relatifs au cycle central et au cycle d'orientation, qui seront publiés au cours du premier semestre de 1997, fixeront l'organisation des enseignements applicable à partir de la rentrée scolaire de 1997.
Pour les cinquièmes et les quatrièmes, ils laissent aux établissements une marge de souplesse et leur permettent de mettre en place des parcours diversifiés, qui doivent également bénéficier aux élèves dont le rythme d'acquisition est plus élevé.
C'est dans ce cadre que les élèves qui font preuve d'un rythme d'acquisition plus élevé doivent trouver leur parcours de réussite.
M. Alain Gournac. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je vous remercie, madame le ministre, de votre réponse. Cependant, s'il n'y a pas de statistiques officielles, il y a des statistiques officieuses, puisque de nombreux enseignants ont étudié ce problème qui est, me semble-t-il, reconnu par l'ensemble des collègues ici présents.
Par conséquent, pourquoi ne pas engager une concertation avec les enseignants qui s'intéressent à cette question sur le terrain et, le cas échéant, oeuvrer avec le ministre de l'éducation nationale pour faire évoluer les choses ? Le dialogue et l'échange seraient enrichissants.
Je souhaite insister en premier lieu sur l'enseignement primaire, car c'est là que naît l'ennui et que se crée le problème qui s'amplifiera dans le secondaire. Il est donc nécessaire d'être très vigilant afin d'éviter la dérive de ces enfants qui ont la faculté d'apprendre plus vite que les autres. En effet, comme ils s'ennuient, ils partent dans une direction tout à fait incroyable au regard de leurs possibilités.

Réglementation
de la vente par correspondance

M. le président. M. Marcel Bony attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les agissements de certaines entreprises de vente par correspondance qui cherchent à se constituer une clientèle de façon méprisable, en abusant de la crédulité, quelquefois même de la détresse dans laquelle se trouvent certaines personnes.
Ces sociétés n'hésitent pas à « matraquer » le consommateur potentiel en lui adressant des courriers laissant croire, à grand renfort de gros titres, de gros caractères et d'encadrés en couleur, qu'il a gagné un prix d'une valeur importante. La plupart du temps, ce genre de démarchage ne résiste pas à une analyse très attentive du texte. Il apparaît généralement, au verso des documents et en petits caractères, que ce prétendu prix sera partagé entre tous les gagnants.
Cependant, dans la mesure où les envois sont personnalisés, quelqu'un d'un peu fragile peut mal les interpréter. Dès lors, convaincu d'avoir gagné, il passe évidemment une commande importante en risquant de mettre à mal sa situation financière, puisqu'il ne reçoit au bout du compte qu'un lot d'une valeur de quelques francs.
Devant ce qu'il considère comme une véritable escroquerie, il lui demande de lui faire connaître quelles mesures il envisage de prendre pour mettre un terme à ce genre d'agissements et protéger le consommateur de ces initiatives malhonnêtes qui bafouent l'esprit des lois de la République. (N° 490.)
La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque j'ai déposé ma question, le procès de France Direct Service n'avait pas encore eu lieu.
Toutefois, c'est notamment à propos des agissements de cette société que j'y avais songé car elle me semble être une des plus actives dans ce domaine. Bien entendu, il en existe beaucoup d'autres, qui ont prospéré au cours des dernières années sous les effets conjugués de la crise, des nouvelles techniques de communication, du vieillissement de la population et peut-être aussi de l'ouverture des frontières.
De la loterie promettant le gain d'une automobile aux publicités trompeuses vantant les propriétés de tel marc de raisin amincissant ou autre savon dévoreur de graisse, tout est bon pour piéger le chaland. De quoi devenir, en un clin d'oeil, belle - ou beau - jeune et riche !
La désillusion est souvent à la hauteur des gains mirobolants espérés, car le démarchage est d'autant plus pervers qu'il est nominatif et qu'une personne un peu fragile est facilement induite en erreur.
J'en connais d'ailleurs qui, en butte à d'importants problèmes financiers, ont sombré dans la dépression. Pour les gens, seule compte la somme d'argent mentionnée en caractères géants dans la lettre qu'ils reçoivent. C'est pour eux le seul moyen rapide de mettre fin à leurs soucis.
Fréquemment, las des privations, ils passent commande à l'entreprise qui s'est montrée si généreuse envers eux. Cette prodigalité leur vaut un endettement encore plus important, et généralement un profond abattement lorsqu'ils se rendent à l'évidence. Pourtant, même s'ils jurent qu'on ne les y prendra plus, ils sont prêts à tomber dans le prochain filet qui leur sera tendu.
La technique commerciale est bien au point, mais la morale est loin d'y trouver son compte.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je prends note avec satisfaction de la constitution d'une nouvelle jurisprudence en matière de vente par correspondance.
Cependant, puisqu'un observatoire des loteries commerciales a été créé pour dresser, avant la fin de l'année, un bilan de la concrétisation des bonnes intentions qui sont à présent affichées par la profession, envisagez-vous d'ores et déjà des suites législatives ou réglementaires ?
Par ailleurs, j'ai hésité sur le point de savoir si je devais poser cette question au ministre de la justice ou à celui qui est en charge de la consommation. Si j'ai finalement choisi le premier, c'est en raison des huissiers de justice associés à ce genre de loteries. N'y aurait-il pas moyen de faire en sorte que leur fonction ne soit pas utilisée comme argument commercial pour gruger un million de personnes par an ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, qui aurait aimé répondre lui-même à votre question, mais il en a été empêché ce matin. Je me sens moi aussi, comme mon collègue en charge de la consommation, concerné par les préoccupations que vous exprimez, et vous savez que le Gouvernement s'est mobilisé à plusieurs reprises pour lutter contre toutes les formes de l'arnaque : un colloque a été organisé récemment sur ce sujet et nous affirmons sans cesse que les bons commerçants sont ceux qui respectent les consommateurs.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, M. Jacques Toubon, est particulièrement conscient de la gravité des agissements que vous avez évoqués, monsieur Bony.
Il est vrai que l'utilisation de pratiques commerciales fort douteuses pour surpendre la bonne foi des consommateurs a pris, au cours des dernières années - et l'exemple que vous avez cité est une nouvelle manifestation de ces dysfonctionnements -, une ampleur toute particulière liée à différents facteurs tels que la vente par correspondance, l'utilisation de l'outil informatique, les moyens de diffusion modernes de communication et la précarisation d'une partie de la population qui se fait également sentir dans d'autres domaines. La conjonction de tous ces facteurs conduit à un certain nombre d'abus qui sont vraiment répréhensibles.
Afin de sensibiliser encore davantage les parquets à ce phénomène, une circulaire va leur être très prochainement adressée, d'une part, pour les inviter à exercer l'action publique avec rapidité et détermination afin de mettre rapidement un terme à ces pratiques et, d'autre part, pour leur suggérer de nouer des relations plus étroites avec les associations de consommateurs auxquelles la loi a octroyé des droits importants. Telle est donc la réponse que, par ma voix, M. le garde des sceaux souhaitait vous faire.
Par ailleurs, des journées d'information vont être organisées entre les services de la Chancellerie et ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes afin de mieux coordonner l'action de l'Etat en cette matière.
Enfin, un groupe de travail interministériel va réfléchir à d'éventuelles modifications législatives susceptibles de donner plus d'efficacité à l'action de l'Etat en ce domaine.
M. Marcel Bony. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je souhaite, comme vous, que la moralisation de la vente par correspondance porte tous ses fruits afin que nos concitoyens, en particulier les plus faibles, ne soient pas piégés par de telles opérations.
Peut-être serait-il opportun de durcir la réglementation relative à l'exploitation des informations nominatives afin que les entreprises spécialisées dans la gestion des fichiers n'aient plus la possibilité de revendre lesdits fichiers sans l'autorisation des principaux intéressés aux sociétés commerciales qui souhaitent monter une campagne publicitaire ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en considération cette suggestion.

Projet d'un centre commercial
« Carré de Sénart » (ex-Francilia)

M. le président. M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat sur les risques que fait peser le projet du centre commercial Francilia de 45 000 mètres carrés, désormais baptisé « Carré de Sénart », sur l'équilibre précaire de l'activité commerciale des centres-villes alentour : Evry, Corbeil-Essonnes, Melun.
Ce nouveau suréquipement commercial menace en effet directement les commerces traditionnels et va à l'encontre de sa volonté maintes fois répétée d'assurer aux commerçants et artisans une nouvelle chance de se développer ou même de survivre, comme en témoigne la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.
Il lui rappelle que ce projet a fait l'objet de quatre avis défavorables : celui de la commission départementale d'urbanisme commercial de l'Essonne, celui de la commission nationale d'urbanisme commercial de Seine-et-Marne, celui de la commission nationale d'urbanisme commercial et celui du commissaire enquêteur plus récemment, en décembre 1994.
C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir envisager un sursis à exécution de ce projet pendant quatre ans, afin d'attendre que les habitants correspondants viennent s'installer sur place. (N° 489.)
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. La loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, votre loi, monsieur le ministre, constitue un des éléments essentiels du dispositif de votre plan PME pour la France.
Le Gouvernement est déterminé à rééquilibrer le paysage commercial et artisanal en faveur des centres-villes, où les petites et moyennes entreprises trouvent un terrain de choix pour un nouvel essor. C'est de l'Ile-de-France dont je veux vous entretenir aujourd'hui, car le développement des équipements commerciaux de la périphérie de cette région est particulièrement fragilisé.
Vous comprendrez que notre mobilisation soit forte pour enrayer la multiplication de ces nouveaux équipements. Nous sommes déterminés, qu'il s'agisse des élus, des représentants de l'administration ou des responsables du milieu économique, à nous opposer vigoureusement au projet de centre commercial du « Carré de Sénart », ex-Francilia, parce qu'il détruit l'équilibre déjà précaire de notre région.
Rappelons que, à quatre reprises déjà, les décideurs s'étaient montrés défavorables à ce projet : la commission départementale d'urbanisme commercial de Seine-et-Marne, celle de l'Essonne, la commission nationale d'urbanisme commercial et, enfin, le commissaire enquêteur qui a rendu son rapport en décembre 1994 s'étaient ainsi opposés à la création du centre commercial.
Les nombreuses déclarations du Gouvernement sur ce sujet avaient donné beaucoup d'espoir aux commerçants et aux artisans de nos départements, car ceux-ci ne supporteraient pas de voir s'installer à leur porte un nouvel équipement commercial de cette importance.
En effet, depuis 1992, les prévisions démographiques ont été revues et la situation économique a évolué. A l'époque, l'autorisation avait été accordée sur la foi de perspectives qui sont démenties par la réalité d'aujourd'hui. Nous demandons que la décision qui avait été prise par le ministre alors responsable du dossier soit rapportée.
Les habitants de notre région souhaitent la création d'équipements culturels et de loisirs, mais en aucun cas d'un hypermarché dont l'implantation se ferait au détriment des activités qui existent déjà et, en particulier, des commerces traditionnels indispensables à la vie de nos communes. Les chambres de commerce et d'industrie sont disposées à participer à la réorientation de ce projet.
Qui peut dire aujourd'hui quel serait le résultat, entre la taxe professionnelle qui serait versée par le « Carré de Sénart » et celle que perdraient les communes avoisinantes pour leur commerce, leur artisanat et l'ensemble de leur activité économique ?
Le 17 septembre dernier, le député de Seine-et-Marne, le maire de Corbeil-Essonnes, le maire de Melun, le député de Dammarie-les-Lys, le président de la chambre de métiers, le président de la chambre de commerce et d'industrie ainsi que moi-même avons attiré l'attention de M. le Premier ministre sur ce point. Aujourd'hui, nous attendons toujours le résultat de ces interventions.
Nous demandons, monsieur le ministre, une mesure simple, à savoir un sursis à exécution de trois ans - quatre ans serait mieux - en attendant que les habitants qui correspondraient à cet équipement s'installent sur place.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le sénateur, pour avoir été rapporteur de nombreux projets de loi, vous connaissez bien tous les textes liés au commerce et à la concurrence ; votre analyse sur ce sujet conjugue la compétence nationale et la préoccupation locale. Je suis personnellement profondément d'accord avec votre analyse. Les territoires de l'Essonne et de la Seine-et-Marne me paraissent bien couverts en hypermarchés. Les décisions récentes, pour les raisons que l'on sait, ont toujours conduit à des accélérations, donc à l'ouverture de grandes surfaces, avec des dysfonctionnements sur la pratique économique que nous avons, les uns et les autres, mesurés.
Je n'apprécie d'ailleurs pas, quand on examine la situation du point de vue national, que l'on fasse toujours appel à la politique commerciale pour résoudre d'autres problèmes. Ainsi, des infrastructures, des sociétés d'économie mixte, un certain nombre d'équipements sont légitimés par le biais de la politique commerciale.
Or la politique commerciale est une. Elle doit concerner le commerce. Il ne faut pas, à travers elle, chercher à résoudre de nombreux dysfonctionnements qui existent par ailleurs.
Je suis donc très sensible à votre approche, monsieur le sénateur, mais, vous le savez, nous sommes dans un cadre juridique très précis, dont je voudrais rappeler les grandes lignes.
Le 30 octobre 1992, le ministre délégué au commerce et à l'artisanat a autorisé la société civile immobilière Francilia à créer en Seine-et-Marne, à Lieusaint, un centre commercial d'une surface de vente de 45 000 mètres carrés.
Cette décision ministérielle - car, à l'époque, la décision était ministérielle - a été déférée pour excès de pouvoir au tribunal administratif de Versailles par la commune de Lieusaint. Par un jugement en date du 3 mai 1994, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de la commune de Lieusaint et confirmé, en conséquence, la légalité de l'autorisation ministérielle du 30 octobre 1992.
Ce jugement du tribunal administratif en date du 3 mai 1994 a fait l'objet d'un appel auprès de la cour administrative d'appel de Paris. Cependant, dans un mémoire du 28 novembre 1995, la commune de Lieusaint s'est désistée de sa requête. Par une ordonnance du 8 décembre 1995, la cour administrative d'appel de Paris a donné acte du désistement de la requête de cette commune.
L'autorisation ministérielle du 30 octobre 1992 est donc devenue définitive. Sur le plan juridique, elle ne peut faire l'objet d'un retrait ou d'un sursis à exécution par le ministre en charge du commerce et de l'artisanat, qui, en tout état de cause, et depuis la loi du 29 janvier 1993, n'a pas le pouvoir d'autoriser ou de refuser les projets d'implantation de commerces de détail.
En effet, depuis 1993, l'ultime recours au ministre, qui a conduit à des errements coupables dans le passé, n'existe plus : c'est la commission nationale de l'équipement commercial qui assume cette fonction de recours et donc de décision finale.
Cela signifie qu'aujourd'hui le ministre n'a pas la possibilité juridique de contester les autorisations accordées.
Le sujet que vous évoquez est très préoccupant. Nous nous sommes intéressés de très près au dossier et nous avons mené un certain nombre d'expertises. L'approche que vous proposez, monsieur le sénateur, à savoir le sursis à exécution, peut, je crois, rassembler un grand nombre de partenaires. Je pense que ce serait la voie de la sagesse, à laquelle nous travaillons.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Effectivement, nous pensions que votre rayonnement et celui du Gouvernement pourraient permettre de compenser, si je puis dire, la volonté de la ville nouvelle de Melun-Sénart, qui a pesé d'un poids très lourd dans ce dossier.
Il me paraît intelligent de reporter cette décision de quelques années : cela satisferait tout le monde et permettrait à ce centre de justifier son implantation par un réel rayonnement commercial. J'ai en effet été très sensible à vos propos, les objectifs d'habitat doivent l'emporter sur le seul aspect commercial. Il faut d'abord construire les habitations, et ensuite seulement les équipements commerciaux.
En conclusion, je vous remercie, monsieur le ministre, de l'action que vous menez dans ce domaine.

Compensation des dépenses
supportées par les communes
en matière d'environnement et de sécurité

M. le président. M. Edouard Le Jeune attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les dépenses souvent insupportables mises à la charge des communes, et plus particulièrement des communes rurales.
En effet, les normes édictées aux niveaux national et européen en matière, notamment, d'environnement et de sécurité, induisent de nouvelles dépenses qui viennent grever les budgets communaux dans un contexte économique et financier difficile.
C'est le cas, en particulier, des décrets ou arrêtés du 7 février 1996 sur la protection de la population contre les risques liés à l'exposition à l'amiante, mais également des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'assainissement.
Il lui demande ce que l'Etat entend faire afin de compenser ces charges indues qui pèsent, à la fois, sur les collectivités et les contribuables locaux. (N° 502.)
La parole est à M. Le Jeune.
M. Edouard Le Jeune. Monsieur le ministre, ma question concerne les dépenses souvent insupportables mises à la charge des communes, et plus particulièrement des communes rurales, sans qu'il y ait compensation financière de la part de l'Etat.
En effet, les normes législatives et réglementaires édictées aux niveaux national et européen en matière, notamment, d'environnement et de sécurité, induisent de nouvelles dépenses qui viennent grever les budgets communaux dans un contexte économique et financier très difficile.
Une étude du Crédit local de France révèle que, afin de satisfaire à leurs seules contraintes dans les domaines de l'environnement et de la sécurité, les collectivités territoriales devront investir près de 1 000 milliards de francs sur le quinquennat 1996-2000, soit environ 200 milliards de francs par an, alors que la moyenne de ces dernières années s'établit plutôt autour de 150 à 160 milliards de francs.
Ainsi, la directive européenne du 21 mai 1991 en matière d'assainissement oblige les communes à traiter les eaux usées d'ci à 2005 au plus tard. Cette directive implique la construction de nombreuses stations d'épuration et devrait, au total, représenter un investissement de 82 milliards de francs pour la période allant de 1992 à 2005. Quant au traitement des eaux pluviales, il est nécessitera 80 milliards de francs à 100 milliards de francs supplémentaires.
En outre, imposé par une loi de 1992, le traitement des déchets ménagers devrait se traduire par des investissements d'un montant de près de 60 milliards de francs d'ici à 2002.
D'autres secteurs représentent également une charge croissante pour les communes : l'aide sociale, la mise aux normes de sécurité des établissements scolaires - en particulier des équipements sportifs - ou encore les services de secours et d'incendie.
Monsieur le ministre, vous avez récemment précisé devant le comité des finances locales que le Gouvernement avait donné aux administrations la consigne d'évaluer, par le biais d'études d'impact, le coût financier des mesures intéressant les collectivités locales, mais il faut aller plus loin et envisager une compensation des nouvelles charges qui pèsent à la fois sur les collectivités et les contribuables locaux.
Sans doute faudrait-il que le pacte de stabilité ne se limite plus aux seuls concours de l'Etat et couvre également les charges concernées.
Par ailleurs, les normes de sécurité, de plus en plus nombreuses, ainsi que les différentes dates butoirs fixées pour la mise en oeuvre de certaines réglementations devraient être adaptées en fonction du contexte économique et budgétaire, qui entraîne une réduction des ressources locales.
Je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, les intentions du Gouvernement sur un sujet qui préoccupe de plus en plus les élus locaux dans nos départements respectifs.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de soulever un problème qui apparaît d'autant plus que les collectivités territoriales se trouvent aujourd'hui dans une situation moins aisée sur le plan financier.
Il est vrai que, par rapport à une période récente où nous nous engagions collectivement, parfois avec enthousiasme, dans la correction de certaines difficultés en termes de pollution et de sécurité, les contraintes financières conduisent aujourd'hui beaucoup de responsables à être plus circonspects sur ces nécessités, et en particulier sur des calendriers qui ont été fixés à un moment où, probablement, les contraintes financières apparaissaient avec moins de netteté qu'aujourd'hui.
Que peut-on faire ? La première décision, pour le présent et pour l'avenir, a été la circulaire de septembre 1995 prise par le Premier ministre - vous y avez fait allusion - qui impose une étude d'impact financière sur les conséquences de toute nouvelle réglementation.
En deuxième lieu, pour un certain nombre d'opérations urgentes - je pense notamment à l'amiante - nous avons mis en place des dispositifs financiers non de compensation, pour reprendre votre expression, mais d'aide. Ces dispositifs sont adaptés aux circonstances : pour les régions et les départements, il s'agit d'une subvention de 25 % alors que, pour les communes, le taux peut aller jusqu'à 50 %.
De la même manière, lorsque est apparu le difficile problème de l'équarrissage, le Gouvernement, après avoir essayé de gérer dans l'immédiat les difficultés qui se présentaient, a élaboré un projet de loi qui permettra dorénavant de régler le problème.
A l'évidence, ces différentes actions ne suffisent pas, dans la mesure où un certain nombre de textes antérieurs à la période actuelle et au pacte de stabilité sont toujours en vigueur.
Nous sommes ainsi effectivement devant un certain nombre de perspectives concernant une série de grands travaux, qu'il s'agisse en particulier du traitement des déchets ménagers ou des questions d'assainissement, qui vont impliquer des dépenses d'investissement importantes pour les collectivités territoriales.
Je puis vous indiquer que, sur ces sujets, nous sommes en train de procéder de façon très précise aux évaluations financières les plus crédibles sur les cinq prochaines années pour les budgets des collectivités locales. Il faudra, bien entendu, que nous raisonnions en termes d'échéancier, car nous devons pouvoir évaluer de manière raisonnable les conséquences de ces opérations en matière de contribution. En effet, nous savons bien, les uns et les autres, que, quelle que soit la collectivité qui prend en charge ce type de dépenses, c'est en définitive le contribuable qui paiera.
S'agissant d'éventuelles normes nouvelles, je serai, en tant que ministre chargé de la décentralisation, extrêmement attentif pour éviter que, soit des administrations, soit - ce qui est encore plus choquant - des organismes privés civils tels que certaines fédérations sportives prennent la liberté d'imposer des normes aux collectivités territoriales. Ce serait en effet tout à fait insupportable.
M. Edouard Le Jeune. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Edouard Le Jeune.
M. Edouard Le Jeune. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Les problèmes que je viens d'évoquer sont très importants et je me réjouis que vous en soyez conscient. Puisque vous partagez mon avis sur plusieurs points, je compte sur vous pour agir en conséquence. Je ne doute ni de votre bonne volonté ni de votre compétence.

AVENIR DE LA CAISSE NATIONALE DE RETRAITE
DES AGENTS DES COLLECTIVITÉS LOCALES

M. le président. M. Edouard Le Jeune attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur l'avenir de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL.
Selon le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit de trésorerie de la CNRACL devrait atteindre 8 milliards de francs à la fin de 1997.
Le Gouvernement a décidé, dans le cadre de la loi de finances pour 1997, d'affecter l'essentiel de l'excédent du régime de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales - 4,5 milliards de francs - à la CNRACL.
Mais il s'agit d'une opération ponctuelle qui ne pourra pas, par définition, être répétée les prochaines années.
Il lui demande donc ce qu'il entend faire afin d'assainir de manière plus durable la situation financière de la CNRACL. (N° 506.)
La parole est à M. Le Jeune.
M. Edouard Le Jeune. Monsieur le ministre, comme vous le savez, les élus locaux sont de plus en plus inquiets face au déficit de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL.
Conformément à l'article 30 de la loi de financement de la sécurité sociale récemment adoptée par le Parlement, l'équilibre de la CNRACL devrait être établi en 1997 sans recourir à une augmentation des cotisations, grâce à la mobilisation des réserves structurelles du fonds des allocations temporaires d'invalidité. Pour parler familièrement, c'est là un « tour de passe-passe ».
Le fonds des allocations temporaires d'invalidité des agents des collectivités locales est alimenté par les cotisations patronales des collectivités locales et des hôpitaux publics, et ses réserves s'élèvent, en l'état, à 5 milliards de francs.
Sur ce total, une enveloppe de 4,5 milliards de francs sera mobilisée au profit de la CNRACL.
Or, selon les indications fournies par la caisse, ses besoins en trésorerie au 31 décembre 1997 s'élèveraient, en fait, à 7,7 milliards de francs. L'apport de 4,5 milliards de francs annoncé par le Gouvernement ne permettrait donc, en l'absence d'un relèvement des cotisations, d'honorer les versements dus au titre de la surcompensation entre régimes spéciaux de salariés qu'en début d'année seulement.
Si le Gouvernement respecte effectivement sa parole de ne pas majorer la participation des collectivités locales au financement de la caisse, il devra ainsi accepter le report sur l'exercice 1998 d'une partie des acomptes, soit 3,2 milliards de francs qui auraient dû être versés en 1997 au titre de la surcompensation.
Enfin et surtout, la solution mise en oeuvre en 1997 ne pourra pas être reconduite en 1998 : la question d'un éventuel relèvement des cotisations ou d'un allégement des contraintes liées à la surcompensation au profit des autres régimes risque donc de se poser à nouveau, même si un important pas en avant a pu être accompli grâce au Sénat qui a voté, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, un plafonnement de la surcompensation à 25 % du montant des prestations servies.
Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin de redresser durablement la situation financière de la CNRACL ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, le Gouvernement a souhaité que, pour 1997, soit respecté le pacte de stabilité pour ce qui concerne les recettes transférées de l'Etat aux collectivités territoriales et qu'en même temps l'Etat n'impose pas une charge supplémentaire sous forme de relèvement des cotisations aux collectivités territoriales, ce qui aurait déséquilibré l'ensemble du dispositif.
Pour y parvenir, nous avons trouvé une solution temporaire qui consiste à prélever des recettes qui avaient été stockées sur le fonds des allocations temporaires d'invalidité. Ces recettes étant, je le rappelle, le fruit des cotisations payées par les collectivités territoriales, elles leur appartiennent, en quelque sorte. Dans la mesure où ces fonds n'étaient pas utilisés, il est donc logique que, grâce à cette mesure, les collectivités territoriales ne voient pas leurs cotisations relevées en 1997.
S'agissant des chiffres, je sais que certains, à la CNRACL, développent depuis des semaines l'argument selon lequel 4,5 milliards de francs ne suffiraient pas. Or, avec la direction générale des collectivités locales et avec mon collègue chargé du budget, j'ai vérifié les comptes, refait les estimations et je puis vous assurer que ces 4,5 milliards de francs suffiront : 3 milliards de francs permettront de faire face au financement du déficit prévu pour l'exercice et 1,5 milliard de francs seront consacrés à la nécessaire trésorerie de l'établissement. Pour 1997, il n'y aura donc pas de difficultés.
Cela étant, votre seconde question reste tout à fait pertinente : que va-t-il se passer à partir de 1998 ?
Nous devrons - dans l'esprit, d'ailleurs, de la décision que le Sénat a prise à l'occasion du vote de la loi de financement de la sécurité sociale - réfléchir dans deux directions.
En premier lieu, nous devrons essayer de déterminer quel est le niveau pertinent de cotisation pour un régime qui, s'il a connu une structure extrêmement favorable jusqu'à aujourd'hui compte tenu des recrutements qui ont suivi la décentralisation, va évoluer maintenant d'une manière moins favorable puisque la population concernée va commencer à vieillir. Cela implique donc nécessairement une certaine charge supplémentaire pour la caisse nationale.
En second lieu, nous devrons savoir comment traiter dans ce pays la compensation ou la surcompensation, c'est-à-dire l'effort de solidarité entre les régimes de retraite. C'est une vieille tradition dans notre pays, mais ce domaine mérite un peu plus de transparence.
Nous devrons faire ce double travail pour, d'ici à la fin de l'année 1997, parvenir à des solutions afin de déterminer, à partir de 1998, comment nous ferons évoluer le fonctionnement de la caisse, quel devra être le niveau pertinent et justifié des cotisations et comment cela sera compatible avec le maintien du pacte de stabilité.
M. Edouard Le Jeune. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Le Jeune.
M. Edouard Le Jeune. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Cependant, la CNRACL, malgré les promesses, pose tous les ans des problèmes, vous en conviendrez. Je reste donc assez sceptique et, si cela s'avère nécessaire, j'interviendrai une fois de plus pour défendre les intérêts des collectivités locales.

remboursement des cotisations familiales
payées par les entreprises
situées en zone de revitalisation rurale

M. le président. M. Alain Joyandet appelle l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur les difficultés rencontrées par les entreprises concernant l'interprétation des mesures prises en application de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
En effet, conformément à son article 59, paragraphe II, les entreprises, sur les conseils de l'URSSAF, comptaient sur un remboursement des cotisations familiales payées par elles depuis le 1er janvier 1995, à partir du moment où elles seraient situées dans une zone de revitalisation rurale, ou ZRR.
Telle ne semble cependant pas être l'interprétation du ministère du travail et des affaires sociales, qui ne fait bénéficier de l'exonération qu'à compter de l'entrée en vigueur du décret définissant les ZRR, soit le 17 février 1996.
Il le remercie de bien vouloir lui indiquer sur quel fondement repose l'interprétation du ministère alors même que le texte législatif prévoit une application « à partir du 1er janvier 1995 (...) dans les ZRR (...) ». (N° 501.)
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'êtes pas sans savoir qu'un certain nombre d'entreprises installées dans les zones de revitalisation rurale s'interrogent aujourd'hui sur les conséquences des dispositions prises à la suite de la loi de février 1995, concernant l'exonération des cotisations d'allocations familiales qu'elles paient. Le paragraphe II de l'article 59 de cette loi fait état, en effet, de la date du 1er janvier 1995. Aussi, les entreprises, sur les conseils de l'URSSAF, entendaient obtenir des remboursements à compter de cette date, et ce de manière rétroactive. Il semble que votre ministère ait une interprétation quelque peu différente, puisque la date retenue serait celle de l'entrée en vigueur du décret, à savoir le 17 février 1996.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'indiquer sur quel fondement repose cette interprétation, si toutefois elle est maintenue.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, l'exonération des cotisations d'allocations familiales dans les zones de revitalisation rurale a pour objectif d'encourager le maintien et le développement de l'emploi dans ces zones défavorisées et s'adresse aux entreprises qui y sont implantées comme celles qui s'y installeront.
L'article 1465 A du code général des impôts, qui fixe les critères de délimitation des zones de revitalisation rurale renvoie à un décret le soin de définir le périmètre. Or ces zones n'ont été délimitées que lors de la parution au Journal officiel du 15 février 1996 du décret n° 96-119 du 14 février 1996, que vous avez vous-même mentionné à l'instant.
Aucune entreprise ne pouvant se considérer comme située ou implantée en zone de revitalisation rurale avant la création de ces zones, il paraît cohérent que la mesure s'applique depuis la date d'entrée en vigueur de ce décret délimitant ces zones, soit depuis le 17 février 1996, même si la lettre de la loi aurait permis de mettre en place le dispositif dès le 1er janvier 1995.
Compte tenu du coût pour le budget de l'Etat d'une application rétroactive du dispositif, le Gouvernement a été conduit à confirmer que les entreprises bénéficieraient de cette mesure à compter de l'institution des zones de revitalisation rurale.
Cette précision a été apportée par une lettre ministérielle du 19 juillet 1996. Pour éviter toute confusion, le Gouvernement a déposé une amendement au projet de loi de finances rectificative pour 1996 afin de clarifier le texte de l'article 1465 A du code général des impôts. Cet amendement a été adopté par l'Assemblée nationale ; il sera examiné prochainement au Sénat.
Dans un souci de simplification, le ministre du travail et des affaires sociales a néanmoins demandé aux URSSAF de ne pas réclamer de reversement aux entreprises qui auraient anticipé au 1er janvier 1995 l'application de la mesure, car celles-ci l'ont certainement fait de bonne foi.
M. Alain Joyandet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Elle ne donnera pas entièrement satisfaction aux entreprises, mais elle a au moins le mérite de reconnaître la bonne foi de celles qui ont anticipé.

Qualité sanitaire de l'eau

M. le président. Mme Janine Bardou attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur la qualité sanitaire de l'eau qui préoccupe, à juste titre, nos concitoyens. De gros efforts sont réalisés par les collectivités territoriales, les propriétaires privés et les administrations compétentes pour garantir et améliorer sans cesse cette qualité.
Cependant, l'application de la réglementation actuelle se heurte à un certain nombre d'incohérences dès qu'il s'agit de petites installations qui ne sont pas raccordées au réseau public : c'est le cas de nombreux producteurs de fromages fermiers, de producteurs laitiers ainsi que d'agriculteurs qui exercent des activités d'accueil, tous indispensables au maintien de l'emploi, de l'activité économique et de la vie sociale dans les zones les plus défavorisées du territoire.
D'ailleurs, la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne reconnaît que les réglementations doivent être adaptées afin que l'activité agricole, reconnue essentielle dans ces zones, ne soit pas compromise.
Or le décret du 3 janvier 1989 figurant dans le code de la santé publique impose une procédure d'autorisation préfectorale inadaptée pour des petites unités économiques familiales, viables mais particulièrement sensibles.
Elle est d'abord inadaptée par son coût : 20 000 francs à 30 000 francs de frais d'études et d'analyses diverses pour la constitution d'un dossier, auxquels il faut ajouter 12 000 francs à 15 000 francs d'analyses annuelles. Elle est ensuite inadaptée par ses contraintes, inapplicables lorsque le demandeur ne dispose pas de la maîtrise foncière du périmètre de protection, du captage ou de réseau de raccordement. Dans nos régions, la copropriété des sources est le cas le plus courant.
Ces exigences, justifiées pour des industries agroalimentaires de taille importante, sont disproportionnées pour des fromagers fermiers qui utilisent de faibles quantités d'eau.
Dès que les services vétérinaires exigent, en application de leur législation spécifique - arrêté du 28 juin 1994 - l'application stricte du décret du 3 janvier 1989, on aboutit à des menaces de fermeture définitive d'établissements et à des impossibilités d'installation, situations toutes délicates à gérer localement.
De même que le décret n° 93-743 du 29 mars 1993 consécutif à la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau dispense de procédure d'autorisation « un usage domestique de l'eau » et assimile à cet usage tout prélèvement inférieur ou égal à quarante mètres cubes d'eau par jour, il semble nécessaire d'accorder certaines dérogations aux établissements de faible capacité utilisant une faible quantité d'eau.
Elle insiste sur la nécessité d'offrir aux consommateurs des produits d'une qualité sanitaire irréprochable sans pour autant étouffer les petites entreprises par des procédures inutiles et incohérentes : il en va du maintien de l'emploi, des possibilités d'installation et d'une occupation équilibrée du territoire à un coût supportable pour la collectivité. (N° 499.)
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le secrétaire d'Etat, la qualité sanitaire de l'eau préoccupe, à juste titre, nos concitoyens. De gros efforts sont réalisés par les collectivités territoriales, les propriétaires privés et les administrations compétentes pour garantir et améliorer sans cesse cette qualité.
Cependant, l'application de la réglementation actuelle soulève un certain nombre d'incohérences dès lors qu'il s'agit de petites installations qui ne sont pas raccordées au réseau public. C'est le cas de nombreux producteurs de fromages fermiers, de producteurs laitiers ainsi que d'agriculteurs qui exercent des activités d'accueil, tous indispensables au maintien de l'emploi, de l'activité économique et de la vie sociale dans les zones les plus défavorisées de notre territoire.
D'ailleurs, la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne reconnaît que les réglementations doivent être adaptées afin que l'activité agricole, reconnue essentielle dans ces zones, ne soit pas compromise. Or le décret du 3 janvier 1989 impose une procédure d'autorisation préfectorale inadaptée pour des petites unités économiques familiales, viables mais particulièrement sensibles.
Cette procédure est inadaptée par son coût, qui est de 20 000 francs à 30 000 francs au titre des frais d'études et d'analyses diverses pour la constitution d'un dossier, auxquels il faut ajouter 12 000 francs à 15 000 francs de frais d'analyses annuelles. Cette procédure est, en outre, inadaptée par les contraintes qu'elle impose, inapplicable lorsque le demandeur ne dispose pas de la maîtrise foncière du périmètre de protection, du captage ou de réseau de raccordement. Dans nos régions, la copropriété des sources est le cas le plus courant.
Ces exigences, justifiées pour des industries agro-alimentaires de taille importante, sont disproportionnées pour des fromagers fermiers qui utilisent de faibles quantités d'eau.
Dès que les services vétérinaires exigent, en application de leur législation spécifique - arrêté du 28 juin 1994 - l'application stricte du décret du 3 janvier 1989, on aboutit à des menaces de fermeture définitive d'établissements et à des impossibilités d'installation, situations toutes délicates à gérer localement.
De même que le décret n° 93-743 du 29 mars 1993 consécutif à la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau dispense de procédure d'autorisation « un usage domestique de l'eau » et assimile à cet usage tout prélèvement inférieur ou égal à quarante mètres cubes par jour, il semble nécessaire d'accorder certaines dérogations aux établissements de faible capacité, utilisant une quantité d'eau réduite.
Nous sommes tous conscients de la nécessité d'offrir aux consommateurs des produits d'une qualité sanitaire irréprochable sans pour autant étouffer les petites entreprises par des procédures inutiles et incohérentes. Il en va du maintien de l'emploi, des possibilités d'installation et d'une occupation équilibrée du territoire à un coût supportable pour la collectivité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Madame le sénateur, vous mettez en lumière les problèmes que peut poser aux petites exploitations qui, d'ailleurs, sont souvent des exploitations pluriactives, la réglementation relative aux eaux destinées à la consommation humaine. J'y suis bien évidemment extrêmement sensible, non seulement en tant que secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, mais aussi en tant qu'ancien parlementaire en mission qui s'est particulièrement intéressé aux questions liées au développement et au maintien de la pluriactivité dans nos zones rurales et de montagne. Vous avez bien résumé la question, madame le sénateur, en insistant sur les différents problèmes que posent les réglementations actuelles.
Pour traiter ce dossier, nous avons deux exigences.
La première, bien évidemment, est la sécurité sanitaire et l'hygiène publique. Nous ne devons pas baisser la garde, car des événements récents ont montré à quel point il était nécessaire que les pouvoirs publics assument leurs responsabilités et exercent pleinement leurs fonctions régaliennes en la matière, ce qu'attendent d'eux, d'ailleurs, à la fois les consommateurs et les producteurs.
La seconde exigence est de remédier aux effets pervers de procédures complexes, bureaucratiques et, souvent, totalement inadaptées à la réalité des situations locales.
Conscient de ce problème, j'ai demandé, en effet, aux directions départementales de l'action sanitaire et sociale de me remettre, avant la fin du premier trimestre de 1997, des propositions de mesures tendant à la simplification des procédures, dans le respect, bien sûr, de la première exigence, la sécurité sanitaire.
Par ailleurs, j'ai invité le Conseil supérieur d'hygiène publique de France à me soumettre des propositions, ce qu'il devrait faire au cours de sa prochaine session, c'est-à-dire au mois de janvier 1997.
Sur la base à la fois des recommandations du conseil supérieur d'hygiène publique de France et des informations qui me viendront des DDASS pour la fin du premier trimestre 1997, je serai donc en mesure, au cours du deuxième trimestre de 1997, de présenter des propositions de simplification.
Tels sont, madame le sénateur, les quelques éléments d'information que je souhaitais porter à votre connaissance.
Mme Janine Bardou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Je voudrais remercier particulièrement M. le secrétaire d'Etat de l'attention qu'il porte à ce dossier. Je dois dire que sa réponse me donne satisfaction, car toutes les mesures de simplification seront positives en la matière.

Financement des hôpitaux d'Ile-de-France

M. le président. Mme Marie-Claude Beaudeau demande à M. le ministre du travail et des affaires sociales d'exposer les décisions prises vis-à-vis du budget et du développement des hôpitaux de l'Ile-de-France. Elle lui demande quelles mesures il envisage pour donner les moyens nécessaires aux hôpitaux publics afin de maintenir les 75 000 postes budgétaires sur lesquels, compte tenu des temps partiels, sont rémunérées plus de 100 000 personnes.
Elle lui demande si ces mesures ne devraient pas prendre en compte des besoins spécifiques de l'Ile-de-France fondés sur le développement inquiétant du nombre de toxicomanes et de patients atteints du sida, l'isolement social induisant un plus fort taux de recours aux structures psychiatriques, une pression démographique et un taux de recours à l'hospitalisation publique plus forts qu'ailleurs, une concurrence d'un secteur privé à but lucratif très présent et échappant à la politique de restructuration envisagée pour les hôpitaux publics.
Elle lui demande quelles décisions il envisage pour que les coûts plus importants des services et personnels hospitaliers en Ile-de-France soient pris en considération et que le taux directeur soit fixé à hauteur des besoins de l'hôpital public. (N° 492.)
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ma question porte sur le devenir de l'hôpital public francilien. Je voudrais, tout d'abord, le resituer dans l'ensemble du service public national.
La fonction hospitalière publique est assurée par 1 100 établissements et représente 480 000 lits, soit 72 % de l'ensemble des secteurs public et privé. Or 140 établissements, soit 13 % du total, et 100 000 agents et médecins sont franciliens.
Par ailleurs, l'Ile-de-France possède des établissements de haute technologie avec un très bon niveau de qualification des personnels, médicaux et non médicaux.
Avec un tel potentiel, on peut affirmer que l'Ile-de-France constitue le plus grand centre hospitalier d'Europe et l'un des tout premiers du monde.
Monsieur le secrétaire d'Etat, personne, pas même l'un de vos amis, ne pourrait admettre que l'on puisse remettre en cause un tel capital humain, médical, social et scientifique. Et pourtant, vous réussissez le tour de force de faire contre vous l'unanimité des conseils d'administration et des personnels, qui protestent devant les dispositions prises.
Comment peut-on en arriver là ? La raison en est simple. Les dotations de l'Etat sont, pour la plupart, négatives par rapport à 1996. En effet, le budget global de la santé diminuant de 1,5 % et le taux d'inflation atteignant 2,5 %, il aurait fallu une majoration de 4 % pour maintenir le niveau actuel d'activités et de personnels pour l'ensemble des hôpitaux de France.
Votre décision ne va-t-elle pas conduire de nombreux hôpitaux à réduire le nombre des emplois ? Vous savez en effet que 70 % du budget d'un hôpital sont consacrés aux dépenses en personnel.
Votre projet de décret prévoit un taux d'occupation de 60 %. Est-il vrai, dans ces conditions, que vous envisagiez la fermeture de quatre-vingts hôpitaux en France - soit 7 % du potentiel hospitalier public -, Ile-de-France comprise ? Est-il vrai, par exemple, que vous prévoyiez la fusion de centres hospitaliers, notamment celle des hôpitaux de Montmorency et d'Eaubonne, dans le Val-d'Oise ?
Avec un taux directeur en diminution de 1 %, un hôpital de 1 000 lits sera privé de cinquante emplois. Il ne peut pas en être autrement après le redéploiement de ces dernières années.
Monsieur le secrétaire d'Etat, confirmez-vous cette orientation ? Elle pénalisera l'ensemble de l'hôpital public et aura des conséquences plus graves encore pour l'hôpital francilien. En effet, ce dernier est plus utilisé car il doit répondre aux besoins croissants, en Ile-de-France plus qu'ailleurs, liés au développement du sida, de la toxicomanie, de l'isolement social ou de la précarité et de la pression démographique.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de revenir sur votre décision de réduire le taux directeur et de maintenir ce dernier à 2,1 % pour les hôpitaux franciliens. Il y va de leur intérêt, et surtout de la santé de 10 millions de Français.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Comme vous le savez, madame le sénateur, le mode d'allocation budgétaire de l'ensemble du système hospitalier, qu'il concerne les établissements publics de santé, les établissements privés participant au service public ou les établissements privés lucratifs conventionnés, a été profondément rénové par les ordonnances du 24 avril 1996.
Il s'agit ainsi de sortir de la logique du budget global, qui avait montré ses limites en consolidant les inégalités de dotation entre les hôpitaux, puisqu'il n'était quasiment pas tenu compte de l'activité réelle de ces derniers.
Par ailleurs, il s'agit de substituer au taux directeur un contrat pluriannuel entre les établissements de santé et l'Agence régionale d'hospitalisation, ce contrat pluriannuel devant être fondé à la fois sur un projet médical et sur un projet d'établissement.
Comme vous le savez également, il nous faut progressivement doter les établissements d'hospitalisation en fonction de leurs besoins réels. De ce point de vue, il convient de tenir compte du PMSI, le programme de médicalisation du système d'information, qui vient enrichir les indicateurs traditionnellement utilisés depuis 1990, lesquels ne concernaient que la population hospitalisable dans le secteur hospitalier public.
Sur la base de ces critères, qui ne font que confirmer les données classiques d'activités, la région d'Ile-de-France, y compris l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, apparaît comme la région la mieux dotée.
En effet, à de rares exceptions près, tous les établissements publics ou privés participant au service public d'Ile-de-France consomment, pour une activité comparable, un niveau de ressources supérieur, voire très supérieur, à la moyenne nationale.
Cela ne signifie pas, bien évidemment, que des déséquilibres importants n'existent pas entre les établissements et entre les départements. Ainsi, en Ile-de-France, la Seine-et-Marne, qui connaît une croissance démographique forte, est relativement sous-dotée.
Il est donc normal que la région d'Ile-de-France, qui doit procéder à des redéploiements internes de moyens, contribue également au rééquilibrage des régions moins bien dotées ; je pense notamment à la région Nord - Pas-de-Calais.
Cette action de rééquilibrage sera menée très progressivement, sur la base du contrat, et c'est toute la logique de la démarche contractuelle entre les établissements de santé et les agences régionales d'hospitalisation, dont je rappelle qu'elles sont en train d'établir leurs conventions de gestion et qu'elles seront définitivement opérationnelles à partir du mois de février 1997.
Bien évidemment, les spécificités de la région d'Ile-de-France seront prises en compte, comme elles l'ont été dans le passé, notamment s'agissant des crédits destinés à la lutte contre le sida ou la toxicomanie. Comme vous le savez, notamment pour le sida, il y a ce que l'on appelle, dans le jargon budgétaire hospitalier, des crédits « fléchés », crédits qui continueront d'être « fléchés » en fonction des besoins réels.
Par ailleurs, dans le cadre des conférences régionales et de la conférence nationale de santé, nous aurons désormais les voies et moyens d'un soubassement sanitaire de notre politique hospitalière, fondée sur des priorités de santé publique, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Il n'est donc pas question, madame le sénateur, de remettre en cause le capital formidable que constitue, vous l'avez vous-même rappelé, l'ensemble des hôpitaux de la région d'Ile-de-France, qu'ils appartiennent ou non à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, car chacun est bien conscient de la capacité de rayonnement à la fois national et international de notre outil de santé situé dans la région parisienne.
J'ajouterai, madame le sénateur, en réponse à deux de vos interrogations, qu'il ne faut pas se méprendre sur diverses dispositions qui figurent dans ces ordonnances.
En ce qui concerne tout d'abord les coopérations entre les établissements, il s'agit tout simplement de favoriser la coopération entre les établissements publics et, le cas échéant, entre les établissements publics et les établissements privés. Cela ne fait d'ailleurs que prolonger la loi hospitalière de 1991, qui avait déjà insisté à la fois sur cette approche régionale des problèmes et sur la nécessité de coopérer. Il n'y aura donc pas de fusions autoritaires qui tomberont d'en haut. Il s'agira plutôt d'instaurer une coopération sur le terrain entre les différents établissements hospitaliers.
Pour ce qui est du projet de décret, je vous rassure tout de suite, madame le sénateur : nous n'entendons pas fermer quatre-vingts hôpitaux.
Ce décret est actuellement soumis à la concertation. Il viserait, lorsqu'un service hospitalier connaît un taux de remplissage inférieur à un certain pourcentage - 60 % par exemple - à permettre à l'autorité de tutelle de diligenter une enquête ou une information avec l'ensemble des partenaires hospitaliers pour examiner les raisons pour lesquelles ce taux de remplissage est inférieur au seuil fixé.
C'est une question qu'il faut se poser en toute clarté, notamment pour des raisons de sécurité dans le service en question.
Il ne s'agit pas de fermer autoritairement des services en deçà d'un certain seuil d'activité. Cependant, si, plusieurs années de suite, on constate un taux de remplissage inférieur à un certain seuil, la situation mérite une enquête.
Tels sont, madame le sénateur, les quelques éléments d'information que je tenais à porter à votre attention.
L'ensemble des Françaises et des Français sont extrêmement attachés à leur hôpital, notamment à l'hôpital public. Chacun sait le trésor de dévouement et de vocation des différents acteurs qui contribuent au fonctionnement de notre communauté hospitalière. La réforme que nous sommes en train de mettre en oeuvre a précisément pour objet d'affirmer la dimension régionale et d'assurer un mode de fonctionnement fondé sur le contrat plutôt que sur la contrainte.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'était une question importante, monsieur le secrétaire d'Etat, et je suis déçue par votre réponse, parce que vous m'avez confirmé votre volonté de maintenir la réduction des taux directeurs.
Cette décision est encore plus injuste pour les hôpitaux franciliens et pour la santé publique en Ile-de-France.
Les taux directeurs franciliens pour 1997 seront majoritairement négatifs. Cette décision ne répond ni à des réalités ni aux besoins de santé des Franciliens.
Vous invoquez le surdotage dont bénéficierait la région d'Ile-de-France ; or la population francilienne représente 17 % de la population française alors qu'elle ne dispose que de 13 % du potentiel public de santé.
Je voudrais donc rappeler quelques particularités de notre région. Ces arguments nous ont d'ailleurs été donnés par l'Union hospitalière d'Ile-de-France.
Dans cette région, on soigne beaucoup plus de toxicomanes et de malades atteints du sida. Par ailleurs, l'isolement social induit un taux de recours plus élevé qu'ailleurs aux services psychiatriques. En outre, la pression démographique appelle en Ile-de-France des besoins décentralisés. De plus, la précarité, qui est plus importante dans les concentrations urbaines, nécessite plus de services d'urgence et de consultations externes. Enfin, en Ile-de-France, l'exigence de qualité est plus impérative du fait de la complémentarité et du niveau technique des hôpitaux.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, l'ensemble des raisons pour lesquelles je vous demande instamment de revoir votre politique.

Suppression d'une brigade de gendarmerie
dans le département du Val-de-Marne

M. le président. M. Lucien Lanier attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le problème que rencontrent certains maires face à la disparition de brigades de gendarmerie. En effet, dans bien des cantons, les effectifs de gendarmerie demeurent des forces de l'ordre permanentes indispensables. C'est notamment le cas pour le canton comprenant les communes d'Ablon-sur-Seine et de Villeneuve-le-Roi, dont la brigade de gendarmerie est menacée de suppression. Or, il s'agit, dans le sud du département du Val-de-Marne, de communes où l'insécurité s'accroît, soit du fait de bandes incontrôlées, soit par le nomadisme sauvage. Il souhaiterait savoir quelles solutions pourraient être envisagées pour remédier à ce problème qui nuit à la sécurité des biens et des personnes. (N° 509.)
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le secrétaire d'Etat, certains maires, plus particulièrement ceux des communes du sud du département du Val-de-Marne, me demandent d'appeler votre aimable attention sur l'éventuelle suppression de leur brigade de gendarmerie.
Je sais bien que, pour des raisons qui ont été sagement réfléchies, une répartition est actuellement prévue entre les effectifs de la gendarmerie et ceux de la police nationale dont dépend le département du Val-de-Marne.
Mais le sud de ce département, encore protégé d'une trop grande urbanisation, connaît une insécurité accrue du fait du nomadisme sauvage ou encore de par des bandes incontrôlées, venues des grands ensembles voisins, particulièrement lors des fins de semaine.
Serait-il possible de maintenir, ne serait-ce que pour un temps raisonnablement transitoire et en ces points sensibles, des brigades de gendarmerie qui constituent actuellement un adjuvant évident propre à prévenir l'extension d'une insécurité croissante et, si possible, de la conjurer ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue M. Charles Millon, qui est actuellement à Bruxelles pour une réunion des ministres de la défense de l'OTAN.
Comme vous le savez, la loi du 21 janvier 1995 relative à la sécurité fixe à la police et à la gendarmerie nationales des objectifs d'harmonisation et de complémentarité.
C'est dans cet esprit qu'une réflexion est actuellement conduite sur la possibilité de redéployer des effectifs à partir d'unités implantées en zone de police d'Etat, vers les zones périurbaines relevant de la compétence de la gendarmerie en matière de sécurité publique, où des besoins importants de renforcements sont avérés en raison de l'accroissement de population et du développement des phénomènes de délinquance et de violence.
Il convient de souligner que, sur les zones où s'opéreront les redéploiements, la qualité du service public sera maintenue, car la police nationale y est d'ores et déjà en charge exclusive des missions de sécurité publique. La police n'y connaîtra aucune charge supplémentaire, puisque la gendarmerie continuera d'y assurer l'intégralité des missions des brigades dissoutes, essentiellement des missions militaires et de poursuites d'enquêtes judiciaires, à partir des brigades voisines qui seront, si nécessaire, renforcées en conséquence.
Ces redéploiements ont commencé en 1996 et se sont globalement bien passés : la suppression des brigades de gendarmerie d'Alfortville et de Charenton-le-Pont a permis de renforcer la brigade de Maisons-Alfort et cinq unités de la Seine-et-Marne implantées en zone exclusive gendarmerie. Ils seront poursuivis en 1997, selon des modalités qui seront très prochainement définies.
Toutefois, je puis vous préciser que le département du Val-de-Marne n'est pas dans l'immédiat concerné par les mesures prévues.
Voilà, monsieur le sénateur, les éléments d'information que M. Millon m'a chargé de vous transmettre.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'excuse d'autant plus l'absence de M. le ministre de la défense qu'il est, par vous, éminemment représenté.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Je vous remercie.
M. Lucien Lanier. Votre réponse me donne tout à fait satisfaction et je vous en remercie.
Je tenais beaucoup à appeler l'attention du ministre sur ce point, car il s'agit d'une zone périurbaine dans laquelle il faut, pendant qu'il en est encore temps, exercer plus de prévention que de répression.
Les gendarmes peuvent apporter une aide efficace, précisément parce qu'ils vivent au milieu de la population, pour prévenir et empêcher l'insécurité de s'étendre comme une tache, ainsi qu'elle le fait à l'heure actuelle, sur un territoire que les habitants souhaitent conserver paisible. En effet, s'ils sont venus s'installer dans des communes qui étaient encore, il y a moins de vingt ans, des communes rurales, c'est bien pour y trouver le calme et la tranquillité qu'ils souhaitent préserver !

CONSÉQUENCES POUR LE DÉPARTEMENT
DE LA HAUTE-SAÔNE DU DÉTOURNEMENT
DU RAPIDE SUISSE L'ARBALÈTE

M. le président. M. Alain Joyandet appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur le projet de détournement du rapide suisse l'Arbalète de la ligne Paris-Bâle, via Vesoul-Belfort par Vallorbe-Frasne.
En effet, alors même que le ministre a récemment reconnu l'importance pour le département de la Haute-Saône, du maintien de cette ligne d'intérêt national, le détournement du rapide l'Arbalète aurait des conséquences très néfastes pour le département.
C'est pourquoi il le remercie de bien vouloir lui indiquer les dispositions qu'il compte prendre pour compenser cette perte. (N° 503.)
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Bernard Pons a réaffirmé récemment, dans le département de la Haute-Saône, le caractère international de la ligne SNCF numéro 4, dite Paris-Bâle et a annoncé sa modernisation dans un avenir relativement proche.
Quelque temps après, nous apprenions la décision suisse de supprimer le train rapide dit « l'Arbalète ».
Les élus locaux de mon département souhaitent connaître les dispositions qui seront prises pour compenser la suppression de ce train rapide et, plus généralement, ils désirent savoir où en est la modernisation de la ligne 4.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. Bernard Pons, qui m'a chargée de vous parler à nouveau des questions ferroviaires concernant le département de la Haute-Saône, questions que nous connaissons bien l'un et l'autre, grâce à vous !
Sur l'affaire suisse que vous évoquez, monsieur le sénateur, je voudrais tout à fait vous rassurer.
Il est effectivement envisagé par les chemins de fer suisses et par la SNCF que le TGV Paris-Dijon-Vallorbe-Berne soit prolongé jusqu'à Zurich à partir de septembre 1997, mais je désire être tout à fait claire : d'après les informations dont nous disposons, cela n'aura pas d'incidence sur la desserte Paris-Chaumont-Bâle, qui vous intéresse plus directement.
En effet, la refonte de la grille de desserte des trains internationaux Paris-Bâle qui devrait être mise en place pour le service d'hiver 1997-1998 ne prévoit aucune modification de parcours entre Paris et Bâle du train dénommé « l'Arbalète ».
Ce train desservira toujours la Haute-Saône, Vesoul, Belfort, Mulhouse et Bâle. A la demande des chemins de fer suisses, ce train aura désormais Bâle pour terminus, mais une correspondance avec un train suisse à destination de Zurich sera assurée.
La ligne Paris-Chaumont-Bâle sera donc toujours empruntée en 1997 par le même nombre de trains internationaux à destination de la Suisse qu'en 1996.
J'espère, monsieur le sénateur, vous avoir totalement rassuré et vous avoir montré une nouvelle fois l'intérêt que le Gouvernement porte aux chemins de fer en général, à ceux de votre département en particulier.
M. Alain Joyandet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Il est vrai, madame le secrétaire d'Etat, que nous pouvons parfois paraître insistants, mais nous sommes maintenant rassurés sur l'avenir de « l'Arbalète ».
J'en profite quand même pour souligner à nouveau l'utilité que présente la modernisation de cette ligne, qui est très fréquentée et dont les usagers subissent actuellement de nombreux retards, dus notamment à des pannes de matériel. Nous réitérons donc nos demandes et nous resterons attentifs à la mise en oeuvre de cette modernisation.

Mise en place d'une quatorzième ligne de métro
sur le tracé de Météor

M. le président. Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur la nécessité de mettre en place une quatorzième ligne de métro sur le tracé du Météor et pour rendre autonome la branche qui va sur Clichy et Gennevilliers.
Le transport de quelque 20 000 voyageurs de plus dans les années à venir sur la ligne 13 nécessite la réalisation de Météor dans sa partie nord et le dédoublement de la ligne 13-13 bis à partir de Paris en créant une nouvelle ligne de Paris à Gennevilliers. On permettrait ainsi que la ligne 13 soit prolongée dans de bonnes conditions jusqu'à Stains.
Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire pour mettre en place une commission voyageurs, composée des pouvoirs publics, des usagers, des personnels des transports, des élus et des chambres de commerce dont la mission serait de définir les besoins des usagers. (N° 498.)
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la ligne 13 du métro parisien, qui concerne en fait l'Ile-de-France puisqu'elle relie Saint-Denis à Montrouge, est surchargée, et les promesses de remédier à cette situation n'ont jamais été tenues, faute de moyens.
A ce jour, aucun crédit n'est prévu pour le prolongement de la ligne Météor au-delà de la station Madeleine, alors qu'il serait nécessaire qu'elle desserve le port de Genevilliers, en passant par Clichy. Ainsi soulagée, la branche qui dessert Saint-Denis-Basilique pourrait être prolongée jusqu'à Stains et Sarcelles.
Or, selon les prévisions, le nombre de voyageurs fréquentant la ligne 13 atteindra un seuil critique vers 1998.
En 1997 la nouvelle station Saint-Denis-Université accueillera 1 000 voyageurs supplémentaires par jour, on se demande comment ! Une année plus tard, c'est le Stade de France qui ouvrira ses portes ; cela fait 15 000 voyageurs de plus par jour de match ! Pratiquement en même temps, c'est la ligne Eole qui arrivera à Saint-Lazare, avec 3 000 voyageurs aux heures de pointe.
Ce sont donc quelque 20 000 voyageurs supplémentaires qui voyageront sur une ligne déjà saturée, selon tous les observateurs.
Ce n'est pas la mise en service de deux rames supplémentaires envisagée par la RATP qui apportera une solution à cet important flux de voyageurs.
L'immobilisme actuel risque de mettre en danger la vie des voyageurs empruntant la ligne les jours de match, tout le monde le sait.
Alors que les experts prédisent que les opérations décidées ou en cours vont créer dans les prochaines années une situation critique, l'Etat, la région et la RATP restent sourds aux mises en gardes des syndicats, des usagers et des élus.
Pourtant, il est possible de faire autrement. On le voit bien avec l'immense succès du tramway et du Trans-Val-de-Marne. C'est pourquoi les élus communistes du conseil régional d'Ile-de-France ont proposé, début 1995, la construction d'une quatorzième ligne de métro. Leur proposition a recueilli 78 voix, alors qu'ils ne sont que 17 au conseil régional.
Des transports en commun en nombre suffisant, sûrs, confortables, efficaces et de qualité sont le meilleur remède à la fois contre la saturation du réseau actuel et contre la baisse de fréquentation que connaissent les transports en commun en général aujourd'hui, avec les conséquences que l'on sait sur l'automobile.
Dans le cas de la ligne 13, il est indispensable de mettre en place sans délai un plan d'urgence, afin que les moyens soient dégagés pour une quatorzième ligne de métro sur le tracé Météor rendant autonome la branche qui va vers Clichy et Gennevilliers. Cela permettrait à l'autre branche de la ligne d'être prolongée.
Pour atteindre cet objectif, que comptez-vous faire afin de mettre sur pied une « commission voyageurs », composée des pouvoirs publics, des usagers, des élus, des chambres de commerce et d'industrie, dont la mission serait de définir les besoins, de peser sur les décisions à prendre et d'en contrôler la réalisation ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Madame le sénateur, le prolongement de la ligne de métro numéro 13 jusqu'à Stains a été retenu, comme vous le souhaitiez, par le schéma directeur d'Ile-de-France, qui prévoit un programme ambitieux de développement des transports en commun.
Dans cet ensemble de projets, il s'agit de faciliter les déplacements en petite couronne en créant à terme un véritable réseau maillé de transports en commun en site propre comprenant une rocade, le projet « Orbitale », que vous connaissez bien, et des prolongements de lignes de métro.
Il va de soi, pour des raisons à la fois techniques et budgétaires, que la réalisation de ce programme devra s'étaler sur un certain nombre d'années, c'est-à-dire, en réalité, sur plusieurs plans.
Le contrat de plan actuel entre l'Etat et la région d'Ile-de-France, qui est en cours de réalisation, permettra d'ores et déjà de réaliser le tronçon central de Météor ainsi qu'un premier prolongement de la ligne numéro 13 jusqu'à Saint-Denis-Université.
En ce qui concerne les prochains contrats de plan, le projet que vous évoquez ainsi que la deuxième phase de Météor seront étudiés dans le cadre des arbitrages qu'il conviendra de faire.
S'agissant des questions de méthode, vous parlez de la mise en place d'une commission associant les élus et les usagers. Je me permets de vous rappeler, madame le sénateur, que l'instance appropriée est le conseil d'administration du Syndicat des transports parisiens, autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, qui comprend parmi ses membres les pouvoirs publics, des élus des collectivités locales et des usagers. Par conséquent, les préoccupations que vous exprimez y seront très certainement prises en compte.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je vous remercie de votre réponse, madame le secrétaire d'Etat, mais je le constate une fois de plus, même si M. Pons est attentif au désenclavement de Gennevilliers, le Gouvernement ne prend pas en compte les besoins tels qu'ils s'expriment dans la situation que j'ai évoquée.
Il y a urgence ! L'inquiétude est si grande que la RATP a envisagé de fermer la branche de Clichy les jours de match. Il faut donc se préoccuper de ce problème dès maintenant. L'étalement de la réalisation du programme sur plusieurs plans rend la situation encore plus difficile.
La réalisation d'une quatorzième ligne de métro, qui empruntera le tracé de Météor pour relier Maison-Blanche au port de Gennevilliers, pourrait s'appuyer sur les travaux de génie civil en cours et nécessiterait le percement d'un nouveau tunnel entre Place-Clichy et Brochant qui rendrait cette ligne autonome.
Cela aurait pour effet d'améliorer les conditions de transport sur la ligne 13 et permettrait son prolongement jusqu'à Stains et Sarcelles.
Ce prolongement conditionne particulièrement le désenclavement du quartier de Luth à Gennevilliers, ainsi que celui des Mourinoux à Asnières.
Ces réalisations favoriseraient, de plus, l'arrivée d'entreprises dans les villes environnantes et contribueraient à décongestionner Paris en réduisant d'autant la pollution due à la circulation automobile.
Pour financer ces travaux et réaliser toutes les infrastructures prévues à l'horizon de 2015, il faudrait doubler les financements en mettant en place des crédits d'Etat et faire payer les véritables bénéficiaires des transports en commun que sont les grands centres commerciaux, les compagnies d'assurances, les promoteurs immobiliers. On se heurte donc à un problème d'utilisation des moyens financiers.

Relance du secteur du bâtiment

M. le président. M. Léon Fatous attire l'attention de M. le ministre délégué au logement sur les difficultés rencontrées par les professionnels du bâtiment.
En effet, ceux-ci connaissent une situation dramatique, puisque 20 000 emplois ont été supprimés au premier semestre 1996.
Même si la signature de plus de 130 000 prêts à taux zéro peut constituer un espoir, il n'en reste pas moins que les perspectives sont particulièrement négatives.
Il lui demande quels sont ses projets pour relancer le bâtiment.
Enfin, il souhaite connaître le nombre de prêts locatifs aidés, « PLA », qui seront affectés à la région Nord - Pas-de-Calais, et plus particulièrement à son département. (N° 496.)
La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Madame le secrétaire d'Etat, en juin dernier, j'attirais tout particulièrement l'attention du Gouvernement sur la situation du logement social dans la région Nord - Pas-de-Calais, et plus particulièrement dansle département du Pas-de-Calais.
En effet, j'évoquais devant vous l'ensemble des difficultés rencontrées par les organismes d'HLM et les sociétés anomymes d'HLM, mais aussi les retards et le gel de crédits plongeant de nombreuses entreprises du bâtiment dans une situation économique infernale puisqu'il est question de plus de 28 000 emplois supprimés pour 1996 !
Un député, membre de votre majorité, élu de mon département, a, lui aussi, interpellé récemment le Gouvernement sur le sujet - au mois d'octobre - mais, encore une fois, vous avez réfuté ces critiques pourtant fondées et lisibles, évoquant des jours meilleurs pour les professionnels, grâce à la signature de plus de 130 000 prêts à taux zéro.
Mais, même avec ce résultat, le groupe d'études « construction logement » de l'Assemblée nationale, qui s'est réuni le 10 octobre dernier ici au Sénat, estime que les perspectives à venir sont particulièrement négatives.
Malheureusement, ce n'est pas votre projet de budget pour 1997, parent pauvre du Gouvernement, qui permettra de renverser la tendance.
Ce n'est pas l'instauration de la TVA à taux réduit, le prélèvement de 14 milliards de francs en deux ans sur le 1 % patronal, le financement du Fonds de solidarité pour le logement par le seul produit de la taxe sur le surloyer imposé aux locataires d'HLM, sans oublier d'évoquer la baisse de 10 % du budget de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, qui amélioreront la situation du logement.
Cette régression est dénoncée par tout le monde, et j'ai pu encore en mesurer pleinement la gravité lors de la réunion du comité de pilotage mis en place par le préfet à votre demande.
Les entrepreneurs de mon département, de ma région, sont au bord du gouffre. Malheureusement, ce n'est pas l'annonce d'un supplément de 21 000 logements qui va les aider, puisque notre région n'obtiendra que 1 000 PLA supplémentaires.
Madame le secrétaire d'Etat, comme vous ne pouvez que le constater, notre région est défavorisée : aussi, quelles mesures comptez-vous prendre pour relancer son industrie du bâtiment ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, M. Pierre-André Périssol, malheureusement indisponible ce matin, m'a chargée de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Au cours des derniers mois, il est vrai que les entreprises du bâtiment, qui ne réalisent qu'un peu plus de la moitié de leur chiffre d'affaires dans le logement, ont subi les effets du ralentissement de l'activité immobilière observé en 1995. Compte tenu des délais inhérents à la réalisation des opérations immobilières, toujours assez longs, elles n'ont pas encore tiré pleinement parti des importantes réformes intervenues depuis lors en faveur du logement. C'est pourquoi le Gouvernement est très attentif à la situation de ce secteur, si important pour l'emploi.
Dans ce contexte, le projet de budget du logement pour 1997, tout en contribuant à la réalisation de l'objectif général de stabilisation de la dépense budgétaire, vise les deux objectifs fixés depuis dix-huit mois : d'une part, offrir à chacun un logement selon son choix et ses moyens, d'autre part, soutenir l'activité et l'emploi dans l'industrie du bâtiment. C'est pourquoi le projet de budget pour 1997 prévoit la construction de 80 000 logements sociaux, grâce à une réforme du financement permettant à la fois de réduire la dépense budgétaire et les prélèvements obligatoires, tout en soutenant l'activité à un niveau élevé.
De même, pour l'accession sociale à la propriété, qui est un grand succès, 120 000 prêts à taux zéro sont prévus, prolongeant le rythme soutenu de 1996. Ces prêts profitent essentiellement, on le sait, à des ménages modestes et à de jeunes ménages.
Les crédits à l'amélioration des logements sont globalement maintenus avec, outre la réhabilitation de 120 000 logements HLM au titre des PALULOS, 600 millions de francs pour la prime à l'amélioration de l'habitat et 2 milliards de francs pour l'ANAH, l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, ainsi qu'une disposition fiscale donnant la possibilité aux ménages de déduire de leurs impôts 20 % de leurs travaux d'entretien dans la limite de 40 000 francs pour un couple. La baisse sensible des taux d'intérêt représente, par ailleurs, un puissant facteur de reprise dans le secteur du logement.
C'est le constat fait par la CAPEB, la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, qui a noté un « léger mieux » dans l'activité du bâtiment grâce aux réformes engagées ; celles-ci commencent donc à porter leurs fruits.
En ce qui concerne plus particulièrement l'aide apportée par l'Etat au logement locatif social dans la région Nord - Pas-de-Calais, la dotation en PLA-Palulos et PLA très sociaux s'élève à 305,99 millions de francs en 1996. Ainsi, au premier semestre de 1996, 157,14 millions de francs ont été délégués au Nord - Pas-de-Calais, dont 58,9 millions de francs pour le Pas-de-Calais. Ces crédits ont permis au préfet du Pas-de-Calais d'autoriser le financement de 776 logements avant la réforme du PLA.
Au second semestre de 1996, compte tenu de la réforme du financement du PLA entrée en vigueur le 1er octobre 1996, l'enveloppe de crédits a été transformée en un contingent de PLA neufs qui pourront bénéficier de la TVA à taux réduit. Dans ce cadre, la région Nord - Pas-de-Calais a obtenu un contingent de 983 logements neufs, sur lesquels 363 ont été affectés au Pas-de-Calais. Globalement, le Pas-de-Calais aura ainsi pu financer 1 139 logements locatifs sociaux au titre de 1996.
M. Léon Fatous. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais elle me laisse insatisfait.
Je rappelle que, sur les 21 000 logements affectés à la suite de la récente réforme du financement des PLA, le Nord - Pas-de-Calais n'obtient que 1 070 logements. Sachant que le Nord - Pas-de-Calais abrite 4 millions des 58 millions d'habitants que compte notre pays, cette région aurait normalement dû obtenir 1 300 ou 1 400 logements. Le Nord - Pas-de-Calais est donc défavorisé par rapport au reste de la France.
Au cours de la réunion que le préfet a tenue le 9 décembre, nous étions fort nombreux. Faire déplacer tant de gens pour leur dire que nous obtenions 1 070 logements, cela ne valait pas la peine !
Au cours de cette même réunion, j'ai entendu les responsables du bâtiment se plaindre. Ils nous ont d'ailleurs annoncé qu'ils allaient se réunir le 19 décembre à Paris pour organiser d'importantes manifestations qui auraient lieu en fin d'année ou au début de l'année prochaine. J'ai entendu également les protestations des responsables d'offices ou de sociétés d'HLM.
Je persiste à dire que la région Nord - Pas-de-Calais n'est pas favorisée par rapport au reste de la France.

Suite donnée à la proposition de rachat
du péage de Roques-sur-Garonne (Haute-Garonne)

M. le président. M. Gérard Roujas attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux transports sur le dossier particulièrement sensible du péage dit de Roques-sur-Garonne permettant d'accéder à l'ancienne voie de dégagement Sud-Ouest transformée en A 64, aux portes de Toulouse.
Cette situation est unique en France : un péage est installé à un kilomètre de l'entrée d'une grande ville, rendant payante une voie réalisée avec les deniers des contribuables et que les usagers empruntaient gratuitement jusqu'au 5 mars 1996. Sans revenir sur les différentes péripéties qui ont émaillé ce dossier, il convient d'examiner la situation actuelle.
D'un côté, les usagers refusent, à juste titre, cette sorte d'octroi situé à quelques kilomètres du coeur de Toulouse. Comment expliquer que le trafic à l'endroit où est situé aujourd'hui le péage de Roques, qui était de 60 000 véhicules par jour avant la mise en service de celui-ci, soit tombé à 14 000 véhicules par jour après ? Comment expliquer l'accroissement considérable du trafic sur la RN 20 - de 19 000 à 40 000 véhicules par jour - et sur les voies environnantes, si ce n'est par le refus des usagers de payer pour emprunter un axe routier que, jusque-là, ils empruntaient gratuitement ?
Face à cette détermination, le Gourvernement a fait une proposition de « rachat partiel » du péage. Cette proposition consisterait, semble-t-il, à exonérer certaines catégories d'usagers alors que d'autres continueraient à payer. Cette demi-solution, fort complexe à mettre en oeuvre, n'est pas acceptable et, on le voit bien, ne permet pas de sortir de l'impasse.
Plutôt que d'envisager le rachat total du péage, le Gouvernement semble préférer consacrer 150 millions de francs à des travaux d'aménagement de la RN 20 - travaux à l'échangeur du Châpitre et suppression du passage à niveau de Pinsaguel -, travaux dont chacun s'accorde à dire qu'ils ne résoudront que deux problèmes ponctuels et ne permettront pas d'absorber de manière satisfaisante le trafic actuel sur cette route.
La majorité du conseil général de la Haute-Garonne et son président ont fait une autre proposition qui serait, elle, de nature à clore définitivement ce dossier. Quelle est-elle ?
- Négociation avec les autoroutes du sud de la France sur le rachat du péage afin d'en déterminer le juste montant entre les 67 millions de francs demandés en 1991 et les 275 millions de francs avancés aujourd'hui.
- Participation financière au rachat du péage du conseil général de Haute-Garonne, du conseil régional de Midi-Pyrénées et des communes concernées.
- Report des sommes que l'Etat se propose de consacrer à l'aménagement de la RN 20 sur le rachat de ce péage.
Sachant que la détermination des usagers est intacte et qu'ils ne sauraient se contenter de demi-mesures, il lui demande si elle entend, et le Gouvernement avec elle, se rallier à la proposition du conseil général de Haute-Garonne et, dans l'hypothèse d'une réponse favorable, si elle entend favoriser sa mise en oeuvre. (N° 505.)
La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. Madame le secrétaire d'Etat, je voudrais attirer à nouveau votre attention sur le dossier particulièrement sensible du péage de Roques-sur-Garonne, qui permet d'accéder à l'ancienne voie de dégagement sud-ouest, transformée en A 64, aux portes de Toulouse.
Cette situation est unique en France : un péage est installé à un kilomètre de l'entrée d'une grande ville, rendant payante une voie réalisée avec les deniers des contribuables et que les usagers empruntaient gratuitement jusqu'au 5 mars 1996. Sans revenir sur les différentes péripéties qui ont émaillé ce dossier, il convient d'examiner la situation actuelle.
Les usagers refusent, à juste titre, cette sorte d'octroi situé à quelques kilomètres du coeur de Toulouse.
Comment expliquer que le trafic à l'endroit où est situé aujourd'hui le péage de Roques, qui était de 60 000 véhicules par jour avant la mise en service de celui-ci, soit tombé à 14 000 véhicules par jours après ? Comment expliquer l'accroissement considérable du trafic sur la RN 20 - il est passé de 19 000 à 40 000 véhicules par jour - et sur les voies environnantes, sinon par le refus des usagers de payer pour emprunter un axe routier que, jusque-là, ils empruntaient gratuitement.
Face à cette détermination, le Gouvernement a fait une proposition de « rachat partiel » du péage. Cette proposition consisterait, semble-t-il, à exonérer certaines catégories d'usagers alors que d'autres continueraient à payer. Cette demi-solution, fort complexe à mettre en oeuvre, n'est pas acceptable et, on le voit bien, ne permet pas de sortir de l'impasse.
Plutôt que d'envisager le rachat total du péage, le Gouvernement semble préférer consacrer 150 millions de francs à des travaux d'aménagement de la RN 20 sur l'échangeur du Chapître et la suppression du passage à niveau de Pinsaguel, travaux dont chacun s'accorde à dire qu'ils ne résoudront que deux problèmes ponctuels et ne permettront pas d'absorber de manière satisfaisante le trafic actuel sur cette route.
La majorité du conseil général de la Haute-Garonne et son président ont fait une autre proposition, qui serait, elle, de nature à clore définitivement ce dossier : négociation avec la société des autoroutes du sud de la France sur le rachat du péage afin d'en déterminer le juste montant, entre les 67 millions de francs demandés en 1991 et les 275 millions de francs réclamés aujourd'hui ; participation financière au rachat du péage du conseil général de Haute-Garonne, du conseil régional de Midi-Pyrénées et des communes concernées ; report des sommes que l'Etat se propose de consacrer à l'aménagement de la RN 20 sur le rachat de ce péage.
Sachant que la détermination des usagers est intacte et qu'ils ne sauraient se contenter de demi-mesures, je vous demande si le Gouvernement entend se rallier à la proposition du conseil général de Haute-Garonne et, dans l'hypothèse d'une réponse favorable, en appuyer la mise en oeuvre.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, M. Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, qui suit ce dossier, m'a chargée de vous apporter les informations et les éléments de réponse suivants.
Tout d'abord, il faut rappeler que le recours à la concession pour les infrastructures routières autour de Toulouse a été retenu, il y a une dizaine d'années, pour accélérer la réalisation de ces infrastructures, comme cela est le cas dans d'autres agglomérations.
C'est ainsi que l'autoroute entre Roques et Toulouse, longue d'environ 10 kilomètres, a été concédée en 1992 à la société des autoroutes du sud de la France et a été mise en service en mars dernier.
Le montant des travaux réalisés par cette société sur la section en cause, y compris le raccordement à la rocade sud de Toulouse, s'élève à environ 600 millions de francs. La société doit donc percevoir un péage, sauf à envisager un rachat de celui-ci par les collectivités.
Face aux difficultés qui sont apparues lors de la mise en service, M. Bernard Pons a demandé au préfet de la région Midi-Pyrénées de mettre au point avec les collectivités intéressées une solution adaptée à la fois à la demande des usagers, aux possibilités contributives des collectivités locales et à la nécessité pour le concessionnaire de rembourser les montants empruntés pour l'aménagement de cette infrastructure.
A la suite de la réunion organisée par le préfet le 31 octobre dernier et après avoir recueilli les propositions des collectivités locales, M. Bernard Pons a donné son accord pour que soit mis en place, à titre provisoire, dès le début de l'année 1997, de nouvelles dispositions en matière de péage à Roques, en attendant qu'une solution satisfaisante et définitive soit arrêtée, ce qui nécessitera manifestement un certain délai.
Les dispositions transitoires qui seront mises en place au début de l'année 1997 consistent, pour les trajets domicile-travail, en un abonnement spécifique qui coûtera à l'usager 100 francs par an. Les collectivités contribueront à son financement par le versement de 7,5 millions de francs par an.
Cet abonnement sera proposé à tous les usagers qui sont amenés à utiliser quotidiennement cette autoroute, que ce soit pour se rendre à leur travail stricto sensu, pour suivre des études ou pour rechercher un emploi.
Les contributions des collectivités auxquelles je viens de faire allusion viendront, bien entendu, en déduction des montants qui apparaîtront dans la solution définitive, laquelle devrait être adoptée, nous l'espérons, à l'issue de cette période transitoire d'un an.
Il va de soi que la concertation doit se poursuivre autour de toute solution qui permettra de répondre aux besoins des usagers et aux différentes préoccupations financières que j'ai été conduite à exprimer.
M. Gérard Roujas. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de m'avoir répondu, mais je voudrais vous dire que, dès 1990, je me suis prononcé contre le péage de Roques. Depuis, ma position n'a pas varié. Quel qu'ait été et quel que soit le gouvernement en place, je reste résolument opposé au principe même de ce péage.
Je vous laisse imaginer un instant la réaction des habitants de Paris et de sa banlieue si un tel sort leur était réservé. Mais, la plupart des membres du Gouvernement étant des élus d'Ile-de-France, il est peu probable que cela se produise !
Cela dit, ce qui importe aujourd'hui, c'est non pas de ressasser le passé, mais de sortir de l'impasse dans laquelle le gouvernement actuel, par son entêtement, s'est engagé. Peut-être compte-t-il sur l'essoufflement de la contestation. Si tel est le cas, je peux vous assurer qu'il fait fausse route, car la détermination des usagers n'a jamais été aussi grande.
La suppression pure et simple du péage, comme en Ile-de-France, est évidemment la meilleure solution pour dénouer la crise.
La proposition de la majorité du conseil général de la Haute-Garonne aurait pu représenter, pour le Gouvernement, une porte de sortie honorable. Je regrette qu'il n'ait pas su la saisir.

Conditions d'octroi de la prime à l'herbe

M. le président. Mme Annick Bocandé attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur le peu d'effet produit par la prime à l'herbe dans certains départements.
Le problème vient du plafond d'exclusion en chargement fixé pour l'octroi de cette aide.
Pour être attractive, la prime à l'herbe devrait être accordée sans plafond d'exclusion.
Elle lui demande si une telle mesure pourrait être prise en faveur de la prime à l'herbe. (N° 504.)
La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Madame le secrétaire d'Etat, je souhaite évoquer le peu d'effet de la prime à l'herbe, notamment dans le département de la Seine-Maritime.
Dans mon département, ce sont moins de 100 éleveurs, sur plus de 5 000, qui bénéficient de cette prime, soit une proportion inférieure à 2 %.
Et pourtant, la prime à l'herbe est une mesure importante, au regard tant de la préservation des équilibres agro-pastoraux que de la lutte contre l'érosion hydrique qui affecte les terres labourées.
Le problème principal vient du plafond d'exclusion en chargement fixé pour l'octroi de cette aide. Ce plafond est de une UGB - unité gros bétail - et de 1,4 UGB par hectare lorsque les trois quarts de la surface agricole utile de l'exploitation sont en prairies. Or, en Seine-Maritime, le chargement moyen est de 1,5 à 2 UGB par hectare et la proportion de surface en herbe est de 40 % à 60 %.
Les systèmes herbagers sont d'autant plus difficiles à maintenir en Seine-Maritime que l'aide compensatoire accordée en maïs-fourrage est de 2 400 francs par hectare - montant forfaitaire - alors que la prime à l'herbe n'est que de 300 francs et que ses conditions d'attribution sont beaucoup plus restrictives.
Pour être attractive et éviter les effets de seuil, la prime à l'herbe devrait être accordée sans plafond d'exclusion. La suppression de ce plafond serait une mesure de simplification et d'équité.
Dans une période où la production de viande bovine va devoir être réduite pour faire face à la baisse des débouchés, une prime à l'herbe revalorisée, sans plafond d'exclusion, pourrait jouer un rôle important dans l'assainissement du marché.
Je serais heureuse, Madame le secrétaire d'Etat, que vous me disiez si une telle mesure pourrait être prise en faveur de la prime à l'herbe.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Madame le sénateur, mon collègue Philippe Vasseur assiste ce matin à Bruxelles au conseil des ministres européen de l'agriculture au sein duquel il défend les intérêts de la France. Il m'a donc chargée de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Pour répondre à la question concernant la « prime à l'herbe », il n'est pas possible de faire l'économie d'un retour sur la définition de celle-ci.
En effet, lorsqu'on évoque cette prime, il conviendrait d'utiliser systématiquement des guillemets, car il ne s'agit pas exactement de sa dénomination officielle. Son véritable intitulé est « prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs ». Tel est son objet, et cela explique la réglementation qui lui est applicable.
Cette action, qui constitue le socle de nos mesures agri-environnementales, est destinée à encourager les éleveurs qui maintiennent un mode d'élevage extensif, favorable à l'environnement.
Nous avons, depuis longtemps en France, une norme pour caractériser l'élevage extensif. Il s'agit des élevages produisant au plus une unité équivalent gros bétail, c'est-à-dire une UGB par hectare de surface fourragère. Cette norme d'une UGB par hectare est, en particulier, utilisée pour les aides compensatoires de handicaps naturels dans les zones défavorisées.
Dans le cas de la « prime à l'herbe », c'est la norme européenne de 1992 qui a été retenue avec 1,4 UGB par hectare, soit 40 % de plus que la définition nationale.
M. Vasseur me charge de vous indiquer qu'il n'est pas possible d'aller au-delà car, comme il a eu l'occasion de le préciser le 5 décembre dernier ici-même à l'occasion du débat budgétaire, il convient aujourd'hui d'encourager en priorité les éleveurs qui choisissent un mode de production extensif plutôt que ceux qui ont fait un choix différent.
Il faut rappeler que, globalement, le dispositif actuel concerne près de 110 000 éleveurs et plus de 5 millions d'hectares de prairies.
A propos de l'évolution des surfaces herbagères dans notre pays, nous avons pu lire récemment des statistiques diffusées par l'institut français de l'environnement. Elles étaient assez attristantes, puisque 25 % des prairies ont disparu depuis 1970.
Je suis cependant en mesure de vous apporter une information plus récente et plus réconfortante : depuis la mise en place de la réforme de la politique agricole commune, et donc depuis la mise en oeuvre de la « prime à l'herbe », la diminution annuelle des surfaces en herbe a été considérablement freinée. Ainsi, de 1983 à 1993, les superficies de prairies se réduisaient de 2 % chaque année, alors que, depuis 1994, le taux de diminution a été divisé par cinq. Ces résultats montrent l'intérêt des mesures agri-environnementales qui sont mises en oeuvre par le Gouvernement.
Mme Annick Bocandé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Je vous remercie des informations que vous m'avez apportées, madame le secrétaire d'Etat, sur un dossier qui, j'en conviens, ne doit pas vous être très familier. Ces informations ne m'ont toutefois pas complètement satisfaite. Il faut quand même rappeler que le département de la Seine-Maritime a une tradition d'élevage. Or si seulement 2 % des éleveurs sont concernés par cette mesure, cela démontre bien le caractère inadapté de celle-ci.
J'ajoute que la suppression du plafond d'exclusion aurait permis d'éviter les effets pervers qui sont inhérents à tout dispositif reposant sur le principe du « tout ou rien », en instaurant une dégressivité de l'aide, ce qui n'aurait pas été négligeable. Je sais bien qu'une négociation est menée à l'échelon de l'Union européenne, et que d'autres Etats membres ont des chargements plus importants que les nôtres. Cette disposition aurait pu faciliter les négociations.

Extension de la zone de montagne
dans le département de la Nièvre

M. le président. M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur l'extension de la zone de montagne dans le département de la Nièvre.
La directive communautaire n° 75/268 du 28 avril 1975, prise pour son application en France, fixe les conditions de classement des communes en zone de montagne.
La délimitation d'une zone de montagne repose sur les notions d'entité géographique, ce qui implique un ensemble de communes contiguës, de handicaps importants à l'exercice de l'activité agricole qui proviennent de l'existence de fortes pentes - moyennes d'au moins 20 % -, d'altitudes élevées - moyennes d'au moins 700 mètres - ou d'une combinaison de pente et d'altitude qui entraîne les mêmes difficultés.
Pour le Morvan, le handicap a toujours été estimé selon cette troisième formule. Ne sont éligibles que les communes ou parties de communes dont la valeur dépasse un seuil de référence fixé à 2.
A ce jour, il apparaît que les possibilités réglementaires d'extensions de la zone de montagne soient épuisées.
L'extension de la zone de montagne requiert au préalable une modification de la réglementation autorisant soit la fusion de communes - l'unité de base de la reconnaissance étant la commune ou la partie de commune, la péréquation de points de handicap n'est pas admise - soit la prise en compte comme unité de base d'associations de communes.
Il serait également envisageable de modifier les modalités de calcul utilisées dans le Morvan, qui sont similaires à celles qui sont utilisées pour le Massif central, en retenant les critères utilisés pour les Vosges.
En conséquence, il lui demande s'il lui est possible de prendre en compte cette extension de la zone de montagne qui lui paraît logique et très souhaitée par les agriculteurs de ces communes qui rencontrent toutes les difficultés des zones difficiles et à climat rigoureux. (N° 512.)
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, que vous représentez, madame le secrétaire d'Etat, sur l'extension de la zone de montagne dans le département de la Nièvre.
La directive communautaire n° 75/268 du 28 avril 1975 et l'arrêté du 28 avril 1976 pris pour son application en France fixent les conditions de classement des communes en zone de montagne.
La délimitation d'une zone de montagne repose sur les notions d'entité géographique, ce qui implique un ensemble de communes contiguës, de handicaps importants à l'exercice de l'activité agricole qui proviennent soit de l'existence de fortes pentes, soit d'altitudes élevées, ou d'une combinaison de pente et d'altitude qui entraîne les mêmes difficultés.
Pour le Morvan, le handicap a toujours été estimé selon cette troisième formule. Ne sont éligibles que les communes ou parties de communes dont la valeur dépasse un seuil de référence fixé à 2. A ce jour, dix-sept communes ou parties de communes sont classées en zone de montagne et il apparaît que les possibilités réglementaires d'extension de cette zone soient épuisées. L'extension de la zone de montagne requiérerait au préalable une modification de la réglementation autorisant soit la fusion de communes, soit la prise en compte comme unité de base d'associations de communes dans le cadre de la nouvelle loi sur l'organisation administrative.
Il serait également envisageable de modifier les modalités de calcul utilisées dans le Morvan, qui sont similaires à celles qui sont utilisées pour le Massif central, en retenant les critères utilisés pour les Vosges. Selon une simulation, l'application de ces critères permettrait le classement de neuf communes supplémentaires.
M. le ministre de l'agriculture pourrait-il prendre en compte cette extension de la zone de montagne, qui me paraît logique et très souhaitée par les agriculteurs de ces communes, qui rencontrent toutes les difficultés propres aux zones difficiles et à climat rigoureux ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, j'ai indiqué à Mme Bocandé la raison pour laquelle M. Philippe Vasseur m'a chargée de répondre à sa place.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, depuis la directive n° 75/268/CEE du 28 avril 1975, le classement en zone de montagne relève d'une procédure communautaire qui est fondée sur le respect de critères physiques très stricts, que vous avez d'ailleurs rappelés.
Dans le cadre de ces normes, la France demande depuis plus de deux ans le classement de plus de 120 communes, et ce sans succès, car la Commission applique avec la plus grande rigueur l'ensemble des mesures techniques prescrites par les textes en vigueur.
Modifier la réglementation française pour une extension de la zone de montagne du Morvan, puisqu'il est exact que les possibilités réglementaires d'extension de la zone de montagne de la Nièvre sont épuisées, nécessiterait, au préalable, une modification de la directive communautaire, ce qui n'est pas envisagé par les institutions communautaires.
L'application de ce dispositif communautaire inhérent à la directive a permis en vingt ans, il faut le rappeler, de classer environ 45 % du territoire métropolitain en zone agricole défavorisée, y compris la zone de montagne relevant de l'article 3, paragraphe 3, de cette directive.
Toute extension risquerait de remettre en question le classement de ces territoires, ce qui, bien évidemment, serait très dangereux pour notre pays.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame le secrétaire d'Etat, je comprends les raisons que vous avez développées, mais votre réponse ne peut pas tout à fait me satisfaire.
La montagne constitue une entité géographique, économique et sociale dont le relief, le climat, le patrimoine naturel et culturel nécessitent la définition et la mise en oeuvre d'une politique spécifique de développement.
La politique de la montagne a pour finalité de permettre aux populations locales et à leurs élus d'acquérir les moyens et la maîtrise de leur développement afin d'établir une parité de revenus et de conditions de vie entre eux et les autres régions.
Les zones de montagne se caractérisent par des handicaps significatifs entraînant des conditions de vie plus difficiles et restreignant l'exercice de certaines activités économiques.
Les communes concernées sont caractérisées par une limitation considérable de l'utilisation des terres et par un accroissement important du coût de leurs travaux du, soit à l'existence, en raison de l'altitude, de conditions climatiques très difficiles, soit à la présence, à une altitude moindre, dans la majeure partie de leur territoire, de pentes si fortes que la mécanisation n'est pas possible ou nécessite l'utilisation de matériels très onéreux.
Outre la modification de la réglementation, difficile, selon vous, à obtenir, l'application au Morvan intégré au Massif central ou des critères d'altitude exigés pour le massif vosgien, c'est-à-dire 600 mètres au lieu de 700, permettrait la reconnaissance en zone de montagne de plusieurs communes de notre région. Cette reconnaissance est justifiée par des conditions d'exploitation aussi difficiles et un climat aussi rude zone de montagne. Une telle décision réparerait une certaine forme d'injustice.
Si vous connaissiez le Morvan, madame le secrétaire d'Etat, vous jugeriez sans doute comme moi qu'il est anormal que certaines communes situées à une altitude plus élevée ne soient pas classées en zone de montagne, alors que d'autres situées à une altitude plus basse le sont pour des raisons de pente, à tel point d'ailleurs que les Morvandiaux disent qu'ils descendent à la montagne !
Le Morvan, compte tenu non pas tant de son altitude que de sa situation plus septentrionale que le Massif central, a un climat plus proche du climat vosgien. Les critères retenus pour les Vosges sembleraient donc plus adéquats pour le Morvan. Voilà une requête que je soumets à M. le ministre de l'agriculture. Peut-être pourrait-il plaider cette cause en dehors de toute modification du règlement.

TRANQUILLITÉ PUBLIQUE
DANS CERTAINS QUARTIERS DE PARIS

M. le président. M. Jacques Bimbenet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les pratiques intolérables qui se développent dans le quartier de la porte Dauphine à Paris.
En effet, depuis de nombreuses années et alors que des plaintes ont souvent été enregistrées, les riverains doivent côtoyer une catégorie d'individus, hommes et femmes, dont les comportements sexuels déviants, exprimés de façon ostentatoire, constituent une insulte à la morale et à l'ordre publics.
Cette débauche est d'autant plus choquante qu'elle s'organise dès dix-neuf heures, et ce alors que de nombreux étudiants de l'université Dauphine quittent la faculté tard dans la soirée, inquiétés par l'insécurité qui se développe alentour.
Par ailleurs, il est inacceptable que l'avenue Foch, une des plus prestigieuses artères parisiennes, ait la réputation d'être l'un des hauts lieux de la prostitution parisienne.
En conséquence, il souhaite connaître les mesures que M. le ministre envisage de prendre pour mettre fin à cette situation. (N° 497.)
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Je tiens à attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation très préoccupante que connaît le quartier de la porte Dauphine à Paris, où se développent des pratiques intolérables.
En effet, il me semble important de ne pas fermer les yeux sur les agissements illégaux et choquants de certains individus, hommes ou femmes, qui, à toute heure du jour et de la nuit, affichent ostensiblement leurs déviances sexuelles en se livrant, notamment, à la prostitution, au voyeurisme ou, encore, à l'échangisme.
Je suis désolé, monsieur le président, de faire usage de tels termes au sein de notre assemblée, mais ces pratiques ont un nom et, dans une telle situation, il convient de ne pas se voiler la face.
Ces pratiques s'accompagnent, en outre, d'un profond climat d'insécurité propre à la prostitution et donc, hélas ! à la drogue, qui affecte non seulement les riverains mais, surtout, une catégorie de la population qui doit recevoir la protection du Gouvernement, celle du ministère de l'intérieur plus spécialement, je veux parler des étudiants.
En effet, mon attention a été appelée par plusieurs familles de mon département dont les enfants sont étudiants à l'université Paris-Dauphine, car c'est sur les trottoirs jouxtant cette dernière que se développent les pratiques que j'évoque.
Or, il me semble particulièrement scandaleux que des jeunes gens - certains sont âgés de dix-sept ans ou dix-huit ans - soient amenés à subir ce spectacle outrageant, qui constitue une insulte à la morale et à l'ordre public.
De plus, l'université fermant ses portes à vingt-deux heures quarante-cinq, il n'est pas rare que des parents ou des amis viennent chercher les étudiants au pied de la faculté, afin de leur éviter de traverser un quartier en pleine effervescence que je qualifierai de « commerciale », pour ne pas être amené à faire usage d'un autre terme.
J'achèverai mon propos sur une note moins grave mais toutefois préoccupante, en vous signalant qu'il est singulièrement décevant que l'une des avenues les plus prestigieuses de Paris, l'avenue Foch, soit considérée par tous comme l'un des hauts lieux de la prostitution parisienne.
Outre les conséquences néfastes que cette situation entraîne quotidiennement pour les riverains, il faut savoir que cette présence incongrue a des effets inattendus, notamment une chute spectaculaire des prix de l'immobilier, ce voisinage particulier ayant entraîné une forte baisse du nombre des transactions.
Je m'associe aux inquiétudes des riverains et des étudiants mais également de tous les citoyens, légitimement choqués par cette situation, et je souhaite vraiment que M. le ministre de l'intérieur, au nom du Gouvernement, puisse prendre les mesures qui permettront d'y mettre fin. Tel est le sens de ma question.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'intérieur m'a prié de vous présenter ses excuses : il est actuellement à l'Assemblée nationale, pour préparer le texte du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, dont l'examen doit commencer cet après-midi. J'essaierai donc de vous apporter les réponses que vous souhaitez.
La présence persistante de prostituées et d'exhibitionnistes dans le secteur de la porte Dauphine ne peut être imputée à une insuffisance de l'engagement des services de police concernés qui utilisent, sur ce site sensible, toutes les ressources de l'arsenal juridique actuellement disponible.
Les instructions, renouvelées en permanence aux effectifs de l'arrondissement, qui bénéficient régulièrement du concours de la brigade de répression du proxénétisme, portent en priorité sur la répression systématique du racolage actif, des exhibitions sexuelles et la verbalisation, au regard du code de la route, des automobilistes « clients » et des prostituées utilisant des camionnettes.
Ainsi, depuis le début de l'année 1996, l'action des fonctionnaires locaux, tant en tenue qu'en civil, a permis de procéder à 1 402 interpellations et à 228 mises à disposition de la police judiciaire, dont 116 au motif d'exhibition sexuelle.
Les effectifs de police judiciaire, tout particulièrement de la brigade de répression du proxénétisme, effectuent des contrôles fréquents sur ce site. Le dispositif mis en place sera maintenu avec détermination.
Je vous ai cité les chiffres relatifs à l'action de la police, monsieur le sénateur. Cette action est quotidienne et la police agit, bien sûr, en vertu du dispositif législatif. Le ministre de l'intérieur, qui est très sensible au problème que vous avez signalé, lequel perturbe la vie quotidienne des riverains, m'a prié de vous transmettre sa réponse et de vous indiquer que sa détermination est totale.
M. Jacques Bimbenet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions et de l'information que vous avez portées à notre connaissance.
Ma question était aussi motivée par le fait que, sortant d'une réunion au pavillon Dauphine, j'avais moi-même été interpellé par des gens qui m'avaient probablement pris pour quelqu'un d'autre. Je n'avais vu aucun policier alentour, mais il était minuit et peut-être les policiers étaient-ils mieux cachés que d'habitude. Je me félicite toutefois des mesures qui sont prises par le ministre de l'intérieur. Je souhaite qu'elles aient un effet salutaire sur le bien-être et la sécurité dans ce lieu de Paris.

SITUATION DES SAPEURS-POMPIERS AUXILIAIRES

M. le président. M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des sapeurs-pompiers auxiliaires, qui ne peuvent exercer leur activité durant leurs permissions ou leurs congés réguliers au sein de leur centre de secours d'origine.
Ils se trouvent donc, de ce fait, dans une situation moins favorable que celle des appelés de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui bénéficient d'une autorisation de leur chef d'état-major pour remplir des missions pendant leurs permissions ou leur temps de repos.
Il paraît injuste que les jeunes qui effectuent leurs obligations militaires dans le cadre des services d'incendie et de secours et bénéficient d'un encadrement et d'une formation de qualité ne puissent mettre en pratique les connaissances qu'ils ont acquises dans leur centre d'appartenance.
Lui serait-il possible de lui indiquer si des mesures peuvent être envisagées en vue d'étendre aux sapeurs-pompiers auxiliaires l'autorisation accordée aux autres appelés afin de ne pas pénaliser ce mode de service national ? (N° 491.)
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des sapeurs-pompiers auxiliaires qui ne peuvent exercer leur activité durant leurs permissions ou leurs congés réguliers au sein de leur centre de secours d'origine.
Ils se trouvent donc, de ce fait, dans une situation moins favorable que celle des appelés de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui bénéficient d'une autorisation de leur chef d'état-major pour remplir des missions pendant leurs permissions ou leur temps de repos.
Il paraît injuste que les jeunes qui effectuent leurs obligations militaires dans le cadre des services d'incendie et de secours et bénéficient d'un encadrement et d'une formation de qualité ne puissent mettre en pratique les connaissances qu'ils ont acquises dans leur centre d'appartenance.
Vous serait-il possible, monsieur le ministre, de m'indiquer si des mesures peuvent être envisagées en vue d'étendre aux sapeurs-pompiers auxiliaires l'autorisation accordée aux autres appelés, afin de ne pas pénaliser ce mode de service national ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des sapeurs-pompiers auxiliaires qui ne peuvent exercer leur activité durant leurs permissions ou leurs congés réguliers au sein de leur centre de secours d'origine.
Ces sapeurs-pompiers auxiliaires se trouveraient, de ce fait, dans une situation, vous l'avez rappelé, moins favorable que celle des appelés de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui bénéficient d'une autorisation de leur chef d'état-major pour remplir des missions pendant leurs permissions ou leur temps de repos.
Si l'autorisation accordée par le chef d'état-major de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris trouve son fondement dans l'article 103 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, cette autorisation n'emporte pas, pour autant, la possibilité pour les corps de sapeurs-pompiers professionnels d'engager ces jeunes gens appelés pendant leurs périodes de permissions.
En effet, pour des raisons de sécurité tenant à la condition physique de ces agents, un tel cumul de fonctions n'est pas recommandé, les risques d'erreur humaine étant plus importants en cas de sollicitation excessive.
Dans l'hypothèse où de telles erreurs se produiraient, il convient de souligner qu'elles pourraient engager la responsabilité de la collectivité territoriale employeur ainsi que celle du chef de service.
C'est pourquoi l'article R. 354-13 du code des communes dispose que les sapeurs-pompiers auxiliaires, par ailleurs sapeurs-pompiers volontaires, ne peuvent participer pendant leurs permissions ou congés réguliers qu'au fonctionnement du corps auquel ils appartenaient avant leur incorporation en qualité de sapeur-pompier auxiliaire, à l'exclusion de toute participation à des missions opérationnelles.
Il n'a pas été envisagé, à l'heure actuelle, de revenir sur cette disposition du code des communes.
Par ailleurs, la réforme du service national ne devrait pas avoir d'incidence : les jeunes sapeurs-pompiers auxiliaires, sous le régime du volontariat, resteront soumis aux mêmes règles de sécurité et de rythme de travail.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse, mais elle ne peut me satisfaire. Je craignais d'ailleurs qu'elle ne soit un peu tardive, compte tenu de la suppression du service national. Toutefois, la question se posera de nouveau puisqu'il existera des formes civiles de service national. Des jeunes gens pourront ainsi être incorporés dans le corps des sapeurs-pompiers professionnels.
Par conséquent, les raisons que vous avancez ne me paraissent pas convaincantes. Je ne peux pas penser que la forme physique des sapeurs-pompiers qui servent dans les centres de secours composés de sapeurs-pompiers professionnels soit moins bonne que celle des sapeurs-pompiers qui servent dans le corps des sapeurs-pompiers de Paris et que leur fatigue puisse les conduire à prendre des risques qui seraient supportés par les communes.
En fait, quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, il y a deux poids, deux mesures.
Compte tenu des difficultés que rencontrent les petits centres de secours à trouver des volontaires, les jeunes sapeurs-pompiers professionnels qui sont formés pourraient encadrer les autres ; ils ne demandent qu'à le faire alors que, dès le vendredi, en général, ils quittent leur service et restent toute la fin de semaine à regarder les autres intervenir sans pouvoir les aider.
Cette interdiction décourage un peu ces jeunes gens. De plus, elle nuit au volontariat des autres et me semble quelque peu injuste au regard de ce qui est accordé aux sapeurs-pompiers de Paris. Les communes ne refusent ni de prendre en compte les risques ni de les assumer. Elles le font pour les autres pompiers. Pourquoi ne le feraient-elles pas pour eux ?
D'ailleurs, il n'existe aucune directive écrite sur ce point, me semble-t-il. Les instructions ont été données oralement. En fait, il s'agit purement et simplement d'un problème financier et de responsabilité qui pourrait être parfaitement résolu pour peu que l'on comprenne la distorsion qui existe entre les sapeurs-pompiers de Paris et les sapeurs-pompiers qui servent dans les corps professionnels d'autres villes.
Monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir transmettre cette demande à M. le ministre de l'intérieur avec un peu d'insistance. Plusieurs sapeurs-pompiers se trouvent dans les tribunes ; ils sont venus de Nevers pour écouter votre réponse. C'est là un problème qui peut paraître anodin mais qui, pour eux, est vécu comme une injustice. Il importe, me semble-t-il, de répondre à une demande très forte des petits centres de secours, qui auraient ainsi des formateurs tout à fait qualifiés et mobilisables, lesquels ne demandent que cela.

RENFORCEMENT DES EFFECTIFS
DE GENDARMERIE EN ESSONNE

M. le président. M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'insécurité croissante en Essonne : meurtres, vols, vandalisme, incendies, dégradation de véhicules, de matériel commercial, de bâtiments publics.
Les brigades de gendarmerie, en liaison avec la police nationale, ne semblent pas pouvoir maîtriser une situation qui se détériore.
C'est pourquoi il lui demande s'il ne pourrait pas être envisagé d'augmenter les effectifs de gendarmerie en Essonne. (N° 488.)
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, au cours de la discussion du projet de loi de finances, j'ai évoqué les besoins nationaux en matière de gendarmerie. Toutefois, je souhaite attirer votre attention sur le département de l'Essonne, et plus particulièrement sur la brigade de gendarmerie d'Egly, qui correspond à ce que nous vivons quotidiennement dans notre département.
Le ministre de la défense est le seul, me semble-t-il, qui peut, sans bourse délier, répondre à notre demande d'effectifs. En effet, dans l'armée traditionnelle, on enregistre des excédents d'emplois consécutifs à la modernisation des armées. Il s'agit de sous-officiers d'élite que l'on peut très bien inciter à servir dans la gendarmerie, puisque cette dernière à besoin de 10 % d'effectifs supplémentaires, et ce sans attendre 2001. La sécurité de nos habitants dans les trains, de jour et de nuit, ne permet pas d'attendre cinq mille hommes d'ici à cette date. Avec dix mille hommes immédiatement, l'on pourrait, sans débourser un sou, répondre à la demande.
Il y a un phénomène, monsieur le ministre, qui ne doit pas vous échapper : les gendarmes ont affaire aux élus locaux, lesquels partagent mes préoccupations ; mais il s'agit de militaires. C'est à la fois une grande qualité et un inconvénient, puisque les informations que nous donnons sont filtrées par la voie hiérarchique : lorsqu'elles parviennent au sommet, elles ne reflètent plus ni l'attente des élus ni la réalité de la situation à laquelles sont confrontées les brigades territoriales sur le terrain.
En ce qui concerne plus précisément la brigade d'Egly, depuis le mois de mars dernier, des entreprises ont subi des vols ou des dégradations, des garages ont eu leur porte enfoncée, notamment le garage Huteau, qui a été cambriolé trente-huit fois - le préjudice est estimé à 250 000 francs minimum - des sociétés commerciales ont été constamment agressées, des actes de vandalismes ont été perpétrés contre des bâtiments publics, qu'il s'agisse du nouveau gymnase, en juin 1996, de la crèche ou de la bibliothèque SNCF, sans compter les incendies de voitures particulières et l'aggression de l'officier de police parisien sur le trajet de cette voie ferrée. Cette agression a ému tout le monde compte tenu de la qualité de cette jeune femme et du nombre de ses agresseurs, mais ce n'est pas un acte isolé. De tels actes sont commis sur les deux ou trois lignes qui desservent notre département depuis Paris.
Le colonel de gendarmerie - j'ai suivi la voie hiérarchique - me répond : je vous donnerai satisfaction, je renforcerai en priorité cette unité d'Egly par les moyens qui sont mis périodiquement à la disposition de mon groupement. « Périodiquement », cela signifie un an, deux ans, trois ans. C'est sans espoir !
Or la réponse que j'ai obtenue du ministre de la défense, que vous représentez, monsieur le ministre - j'en suis heureux, car j'ai en vous un ambassadeur de qualité et je suis certain de vous avoir convaincu - est la suivante : on va mettre en place des patrouilles supplémentaires de surveillance générale et, compte tenu des mesures qui ont été prises en matière de réorganisation des armées, les volontaires prévus par la loi de programmation militaire viendront renforcer les effectifs. Mais on rêve ! Nous voulons des gendarmes professionnels d'active, des habitués. Il ne suffit pas d'avoir un complément d'hommes de bonne volonté, que l'on mettra un certain temps à former ! Nous disposons de sous-officiers de l'armée de terre qui, avec un stage de formation, comme on le fait dans les entreprises, deviendraient immédiatement opérationnels.
Je ne comprends pas, monsieur le ministre, que le Gouvernement, qui veut réussir, ne saisisse pas l'occasion qu'offre la gendarmerie. Cela ne coûtera pas un sou puisqu'il s'agit déjà de militaires de carrière.
J'ai choisi la commune d'Egly parmi bien d'autres, afin d'attirer votre attention et vous faire part de mes inquiétudes, voire de ma peur.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Charles Millon, qui est actuellement à Bruxelles pour participer à une réunion des ministres de la défense des pays membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN.
Il est vrai que, depuis quelques années, le département de l'Essonne, en particulier les 145 communes qui relèvent de la compétence exclusive de la gendarmerie nationale, n'est pas épargné par l'évolution générale de la délinquance.
Cependant, il convient également de souligner les efforts importants déjà consentis par cette arme en vue d'y renforcer ses effectifs. Ainsi, de 1990 à 1996, ceux-ci ont progressé de 9 %, passant de 556 militaires à 607.
En outre, d'autres mesures ont été prises : des gendarmes mobiles renforcent de façon quasi permanente certaines unités territoriales, alors que d'autres sont mis ponctuellement à leur disposition dans le cadre de la politique de la ville et des missions de sécurisation des quartiers sensibles.
Enfin, dans l'esprit de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, la gendarmerie conduit actuellement une réflexion sur la possibilité de redéployer des effectifs vers les zones périurbaines relevant de sa compétence à partir d'unités implantées en zone de police d'Etat. Des besoins importants sont en effet avérés dans ces zones, en raison de l'accroissement de leur population et du développement des phénomènes de délinquance et de violence qui les caractérisent et qui sont de nature à entretenir un fort sentiment d'insécurité.
Il convient de souligner que, dans les zones à partir desquelles s'opéreront les redéploiements, la qualité du service public sera maintenue, car la police nationale y est d'ores et déjà chargée de manière exclusive des missions de sécurité publique. La police n'y connaîtra aucune charge supplémentaire, puisque la gendarmerie continuera d'assurer l'intégralité de ses missions propres à partir des brigades voisines qui seront si nécessaire renforcées en conséquence.
C'est par ailleurs la seule solution avant 1999 - vous avez évoqué cette date, monsieur le ministre - pour accroître les effectifs des brigades de gendarmerie en difficulté dans les zones où elles sont seules comptables de la sécurité publique.
Ces redéploiements d'effectifs ont débuté en 1996 et se sont globalement bien passés. Ils seront poursuivis en 1997. L'Essonne devrait bénéficier de ces mesures qui participent à l'amélioration de la qualité de la sécurité publique générale qui reste, vous le savez, une priorité pour le Gouvernement. Vous serez très prochainement informé des modalités précises de mise en place de ces mesures.
Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que je souhaitais vous faire, au nom de M. Charles Millon. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, je pensais bien que vous alliez me présenter ces arguments. Or, en l'occurrence, c'est un peu comme au jeu de dames : si vous répartissez différemment le même nombre de pions, vous ne réglez pas pour autant la situation. En effet, vous avez - excusez-moi de vous personnaliser avec le ministre des armées -...
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. C'est un honneur !
M. Jean-Jacques Robert. ... augmenté les effectifs de 9 %, mais la population, qui comprend quelques éléments difficiles a augmenté de 20 %, et s'agglomère alors que l'urbanisme est à peu près inexistant. Telle est l'origine des difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
Il est tout de même anormal que nos concitoyens aient peur de prendre le train ou de sortir la nuit, que les personnes âgées s'enferment chez elles et qu'il n'y ait pas de présence policière.
Le propre de la gendarmerie, c'est de parler avec les habitants pour s'informer. Or les gendarmes n'ont plus le temps de le faire. Ils vivent à cent à l'heure dans les brigades et sont en plus requis par les missions du service de la route.
Ce sont des hommes d'exception, mais il faut augmenter leur nombre de 10 %, étant précisé que, actuellement, un certain nombre de postes ne sont pas pourvus.
Dans ces conditions, attendre les nouvelles normes, c'est déraisonnable. En effet, des sous-officiers de l'armée de terre sont disponibles. Puisque, compte tenu de la modernisation des armées, ils n'ont plus d'emploi ni d'avenir dans l'armée de terre, il convient de les mettre dans la gendarmerie où ils se réaliseront magnifiquement.
Je vous prie de m'excuser d'avoir insisté sur ce point, monsieur le ministre. Si vous pouvez transmettre mes propos au Gouvernement et, éventuellement, au chef des armées...
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Ce sera fait !
M. Jean-Jacques Robert. ... les habitants de l'Essonne vous en seront reconnaissants. (Applaudissements sur les travées du RPR.)

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NOMINATION DE MEMBRES
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques et du Plan a proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Bernard Hugo et Bernard Joly, membres titulaires, et MM. François Gerbaud et Jacques Rocca Serra, membres suppléants du Conseil national des transports.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, le Sénat va interrompre ses travaux ; il les reprendra à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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CANDIDATURES
À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La commission des affaires économiques et du plan a fait connaître qu'elle propose les candidatures de M. Louis Moinard, en qualité de membre titulaire, et de M. Marcel-Pierre Cleach, en qualité de membre suppléant, pour siéger au sein du Conseil national de l'habitat.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

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INSTITUTION D'UNE PRESTATION
SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE

Adoption des conclusions modifiées
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 130, 1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de la loi tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici enfin au terme du processus qui doit aboutir à la mise en oeuvre d'une véritable prestation à destination des personnes âgées dépendantes. Après dix années de travaux souvent de qualité et le report, l'année passée, du projet de loi dit « Codaccioni », certains, au sein de la Haute Assemblée, doutaient que la proposition de loi signée par M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales, et nombre de ses collègues dont j'étais, le 11 juillet 1996, parviendrait jusqu'à son terme avant la fin de l'année 1996. Or, ils constateront avec moi que c'est désormais chose faite. Je dois, à cet égard, remercier le Gouvernement en la personne de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, sans l'accord et l'aide constante duquel rien n'aurait été possible.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Merci !
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vais donc, dans un premier temps, vous informer des résultats de la commission mixte paritaire avant de rappeler les apports essentiels de ce texte qui va permettre - je le crois sincèrement - une meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes.
Permettez-moi, tout d'abord, de remarquer combien cette commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 10 décembre 1996 à l'Assemblée nationale, s'est déroulée dans un excellent climat.
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela prouve, une fois de plus, que, lorsque les deux assemblées ont à coeur un même but, à savoir l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées dépendantes dans le respect des contraintes financières qu'impose la difficulté de la conjoncture, elles savent travailler ensemble et dans un esprit parfaitement constructif.
Dans la mesure où l'Assemblée nationale avait respecté l'économie générale du texte adopté par la Haute Assemblée, les points de forte divergence étaient peu nombreux.
Il convient d'ailleurs de rappeler que l'Assemblée nationale avait concrétisé, dans le texte, deux souhaits du Sénat, à savoir la possibilité d'élever le montant de la prestation jusqu'à 100 % de la majoration pour tierce personne - c'est un point auquel nous étions particulièrement attachés - et le dispositif d'exonération de la taxe pour les contrats d'assurance dépendance, proposé par notre éminent collègue Jean Chérioux.
Au nombre de trois, les principaux points de divergence étaient relatifs à la composition de l'équipe médicosociale, à l'organisation par les conseils généraux d'une formation obligatoire continue pour les employés d'un service d'aide à domicile et à la création de barèmes nationaux dans le cadre de la réforme de la tarification.
Si la commission mixte paritaire a retenu la rédaction de l'Assemblée nationale pour la composition de l'équipe médico-sociale, en revanche, elles s'est rendue aux arguments des sénateurs s'agissant des barèmes et de la formation des aidants à domicile. En effet, le texte ne comporte plus désormais l'exigence pour ceux-ci d'une formation continue organisée par le conseil général ; les départements apprécieront. Mais les aidants pourront dorénavant bénéficier d'une formation, selon des modalités précisées par voie réglementaire, car - nous en sommes bien conscients - une formation, même minimale, est fortement souhaitable compte tenu de la vulnérabilité des populations aidées.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. S'agissant des autres points de divergence significatifs, si l'on excepte la mention explicite des diplômes du médecin, qui doit intervenir en cas de recours fondé sur l'appréciation du degré de dépendance de la personne, et l'exigence, souhaitée par l'Assemblée nationale, d'un cahier des charges que devront respecter les conventions pluriannuelles tripartites pour la réforme de la tarification, la commission mixte paritaire a accepté l'ensemble de nos amendements ou propositions.
Il en est ainsi de la transformation de l'obligation de signer des conventions en matière statistique en simple faculté à l'article 1er A, de la clarification entre ce qui relève du soin et de l'assurance maladie et ce qui est du domaine de la prestation spécifique dépendance et des conseils généraux aux articles 1er et 12, de l'exigence de l'avis du maire sur le dossier de demande de prestation, de la suppression de l'exclusion des associations prestataires de services aux personnes âgées dépendantes comme signataires avec les départements des conventions facultatives de l'article 3, ainsi que de celle de l'avis des professionnels du secteur gérontologique pour l'élaboration de ces conventions, toujours à l'article 3.
La commission mixte paritaire a également suivi le Sénat dans nombre des précisions qu'il souhaitait apporter. Il en est ainsi de l'exclusion de la retraite du combattant dans les ressources prises en compte à l'article 5, de celle de la prestation spécifique dépendance pour la prise d'hypothèque, à l'article 8 bis, des conditions de cumul ou de non-cumul de la prestation avec d'autres allocations à l'article 7, ou, enfin, de la limitation du bénéfice de la disposition fiscale de l'article 14 ter A aux personnes dont les ascendants peuvent bénéficier de la prestation spécifique dépendance.
Enfin, la commission mixte paritaire s'est rendue aux arguments du Sénat en ne confiant pas à un décret en Conseil d'Etat la tâche de fixer les éléments de l'environnement à prendre en compte et en rétablissant, à peu de chose près, la rédaction concernant la consultation par l'équipe médico-sociale du médecin du choix de l'intéressé, qui faisait suite à un amendement déposé par notre collègue Huriet. Elle a également suivi la Haute Assemblée en rétablissant la date butoir d'entrée en vigueur de la réforme de la tarification au 31 décembre 1998 - nous y tenions - ...
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... et en instaurant une possibilité de choix pour les personnes handicapées, à chaque renouvellement de leur allocation compensatrice, entre le maintien de celle-ci et la prestation spécifique dépendance, si cette dernière semble plus adaptée à leur état. De même, elle a jugé inutile de créer une possibilité de prolonger l'allocation compensatrice jusqu'au 31 décembre 1997 pour les personnes dont cette prestation est soumise à renouvellement l'année prochaine. C'était là une demande très forte de la Haute Assemblée sur laquelle s'était retrouvée la quasi-unanimité de ses membres.
En effet, et j'en terminerai par là, je crois réellement que la prestation spécifique dépendance apporte un progrès significatif à la prise en charge des personnes âgées dépendantes et que nous posons, par ce texte, des principes destinés à perdurer. Il s'agit de la transformation de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, en une prestation en nature.
Quels sont les apports essentiels de ce texte ?
Tout d'abord, et cela m'apparaît essentiel, ce texte met au centre du dispositif la personne âgée dépendante, avec ses besoins d'aide spécifique. C'est elle, en effet, qui bénéficiera d'abord de la coordination nécessaire de toutes les aides existantes en matière de dépendance et de l'optimisation de celles-ci.
La prestation spécifique dépendance sera accordée en fonction de l'état de la personne et le plan d'aide élaboré par une équipe médico-sociale de terrain tiendra compte de tout la palette d'aides dont elle pourra disposer.
La prestation spécifique dépendance, qui ne dépendra pas, comme l'ACTP, du cadre rigide d'un barème d'invalidité inadapté à l'état de dépendance et ne sera pas octroyée par les COTOREP - dont chacun a dénoncé la lenteur et les dysfonctionnements - pourra être modulée en fonction des besoins véritables de la personne. Ceux-ci seront évalués à partir d'une grille unique nationale, la grille AGGIR, afin que chacun soit traité de la même façon sur l'ensemble du territoire national.
Ainsi, en cas de très grande dépendance, cette prestation pourra aller au-delà de l'allocation compensatrice actuelle, c'est-à-dire égaler la majoration pour tierce personne, la MTP, qui avoisine les 5 530 francs. C'est donc un progrès indéniable.
Parallèlement, si le besoin d'aide est réduit, elle pourra être beaucoup plus faible, en pourcentage de la MTP, que l'allocation compensatrice, qui n'est pas attribuée en deçà de 40 %. Cette souplesse permettra donc de mieux prendre en compte la diversité des situations.
Pour simplifier les procédures, la demande de prestation sera effectuée auprès du président du conseil général du département de résidence de la personne dépendante. Toutefois, la prestation spécifique dépendance sera servie et gérée par le département du domicile de secours de celle-ci.
Dans la mesure où c'est une aide de proximité, il est apparu normal que cette compétence appartienne au président du conseil général. Mais, dans la mesure où, précisément, la prestation spécifique dépendance doit répondre aux besoins véritables de la personne et où les communes seront associées au financement de cette prestation par le biais du contingent communal d'aide sociale, il est apparu nécessaire que le maire soit consulté sur le dossier. Nous l'avons bien confirmé dans le texte à l'issue de son examen en commission mixte paritaire.
Centrée sur les besoins et l'état de la personne, que celle-ci réside à domicile ou en établissement, cette prestation sera attribuée sous conditions de ressources.
Certes, le plafond de ressources apparaîtra à certains insuffisamment élevé. Mais il y a un début à tout ! Il pourra d'ailleurs être plus élevé que celui de l'ACTP, je l'ai dit tout à l'heure, dans la mesure où ce seront les revenus bruts qui seront pris en considération. La justesse de cette modification ne peut être contestée.
Cette nouvelle prestation fera également l'objet d'un recours sur succession, y compris concernant le conjoint ou les enfants, mais elle ne mettra pas en jeu l'obligation alimentaire.
Un tel dispositif m'apparaît aisément justifiable. Si les sommes relatives à la prise en charge de la dépendance n'ont rien à voir avec la simple dépense d'aliments telle qu'on pouvait la concevoir au xixe siècle, il apparaît normal que la collectivité qui assume les conséquences financières de la perte d'autonomie d'une personne puisse, une fois celle-ci décédée, récupérer les montants consacrés à celle-ci à partir d'un certain niveau d'héritage.
La somme à partir de laquelle a lieu le recours sur succession est du domaine du décret ; toutefois, je tiens à remercier personnellement M. le ministre, qui a précisé, à l'Assemblée nationale - nous en avions d'ailleurs déjà parlé au Sénat, mais nous en avons eu alors confirmation solennelle - qu'elle serait de 300 000 francs non seulement pour la prestation spécifique dépendance, qu'elle soit servie à domicile ou en établissement, mais également pour l'ensemble des prestations d'aide sociale. S'agissant du montant pour lequel je m'étais prononcé l'an dernier pour la prestation d'autonomie lorsque j'avais présenté mon rapport, j'ai été, avec l'ensemble des membres de la commission des affaires sociales, exaucé au-delà de mes espérances ! Je vous en remercie, monsieur le ministre, non sans rappeler que M. Fourcade était intervenu sur ce point devant la Haute Assemblée pour vous demander de tenir compte de la spécificité des départements au regard de leur situation géographique.
S'agissant de la prestation elle-même, je rappelle qu'elle est en nature, contrairement à l'ACTP, qui a été trop souvent thésaurisée. Elle permettra ainsi à la personne âgée, à partir du plan d'aide, de pouvoir avoir recours à des services d'aide à domicile, d'être directement employeur ou encore de bénéficier de prestations particulières telles que port de repas, téléalarme, location de matériels, protections, etc. L'éventail est large, même si l'on peut considérer que le fait d'instaurer cette prestation en nature favorisera majoritairement la création d'emplois d'aidants à domicile.
A cet égard, je crois que, même si elles ne l'ont pas encore bien compris, les associations prestataires de service seront les premières bénéficiaires, après les personnes âgées, de ce système, dans la mesure où elles seront prêtes à proposer les services de personnels qualifiés dès l'entrée en vigueur de la loi.
En conclusion, mes chers collègues, c'est donc sur un texte porteur de nombreux espoirs que nous allons nous prononcer maintenant. Il n'est plus temps de se demander ce que nous aurions pu faire, car des centaines de milliers de personnes dépendantes attendent depuis longtemps que l'on apporte une solution à leur problème.
Nous l'avons peut-être fait de manière insuffisamment complète, mais nous l'avons fait. Le moment est désormais venu de satisfaire à une deuxième exigence, à savoir la mise en oeuvre de ce texte sur le terrain. Je n'ignore pas que c'est une lourde tâche, car la proposition de loi comporte nombre de décrets d'application dont j'aurais aimé, autant que faire se pouvait, connaître le contenu avant le vote définitif du texte. Cela n'a pu être le cas. Je le regrette, mais je ne doute, pas, monsieur le ministre, que vous saurez informer la Haute Assemblée sur ces différents points.
Il conviendra donc, dans les semaines à venir, de veiller attentivement à l'élaboration de ces décrets, afin de nous assurer que la volonté du législateur sera respectée et que la mise en oeuvre de ce texte ne subira aucun retard. En effet, les personnes âgées dépendantes - et je les comprends, elles s'en sont d'ailleurs fait l'écho pas plus tard que la semaine dernière lors du conseil d'administration du comité national des retraités et des personnes âgées, auquel je participais - ne nous pardonneraient pas de nouveaux délais pour l'application d'un texte tant attendu. Elles ne veulent pas croire que celui-ci entrera réellement en vigueur le 1er janvier 1997. A nous et au Gouvernement d'apporter la preuve du contraire !
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, compte tenu des avancées très importantes qu'elle permet, à adopter la présente proposition de loi dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez d'abord d'exprimer un grand merci à la Haute Assemblée. C'est en effet sur son initiative que nous aboutissons aujourd'hui à la consécration d'une première étape très significative dans la prise en charge de la dépendance des personnes âgées.
Ainsi, 300 000 personnes environ vont progressivement bénéficier d'une aide adaptée à leur perte d'autonomie.
Comme vous l'avez souligné monsieur le rapporteur - en restant, je crois, très fidèle à la démarche que vous- même, avec le président Fourcade et la commission des affaires sociales du Sénat, avez initiée - des améliorations sont intervenues, notamment dans l'accès à la prestation, dans le niveau des plafonds de ressources, mais aussi dans le montant de la prestation en cas de dépendance lourde.
Il était également nécessaire - vous aviez d'ailleurs déjà sollicité mon attention sur ce point - de fixer un taux de déclenchement pour l'éventuel recours sur succession.
Vous pouvez constater, monsieur le rapporteur, que vous été écouté puisque, après arbitrage interne, le Gouvernement a retenu le chiffre de 300 000 francs. Cela marque incontestablement un progrès qui, sans modifier aucunement la démarche initiale, l'a enrichie dans le sens souhaité par le Sénat.
Un problème subsiste cependant. Il est relativement secondaire, mais je voudrais néanmoins attirer l'attention du Sénat sur le fait que le passage immédiat des actuels bénéficiaires de l'ACTP au nouveau dispositif pourrait entraîner des difficultés pour les actuels allocataires de cette prestation.
En effet, dès le 1er janvier, la prise en charge de certaines personnes âgées par le biais de l'ACTP arrivera à son terme. Loin de nous l'idée de prolonger ce dispositif, mais il nous a paru judicieux de ménager une brève période de transition afin qu'aucune d'entre elles ne soit brutalement confrontée au nouveau dispositif sans avoir bien mesuré ce qu'il impliquait, à savoir la fin des versements en espèces et l'instauration d'une prestation en nature.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement - et, pour ma part, j'y suis attaché en tant que ministre mais aussi en tant que président de conseil général - tient à ce que la mise sur orbite de la prestatation d'autonomie soit une réussite.
Je pense donc, monsieur Fourcade, que nous devrons nous rapprocher pour trouver une solution adaptée, mais aussi pour prévoir les quelques mois de transition qui seront nécessaires pour passer d'un régime à l'autre, et ce dans le seul intérêt des personnes âgées dépendantes.
Cela étant, je n'ai pas besoin d'ajouter que le Gouvernement oeuvrera efficacement pour que les textes réglementaires soient établis sans tarder.
A l'instant, M. le rapporteur a exprimé le souhait que le Sénat ait communication de certains projets de décret. Je lui donnerai volontiers satisfaction : dans la mesure où il s'agit là d'une oeuvre essentiellement sénatoriale, la Haute Assemblée doit y être associée jusqu'à son terme.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Merci, monsieur le ministre !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Par conséquent, nous veillerons à vous consulter, monsieur le rapporteur, ainsi que vous, monsieur le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Merci, monsieur le ministre !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je suis convaincu que, si nos départements et nos conseils généraux se mobilisent avec efficacité - aux côtés des organismes de sécurité sociale, qui vont y être invités puisque la convention d'objectifs et de moyens passée avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés lui fera recommandation de bien veiller à assurer la prise en charge des aides ménagères - je suis convaincu, dis-je, que 1997 marquera un très grand progrès pour les personnes âgées dépendantes.
De plus, vous le savez, ce progrès sera accompagné, je le redis très clairement, par la médicalisation de la première tranche des maisons de retraite et par la création de la première tranche des services de soins infirmiers à domicile, sur lesquelles je me suis engagé devant le Sénat.
Nous pourrons ainsi être les uns et les autres acteurs et témoins d'un réel progrès face à un problème de société dont nous mesurons l'importance et pour lequel la solidarité doit être une réalité de tous les jours. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc, avec ce débat, au terme de nos travaux sur la proposition de loi créant une prestation spécifique dépendance.
Comme cela a été dit, sur le fond, le texte adopté à l'issue des travaux de la commission mixte paritaire n'aura pas bouleversé l'économie générale du texte adopté par le Sénat.
M. Henri de Raincourt. Tant mieux !
Mme Michelle Demessine. Cela ne vous étonnera pas, mes chers collègues, si je le regrette. Le groupe communiste républicain et citoyen s'était en effet, comme la plupart des organisations de retraités et de personnes âgées, opposé à l'adoption de cette prestation au rabais.
Or, à l'issue de la navette parlementaire, je dois malheureusement confirmer la plupart des critiques que nous avions formulées.
Contrairement à ce que l'on a voulu laisser croire, nous sommes loin, très loin de la prestation d'autonomie pour personnes âgées proposée par le président Jacques Chirac. Mais peut-être sommes-nous, comme l'ensemble des Français, trop conservateurs pour comprendre le courage qu'il y aurait à renier ses promesses ? Car il s'agit bien d'une prestation au rabais, et qui est loin de répondre aux besoins des personnes âgées !
Ainsi que je le dénonçais devant cette assemblée, le 15 octobre dernier, le texte proposé consiste, pour l'essentiel, à réformer une allocation déjà existante, l'allocation compensatrice pour tierce personne, ou ACTP.
Il s'agit donc bien d'une prestation d'aide sociale servie par les conseils généraux et non d'un droit reconnu à tous, mis en oeuvre et géré par la sécurité sociale, comme le réclament les organisations de personnes âgées.
Bien sûr, je reconnais que certaines améliorations ont été apportées au texte que nous avions voté ici au mois d'octobre. Ainsi, nous craignions que, dans certains cas, le montant de la prestation spécifique ne puisse être inférieur à celui de l'actuelle ACTP.
Je prends également acte du fait que l'équipe médico-sociale, qui est chargée de l'instruction du dossier de demande de la prestation spécifique et qui effectue la visite au demandeur, sera obligatoirement composée d'un médecin et d'un travailleur social.
De même, le texte de l'article 4 est plus précis sur le montant mensuel de l'allocation, qui pourra atteindre 100 % de la majoration pour tierce personne, soit 5 530 francs par mois.
En revanche, je crains que le nouveau texte proposé pour l'article 5 concernant le plafond de ressources, malgré la promesse du Gouvernement de l'augmenter, n'apporte pas de réelles améliorations pour la prise en charge des personnes souffrant de perte d'autonomie.
Pour une personne qui ne bénéfice que de sa retraite, l'opération risque d'être neutre, puisque l'on tient compte de l'ensemble de ses revenus et non plus du net fiscal.
Je crains, surtout, que la prise en compte de la valeur en capital des biens non productifs introduite dans la nouvelle rédaction de l'article 5 ne pénalise les personnes modestes propriétaires de leur logement.
Dans ces conditions, vous comprendrez, mes chers collègues, que, malgré les quelques améliorations apportées au texte voté par le Sénat, le groupe communiste républicain et citoyen ne puisse que confirmer sa position et voter contre la proposition de loi créant une prestation spécifique dépendance. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons de parcourir un très long chemin à partir d'une proposition de loi émanant du Sénat.
Dans ces temps où il est à la mode de critiquer l'abstention du Parlement, il me paraît important de saluer le travail accompli. Oui ! nous avons bien travaillé car, sur une initiative à but social avoué, nous avons obtenu l'accord du Gouvernement et celui de nos partenaires de l'Assemblée nationale, pour aboutir à la création d'une prestation nouvelle en faveur des personnes âgées dépendantes. Nous savons tous que ces personnes âgées sont de plus en plus nombreuses et que leurs problèmes sont de plus en plus graves. Il était donc nécessaire que nous nous penchions sur leur sort, indépendamment de nos divergences politiques et sans égard pour les questions purement partisanes.
Monsieur le ministre, grâce à vous, nous allons donc mettre en place une prestation qui pourra s'élever à 5 530 francs - 5 530 francs par mois, madame Demessine - soit, par mois, plus que le montant actuel de l'allocation compensatrice pour tierce personne. Cette prestation sera versée en nature, soit aux personnes lorsqu'elles seront à leur domicile, soit à l'établissement lorsque les bénéficiaires de la prestation seront hébergés. Ce dispositif fera l'objet, sur le terrain, d'une coordination entre le conseil général, son président, son équipe et l'ensemble des organismes de sécurité sociale, ainsi que de conventions avec de nombreuses associations qui participent à cette oeuvre sanitaire et avec les communes.
Mes chers collègues, le texte que nous avons élaboré comprend trois novations essentielles.
Premièrement, pour tous les établissements de long séjour, la tarification sera désormais fixée en fonction, non pas de la catégorie juridique de l'établissement, mais de l'état de la personne.
Nous passons donc, mes chers collègues, d'une législation fondée sur les structures à une législation axée sur les personnes, dans laquelle on remet l'homme au centre des dispositifs et non pas à la disposition des structures. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un véritable progrès !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Cela nous paraît essentiel dans les temps que nous connaissons.
Deuxièmement, le Gouvernement a accepté, à notre demande, et parce qu'il y avait la proposition de loi, de débloquer des crédits importants pour créer, en 1997, 7 000 lits de cure médicale et 2 000 places de services de soins infirmiers à domicile et à faire de même en 1998. Voilà qui va améliorer notre dispositif de maintien à domicile. Cette contribution du Gouvernement constitue un deuxième progrès important.
Troisièmement, enfin, et c'est en cela que je ne comprends pas le vote hostile de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, ce texte va concerner les personnes les plus démunies et les plus gravement dépendantes. Il s'appliquera, en effet, d'abord à celles qui relèvent, à l'heure actuelle, du fonds national de solidarité et à celles qui correspondent aux trois premiers niveaux de la grille AGGIR, soit les plus lourds en termes de dépendance.
Mes chers collègues, nous voici devant un texte d'initiative parlementaire, qui a fait l'objet de toutes les coopérations, qui introduit un certain nombre d'innovations et dont j'ai dit l'esprit humaniste. Il arrive aujourd'hui à terme, et je tenais à le signaler, de même que je tenais personnellement à remercier tous nos collègues, au premier rang desquels notre excellent rapporteur, M. Vasselle,...
M. Joël Bourdin. Ô combien excellent !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. ... d'avoir mené jusqu'au bout cette embarcation. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Il reste, mes chers collègues, un point de désaccord si j'ose dire, amical, entre le Gouvernement et la commission. Pour éviter que ce point de désaccord ne déchaîne tout à l'heure des torrents d'éloquence, monsieur le président, je souhaiterais une suspension de séance quelques minutes environ afin que la commission des affaires sociales et les sénateurs qui ont participé à la commission mixte paritaire puissent entendre M. le ministre. Nous verrons si celui-ci parvient à nous convaincre et quelle solution sera finalement retenue. Cela nous permettra de gagner du temps par la suite.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
A la demande de M. le président de la commission des affaires sociales, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, d'une part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d'autre part, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat statue sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

« TITRE Ier A

« DE LA COORDINATION DE LA PRISE
EN CHARGE DE LA DÉPENDANCE

« Art. 1er A. - Afin de favoriser la coordination des prestations servies aux personnes âgées dépendantes, d'accomplir les tâches d'instruction et de suivi de ces prestations et de préciser les modalités de gestion de cette coordination, le département conclut des conventions avec les organismes de sécurité sociale.
« Ces conventions doivent être conformes à un cahier des charges arrêté par le ministre chargé des personnes âgées après avis des représentants des présidents de conseils généraux et des organismes nationaux de sécurité sociale.
« Un comité national de coordination gérontologique est chargé du suivi de la mise en oeuvre de ces conventions et, le cas échéant, d'une fonction de médiation pour leur conclusion. Avant l'examen par le Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il rend public un rapport comprenant un bilan de l'application de la présente loi.
« Un décret précise les modalités de fonctionnement et la composition du comité mentionné à l'alinéa précédent qui comprend, notamment, des représentants des présidents de conseils généraux, des organismes de sécurité sociale et du Comité national des retraités et des personnes âgées.
« Pour favoriser l'évaluation des prestations servies aux personnes âgées par les collectivités publiques et institutions concernées, des conventions organisant des dispositifs d'observation partagée peuvent être passées entre l'Etat, le département, les organismes de protection sociale et toute commune souhaitant y participer.

« TITRE Ier

« DE LA PRESTATION SPÉCIFIQUE
DÉPENDANCE

« Dispositions générales

« Art. 1er. - Toute personne résidant en France et remplissant les conditions d'âge, de degré de dépendance et de ressources fixées par voie réglementaire a droit, sur sa demande, à une prestation en nature dite prestation spécifique dépendance.
« Le bénéfice de la prestation spécifique dépendance est ouvert, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, aux personnes de nationalité étrangère qui séjournent régulièrement en France et remplissent également la condition de résidence prévue au 5° de l'article 186 du code de la famille et de l'aide sociale.
« La dépendance mentionnée au premier alinéa est définie comme l'état de la personne qui, nonobstant les soins qu'elle est susceptible de recevoir, a besoin d'être aidée pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie ou requiert une surveillance régulière.
« Art. 2. - La demande de prestation spécifique dépendance est adressée au président du conseil général du département de résidence du demandeur qui informe du dépôt de celle-ci le maire de la commune de résidence. Elle est instruite par une équipe médico-sociale qui comprend au moins un médecin et un travailleur social et dont l'un au moins des membres se rend auprès de l'intéressé. Pour apprécier le besoin d'aide de celui-ci, le président du conseil général compétent en application des dispositions du dernier alinéa du présent article se fonde notamment sur les conclusions de l'équipe médico-sociale.
« La prestation spécifique dépendance est accordée par décision motivée du président du conseil général, après avis du maire de la commune de résidence du demandeur. Si cet avis n'a pas été rendu dans un délai de quinze jours après transmission de la demande par le président du conseil général, il est réputé être favorable. Si la décision du président du conseil général n'a pas été notifiée à l'intéressé dans un délai de deux mois à compter du dépôt de son dossier complet, la prestation spécifique dépendance est réputée lui être accordée à compter du terme de ce délai.
« En cas d'urgence, le président du conseil général peut attribuer, à titre provisoire, la prestation mentionnée à l'article premier jusqu'à l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'alinéa précédent, dans des conditions fixées par le règlement départemental d'aide sociale.
« La décision mentionnée au deuxième alinéa fait l'objet d'une révision périodique instruite selon les mêmes modalités.
« La prestation spécifique dépendance est servie et gérée par le département où le bénéficiaire possède son domicile de secours acquis conformément aux articles 193 et 194 du code de la famille et de l'aide sociale. En cas d'absence de domicile de secours, la prestation est servie et gérée par le département de résidence. Toutefois, les dispositions figurant au 9° de l'article 35 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat sont applicables à la prestation spécifique dépendance.
« Art. 3. - Pour l'instruction et le suivi de la prestation spécifique dépendance, le département peut conclure des conventions avec des institutions et organismes publics sociaux ou médico-sociaux, notamment les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, des organismes régis par le code de la mutualité ou des associations. Ces conventions doivent être conformes à une convention-cadre fixée par arrêté conjoint du ministre chargé des personnes âgées et du ministre chargé des collectivités territoriales, pris après avis des représentants des présidents de conseils généraux et des maires.
« Art. 4. - Le montant maximum de la prestation est fixé par le règlement départemental d'aide sociale et ne peut être inférieur à un pourcentage, fixé par décret, de la majoration pour aide constante d'une tierce personne mentionnée à l'article L. 355-1 du code de la sécurité sociale.
« Le montant de la prestation accordée est modulé en fonction du besoin de surveillance et d'aide requis par l'état de dépendance de l'intéressé, tel qu'il est évalué par l'équipe médico-sociale visée à l'article 2 à l'aide d'une grille nationale fixée par décret. Ce montant varie également selon que l'intéressé réside à domicile ou est hébergé dans un établissement mentionné à l'article 15.
« Art. 5. - La prestation spécifique dépendance se cumule avec les ressources de l'intéressé et, le cas échéant, de son conjoint ou de son concubin, dans la limite de plafonds fixés par décret.
« Pour l'appréciation des ressources de l'intéressé et, le cas échéant, de son conjoint ou de son concubin, il est tenu compte de l'ensemble des revenus et de la valeur en capital des biens non productifs de revenus qui sera évaluée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques n'entrent pas en ligne de compte pour l'appréciation de ces ressources.
« Si les deux membres du couple remplissent les conditions mentionnées à l'article premier, ils peuvent chacun prétendre au bénéfice de la prestation spécifique dépendance.
« Les rentes viagères ne sont pas prises en compte pour le calcul des ressources de l'intéressé lorsqu'elles ont été constituées en sa faveur par un ou plusieurs de ses enfants ou lorsqu'elles ont été constituées par lui-même ou son conjoint pour le prémunir contre le risque de dépendance.
« Lorsque le bénéficiaire de la prestation spécifique dépendance réside en établissement, il est déduit, le cas échéant, de ses ressources une somme minimale maintenue à la disposition de son conjoint ou de son concubin demeurant à domicile.
« Les conditions d'application de cet article sont fixées par décret.
« Art. 6. - Lorsque le bénéficiaire de la prestation spécifique dépendance est hébergé dans un établissement de santé pour recevoir des soins de courte durée, de suite ou de réadaptation mentionnés au a et au b du 1° de l'article L. 711-2 du code de la santé publique, le président du conseil général en est informé par le bénéficiaire, le cas échéant son tuteur, ou l'équipe médico-sociale mentionnée à l'article 2. En fonction de la nouvelle situation de l'intéressé, le président du conseil général peut réduire le montant de la prestation spécifique dépendance ou en suspendre le versement dans des conditions fixées par voie réglementaire.
« Art. 7. - La prestation spécifique dépendance n'est cumulable ni avec l'allocation représentative de services ménagers, ni avec l'aide en nature accordée sous forme de services ménagers, mentionnées, respectivement, aux deuxième et troisième alinéas de l'article 158 du code de la famille et de l'aide sociale, ni avec l'allocation compensatrice instituée par le I de l'article 39 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, ni avec la majoration pour aide constante d'une tierce personne prévue à l'article L. 355-1 du code de la sécurité sociale.
« Art. 8. - L'attribution de la prestation spécifique dépendance n'est pas subordonnée à la mise en oeuvre de l'obligation alimentaire définie par les articles 205 à 211 du code civil.
« Tous les recouvrements relatifs au service de la prestation spécifique dépendance sont opérés comme en matière de contributions directes.
« Art. 8 bis . - I. - L'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale est ainsi rédigé :
« Art. 146. - Des recours sont exercés par le département, par l'Etat, si le bénéficiaire de l'aide sociale n'a pas de domicile de secours, ou par la commune lorsqu'elle bénéficie d'un régime spécial d'aide médicale :
« a) contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ;
« b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d'aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ;
« c) contre le légataire.
« En ce qui concerne les prestations d'aide sociale à domicile et d'aide médicale à domicile, la prestation spécifique dépendance et la prise en charge du forfait journalier, un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles sont exercés les recours, en prévoyant, le cas échéant, l'existence d'un seuil de dépenses supportées par l'aide sociale en deçà duquel il n'est pas procédé à leur recouvrement.
« Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l'aide sociale à domicile, de la prestation spécifique dépendance ou de la prise en charge du forfait journalier s'exerce sur la partie de l'actif net successoral, défini par les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat.
« L'inscription de l'hypothèque légale visée à l'article 148 est supprimée pour les prestations d'aide sociale à domicile, la prestation spécifique dépendance et la prise en charge du forfait journalier visées à l'alinéa précédent. »
« II. - Lorsque les recours en récupération concernant la prestation spécifique dépendance sont portés devant le tribunal de grande instance ou la Cour d'appel, le ministère d'avoué n'est pas obligatoire.
« Art. 9. - Les recours contre les décisions du président du conseil général mentionnées aux articles 2, 6 et 14 quater sont formés devant les commissions départementales visées à l'article 128 du code de la famille et de l'aide sociale dans des conditions et selon les modalités prévues par cet article.
« Lorsque le recours est relatif à l'appréciation du degré de dépendance, la commission départementale visée à l'article 128 précité recueille l'avis d'un médecin titulaire d'un diplôme universitaire de gériatrie ou d'une capacité en gérontologie et gériatrie choisi par son président sur une liste établie par le conseil départemental de l'ordre des médecins.
« Les décisions des commissions départementales sont susceptibles d'appel, dans les conditions fixées par l'article 129 du même code, devant la commission centrale d'aide sociale.
« Les recours, tant devant une commission départementale que devant la commission centrale d'aide sociale, peuvent être exercés par le demandeur ou le bénéficiaire de la prestation ou, le cas échéant, son tuteur, par le maire de la commune de résidence, par le représentant de l'Etat dans le département, ou par le débiteur des avantages de vieillesse de l'intéressé. Afin de pouvoir exercer son droit de recours, le maire concerné est informé des décisions relatives à la prestation spécifique dépendance dans les mêmes délais que l'intéressé. La possibilité de faire appel des décisions des commissions départementales est également ouverte au président du conseil général.
« Le ministre chargé des personnes âgées peut contester directement devant la commission centrale d'aide sociale les décisions prises soit par le président du conseil général, soit par les commissions départementales mentionnées au premier alinéa. Le délai de recours est fixé à deux mois à compter de la notification de la décision.
« Art. 9 bis. - L'action du bénéficiaire pour le versement de la prestation spécifique dépendance se prescrit par deux ans. Ledit bénéficiaire doit apporter la preuve de l'effectivité de l'aide qu'il a reçue ou des frais qu'il a dû acquitter pour que son action soit recevable.
« Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l'action intentée par le président du conseil général ou le représentant de l'Etat, pour la mise en recouvrement des sommes indûment versées.
« Un décret précise les montants minimaux en deçà desquels la prestation n'est pas versée ou recouvrée.
« La prestation spécifique dépendance est incessible, en tant qu'elle est versée directement au bénéficiaire, et insaisissable.
« Art. 9 ter. - Sans préjudice des actions en recouvrement des sommes indûment versées mentionnées au deuxième alinéa de l'article 9 bis, le fait d'avoir frauduleusement perçu la prestation instituée par la présente loi est puni des peines prévues par les articles 313-1 à 313-3 du code pénal.
« Art. 10. - I. - Les dispositions du chapitre VII du titre VI du livre premier du code de la sécurité sociale relatives à la tutelle aux prestations sociales sont applicables à la prestation spécifique dépendance, y compris lorsque la prestation est versée directement aux services prestataires selon les modalités prévues au deuxième alinéa des articles 14 et 15.
« II. - Les dipositions des articles 133 à 135 du code de la famille et de l'aide sociale sont applicables pour la prestation spécifique dépendance.
« III. - Les agents mentionnés à l'article 198 du code de la famille et de l'aide sociale ont compétence pour contrôler le respect des dispositions relatives à la prestation spécifique dépendance par les bénéficiaires de celle-ci et les institutions ou organismes intéressés. »

« TITRE II

« DE LA PRESTATION SPÉCIFIQUE
DÉPENDANCE À DOMICILE

« Art. 12. - Le degré de dépendance de l'intéressé détermine son besoin d'aide et de surveillance évalué par l'équipe médico-sociale visée à l'article 2. Le plan d'aide élaboré par ladite équipe pour répondre à ce besoin tient compte de l'environnement de la personne et, le cas échéant, des aides publiques ou à titre gracieux dont elle disposera.
« Le plan d'aide ainsi établi, valorisé par le coût de référence déterminé par le président du conseil général pour les différentes aides prévues, permet de déterminer, en fonction de l'importance du besoin, le montant de la prestation accordée.
« Au cours de la visite à domicile effectuée par l'un au moins des membres de l'équipe médico-sociale, l'intéressé et, le cas échéant, son tuteur ou ses proches reçoivent tous conseils et informations en rapport avec son état de dépendance. Ils sont, notamment, informés que l'équipe médico-sociale doit avoir connaissance de tout changement de situation de l'intéressé. Dans un délai fixé par décret, l'équipe médico-sociale propose le plan d'aide mentionné au premier alinéa qui peut être refusé par l'intéressé ou, le cas échéant, son tuteur.
« Au cours de son instruction, l'équipe médico-sociale consulte, lorsque le demandeur l'a choisi, le médecin que ce dernier désigne. Si l'intéressé le souhaite, ce médecin assiste à la visite prévue à l'alinéa précédent. L'équipe médico-sociale procède à la même consultation à l'occasion de la révision périodique de la demande de l'intéressé.
« Art. 13. - La prestation spécifique dépendance à domicile doit être utilisée à la rémunération du ou des salariés que le bénéficiaire emploie pour lui venir en aide, du service d'aide à domicile qui a fait l'objet d'un agrément dans les conditions fixées par l'article L. 129-1 du code du travail ou des services rendus par la personne qui accueille ledit bénéficiaire tels que définis au 1° de l'article 6 de la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes.
« Les salariés rémunérés pour assurer un service d'aide à domicile auprès d'une personne allocataire de la prestation spécifique dépendance bénéficient d'une formation selon des modalités définies par décret.
« Toutefois, la prestation spécifique dépendance peut être utilisée par toute personne remplissant les conditions prévues à l'article premier et à laquelle son état de dépendance impose des dépenses autres que de personnel dont la nécessité a été constatée dans le cadre de la visite mentionnée à l'article 12 pour acquitter celles-ci dans la limite d'un plafond et selon des modalités d'attribution et de contrôle déterminées par décret.

« Art. 14 bis. - Dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'attribution de la prestation, le bénéficiaire doit déclarer au président du conseil général le ou les salariés ou le service d'aide à domicile à la rémunération desquels est utilisée la prestation spécifique dépendance. Tout changement ultérieur de salarié ou de service doit être déclaré dans les mêmes conditions.
« Il peut employer un ou plusieurs membres de sa famille à l'exception de son conjoint ou de son concubin. Il fait mention du lien de parenté avec son salarié dans sa déclaration et précise que ledit salarié n'est ni son conjoint ni son concubin.
« Le bénéficiaire de la prestation spécifique dépendance est informé qu'à défaut de la déclaration mentionnée au premier alinéa, dans le délai fixé au même alinéa, le versement de la prestation est suspendu.
« Art. 14 ter A. - I. - Dans le premier alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, après les mots : "travaillant en résidence", les mots : "du contribuable située en France", sont remplacés par les mots : ", située en France, du contribuable ou d'un ascendant remplissant les conditions prévues à l'article premier de la loi n° du ".
« II. - Après le premier alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le contribuable bénéficie de la réduction prévue au précédent alinéa pour l'emploi d'un salarié travaillant à la résidence d'un ascendant, il renonce au bénéfice des dispositions de l'article 156 relatives aux pensions alimentaires, pour la pension versée à ce même ascendant. »
« Art. 14 quater . - L'un au moins des membres de l'équipe médico-sociale mentionnée à l'article 2 assure à la résidence du bénéficiaire de la prestation spécifique dépendance un suivi de l'aide qui comporte, notamment, au moins une fois par an, un contrôle de l'effectivité de celle-ci, de son adéquation aux besoins de la personne et de la qualité du service rendu.
« Dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, sur le rapport de l'équipe médico-sociale mentionnée au premier alinéa, le service de la prestation spécifique dépendance est suspendu par le président du conseil général lorsqu'il est manifeste que son bénéficiaire ne reçoit pas d'aide effective ou que le service rendu présente un risque pour la santé, la sécurité ou le bien-être physique et moral de celui-ci.
« En ce cas, après avis de l'équipe médico-sociale, le président du conseil général propose au bénéficiaire ou, le cas échéant, à son tuteur des solutions de substitution.

« Art. 14 quinquies. - Supprimé.

« TITRE III

« DE LA PRESTATION SPÉCIFIQUE
DÉPENDANCE EN ÉTABLISSEMENT

« Art. 15. - L'évaluation de l'état de dépendance des personnes accueillies dans un établissement hébergeant des personnes âgées, conformément au 5° de l'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales ou dans un établissement de santé visé au 2° de l'article L. 711-2 du code de la santé publique est effectuée lors de la demande de prestation ou lors de l'admission en établissement puis périodiquement par l'équipe médico-sociale prévue à l'article 2. Cette évaluation détermine, en fonction de la tarification en vigueur, le montant de la prise en charge dont peut bénéficier la personne âgée.
« La prestation spécifique dépendance est versée directement à l'établissement qui accueille son bénéficiaire.

« TITRE IV

« DE LA RÉFORME DE LA TARIFICATION

« Art. 16. - I. - Après l'article 5 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée, il est inséré un article 5-1 ainsi rédigé :
« Art. 5-1. - Les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées mentionnées au 5° de l'article 3 et les établissements de santé visés au 2° de l'article L. 711-2 du code de la santé publique ne peuvent accueillir des personnes âgées remplissant les conditions de dépendance mentionnées au premier alinéa de l'article 1er de la loi n° du que s'ils ont passé une convention pluriannuelle avec le président du conseil général et l'autorité compétente pour l'assurance maladie, qui respecte le cahier des charges établi par arrêté conjoint du ministre chargé des personnes âgées et du ministre chargé des collectivités territoriales, après avis des organismes nationaux d'assurance maladie et des représentants des présidents de conseils généraux.
« Cette convention tripartite est conclue au plus tard le 31 décembre 1998. Elle définit les conditions de fonctionnement de l'établissement tant au plan financier qu'à celui de la qualité de la prise en charge des personnes et des soins qui sont prodigués à ces dernières, en accordant une attention particulière au niveau de formation du personnel d'accueil. Elle précise les objectifs d'évolution de l'établissement et les modalités de son évaluation. »
« II. - Après le deuxième alinéa de l'article 26 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« La tarification des établissements qui peuvent accueillir des personnes âgées conformément à l'article 5-1 est arrêtée, pour les prestations remboursables aux assurés sociaux, par l'autorité compétente pour l'assurance maladie après avis du président du conseil général, et pour les prestations pouvant être prises en charge par la prestation spécifique dépendance, créée par l'article 1er de la loi n° du , par le président du conseil général après avis de l'autorité compétente pour l'assurance maladie.
« Cette tarification est notifiée aux établissements au plus tard le 31 janvier au titre de l'exercice en cours, lorsque les documents nécessaires à la fixation de cette tarification ont été transmis aux autorités compétentes dans les conditions et les délais déterminés par voie réglementaire. »
« III. - Après l'article 27 ter de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée, il est inséré un article 27 quater ainsi rédigé :
« Art. 27 quater. - Les montants des prestations visées au troisième alinéa de l'article 26 sont modulés selon l'état de la personne accueillie et déterminés dans des conditions fixées par voie réglementaire. »
« IV. - Le 2° de l'article L. 711-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« 2° Des soins de longue durée, comportant un hébergement à des personnes n'ayant pas leur autonomie de vie, dont l'état nécessite une surveillance médicale constante et des traitements d'entretien, dans l'attente de la redéfinition desdits soins qui interviendra au plus tard le 31 décembre 1998. »
« V. - Les places de section de cure médicale autorisées à la date d'application de la présente loi sont financées par les régimes d'assurance maladie dans un délai de deux ans suivant cette date.
« VI. - Pour l'application des dispositions de l'article 5 de la loi n° 75-535 du 30 juin précitée, peuvent seuls faire l'objet d'une autorisation de création ou d'extension, les dossiers de demande de création ou d'extension de section de cure médicale déclarés complets avant le 1er avril 1997.

« Art. 18 bis. - Il est inséré, après l'article 8 bis de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée, un article 8 ter ainsi rédigé :
« Art. 8 ter. - Les établissements hébergeant des personnes âgées visés au 5° de l'article 3 élaborent un règlement intérieur garantissant, notamment, les droits des résidents et le respect de leur intimité. Le projet de règlement est soumis à l'avis du conseil d'établissement prévu à l'article 8 bis.
« Lors de l'admission d'une personne dans un des établissements visés à l'alinéa précédent, un contrat de séjour écrit est établi entre l'établissement et le résident ou, le cas échéant, son tuteur. Le même contrat est proposé, dans les six mois suivant la date de publication de la loi n° du , aux personnes résidant à cette date dans ces établissements ou, le cas échéant, à leur tuteur.
« Les conditions d'application de l'alinéa précédent aux établissements non soumis à la loi n° 90-600 du 6 juillet 1990 relative aux conditions de fixation des prix des prestations fournies par certains établissements assurant l'hébergement des personnes âgées sont fixées par décret.
« Les infractions aux dispositions des premier et deuxième alinéas du présent article sont constatées et poursuivies dans les conditions fixées par les articles 45 (alinéas premier et 3), 46, 47, 51, 52, 56 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence. »

« TITRE V

« DISPOSITIONS DIVERSES

« Art. 19. - L'article 39 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 précitée est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa du I, après les mots : "tout handicapé", sont insérés les mots : "dont l'âge est inférieur à un âge fixé par décret et".
« 2° Le I est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute personne qui a obtenu le bénéfice de l'allocation compensatrice avant l'âge mentionné au premier alinéa et qui remplit les conditions prévues par l'article premier de la loi n° du peut choisir, dans des conditions fixées par décret, lorsqu'elle atteint cet âge, et à chaque renouvellement de l'attribution de cette allocation, le maintien de celle-ci ou le bénéfice de la prestation spécifique dépendance ».
« Toute personne qui a obtenu le bénéfice de l'allocation compensatrice après l'âge mentionné au premier alinéa et avant la date d'entrée en application de la loi n° du et qui remplit les conditions prévues par l'article 1er de ladite loi peut choisir, dans des conditions fixées par décret, de bénéficier du maintien de l'allocation compensatrice jusqu'au terme de la période pour laquelle elle a été attribuée. Deux mois avant le terme de la période susmentionnée ou, si ce terme intervient avant le 1er mars 1997, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, le président du conseil général examine, dans les conditions fixées par ladite loi, si cette personne peut bénéficier de la prestation spécifique dépendance. Pour la personne visée au présent alinéa qui opte en faveur du maintien de l'allocation compensatrice, le contrôle d'effectivité de l'aide s'effectue dans les mêmes conditions que pour celui mis en oeuvre dans le cadre de la prestation spécifique dépendance mentionnée à l'article 1er de la loi n° du . »
« Art. 20. - Après le neuvième alinéa de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, il est inséré un d ainsi rédigé :
« d) Des personnes titulaires de la prestation spécifique dépendance visée à l'article 1er de la loi n° du . »
« Art. 20 bis. - Après l'article 4 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, précitée, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4-1. - Les établissements hébergeant des personnes âgées visées au 5° de l'article 3 sont organisés en unités favorisant le confort et la qualité de vie des personnes accueillies, dans des conditions et des délais fixés par décret. »
« Art. 20 ter. - Dans le troisième alinéa de l'article 19 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée, les mots : "dont la capacité d'accueil est inférieure à un seuil fixé par décret et" et les mots : "d'hébergement pour personnes âgées dont la capacité d'accueil est inférieure au même seuil, et" sont supprimés.
« Art. 20 quater. - Au premier alinéa de l'article 23 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée, après les mots : "du code de la santé publique, soit", sont insérés les mots : "en services non personnalisés ou".

Art. 21 bis. - I. - L'article 995 du code général des impôts est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Les contrats d'assurance-dépendance. »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent aux primes versées à compter du 1er janvier 1997. »

Personne ne demande la parole sur l'un de ces articles ?...

ARTICLE 19

M. le président. Sur l'article 19, je suis saisi d'un amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, et tendant :
I. - Dans la deuxième phrase du second alinéa du texte présenté par le 2° de l'article 19 pour compléter le I de l'article 39 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975, de supprimer les mots : "ou, si ce terme intervient avant le 1er mars 1997, dès l'entrée en vigueur de la présente loi," ».
II. - Après la deuxième phrase du second alinéa du texte présenté par le 2° de l'article 19 pour compléter le I de l'article 39 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975, d'insérer une phrase ainsi rédigée : "Toutefois, lorsque la période pour laquelle l'allocation compensatrice a été attribuée prend fin avant le 1er juillet 1997 et que la personne concernée a opté pour son maintien, le bénéfice de cette allocation est prorogé jusqu'à cette date. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement propose cet amendement, mais, je l'indique tout de suite, il souhaite le rectifier.
Cet amendement a pour objet de préciser les modalités d'option des personnes ayant bénéficié de l'allocation compensatrice après soixante ans, notamment en introduisant une période transitoire jusqu'au 31 décembre 1997 pendant laquelle les allocations arrivant au terme de la période d'attribution peuvent être prorogées si les bénéficiaires le souhaitent. Il s'agit de leur permettre de se préparer au changement de prestation.
Je vais expliciter brièvement et plus simplement cette disposition.
Une personne qui bénéficie de l'allocation compensatrice pour tierce personne voit cette allocation arriver à son terme, par exemple, au mois de janvier 1997. A ce moment-là, si nous suivions le texte de la commission mixte paritaire, cette personne serait immédiatement soumise au nouveau régime, dont je rappelle qu'il prévoit le versement des prestations non plus en espèces mais en nature.
Le Gouvernement estime que, dans cette période de mise en place, il peut être délicat d'annoncer à des personnes âgées dépendantes ou à leur famille que l'on change de système sans avoir pris le temps de bien le leur expliquer. Par conséquent, le Gouvernement souhaite une période de transition.
Le Gouvernement avait prévu un délai d'une année pendant laquelle le bénéfice des allocations versées pouvait être prorogé avant l'introduction du nouveau système. Mais, après réflexion et concertation, le Gouvernement accepte d'introduire un délai plus bref. En conséquence, au lieu de lire, dans l'amendement du Gouvernement, « avant le 31 décembre 1997 », il faudra lire « avant le 1er juillet 1997 » !
M. Emmanuel Hamel. Dans six mois !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Cela nous donne six mois pour assurer une bonne information des bénéficiaires dans les départements. Ainsi, à partir du 1er juillet, les personnes dont l'allocation compensatrice pour tierce personne vient à expiration bénéficieront du nouveau dispositif de l'allocation spécifique dépendance.
Cette souplesse dans la mise en oeuvre du nouveau dispositif permettra d'éviter des situations quelque peu délicates et donnera aux conseils généraux le temps nécessaire pour informer les intéressés et leur famille.
Je souhaite vivement que le Sénat accepte cette version, qui tient compte des observations de la commission.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 1 rectifié, présenté par le Gouvernement, et tendant :
I. - Dans la deuxième phrase du second alinéa du texte proposé par le 2° de l'article 19 pour compléter le I de l'article 39 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975, à supprimer les mots : « ou, si ce terme intervient avant le 1er mars 1997, dès l'entrée en vigueur de la présente loi. »
II. - Après la deuxième phrase du second alinéa du texte proposé par le 2° de l'article 19 pour compléter le I de l'article 39 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975, à insérer une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, lorsque la période pour laquelle l'allocation compensatrice a été attribuée prend fin avant le 1er juillet 1997 et que la personne concernée a opté pour son maintien, le bénéfice de cette allocation est prorogé jusqu'à cette date. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales avait souhaité le basculement immédiat, au moment du renouvellement de l'ACTP, vers le nouveau dispositif, c'est-à-dire vers la prestation spécifique dépendance.
Le Gouvernement a déposé un amendement dont M. Barrot vient d'expliquer les raisons.
La commission, après s'être réunie sur l'initiative de son président M. Fourcade, a examiné votre amendement, monsieur le ministre, et se rallie à la proposition que vous venez de nous faire, et ce pour deux raisons essentielles.
La première est la suivante : compte tenu du fait que nous ne connaissons pas encore la date de parution des décrets, même si M. le ministre a pris l'engagement que ceux-ci nous seront communiqués et sortiront très rapidement, nous risquions de nous trouver confrontés à un vide juridique.
Prenons le cas d'une personne dont le renouvellement serait arrivé à échéance au 1er ou au 2 janvier. Si le décret ne sort que le 1er ou le 15 février, il est bien évident que cette personne ne peut pas opter pour un dispositif pour lequel les décrets ne sont pas parus. Elle doit donc faire une nouvelle demande d'ACTP et repart pour trois ans avec ce système. Ce n'est pas du tout ce que nous avons souhaité.
La seconde raison tient au délai.
En effet, les procédures, le système de conventionnement font que, inévitablement, un délai aurait couru entre le 1er janvier et le moment où la convention aurait été signée, le temps que la coordination se mette en place avec les caisses de sécurité sociale, et compte tenu de la durée d'instruction du dossier qui est de deux mois, tel que nous l'avons vu dans le texte.
Comme l'a rappelé très justement M. Paul Girod en commission des affaires sociales, on aurait constaté de fait un délai de quatre à cinq mois. Puisque c'est de fait, disait M. de Raincourt, pourquoi le prévoir dans la loi ? C'est de toute façon ce que nous aurions rencontré dans le temps. Toutefois, pour éviter tout vide juridique, il a semblé nécessaire que cette précision soit apportée dans le texte.
Pour toutes ces raisons, vous nous avez convaincus, monsieur le ministre, et nous acceptons donc de revenir sur la rédaction de la proposition de loi.
Au nom de la commission des affaires sociales, j'émets un avis favorable sur l'amendement que vous avez bien voulu rectifier à notre demande. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Cabanel, pour explication de vote.
M. Guy Cabanel. La majorité des membres du groupe du RDSE votera cette proposition de loi. Il s'agit d'un bon texte d'étape, qui permettra de clarifier la situation.
Il n'était en effet pas possible de rester dans le régime de l'extension un peu abusive du bénéfice de l'ACTP aux personnes âgées dépendantes, qui constituait une interprétation en quelque sorte tolérée de la loi de 1975. Il fallait aboutir à ce texte.
De plus, il faut noter que l'examen à l'Assemblée nationale a permis d'améliorer ce texte d'initiative sénatoriale sur un certain nombre de points, puisque, au cours de ce débat, nous avons obtenu, de la part de M. le ministre du travail et des affaires sociales, des promesses quant à l'augmentation du montant maximal de la prestation à 100 % de la majoration pour tierce personne, soit 5 350 francs, chiffre qui est plus substantiel que celui qui avait été retenu au Sénat, ainsi que la possibilité de relever le plafond.
Cette proposition de loi sort donc confortée de la navette entre le Sénat et l'Assemblée nationale et des travaux de la commission mixte paritaire.
Le Sénat peut en être fier, car le processus est né sur l'initiative du président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade, lors de l'examen de la loi de 1994, un amendement ayant permis à cette occasion l'expérimentation dans douze départements.
Quand M. Jean-Pierre Fourcade a déposé cette proposition de loi, j'ai moi-même été heureux d'en être co-signataire.
Maintenant, il nous faut assumer devant le pays certaines critiques. On nous dira que c'est peu de chose, que tout cela n'est pas en rapport avec l'immense attente de nombreuses personnes âgées qui se sentent menacées par l'état de dépendance. Il faudra répondre que cela ne constitue qu'une étape, qui pourra être dépassée rapidement si une remise en ordre financière de la protection sociale intervient, ce que nous souhaitons.
Avec la majorité de mon groupe, je voterai donc sans aucune arrière-pensée et avec une certaine satisfaction ce texte d'initiative sénatoriale.
M. Emmanuel Hamel. Un pas en avant, en en attendant d'autres !
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous voici arrivés au terme de nos débats sur l'instauration d'une nouvelle prestation pour les personnes âgées.
Nous avons dit, tout au long de l'examen des articles, nos déceptions, nos craintes face à ce dispositif. En fait, à quoi se résume notre intervention en tant que législateur ?
Avons-nous progressé sur le chemin d'une véritable politique de la prise en charge dans notre pays de la dépendance des personnes âgées ?
La création d'un nouveau risque a été écartée avec véhémence, comme si une telle éventualité relevait de la plus totale irresponsabilité. Nous verrons dans moins d'une décennie où se situaient réellement le sens des responsabilités et les archaïsmes.
Par ailleurs, le recours à la solidarité nationale n'est envisagé sous aucune forme.
Nous avons, certes, remis un peu d'ordre afin de remédier à des anomalies ; par exemple, la prestation spécifique dépendance sera désormais servie à domicile et dans les établissements.
Les discussions entre les deux assemblées ont en outre permis d'augmenter le montant maximal de la prestation, puisqu'il est envisagé de fixer par décret un maximum réglementaire égal à 100 % de la majoration pour tierce personne, soit environ 5 500 francs, le règlement départemental de l'aide sociale pouvant aller au-delà du barème national.
Toutefois, monsieur le ministre, vos déclarations devant nos collègues de l'Assemblée nationale sont édifiantes : les contraintes budgétaires que vous invoquez amèneront le dispositif à fonctionner à moyens constants, même si vous avez eu tendance à vous retrancher derrière le financement des lits de section de cure médicalisée pour contredire cette évidence.
Notons au passage que ces lits de section de cure médicalisée auraient dû être financés depuis fort longtemps déjà puisqu'ils avaient fait l'objet d'un passage en comité régional de l'organisation sanitaire et sociale et qu'ils avaient été acceptés par lesdits comités.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et même par les gouvernements socialistes, qui ne l'ont pas fait !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ainsi vous êtes-vous félicité, lors du débat devant l'Assemblée nationale, du fait que la modulation de la prestation allait désormais permettre d'augmenter la prise en charge de la dépendance lourde, tout en précisant que cela était désormais possible puisque, en cas de dépendance légère, il conviendrait d'aller en deçà de 40 % de la majoration pour une tierce personne.
Sur le calcul du plafond de ressources, le couperet de l'article 40 est tombé sur les suggestions émises à l'Assemblée nationale.
Nous avons souligné l'ambiguïté qu'il y a à confier au financeur, via l'équipe médico-sociale, le rôle de l'évaluation du niveau de dépendance, même si une grille nationale peut constituer une sorte de garde-fou. Cette disposition demeure malheureusement, et je relève sur ce point que le président du conseil général pourra passer outre à l'avis de cette équipe, que celui-ci soit négatif - pourquoi pas ? - ou positif - ce qui est plus grave.
Non ! Nous ne pouvons pas voter ce texte. Il correspond plus à un toilettage de l'ACTP qui permettra aux conseils généraux de maîtriser leurs dépenses sociales qu'à un dispositif de prise en charge efficace de la dépendance chez les personnes âgées, dépendance dont nous savons tous bien qu'elle représente un véritable problème de société en cette fin de vingtième siècle et que vous feignez de l'ignorer. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifiée par l'amendement qui a été adopté précédemment par le Sénat.

(La proposition de loi est adoptée.)

7

NOMINATION DE MEMBRES
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques et du Plan a proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Louis Moinard, membre titulaire, et M. Marcel-Pierre Cleach, membre suppléant, pour siéger au sein du Conseil national de l'habitat.

8

ZONE FRANCHE DE CORSE

Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 126, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la zone franche de Corse. [Rapport n° 147 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la Corse fait partie intégrante de la France. Elle n'en forme ni une part dont on pourrait se séparer par contrat à l'amiable ni un membre malade qu'il faudrait amputer pour assurer la survie de l'ensemble. Non, elle participe à la substance même de la nation, de sa culture, de son histoire, tout comme la Provence ou l'Auvergne.
J'entends parfois dire que la Corse, trop petite pour résister longtemps et trop montagneuse pour que l'occupant s'impose, a été envahie sept fois en trois mille ans et, pourtant, jamais soumise. A ceux qui tirent prétexte de ce passé pour justifier l'injustifiable, je réponds que la République française n'est pas celle de Gênes et que les valeurs de liberté et de démocratie défendues par Pascal Paoli sont bien devenues celles de la Révolution française quelques décennies plus tard.
Les représentants corses sont, paraît-il, arrivés avec trois jours de retard aux états généraux, mais ils y étaient. Et faut-il rappeler la part prise par le plus célèbre des insulaires dans la suite des événements ? Chacun connaît son histoire. Les heures les plus glorieuses, comme les plus tragiques de notre histoire, je pense à la Résistance, ont vu s'illustrer les enfants de la Corse aux côtés de ceux des autres régions de notre pays, tous sous les mêmes couleurs et au nom d'un idéal partagé.
Aussi, prétendre aujourd'hui, au nom du peuple corse, se soulever contre la République, présentée comme colonisatrice et dominatrice, non seulement relève d'une véritable imposture, mais, de plus, constitue un affront à la démocratie ; n'en déplaise aux amateurs de sondages, toutes les élections confirment l'attachement des Corses à la France et leur volonté d'être français à part entière !
Le Gouvernement a donc choisi d'appliquer la rigueur des lois républicaines à ceux qui ont choisi la voie sans issue des armes. Certains diront qu'il ne faut pas exagérer le climat de violence et que les Corses sont d'ailleurs les premiers à s'en accommoder. Certes, Ajaccio n'est ni Beyrouth ni Sarajevo, mais, pour autant, en Corse comme partout, l'Etat faillirait à la première de ses missions s'il tolérait sans réagir que la loi républicaine soit bafouée.
M. Paul d'Ornano. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Non seulement la violence en Corse est stupide et oppressante, mais l'image que donnent de l'île les exactions qui s'y commettent, dans une affreuse banalisation, aboutit à une catastrophe économique. Qui parle encore d'île de Beauté quand, depuis des années, il ne se passe pas une semaine sans quelque nouveau méfait ?
Or, même si cette île reste le joyau de la Méditerranée grâce à son relief et à son climat, son image actuelle fait fuir, et les deux dernières saisons touristiques, qui constituent sa principale ressource, ont été catastrophiques.
Il faudra certes du temps pour que la fermeté et la justice fassent taire les armes, car il n'y a qu'au café du commerce que les coupables sont toujours connus... Il faudra encore plus de temps pour que, la paix publique revenue, la Corse retrouve la voie du développement.
Mais, au-delà du temps et de la constance qui seront nécessaires, trois conditions devront aussi être réunies pour atteindre les objectifs que la nation s'assigne pour la Corse.
Première condition : le Gouvernement doit engager les moyens qu'implique le choix de la fermeté. Mes collègues chargés de l'intérieur et de la justice s'y emploient. Les effectifs de police ont été renforcés et le traitement judiciaire des dossiers terroristes a été transféré à Paris, pour qu'il soit statué dans un climat plus serein. Les premiers résultats sont là. D'autres suivront et l'ordre républicain sera rétabli en Corse ; que nul n'en doute !
Deuxième condition : il faut redynamiser l'activité économique en renforçant la rentabilité des entreprises pour maintenir et créer des emplois. C'est le but du projet de loi qui vous est soumis et qui, en instituant une zone franche, symbolise la main tendue de la République.
La troisième condition, mesdames, messieurs les sénateurs, ne dépend que des Corses eux-mêmes. Tous ces efforts seront vains si les Corses ne se ressaisissent pas collectivement et immédiatement, comme l'a souhaité le Président de la République.
Un récent sondage affirmait qu'un Corse sur deux ne témoignerait pas devant la justice contre les prétendus indépendantistes. Si ce sondage dit vrai, tous les républicains doivent protester de toutes leurs forces : il est en effet proprement inadmissible que la complaisance, le conformisme ou la lâcheté autorisent les atteintes à la démocratie que nous constatons et qui condamnent l'avenir de l'île, que la République s'attache par tous les moyens à garantir.
Heureusement, des signes montrent que les choses changent. Je pense à la marche des femmes corses du printemps dernier ou aux prises de position d'autres mouvements associatifs qui expriment plus que de la lassitude face à la violence endémique. Il faut que ce mouvement s'amplifie pour que la Corse sorte d'une passivité quelque peu morbide et retrouve la voie d'un avenir pour ses enfants.
Mme Hélène Luc. Il faut montrer l'exemple !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour accompagner cette évolution des mentalités et inciter l'ensemble des Corses à la confiance dans leur économie que le Gouvernement veut mettre en place la zone franche.
Acte politique au meilleur sens du terme, l'instauration de la zone franche est aussi une nécessité économique puisqu'elle vise à compenser les handicaps auxquels la Corse est confrontée et à lutter contre la dégradation profonde de la situation économique de l'île.
Ces handicaps sont le fait de la géographie : l'éloignement du continent et, à l'intérieur même de l'île, l'enclavement des vallées qui ont pour conséquence une forte dépendance à l'égard de l'extérieur pour les approvisionnements.
Avec un produit intérieur brut par habitant ne dépassant pas 77 % de la moyenne communautaire, la Corse est la plus pauvre des régions métropolitaines ; de surcroît, ce produit décroît régulièrement depuis plusieurs années.
M. Michel Charasse. Vive le terrorisme !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Il ne rend d'ailleurs pas fidèlement compte de la réalité économique marchande puisqu'il résulte, pour une partie non négligeable, de la forte présence des services publics dans l'île.
Sur le plan démographique, la situation n'est pas meilleure. La population est vieillissante : 23 % des habitants ont plus de soixante ans. Cette population est concentrée à Bastia, Ajaccio et Porto-Vecchio. Si on fait exception de ces villes, la densité moyenne de peuplement de la région, qui est la plus faible de France, est encore divisée par deux, mesdames, messieurs les sénateurs.
Cette situation démographique n'est ni un signe ni un facteur de dynamisme économique. Ainsi, moins d'une centaine d'entreprises implantées en Corse ont une taille qui dépasse cinquante salariés.
Devant ce constat, et pour redonner confiance en l'avenir de la Corse, le Premier ministre a choisi la création d'une zone franche, par référence aux dispositifs mis en place au titre de l'aménagement du territoire.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas cela qui arrangera les problèmes économiques de la Corse.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Mais il a fallu concevoir une mesure spécialement adaptée. En effet, les zones de revitalisation rurale ne couvraient qu'une partie de l'île. Celles-là, madame Luc, vous ne pouvez pas les reprocher au Gouvernement. En effet, la création des zones de revitalisation rurale a été adoptée par le Parlement, notamment par la Haute Assemblée.
Mme Hélène Luc. Nous faisons des propositions, vous ne les entendez pas !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Madame Luc, je ne vais pas me laisser aller - alors que j'en ai envie ! - à « ferrailler » courtoisement avec vous. Je vous dirai seulement que ce n'est qu'un début, qu'un premier pas. Encore faut-il savoir le franchir. Je ne doute pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous aiderez le Gouvernement à faire, justement, ce premier pas.
A situation d'exception, traitement exceptionnel : c'est cette logique qui a conduit le Gouvernement à concevoir un dispositif spécifique, qui n'est transposable nulle part ailleurs en France.
La zone franche de Corse bénéficiera aux entreprises, parce que ce sont elles qui créent des emplois. Ce principe devra constamment nous guider lorsque nous aborderons les amendements et, pour en faciliter le respect, je rappelle que, à côté de la zone franche, le Premier ministre a décidé, pour répondre aux préoccupation des sénateurs élus de Corse, un ensemble de mesures en faveur des routes, des services publics, de la culture, de l'environnement ou encore de l'agriculture, qui complètent le dispositif qui vous est aujourd'hui soumis.
Ce dispositif, vous le savez, exonère pendant cinq ans les entreprises : d'impôt sur les sociétés et sur les bénéfices industriels et commerciaux dans la limite d'un résultat annuel de 400 000 francs ; de taxe professionnelle dans la limite d'une base taxable annuelle de 3 millions de francs ; de charges sociales patronales, dans la limite de 1 500 francs par emploi, cette exonération étant dégressive entre un SMIC et deux SMIC.
A ces plafonds d'exonérations s'ajoutent les conditions qui ont été nécessaires pour obtenir l'autorisation de la Commission européenne. Même si elles compliquent le texte qui vous est soumis, il me paraît important de souligner que 95 % de l'activité agricole, commerciale, artisanale et industrielle bénéficiera de la zone franche.
Comme vous le savez, la négociation avec Bruxelles n'a pas été facile. En témoigne le pessimisme de tous ceux qui jugeaient impossible une issue favorable. Mais le résultat est là, particulièrement satisfaisant puisque l'autorisation a été donnée par la Commission et dans des conditions qui garantissent l'absence de distorsion de concurrence, non seulement vis-à-vis des pays étrangers, mais aussi entre la Corse et le continent. Cela est très important car le Conseil d'Etat comme le Conseil constitutionnel veillent très soigneusement au respect de cette garantie.
Un élargissement du champ de la zone franche ne paraît donc pas justifié, sauf à sortir des principes qui ont présidé à sa conception et de l'autorisation donnée par la Commission européenne.
La voie est donc étroite, j'en conviens, entre les contraintes budgétaires, communautaires et -, j'ajoute -, constitutionnelles. En effet, toute adaptation du principe de l'égalité devant l'impôt doit rester, vous le savez mieux que quiconque, proportionnée aux difficultés et aux handicaps que connaissent les territoires concernés.
La marge est d'autant plus restreinte, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'Assemblée nationale a déjà élargi la portée du dispositif. Je pense en particulier aux professions libérales, aux entreprises de gestion et de location d'immeubles. Je pense également aux pêcheurs. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale en leur faveur s'ajoute au soutien que va leur apporter la collectivité territoriale de Corse, comme le font des départements du continent, ou même des régions, pour leurs pêcheurs.
Ces dispositions ont rendu l'espoir à cette profession. Mais je tiens à souligner que l'Assemblée nationale a eu à coeur d'assortir de conditions les extensions qu'elle a apportées au champ de la zone franche. Je pense en particulier à l'introduction d'une obligation de maintien dans l'entreprise des bénéfices exonérés.
Je ne doute pas que la Haute Assemblée saura, elle aussi, tout à la fois respecter les contraintes qui entourent le texte que je lui soumets et en améliorer les conditions d'application.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure où des voix de plus en plus nombreuses, y compris quelquefois dans les rangs de la Haute Assemblée, s'élèvent pour dénoncer la dérive maffieuse de certaines franges du nationalisme, une réaction, qui doit être décisive, s'impose.
Mme Hélène Luc. Ne croyez-vous pas que cela va augmenter cette dérive ?
M. le président. Madame Luc, un orateur de votre groupe aura neuf minutes pour s'exprimer tout à l'heure. Pour l'instant laissez parler M. le ministre !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. La voie des armes ne mène en effet nulle part, sinon à l'injustice et, finalement, au malheur. Ceux qui s'y sont engagés doivent le comprendre et revenir dans la légalité car, en Corse comme partout et à toute époque, la prospérité économique est la seule façon de préserver et de pouvoir exprimer une identité régionale.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le souhait du Gouvernement pour la Corse et nos compatriotes qui vivent dans cette île que nous aimons tant. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Vous êtes très conservateur, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi créant une zone franche en Corse qui nous est soumis aujourd'hui a été annoncé par le Premier ministre au cours de son voyage dans l'île le 17 juillet dernier, dans un contexte politique local très tendu.
Naturellement, ce texte n'apporte pas, à lui seul, une solution aux problèmes de la Corse. Il répond toutefois à une situation économique très dégradée, que l'on a trop souvent tendance à méconnaître, car les médias sont plus intéressés par la violence, devenue, hélas ! quotidienne.
La situation économique de la Corse est traditionnellement décrite comme mauvaise du fait de l'éloignement insulaire et des difficultés du relief.
Ces deux données objectives expliquent la faible densité de la population : moins de vingt-neuf habitants au kilomètre carré. Cette population est au total de 250 000 habitants, soit près de 50 000 habitants de moins qu'au début du siècle. A cela s'ajoute un phénomène de désertification de l'intérieur de l'île, où 153 communes, sur 360, comptent moins de 100 habitants.
L'insularité et les obstacles à la communication interne déterminent aussi largement la répartition des activités, dominées par le commerce et la fonction publique : le tertiaire représente en effet les trois quarts des effectifs et de la valeur ajoutée, tandis que l'industrie regroupe 7 % des effectifs et apporte 10 % de la valeur ajoutée. Le tourisme représente à lui seul, malgré la très grande concentration de la fréquentation sur le mois d'août, 15 % d'un produit intérieur brut qui classe la Corse au dernier rang des régions françaises.
L'étroitesse du marché local ainsi que la dépendance en énergie et en produits manufacturés sont d'autres données objectives défavorables.
L'analyse de la situation des agents économiques révèle également des faiblesses importantes. Ainsi, sur quelque 20 000 établissements recensés en 1996, plus de 95 % comptent moins de dix salariés. Les statistiques récentes de la Banque de France montrent que l'effectif moyen, qui est de dix-huit salariés, est très inférieur à la moyenne nationale, de même que le taux de valeur ajoutée ou la part des fonds propres.
Par ailleurs, selon une étude qui date de quelques jours, le salaire moyen en Corse est inférieur de 19 % au salaire moyen national.
Enfin, il faut souligner que les prestations sociales représentent près de la moitié du revenu disponible des ménages, contre un tiers en moyenne nationale.
Une telle situation justifie, me semble-t-il, un statut particulier sur les plans économique et fiscal.
Quels sont les instruments spécifiques dont dispose déjà la Corse ?
Elle dispose, d'abord, non pas tant d'un statut fiscal spécifique que d'une juxtaposition historique de mesures favorables.
Une première série de mesures, anciennes puisqu'elles remontent au Consulat et au Premier Empire, était destinée à compenser le faible niveau de revenu des insulaires et à alléger les coûts de fonctionnement de l'administration fiscale.
C'est ainsi que le défaut de déclaration des successions n'est pas sanctionné et que l'évaluation des biens est opérée d'après le revenu cadastral, et non pas selon la valeur vénale.
Par ailleurs, à un régime d'exonération de droits indirects a succédé un régime de réfactions, puis de taux spécifiques de TVA, qui existe encore aujourd'hui.
Un train de mesures fiscales plus modernes, a été adopté à partir de 1988 pour essayer de réduire le retard de développement économique. C'est ainsi qu'ont été mises en place des dispositions d'exonération d'impôt sur les sociétés pour les entreprises nouvelles, puis pour les activités nouvelles développées en Corse.
Enfin, la loi du 27 décembre 1994 a institué une exonération de la part régionale et départementale de la taxe professionnelle et un abattement de 25 % sur les bases de la part communale, ainsi qu'une exonération totale de la taxe foncière sur les propriétés bâties à usage agricole.
Le coût total de l'ensemble de ces mesures dérogatoires est important puisqu'il atteint près de 1,3 milliard de francs.
Par ailleurs, la Corse dispose d'outils institutionnels spécifiques.
La loi portant statut de la collectivité territoriale a en effet doté la collectivité d'une assemblée et d'un conseil exécutif de sept membres, chaque conseiller présidant un office à compétences spécifiques : équipement hydraulique, transports, environnement, développement agricole, tourisme...
La Corse dispose également d'outils financiers, avec le contrat de plan Etat-région, qui s'intègre dans la programmation des aides communautaires pour la période 1994-1999, la Corse étant classée, comme la plupart des îles de la Méditerranée, en zone d'objectif n° 1.
L'assemblée de la collectivité territoriale a adopté à cet effet un plan de développement quinquennal en 1993, pour lequel le total des moyens prévus s'élève à plus de 3 milliards de francs, dont la moitié à peu près sera versée par l'Union européenne.
Au total, on peut affirmer, sans craindre d'être démenti, que l'argent public ne manque pas en Corse.
MM. Christian Bonnet, Jacques Oudin et Michel Charasse. Ça non !
M. Guy Allouche. Il coule à flot !
M. Michel Mercier, rapporteur. D'ailleurs, tous les responsables politiques et socioprofessionnels que j'ai rencontrés ces derniers jours en sont convenus.
Toutefois, le projet de zone franche intervient dans un contexte d'aggravation des difficultés économiques, et aussi dans la perspective d'une suppression à terme des avantages relatifs à la TVA, suppression liée à la mise en place de la TVA intracommunautaire.
A la fin de l'année 1995, le chômage en Corse a dépassé à nouveau la barre des 12 %. Au mois de février 1996, des mesures de traitement des dettes fiscales et sociales des entreprises ont dû être prises. A l'issue d'un moratoire, près de 1 500 entreprises - hors secteur hôtelier - ont demandé un plan d'apurement de leur dette.
En mars 1996, l'Assemblée nationale a réclamé le bénéfice d'un programme européen, le POSEI, programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, qui aurait permis l'application de mesures dérogatoires telles que le relèvement des aides aux entreprises, à l'agriculture, à la pêche. Toutefois, la France n'a pu obtenir cet avantage pour la Corse, qui ne répond pas aux critères d'ultrapériphéricité nécessaires : une formule bien difficile à prononcer pour dire que la Corse est trop proche du continent pour bénéficier d'un tel programme. (Sourires.) Le choix de la zone franche a donc été fait.
Le projet a été soumis à la Commission européenne au mois d'août dernier et a fait l'objet d'un avis favorable au mois d'octobre, après que plusieurs compléments d'information eurent été apportés par le Gouvernement français.
La Commission a distingué les mesures selon qu'elles bénéficient à des entreprises existantes, à des entreprises en voie de création ou d'extension, ou à des entreprises en difficulté.
Pour les aides en faveur des entreprises existantes, la Commission a pris acte de la limitation des aides, soit au de minimis, portant donc sur un montant jugé négligeable à l'échelon communautaire, soit aux petites entreprises, c'est-à-dire employant moins de cinquante personnes. La Commission a noté qu'étaient exclus de ce régime d'aides l'agriculture, la pêche et le transport aérien ou maritime.
Pour les aides aux entreprises en création ou en extension, les exonérations seront accordées en proportion de l'augmentation de l'activité ou de l'emploi. La Commission a estimé que l'intensité cumulée des aides ne dépassait pas 30 % des investissements nouveaux, plafond fixé pour les aides régionales.
Pour les aides aux entreprises en difficulté, la Commission a tenu compte du fait que la définition retenait un ratio d'endettement sur fonds propres supérieur d'au moins 20 % à la moyenne des PME du secteur et que les aides seraient accordées sur agrément de l'Etat, qui fixera la durée des exonérations au niveau strictement nécessaire.
La Commission a tenu compte, enfin, de l'exclusion des secteurs aérien et maritime.
Ces aides ont été limitées aux moyennes entreprises au sens communautaire, c'est-à-dire employant moins de 250 personnes.
Le projet de loi qui nous est soumis intègre l'ensemble de ces préoccupations. Le dispositif proposé est valable pour cinq ans et retient les conditions fixées par la Commission, sous réserve de quelques extensions adoptées par l'Assemblée nationale.
Pour notre part, nous proposerons plusieurs amendements tendant à clarifier un texte souvent touffu. Nous proposerons également une légère extension de son champ d'application.
Sur le fond, j'ai pu constater que tous les interlocuteurs de l'île, élus et socio-professionnels, que j'ai consultés étaient, à des degrés divers, favorables à la zone franche, la considérant comme une bouffée d'oxygène pour les entreprises. J'ai tendance à le penser également, et la commission des finances a bien voulu partager ce point de vue.
Toutefois, il convient d'y insister, ce nouvel instrument ne vaudra qu'après le rétablissement de la paix publique et de l'ordre républicain en Corse. Sur ce point, votre intervention, monsieur le ministre, nous a fait une impression plus que favorable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici une nouvelle fois réunis pour parler de la Corse, cette Corse qui suscite bien des interrogations, qui fait éprouver à nos concitoyens de la lassitude, voire de l'exaspération.
Je vous le disais déjà à cette même tribune au mois de juin dernier, en fait, la Corse est malade et les manifestations de cette maladie sont de deux ordres : les unes sont économiques, les autres sont morales et politiques.
Tous les gouvernements, depuis plus de vingt ans, ont essayé d'apporter à cette crise des remèdes, pour la plupart institutionnels.
Ce fut le cas en 1981, avec le statut particulier préfigurant les lois de décentralisation qui devaient concerner, dès l'année suivante, tout le territoire métropolitain.
Le statut de 1991 était plus innovant puisqu'il érigeait la Corse en collectivité territoriale de plein exercice.
Enfin, en 1994, le statut fiscal a permis de pérenniser certains avantages fiscaux qui peuvent être assimilés à des mesures de compensation des inconvénients liés à l'insularité.
La leçon que l'on peut tirer de ces quatorze années, c'est qu'aucun de ces remèdes, souvent dispensés à grands frais, n'a été de nature à provoquer ne fût-ce qu'une rémission, pour ne pas parler de guérison.
Si l'arrivée de Jacques Chirac et d'Alain Juppé a suscité quelques espoirs très forts, dont la « trêve » dans les plasticages a été la manifestation visible, malheureusement, ces espoirs ont été déçus, et la violence a repris ses droits avec encore plus d'acuité.
Comme vous l'avez justement souligné, monsieur le ministre, c'est à l'Etat d'apporter, grâce à ses missions régaliennes, une réponse appropriée aux problèmes liés au maintien de l'ordre public en Corse.
J'en accepte d'autant plus volontiers l'augure que cette position vient d'être rappelée de façon très ferme par le Président de la République, lors de sa récente allocution télévisée, dans laquelle il a mis en exergue deux notions clés, sécurité et solidarité, et que, semble-t-il, les premiers résultats positifs commencent à se faire sentir, notamment avec les événements de ces derniers jours.
Aujourd'hui, nous traitons de l'aspect purement économique du malaise corse en examinant ce projet de zone franche, qui vient, après d'autres, manifester la solidarité de la France envers la Corse.
Un seul mot résume l'état économique de la Corse : le marasme.
Le taux de chômage s'accroît chaque année d'un point et s'élève aujourd'hui à 13,7 %.
L'activité touristique, principal moteur de l'économie insulaire, est un secteur sinistré pour de multiples raisons, telles que les perturbations liées aux conflits sociaux qui entraînent un manque de fiabilité dans la desserte de l'île, le prix des transports, le coût de la vie insulaire et, surtout, le climat de violence que les médias ne manquent jamais de mettre en relief.
Actuellement, 75 % de l'activité économique de l'île est sous-tendue par les marchés publics des administrations de l'Etat ou des collectivités locales. Les 25 % restants concernent le marché privé. Cette tendance, il est important de le souligner, s'est complètement inversée en dix ans. Les entreprises locales se caractérisent par un taux de faillite élevé et par leur impossibilité à faire face aux charges fiscales et sociales.
L'Union européenne, dans le cadre de sa politique régionale, a admis la Corse au bénéfice des objectifs 1 et 5 b. Toutefois, la fragilité financière des collectivités bénéficiaires des crédits européens au titre du contrat de plan ou du DOCUP est telle qu'elles sont dans l'impossibilité de mobiliser les financements croisés.
Face à cette situation dégradée, le Gouvernement a décidé de provoquer une sorte de catalyse de l'économie corse en créant une zone franche. Dès son annonce, celle-ci a suscité, par son caractère éminemment symbolique, une forte attente dans la communauté insulaire et a entraîné des espoirs ou des craintes exagérés.
Ainsi que M. le ministre l'a déjà souligné, le présent projet de loi va plus loin que les dispositions de la loi du 4 février 1995, en prenant en compte l'intégralité du territoire insulaire pour l'application des mesures d'exonération de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle.
Les cantons jusqu'alors exclus, représentant 80 % de la population de l'île, se trouvent donc de ce fait concernés par les présentes dispositions. Il faut bien entendu s'en réjouir, mais chaque médaille a son revers.
Si la Corse souffre globalement d'un retard en matière de développement, toutes les parties de l'île ne sont pas placées sur un pied d'égalité en ce domaine. Les zones de l'intérieur, montagneuses pour l'essentiel, sont les plus fragiles à cet égard et les plus exposées au risque d'abandon, faute d'emplois susceptibles de maintenir les populations actives sur place. Par un traitement homogène du territoire, ne va-t-on pas accentuer le déséquilibre entre les milieux urbain et rural ? La question reste ouverte.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet d'agir sur trois variables de l'activité des entreprises et, partant, de l'emploi, à savoir l'impôt sur les bénéfices, la taxe professionnelle et les charges sociales patronales.
Considéré sous l'angle du soutien à l'économie, conformément aux voeux du Premier ministre, le projet de loi constitue une réelle avancée dans la mesure où il permettra aux entreprises de poursuivre, voire, pour les plus saines, de développer leur activité par l'allégement des charges pesant sur elles.
Au-delà des dispositions du projet de loi, je tiens tout spécialement à saluer l'excellent travail réalisé à l'Assemblée nationale, tant par le rapporteur, M. Patrick Ollier, que par mes collègues députés, et les avancées importantes obtenues.
En premier lieu, l'exonération des charges sociales et de l'impôt sur les bénéfices est étendue aux professions libérales lorsque celles-ci sont constituées en sociétés et que leur effectif est égal ou supérieur à trois salariés. Ce travail a été complété par la commission des finances du Sénat qui a ajouté l'exonération de taxe professionnelle, réparant ainsi un oubli.
En second lieu, au sujet de la pêche, domaine très important de l'économie corse, l'ensemble des acteurs, à savoir les députés et la collectivité territoriale de Corse, en concertation avec l'Etat, ont su prendre en compte et régler, au moins dans un premier temps, cette préoccupante question.
Enfin, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, l'Assemblée nationale a intégré dans le champ des activités exonérées la gestion et la location d'immeubles pour les entreprises implantées en Corse dont les prestations portent exclusivement sur des biens situés dans l'île. Cette disposition est, elle aussi, fondamentale pour un secteur essentiel de l'activité économique de l'île, le tourisme.
S'il est vrai que notre débat doit porter sur les apports non négligeables de la zone franche à l'économie insulaire, il n'en reste pas moins vrai que des interrogations, des incertitudes, voire des limites aux mesures proposées subsistent.
En excluant certains acteurs économiques, ce dispositif risque d'avoir une efficacité très relative et je crains que la fracture sociale n'en sorte encore accentuée dans une île déjà à la dérive.
Aussi, il me semble essentiel d'optimiser les effets du dispositif proposé en incluant dans le mécanisme de la zone franche certains secteurs de l'économie insulaire. Tel est l'objet des trois amendements que j'ai déposés et que je défendrai tout à l'heure.
Tout d'abord, en ce qui concerne les cas d'exonération de taxe professionnelle, l'élu de base que je suis, en prise directe avec les réalités du terrain, considère que ceux-ci doivent être examinés avec attention. Nous savons que, en contrepartie des allégements de taxe professionnelle décidés ces dernières années, l'Etat verse aux collectivités une compensation.
Depuis 1995, les collectivités territoriales de Corse sont placées sous un régime particulier caractérisé, d'une part, par la suppression des parts départementale et régionale de taxe professionnelle, la part communale étant réduite de 25 %, et, d'autre part, par la compensation par l'Etat des pertes de recettes subies par les collectivités.
Dans le texte qui nous est soumis, la possibilité est donnée aux communes de recourir à l'exonération totale de taxe professionnelle. Ce mécanisme conduirait à les appauvrir dans la mesure où la compensation est calculée en appliquant au montant des bases exonérées le taux de la commune voté en 1996.
Ce mécanisme comporte l'inconvénient de ne pas tenir compte des évolutions de cette taxe, puisque le mode de calcul proposé gèle pour cinq ans la compensation au niveau des impositions pour l'année 1996.
Cette possibilité, qui reste facultative pour les communes, n'est qu'apparente et sera de nature à accentuer un peu plus les disparités.
C'est pourquoi, afin de ne pas les pénaliser, j'appelle l'attention du Gouvernement et de chacun de nous ici sur cette question primordiale de la compensation de la taxe professionnelle. Les communes corses, déjà largement en difficulté, ne pourront faire les frais d'une telle mesure ; elles n'en ont pas les moyens.
Aussi devons-nous nous entourer de toutes les précautions nécessaires afin de préserver les moyens de fonctionnement et d'investissement des collectivités territoriales de Corse tout en veillant à ne pas concentrer de manière excessive les prélèvements sur les contribuables, car la seule possibilité pour les communes consistera à ne pouvoir faire évoluer que les taux de taxe d'habitation et de foncier bâti.
Deuxièmement, en ce qui concerne les professions libérales, nul ne peut nier qu'elles sont nombreuses dans l'île, tant en milieu urbain qu'en milieu rural et, par là même, génératrices d'emplois.
Je me réjouis qu'elles aient pu, lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, être intégrées dans la zone franche, tout au moins pour une partie d'entre elles. Mais cela demeure, à mon sens, insuffisant car il sera difficile de concevoir que des entreprises se livrant à la même activité connaissent une différence de régime selon qu'elles emploient trois salariés ou moins. J'y reviendrai lors de la discussion des articles au travers d'un amendement.
S'agissant, enfin, des transporteurs routiers, mes collègues députés ont souhaité qu'ils puissent bénéficier de l'exonération des impôts sur les bénéfices, non seulement pour les activités exercées en zone courte comme le prévoit le texte qui nous est soumis, mais aussi pour celles qui le sont en zone longue. Il s'agit là d'une revendication très forte de cette catégorie socioprofessionnelle.
A la suite des débats à l'Assemblée nationale, il semble que ces dispositions nouvelles relèvent du domaine réglementaire et que seul un arrêté du ministre compétent soit de nature à améliorer le dispositif déjà existant. Je ne sais si, conformément à ce que vous avez annoncé à l'Assemblée nationale, ce problème est en voie d'être résolu.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, j'ai déposé un nouvel amendement en ce sens. J'attends que vous m'apportiez quelques éclaircissements sur ce point capital pour la profession.
J'approuve les mesures conjoncturelles visant à alléger les charges sociales des entreprises. Il apparaît néanmoins, à la lecture de l'alinéa VI de l'article 3, qui oblige celles-ci à être à jour de leurs cotisations au 1er janvier 1997, qu'un grand nombre d'entre elles, fortement endettées, seront exclues du champ d'application de la zone franche. C'est pourquoi je demande une certaine souplesse dans l'application de cette règle. Je crois que certains, en d'autres enceintes, ont formulé le même voeu.
Il reste, bien entendu, que seront exclus du dispositif proposé les salariés du secteur privé et ceux des associations, pourtant créatrices d'emploi reconnues.
La démarche du Gouvernement qui a sous-tendu le projet était faite d'ouverture et de concertation, et je lui en reconnais le mérite. C'est pourquoi je reste confiant en l'avenir et dans l'action que le Gouvernement continuera à mener. Elle sera d'autant moins facile qu'elle impose une bataille sur deux fronts, à savoir le front économique auquel le présent projet de loi s'attaque et le front du rétablissement de l'ordre et de la sécurité publique, point de passage obligé de toute politique de développement économique harmonieux et durable de la Corse, sans le succès duquel toute mesure économique, aussi excellente soit-elle, demeurera lettre morte.
Mais, avant de conclure, je ne peux m'empêcher de regretter, en accord avec les insulaires, toutes tendances confondues, que la France n'ait pas su obtenir pour la Corse ce que l'Espagne et le Portugal ont négocié pour leurs îles, c'est-à-dire le programme d'options spécifiques à l'isolement et à l'insularité, le POSEI.
En effet, au-delà de la reconnaissance du particularisme fiscal, seul ce dispositif présente les garanties durables d'un véritable mécanisme global du droit communautaire. Il conduirait l'Union européenne à mettre en place un système d'aides en faveur du relèvement de la production locale qui permettrait de faire échec au droit commun des politiques communautaires prenant en compte les activités économiques dans leur globalité.
Pourquoi le Gouvernement français ne profiterait-il pas de la Conférence intergouvernementale de Turin pour faire avancer, s'il le peut, ce dossier ? Vous le savez, monsieur le ministre, cette question a fait l'objet d'une prise de position très forte de la part de la collectivité territoriale de Corse. M. le rapporteur l'a rappelé voilà un instant.
Voilà, monsieur le ministre, l'essentiel des observations et des propositions que je souhaitais formuler. Je tiens tout spécialement à rendre hommage à la détermination et au courage dont vous avez fait preuve pour rechercher, pour la Corse et avec les Corses, des solutions novatrices complétant un dispositif important de mesures déjà en vigueur.
Je souhaite que nos compatriotes continentaux comprennent la situation de la Corse et n'analysent pas ce nouveau coup de pouce donné par le Gouvernement, dans un contexte national de grande rigueur, comme un avantage indu supplémentaire.
La remise en route de l'économie corse sera longue et encore parsemée d'embûches. Mais la grande détermination affichée par le Président de la République et le Premier ministre pour que cette région retrouve, au sein de la République française qu'elle n'a jamais souhaité quitter, les voies d'un développement durable dans un climat politique apaisé, ne peut que me réconforter et m'amener à saluer les efforts consentis. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Rocca Serra.
M. Jacques Rocca Serra. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion, en mai 1991, du projet de loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, j'avais ici même exprimé mon inquiétude quant aux résultats escomptés, car ce texte n'était accompagné d'aucun projet économique.
J'avais avec force réclamé une loi-cadre pour le développement de l'île, en attirant l'attention sur le fait que, si tel n'était pas le cas, la Corse resterait politiquement française mais deviendrait économiquement italienne. Or c'est ce qui est en train de se passer, les relations avec l'Italie étant beaucoup plus simples et surtout beaucoup moins chères. Les chiffres de l'INSEE, sur lesquels je me fondais lors de mon intervention, étaient plus qu'alarmants tant sur les plans économique et politique que sur les plans social et culturel. Comme plusieurs intervenants l'ont souligné aujourd'hui, la Corse est la plus pauvre et la plus défavorisée des régions françaises.
Je me suis amusé, si je puis m'exprimer ainsi, à rechercher à la bibliothèque du Sénat tous les chiffres de l'INSEE relatifs à la Corse, en partant d'une année marquante dans l'histoire récente de l'île, l'année 1975, au cours de laquelle se sont déroulés les événements d'Aléria. Les chiffres, de 1975 jusqu'à 1996, sont toujours les mêmes : dans tous les domaines, la Corse est toujours la dernière des régions françaises. Cette situation est donc très antérieure à tous les événements récents. La Corse est même la seule région française qui soit classée « en retard de développement » par la Commission européenne.
A la fin de l'année 1996, le constat est toujours désolant. En effet, tout le monde l'a dit avant moi, la Corse connaît toujours le taux de chômage le plus élevé ; celui-ci touche surtout les jeunes, pour lesquels il n'existe que peu de possibilités de formation dans l'île.
En ce qui concerne le produit intérieur brut, d'après l'Observatoire des prix, c'est la région où la vie est la plus chère. Vous l'avez bien remarqué !
S'agissant de la situation démographique, je n'y reviendrai pas, car on en a déjà parlé. Aujourd'hui, la Corse est trois fois moins peuplée que la moins peuplée des autres régions françaises. Et s'il n'est de richesses que d'hommes, alors la Corse est encore plus pauvre qu'on ne le pense. Les dérives intellectuelles et les événements graves qui se sont produits ces dernières années se sont amplement nourris, me semble-t-il, de cette situation.
Toutes les grandes îles de la Méditerranée - Sardaigne, Sicile, Baléares - ont, à l'inverse, vu leur population multipliée par trois. La Sardaigne, avec un tourisme en pleine expansion et bien organisé, est même passée de 500 000 habitants au début du siècle à près de 2 millions d'habitants. Les Baléares enregistrent la croissance la plus élevée de toute l'Espagne - 7,5 % depuis trois ans - un PIB par habitant de 60 % supérieur à celui de la péninsule Ibérique, et un revenu qui dépasse de 50 % celui du reste de l'Espagne. Or, aux Baléares comme en Corse, l'économie est essentiellement fondée sur les services.
Malte, avec un PNB qui a crû de plus de 5 % en moyenne par an depuis 1992, montre également qu'il n'existe pas de fatalité et que le développement économique est possible pour les îles méditerranéennes.
La Corse, comme l'a dit le Président de la République, devrait être « le joyau de la Méditerranée ». Malheureusement, elle se trouve dans une situation désastreuse.
La politique en matière de transport a nettement contribué à l'isolement de la Corse et a eu un effet excessivement néfaste, autant sur la vie de la population insulaire que sur le développement du tourisme et le trafic des marchandises.
En un mot, cette politique de monopole des transports maritimes et aériens a fortement freiné le développement économique ; le fameux rapport Prada, publié il y a déjà quelques années, en a fait la démonstration.
Il faudrait une véritable volonté gouvernementale pour diminuer encore le coût des transports et assurer un service minimal qui éviterait l'isolement complet de l'île lors des différentes et multiples grèves. Malgré les efforts accomplis pour la continuité territoriale, les transports restent trop cher.
Les voies de communication à l'intérieur de l'île sont tout aussi mauvaises et les trois villes principales - Ajaccio, Bastia et Porto-Vecchio - sont piètrement reliées par des routes très dangereuses.
Lorsque l'on sait que le primum movens d'une économie réside dans les voies de communication, on comprend pleinement quel handicap l'île doit surmonter pour organiser son développement économique.
La Corse peut donc légitimement revendiquer que l'on s'intéresse à son avenir : c'est un devoir de solidarité de la nation.
Pour toutes ces raisons, je suis très heureux que le Gouvernement, sous votre impulsion, monsieur le ministre, ait pris la décision de proposer enfin une véritable mesure économique, puisque la situation de l'île le justifie pleinement.
Je ne rentrerai pas dans le détail de la loi, d'autres l'ont fait mieux que moi, mais vous avez dit, monsieur le ministre, que 600 millions de francs seraient consacrés chaque année à la Corse pendant cinq ans. En ces temps de restriction budgétaire, il s'agit d'un effort considérable.
Aussi, je souhaite vous féliciter et vous remercier d'avoir su convaincre Bruxelles d'accorder ces avantages à la Corse. Je sais que cela n'a pas été facile.
D'ailleurs, lors de la discussion du statut fiscal présenté en 1994 au Sénat, j'avais défendu un amendement allant dans le sens de l'établissement de zones franches en Corse ; mais, à l'époque, cet amendement avait été rejeté.
Cette zone franche rompra, je l'espère, la spirale infernale dans laquelle la Corse est engagée et lui redonnera espoir en conférant un nouveau souffle à son économie.
Il s'agit d'une initiative opportune du Gouvernement, qui correspond à sa préoccupation de faire aller de pair, dans l'île, rétablissement de l'ordre et développement économique.
Si les deux sont évoqués simultanément, c'est parce qu'il ne faut pas perdre de vue que le développement économique constitue aussi un atout majeur pour lutter contre la violence, car celle-ci trouve, dans le sous-développement, l'un de ses vecteurs les plus puissants.
Nous le savons, la zone franche ne pourra, à elle seule, stimuler l'économie insulaire au point de la tirer de la situation dramatique dans laquelle elle se trouve. Ce serait lui attribuer des mérites que seule elle ne peut avoir.
Après toutes ces constatations, je ne pense pas - malgré ce qu'a dit mon ami Michel Mercier - que, comme l'a écrit récemment un grand journal du matin, la Corse soit « l'enfant gâtée de la République ».
Face à des problèmes de développement et d'aménagement, jusqu'à présent l'Etat n'a répondu que par des solutions institutionnelles, en 1982 puis en 1991.
L'intention du Gouvernement, en inversant la tendance et en proposant des solutions économiques, est louable. L'énergie qui vous anime et le courage dont vous faites preuve, monsieur le ministre, pour les mettre en oeuvre sont à souligner.
C'est un signe politique fort - vous l'avez dit tout à l'heure - en direction de la Corse. C'est la première proposition économique concrète que le Gouvernement fait à la Corse depuis des décennies. Elle doit être accompagnée d'autres mesures comme l'élargissement des débouchés sur le plan de la production agroalimentaire ou peut-être des délocalisations de structures pédagogiques, ministérielles ou financières.
Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé, la Corse a participé à toutes les pages de l'histoire de France, qu'elles soient prestigieuses ou plus sombres. Elle a largement contribué à former la nation et elle a connu le privilège d'être française par le prix du sang versé.
Lors de la période coloniale, des milliers de Corses ont été éparpillés dans le monde entier pour sauver et former la structure de l'Etat français. Elle peut donc légitimement prétendre que l'on s'intéresse dignement à son avenir.
Elle doit pouvoir espérer devenir un atout stratégique et économique pour la France dans le cadre de la future Europe.
Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de réussir, tout d'abord parce que vous êtes le ministre en charge de ce dossier, ensuite - rappelons-le - parce que vous êtes le maire de la plus grande des villes corses ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plus de vingt ans, et en dépit de toutes les réformes institutionnelles, la Corse est en proie à un véritable malaise marqué par une instabilité tragique. Cette instabilité s'est malheureusement installée au détriment du développement économique de l'île.
Cette île, dont la force est d'avoir su préserver ses traditions et sa langue, est aujourd'hui plongée dans un marasme économique qui se traduit par un taux de chômage très élevé - près de 14 % - en augmentation d'un point par an et par un PIB par habitant très faible : 71 % de la moyenne nationale et 79 % de la moyenne communautaire.
Cette situation s'est encore aggravée au cours des dernières années. En effet, les saisons touristiques ont été très mauvaises en raison du climat politique particulièrement délicat.
Aussi, je ne peux qu'approuver la politique du Gouvernement à l'égard de la Corse, qui comporte nécessairement deux volets : la lutte contre les atteintes à l'Etat de droit et l'action en faveur du développement économique.
En effet, le respect des lois républicaines devant rester le préalable à la solidarité, nous ne pouvons que nous féliciter de l'engagement du Gouvernement sur la voie de la fermeté, comme nous l'ont récemment rappelé le Président de la République et le Premier ministre.
M. Christian Bonnet. Il était temps !
M. Jean-Patrick Courtois. Seule la sécurité, que l'Etat doit assurer car elle est l'une de ses missions régaliennes, permettra de réhabiliter l'image de l'« île de beauté » aux yeux de tous.
La réhabilitation est urgente et nécessaire, afin de permettre le développement de deux secteurs particulièrement importants en Corse, le tourisme et la construction, qui représentent à eux seuls 50 % du PIB de l'île.
Les mesures que vous nous proposez, monsieur le ministre, permettront de rendre à la Corse la dimension économique et sociale qui doit être la sienne et de mieux coordonner insularité et ouverture. Elles permettront, comme vous l'avez déclaré le 13 novembre dernier, « de donner un signal d'espoir à tous les Corses qui veulent travailler pour l'avenir de l'île et qui ont accepté le dialogue avec les pouvoirs publics ».
Toutefois, le dispositif de zone franche n'aura de sens que dans le cadre d'une politique durable et globale. L'Etat doit, en effet, accentuer sa politique d'aménagement et de développement du territoire sur l'île, améliorer les réseaux de communication et plus particulièrement les infrastructures routières. La modernisation de l'agriculture, la relance de l'activité touristique, l'assainissement de la situation financière des PME représentent autant d'éléments qui doivent faire l'objet d'un soin particulier.
La zone franche semble être le meilleur moyen de participer, par des mesures d'exonérations que vous avez citées, monsieur le ministre, au redressement de l'économie insulaire, à la diminution du taux de chômage, et de répondre ainsi aux objectifs d'une politique volontariste tendant à assurer le développement et la pérennité de l'activité.
Le projet de loi que notre Haute Assemblée doit examiner se traduit par des mesures incitatives prises dans le respect des contraintes réglementaires européennes.
Nous ne pouvons que nous réjouir de l'accord des autorités de Bruxelles pour une mise en oeuvre des aides projetées, qui représentent, sur cinq ans, 3 milliards de francs, soit 600 millions de francs par an. Je sais que la négociation n'a pas été facile et que certains jugeaient même impossible une issue positive à ce dossier. Nous ne pouvons que vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour la détermination dont vous avez fait preuve auprès de la Commission de Bruxelles.
Trois milliards de francs, c'est un effort important, bien entendu, proportionnel aux besoins insulaires et nous sommes certains que nos compatriotes corses sauront l'apprécier à sa juste mesure.
Aussi, ce projet de loi s'inscrit dans la logique de la loi d'orientation pour l'aménagemnet et le développement du territoire et de la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.
La zone franche de Corse est en effet conçue comme un nouvel instrument de la politique d'aménagement du territoire. Elle applique donc le principe selon lequel l'égalité des chances passe parfois par une inégalité des traitements.
Le dispositif proposé a pour objectif de remédier à une situation économique dégradée en instituant, pendant cinq ans, trois types d'exonérations : la première porte sur l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux et sur les bénéfices agricoles ; la deuxième concerne la taxe professionnelle et permet de réduire la base nette imposable ; la troisième a trait aux cotisations sociales patronales et permet de les minorer.
La durée des exonérations étant limitée dans le temps, il ne s'agit donc pas de mettre en place un nouveau statut fiscal de la Corse.
Par ailleurs, nous ne pouvons qu'approuver les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, qui ont enrichi le projet de loi.
Je pense, notamment, à l'extension de l'exonération de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux aux professions libérales, qui exercent leur activité sous la forme sociétaire et emploient au moins trois salariés.
Je pense, en particulier, à l'extension de l'exonération de l'impôt sur les sociétés aux activités de gestionnaires et loueurs d'immeubles implantés en Corse, dont les prestations portent exclusivement sur les biens situés dans l'île.
Je pense, également, à l'intégration des forfaits agricoles dans le dispositif d'exonération fiscale.
Je pense, enfin, à l'extension de l'exonération de cotisations sociales patronales aux professions libérales qui exercent leur activité en société à partir du troisième salarié, et à l'exonération de charges patronales au secteur de la pêche dans la limite de la législation européenne.
M. le Premier ministre a déclaré en présentant ce projet de loi qu'il souhaitait donner par ce texte un nouveau souffle à l'économie corse, en prenant en compte la spécificité de l'île.
Le temps est venu aujourd'hui de dissiper toutes les ambiguïtés et de tracer pour la Corse un avenir clair qui assure à cette partie de notre territoire des perspectives de paix et de développement auxquelles elle aspire tant.
En votant ce projet de loi, le groupe du Rassemblement pour la République exprimera son attachement à cette région et la confiance qu'il met en ses concitoyens corses. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, curieusement, ce débat sur des dispositions fiscales plutôt techniques n'est pas un débat classique et je ne le considère pas comme un débat de politique habituelle, je dirai même de politique politicienne, puisqu'il met en cause des principes de fond qui touchent à l'essence même de la République.
Mes chers collègues, la Corse est une région gavée d'argent public ; je l'ai dit en commission et je reprends l'expression. Tout à l'heure, M. le rapporteur - je le félicite et le remercie - a tenu, dans son rapport, à donner vraiment le détail - autant qu'il le pouvait - des dispositions spéciales qui s'appliquent en Corse et qui s'ajoutent au droit commun.
Que la Corse ait des dotations qui lui reviennent comme n'importe quelle autre région française, c'est normal. Mais s'y ajoutent, sous diverses formes, entre la compensation de ceci, les exonérations de cela, l'aide de Bruxelles qui, avec 167 écus, est la plus forte par habitant en dehors des départements d'outre-mer, le contrat de plan avec le montant le plus fort par habitant - 2 700 francs contre 1 365 francs de moyenne nationale - l'ensemble du dispositif fiscal, bref, 4,3 milliards de francs, selon mes chiffres - M. le rapporteur a, pour sa part, parlé de plus de 4 milliards de francs - et encore ai-je dû en oublier puisque, dans le tableau, d'ailleurs très bien fait, qui figure dans le rapport écrit, figurent un certain nombre de dispositions non chiffrées parce qu'on ne sait pas trop ce qu'elles recouvrent. Donc, 4 milliards de francs et quelques pour 250 000 habitants à peine.
La République fait donc plus que son devoir en Corse, et je connais beaucoup de régions continentales qui voudraient recevoir ne serait-ce qu'une petite part de cet énorme gâteau.
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Dans ces conditions, on comprend, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait dû - mais c'était méconnaître votre imagination - se triturer les méninges pour trouver ce qu'on pourrait encore ajouter à cette liste et comment pressurer un peu plus le citron contribuable français en faveur de la Corse.
Que l'Union européenne se soit fait tirer l'oreille pour entendre et examiner favorablement votre demande de dérogation, monsieur le ministre, n'est pas vraiment étonnant ; mais qu'elle ait donné son accord est un peu stupéfiant - monsieur le ministre, quel avocat et que de talent gâché ! (Sourires.) - comme si on tremblait devant la Corse autant à Bruxelles qu'à Paris. Je n'ai pas une très grande considération pour les eurocrates, mais je ne les savais pas, en plus, peureux.
Pourtant, il serait inutile de rappeler cette litanie de chiffres si ces aides, aussi nombreuses qu'exagérées, avaient abouti au développement économique de l'île, à un afflux d'entreprises, à des milliers de créations d'emplois. Malheureusement, le rapport coût-rendement de l'effort considérable consenti par le contribuable national est nul et catastrophique.
Car l'effet réel de toutes ces mesures particulières accumulées au fil des ans - ce que je viens d'entendre, ici et là, me conforte dans cette idée ; j'ajouterai d'ailleurs que Napoléon Ier n'avait fait qu'un très modeste premier pas avec les arrêtés Miot et le décret impérial de 1811 - l'effet, donc, est nul, et même sans doute négatif.
Nul, assurément, car aucune entreprise importante et vraiment nouvelle n'est venue s'installer en Corse, où le taux de chômage n'est d'ailleurs pas aussi astronomique que dans bien des banlieues ou villes du continent. La Corse apparaît à la fois suréquipée dans de nombreux domaines et sous-équipée dans d'autres, avec des coûts de travaux tellement astronomiques qu'ils en deviennent suspects, une disparition de l'argent public dans des méandres infinis - ah, ces crédits pour des routes corses que l'on ne voit jamais ! - et pas toujours reluisants, un record pour la métropole de communes en grandes difficultés financières qui accumulent les impayés, bref, un échec qui génère un mécontentement général. Monsieur le ministre - mais vous n'êtes pas personnellement en cause, rassurez-vous ! - la République a, dans cette affaire, une histoire peu glorieuse qu'il faudra bien écrire un jour.
Je dis même un effet négatif, car cet argent public facile qui coule à flots a démobilisé et démoralisé la Corse, tandis qu'il a favorisé de scandaleuses rentes de situations. Ceux qui sont sur place s'arrangent pour arrondir leur bas de laine avec tous ces avantages, plutôt que d'en faire bénéficier la Corse, sa population et sa jeunesse qui attend des emplois toujours promis et qui ne viennent jamais. Cette attitude d'avachissement moral et de mépris vis-à-vis de la collectivité nationale, qui paye à guichet ouvert, est évidente lorsqu'on voit les diverses corporations se mobiliser les unes après les autres pour revendiquer - commediante et tragediante - et obtenir de l'Etat, sans vrai combat, l'extension des avantages réservés à certains, le dernier exemple en date étant celui des marins-pêcheurs à qui on vient encore de lâcher 12 millions de francs.
Sans oublier, je vous le signale au passage, monsieur le ministre, tout ce qui profite aux nationalistes - j'ai aimé une partie de votre ton ferme tout à l'heure, et je n'en doutais d'ailleurs pas - par le biais d'associations largement subventionnées qui sapent tous les jours les fondements de la présence de l'Etat et qui nourrissent des voyous dans le genre Santoni.
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. Michel Charasse. On dira : mais c'est ainsi depuis Napoléon Ier, qui avait pourtant une conception plutôt raide de la gestion des affaires publiques et qui a consenti à la Corse sans succès les premiers cadeaux fiscaux.
J'ai entendu cette analyse dans la bouche de M. le rapporteur en commission, mais je lui dis amicalement qu'il commet une petite erreur historique.
En effet, Napoléon n'a accordé que deux grandes mesures fiscales : l'une qui autorise les Corses à ne pas déposer de déclarations de succession dans les délais de droit commun, ce qui évitait, certes, provisoirement, les droits, mais qui obligeait à les payer le jour où le règlement de la succession intervenait - les successions sont aujourd'hui exonérées en vertu d'un arrêt de la Cour de cassation dans lequel Napoléon n'a aucune responsabilité ! - l'autre qui supprime les droits indirects en Corse, mais ce n'était pas un cadeau. En effet, l'empereur, que l'on encense tous les 15 août à Ajaccio, ayant constaté que les Corses, qui commençaient à l'énerver, fraudaient massivement les droits indirects a supprimé ces droits et les a remplacés par un doublement de la contribution foncière, à laquelle ils ne pouvaient échapper. A la Libération, les Corses se sont vengés de leur compatriote puisqu'ils ont obtenu, par simple lettre du ministre des finances totalement illégale - vous le voyez, monsieur le ministre, la faiblesse ne date pas d'aujourd'hui ! - des modalités de calcul des bases du foncier beaucoup plus favorables que sur le continent. Ce système illégal est toujours en vigueur, et je ne cesse de regretter de ne pas l'avoir mis à bas.
Mais pourquoi donc, mes chers collègues, cet effet nul ou négatif sur l'économie locale ?
Je crois que l'absence d'ordre public en est la seule cause.
M. Christian Bonnet. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Comment veut-on, monsieur le ministre, et je connais votre volonté, que des entreprises nouvelles s'installent en Corse, venant du continent ou même de l'étranger ?
Quelle société, quelle compagnie, quel industriel ayant un mental normal peut avoir aujourd'hui l'idée d'investir en Corse, alors qu'il sait qu'il sera menacé, racketté et plastiqué ? Souvenons-nous de la triste expérience d'une grande mutuelle installée pendant quelques semaines à Ajaccio et qui a vite filé planter sa tente ailleurs lorsqu'elle a compris que ses jours étaient comptés.
Quel industriel normalement constitué et psychologiquement équilibré viendra investir en Corse lorsqu'il sait que ses interlocuteurs seront surtout les syndicats créés par les terroristes, qui présenteront des revendications débiles et exorbitantes qui ruineront l'entreprise avant même qu'elle ne soit inscrite au registre du commerce ?
Quel homme d'affaires prendra le risque de venir s'installer en Corse, alors qu'on y entend en permanence et d'une façon lancinante des discours moyenâgeux, conservateurs, xénophobes, réactionnaires et pétainistes qui refusent tout modernisme, et tout ce qui vient de l'extérieur ? Je pense en particulier aux menaces dirigées contre un journaliste de Libération parce qu'il est juif. je ne l'ai pas inventé. Cela a paru plusieurs fois dans Le Ribombu qui n'est toujours pas condamné. On continue à s'interroger à la Chancellerie sur la question de savoir si l'on poursuit ou pas et comment faire...
Et quels touristes, sauf les inconscients ou ceux qui ignorent l'actualité, accepteront encore de venir passer leurs vacances en Corse, où tout saute partout tous les jours et où on s'entretue dans les rues ?
Alors, à quoi bon rajouter aujourd'hui quelque 600 millions de francs par an - cette somme a été détaillée, je n'y reviens pas - de pertes de recettes pour la zone franche, dont on sait qu'ils retomberont dans les mêmes poches et qu'ils iront engraisser les mêmes ? Ceux qui vivent de la manne publique pour leur compte personnel sans restituer un centime à l'économie locale et à l'emploi, et qui le font parfois confortablement à l'abri des menées nationalistes dont ils profitent abondamment et pour un prix - le racket - somme toute modeste au regard des énormes avantages qu'ils encaissent. Faut-il, en outre, bloquer le taux de la taxe professionnelle en gênant ainsi les collectivités locales, qui sont déjà souvent en crise financière, qui accumulent les factures impayées et qui auront enfin un prétexte pour se tourner vers l'Etat, pour obtenir l'apurement de leurs dettes et que l'on passe l'éponge sur leur mauvaise gestion passée ? Quand on sait avec quelle rigueur justifiée l'Etat aide les communes en difficulté financière sur le continent et les mesures draconiennes qu'il leur impose et qu'on sait comment les choses vont se passer demain en Corse avec des gestionnaires incompétents et parfois compromis dans des opérations douteuses, on voit bien que vous instituez entre collectivités locales le régime des deux poids, deux mesures et que vous inaugurez une autre formule : le « selon que vous serez puissant ou misérable... » devient « selon que vous serez corse et accessoirement voyou, ou continental et malheureux... » (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RPR.)
M. François Autain. Très bien !
M. Michel Charasse. Avant de songer à donner plus et encore à la Corse, il faudrait d'abord voir, mes chers collègues, si les nombreuses mesures actuelles produisent l'effet qu'elles produiraient partout ailleurs, là où le calme règne.
Oui, la condition préalable, nécessaire et indispensable - vous l'avez d'ailleurs dit, monsieur le ministre - avant tout nouveau cadeau financier à la Corse - c'est ce qui nous différencie - c'est de rétablir l'ordre public dans l'île - la commission des finances est un peu sur cette longueur d'onde - et d'y appliquer normalement et comme ailleurs toutes les lois de la République.
Nous en sommes loin et malgré les consignes de fermeté approuvées par M. le Président de la République et données par M. le Premier ministre, qui doit souvent se sentir bien seul dans l'ambiance de lâcheté et de peur qui caractérise depuis longtemps les couloirs de la République chaque fois qu'il est question de sévir un peu en Corse, les attentats continuent, le racket continue, et on menace aujourd'hui directement le continent après s'être fait les dents sur la belle mairie de Bordeaux et sur divers édifices publics dans le Midi, à Marseille et aux alentours !
Pour l'instant, mes chers collègues, je veux croire que la fermeté du Premier ministre est totale, et je le soutiens, je le lui ai dit. (M. Bonnet fait un signe d'assentiment.)
M. Jean-Claude Gaudin, M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Il apprécie !
M. Michel Charasse. Mais je ne suis pas sûr qu'il soit vraiment obéi : les enquêtes policières et judiciaires échouent toutes les unes après les autres ou presque et se perdent dans les méandres d'une procédure utilisée souvent pour ne rien faire ; des fuites organisées permettent aux individus recherchés d'échapper à des descentes de police - on a même mis en cause récemment un sous-préfet qui aurait alerté le nommé Rossi - la police et la gendarmerie sont menacées, y compris leurs familles ; des personnes recherchées se pavanent à la télévision et tout le monde sait où les trouver sauf la police judiciaire ; les administrations locales sont tétanisées, soutenues par leurs services centraux comme la corde soutient le pendu et n'osent plus appliquer la loi ; l'autorité de l'Etat est ridiculisée et bafouée tous les jours, ne serait-ce que par des interpellations sans suite organisées à grand renfort de télévision - je pense à une opération menée à Bonifacio - où l'on voit certains magistrats confondre justice et spectacle. Voilà la situation.
Et faut-il évoquer les négociations secrètes menées ici ou là plus ou moins au nom de l'Etat, sans que M. le Premier ministre le sache, ni même le Président de la République - il nous l'a dit l'autre jour - ce qui est honteux, car l'unité nationale est en jeu ? La Corse nous a habitués à être toujours à part pour tout : mais qu'elle aille jusqu'à gangréner le coeur de l'Etat en laissant le Président de la République lui-même hors de toute information sur des négociations - je dirai même des compromissions - dont lui seul pourrait apprécier si elles ont ou non un caractère normal au regard des grands intérêts nationaux, voilà qui est proprement ahurissant ! On murmure ces jours-ci en Corse que des concertations seraient engagées - je le dis au conditionnel - entre EDF et les voyous terroristes pour que, moyennant une rondelette somme d'argent, la contruction d'une nouvelle centrale électrique puisse se dérouler sans encombre. On imagine ce que risque d'être le montant de cette commission de lâcheté et de traîtrise lorsque l'on sait que la centrale doit coûter plus de 4 milliards de francs. Comme M. le Président de la République, je mets tout cela au conditionnel, monsieur le ministre, mais je ne suis pas sûr que cela soit complètement faux.
Ne croyez pas, mes chers collègues, que l'arrestation d'une trentaine de terroristes et la reddition de Santoni - ridicule pour ceux qui lui courent après en vain depuis des semaines alors que n'importe quel pigiste de la plus modeste feuille paroissiale savait où le trouver (Sourires) - soient de nature à nous rassurer.
En effet, une hirondelle ne fait pas le printemps, d'autant que nous savons qu'en Corse arrestation veut dire non pas condamnation, mais plutôt libération presque immédiate, à commencer par Santoni, dont je prédis - j'espère me tromper - qu'après trois ou quatre jours de garde à vue, il rentrera en Corse sous les vivats des fous criminels qui le soutiennent, narguera l'Etat, sa police, sa justice et passera Noël tranquillement en famille. En effet, la justice corse, dont on attend tellement, et d'abord du courage face aux forts et pas seulement face aux faibles, a prudemment oublié d'assortir la condamnation de Santoni d'un ordre d'arrestation immédiate. Et dire que les magistrats corses exigent sans cesse qu'on leur confie les actions terroristes : on en rirait si ce n'était tragique !
M. Christian Bonnet. Il y a eu l'amnistie de 1981 !
M. Michel Charasse. Je n'oublie rien, monsieur Bonnet, et ne croyez pas que les accusations que je peux porter aujourd'hui ne s'appliquent qu'à ce Gouvernement. Ce sont vingt ou vingt-cinq ans d'échec.
Quant à la dénonciation des racketteurs, ce courage vient non pas des Corses, mais d'un continental, et la nuance est de taille !
Faut-il enfin ajouter à l'infini à la panoplie financière de la Corse, qui a de quoi écoeurer le contribuable national, une zone franche dont on sait que, quelles que soient les précautions prises et l'ardeur des services fiscaux, elle sera utilisée par les plus malins comme une énorme et facile blanchisserie d'argent sale, leur évitant des voyages toujours plus ou moins risqués à l'étranger ? Ajouter aussi que pour la première fois sans doute des voix nombreuses et autorisées s'élèvent en Corse pour refuser la zone franche, pour la juger inutile, voire dangereuse, et même insultante dans une île qui a d'abord et avant tout besoin de calme et de la présence normale de la République ? Ajouter enfin qu'au moment où le Parlement délibère de cette affaire, les terroristes publient des communiqués annonçant benoîtement une reprise - doux euphémisme - des attentats et surtout leur extension sur le continent ? La réponse des terroristes est cinglante, injurieuse pour l'Etat, pour le Gouvernement, pour la représentation nationale. C'est en quelque sorte un méprisant « paye toujours, cause toujours, tu m'intéresses ! » et c'est en tout cas, comme je l'ai dit l'autre jour en commission des finances, une insupportable provocation pour ceux, Gouvernement et Parlement, qui ont en charge les intérêts de la République !
Ce projet, on le voit, on le sait ici comme en Corse, ne relancera pas la machine économique et l'emploi dans une île ruinée par tant d'actions terroristes et par tant de destructions qui ont coûté à la nation - il faut aussi ajouter cela dans ce tonneau des Danaïdes - plus de 600 millions de francs au titre des réparations de toute nature en 1995 et qui coûteront sans doute encore autant en 1996.
Le Gouvernement, qui court en zigzag et comme un perdu derrière un phénomène terroriste qui ne peut plus être rattrapé aujourd'hui que par la rigueur dans l'application des lois et par la fermeté dans le rétablissement de l'ordre public, me paraît mettre la charrue avant les boeufs : je vous l'ai dit en privé amicalement, monsieur le ministre, et je ne retire rien de cette analyse.
Il faut d'abord, mes chers collègues, la paix et l'ordre, car il ne peut y avoir nulle part de véritable développement sans cela. C'est ce que nous disons dans toutes les enceintes internationales aux pays du tiers monde qui nous appellent à l'aide, et encore dernièrement en Afrique à l'occasion du sommet franco-africain. Songez à l'exemple que nous donnons à ces pays en pratiquant ainsi le double langage : « Faites, vous qui êtes pauvres et malheureux, ce que je dis, moi grand pays riche et puissant, mais pas ce que je fais », la paille et la poutre en quelque sorte.
Vous me direz peut-être, monsieur le ministre, que c'est la politique de la carotte et du bâton. Mais la carotte - je devrais dire les tombereaux de carottes qui tombent sur la Corse ! - il y a beau temps que cela ne marche plus ! Laissez donc de côté la carotte, et servez-vous d'abord du bâton, là-bas, plutôt que de l'utiliser ici pour contraindre ceux qui ont le sens de l'honneur et qui souffrent, comme moi, dans ce débat.
Votre projet de loi, qui part d'une inspiration que je veux croire sincère mais que je considère en tout cas comme naïve, est une mauvaise action contraire à l'intérêt national qui ruinera un peu plus l'image et l'autorité de la République dans une portion de territoire qu'elle ne contrôle plus et qui, pourtant, est viscéralement, historiquement et profondément attachée à la France.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que, dans ces conditions, le groupe socialiste ne pourra pas apporter son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Mouly, Lombard, Braun, Neuwirth, Bonnet et Bourdin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la zone franche de Corse est simple. Comme solution aux problèmes de cette île, le Gouvernement propose un ensemble de mesures d'exonération d'impôts sur les bénéfices, de taxe professionnelle et d'allégement de charges sociales patronales.
Une telle disposition peut-elle répondre aux angoisses économiques de l'île et aux problèmes humains et politiques qu'elles génèrent ? Telle est la question qui nous est posée.
Je procéderai à quelques rappels, en exposant tout d'abord trois idées.
Premièrement, la Corse est sortie, dans les années soixante, d'une civilisation agraire méditerranéenne fondée sur l'agriculture, l'élevage, l'artisanat, avec une structure sociale organisée autour de la famille, du clan, du groupement de familles et des pratiques politiques épousant les structures clanistes.
Deuxièmement, émergeant de cette structure, les développements des transports et du tourisme, populaire au début, puis plus fortuné aujourd'hui, ont soulevé des espoirs, tout en démantelant totalement le potentiel agricole, industriel, forestier, pastoral et artisanal de l'île.
Une société s'est effondrée, alors que la nouvelle était livrée aux lois de l'argent sur lesquelles se sont développées des pratiques nouvelles de caractère mafieux et de profit.
Troisièmement, la réalité au plan économique est simple : la Corse compte un taux de chômage parmi les plus élevés de France, le niveau de salaires le plus bas du pays, un coût de la vie supérieur, pour bien des produits courants, de 30 % au coût continental. La Corse, avec un produit intérieur brut de 82 000 francs par habitant, est la région la plus pauvre de France. Ce produit intérieur brut se situe à 77 % du taux communautaire. La Corse est une île pauvre, endettée, qui sombre avec un montant de dettes de 1,7 milliard pour le secteur agricole, de 1,3 milliard de créances pour l'URSSAF, un déficit commercial en augmentation de 15 % en six ans et un volume d'importations évoluant, selon les secteurs d'activité, dans une fourchette de sept à quinze fois le volume des exportations.
Les Corses, qui ont le sens de l'intérêt insulaire et national, avaient pressenti cette marche. Dès 1955, au cours d'une grande réunion tenue à l'Aiglon-Cinéma à Corte, dans le cadre des Etats généraux de la Corse, les représentants des partis politiques, des syndicats, des milieux agricoles et industriels, des mouvements associatifs avaient lancé l'appel à la survie par une mise en valeur modernisée du patrimoine de la Corse. Ils n'ont pas été entendus !
Toutes les mesures ont greffé l'ultra-libéralisme sur le « tout tourisme » d'origine continentale, puis européenne, sur une Corse qui s'est de plus en plus fragilisée, cessant de produire des richesses propres. Ce fut la remise en cause des droits, des aides, des statuts démocratiques en vigueur ; si cela a été également vrai sur le continent, en Corse, les effets ont été plus dévastateurs.
Les récentes expériences faites en matière de desserte maritime montrent que la déréglementation maritime - la casse du service public - ne servent pas les intérêts de l'île.
Par ses actions populaires, la Corse a résisté. Elle a obtenu le maintien de sa voie de chemin de fer. Que serait devenue la Corse sans celle-ci ? Elle a conquis le droit à la formation pour sa jeunesse en arrachant à force de manifestations la création d'une université dans la citadelle de l'âme corse, la ville de Corte. Et si les 3 000 étudiants sortant chaque année expriment inquiétude et révolte, c'est que la Corse ne leur offre que l'ANPE ou l'exil comme perspective !
Les Corses n'ont pas été entendus. Que leur a-t-on offert ? Des mesures fiscales qui n'ont nullement servi l'économie, le développement et l'emploi. Si l'on considère seulement les mesures prises depuis l'institution de la collectivité territoriale corse en 1992 et celles du nouveau statut fiscal corse du 27 décembre 1994, que note-t-on ?
La loi sur le statut fiscal accorde déjà une exonération de 60 % de la taxe professionnelle, soit 300 millions de francs sur 500 millions de francs. L'exonération prévue dans ce projet de loi représente 170 millions de francs. Après ce statut fiscal qui n'a apporté aucune solution au chômage et la nouvelle disposition du projet de loi qui nous est soumis, les entreprises corses n'auront plus que 30 millions de francs à acquitter au titre de la taxe professionnelle.
La compensation aux collectivités territoriales sera certes assurée par l'Etat. Mais où est-elle prévue ?
Les mesures fiscales n'ont donné aucun résultat pour la prospérité de la Corse. Cette dernière bénéficie de 1,5 milliard de francs d'aides spécifiques consenties chaque année par l'Etat : 900 millions de francs au titre de la continuité territoriale, 400 millions de francs liés au taux réduit de TVA et accises sur le tabac et les alcools, et 370 millions de francs pour le statut fiscal de 1994.
Toutes ces mesures ont été d'une inefficacité totale. Le chômage, qui se maintenait un peu au-dessus de la moyenne nationale, a fait un bond de 12,5 % en un an. La dernière saison touristique a été la plus mauvaise depuis dix ans. Les faillites d'entreprises croissent, les crédits sont à la baisse. Depuis quatre ans, la Corse a perdu 600 000 passagers par an. La taxe sur les transports, à raison de 30 francs par passage et par personne, est devenue un obstacle au séjour des groupes de touristes. L'exonération de taxe professionnelle a aggravé le poids de la fiscalité locale pesant sur les familles.
La Corse attend des mesures en faveur de son développement. Vous répondez, monsieur le ministre, par des mesures de fiscalité injustes et pénalisantes, qui aggraveront la situation, comme nous le verrons au cours du débat. Votre projet de loi coûte cher : 3 milliards de francs en cinq ans. Ces exonérations fiscales ne seraient-elles pas plus rentables en crédits d'investissement ?
Ce projet de loi n'offre aucune garantie ; il rejette la Corse dans l'exception fiscale, au mépris du droit commun. Il favorise les exonérations patronales sans aucun contrôle, au détriment de l'emploi.
Le Conseil d'Etat a émis un avis négatif sur ce projet de loi. Le front commun des organisations patronales professionnelles corses, les syndicats, les pêcheurs, la fédération du secteur du bâtiment et des travaux publics et l'union professionnelle artisanale ont dénoncé la tricherie de la zone franche. L'assemblée régionale corse a voté un accord par vingt-six voix pour, vingt-quatre voix contre et une abstention.
Ces mesures ne semblent pas non plus séduire les mouvements autonomistes ; au contraire, elles les stimulent dans la voie de l'attentat, de la bombe aveugle en Corse et sur le continent. Votre projet de zone franche, qui aggrave la situation économique et l'inégalité sociale, crée de nouveaux privilèges et appelle au paradis fiscal.
La Corse attend de nouvelles mesures. Nous suggérons de discuter de nos propositions avec les représentants de l'île et des insulaires dans un grand « Grenelle-Corse ».
A la place des exonérations fiscales, nous proposons des mesures de relance de l'économie, de l'emploi, du pouvoir d'achat et de la consommation. Au lieu de l'assistance, nous suggérons le développement des richesses corses.
Les salaires doivent être relevés pour compenser les 20 % qui les séparent des salaires continentaux ; les 30 % de cherté de vie doivent être compensés par des primes de vie chère, par une diminution des taxes. De grands travaux doivent être engagés pour moderniser les voies routières de l'intérieur. La Corse ne vit pas seulement le long de deux ou trois axes routiers majeurs. Des milliers de kilomètres de routes de montagne sont à refaire. La construction d'un gazoduc peut à nouveau être envisagée avec l'Italie. Les voies de chemin de fer doivent être élargies et complétées pour recevoir les matériels modernes et confortables. La SNCF, France Télécom, l'industrie spatiale peuvent installer des centres de recherche. L'installation de la future source de rayonnement Synchrotron aurait des retombées économiques importantes.
En ce qui concerne les entreprises du bâtiment, particulièrement endettées - 150 millions de francs de dettes publiques - un programme de construction de plusieurs milliers de logements dont la Corse a besoin pourrait être négocié, de même qu'un programme de rénovation et de réhabilitation. Un emprunt public pourrait être lancé, garanti par l'Etat et consenti aux entreprises au taux de 3 %. Il avait été envisagé, et les secteurs de l'agriculture, du tourisme, ainsi que les petites et moyennes entreprises l'attendent pour envisager un renouveau.
La Corse paraît aujourd'hui vouloir s'exprimer en mettant en cause le droit républicain. Nous ne l'admettons pas. Mais nous n'admettons pas plus vos mesures la mettant en marge du droit commun fiscal, monsieur le ministre.
Notre vote négatif sur ce projet de loi exprime le refus de ces deux séparations de fait. La Corse a toujours montré qu'elle savait prendre ses responsabilités. Elle a été le premier département français à se libérer, et ce toute seule. Elle saura retrouver la voie de l'honneur, de la légalité républicaine et du développement. Nous avons confiance dans les Corses. Le Parlement français doit les aider et non les soumettre ou les rejeter. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, pour tout le travail accompli dans un délai très bref. Nous aurons l'occasion d'approfondir les thèmes qu'il vient d'évoquer au cours de la discussion des articles ; mais je tiens vraiment à le féliciter pour la qualité de son rapport. C'est à se demander quel lien unit les monts du Lyonnais et les montagnes de Corse ! (Sourires.) Cette bonne compréhension de la situation corse illustre pour moi la place intime de cette région dans notre pays.
Monsieur le rapporteur, vous brossez un tableau, hélas ! fidèle de la situation économique de la Corse, qui justifie pleinement le choix du Gouvernement d'instituer une zone franche.
Mais vous rappelez également les avantages dont la Corse bénéficie depuis deux siècles pour compenser l'insularité. Il fallait en effet le faire pour justifier que la zone franche ait une durée de cinq ans et non pas une application perpétuelle.
Ne laissons pas croire que la zone franche n'est qu'une première étape vers un avenir encore meilleur. Au regard de l'égalité de nos concitoyens devant l'impôt, au regard des règles communautaires sur les aides, le Conseil d'Etat et la Commission européenne nous ont clairement indiqué la ligne jaune qu'il ne fallait pas franchir.
Les amendements que vous avez déposés, au nom de la commission des finances, constituent, de ce point de vue, une bonne illustration des améliorations possibles du texte dans le cadre ainsi tracé.
Je remercie M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra de reconnaître les efforts de concertation engagés pour définir le contenu de la zone franche.
Le statut de la collectivité territoriale imposait au Gouvernement de consulter l'assemblée de Corse sur le projet de loi relatif à la zone franche, ce que j'ai, bien entendu, fait avec plaisir et intérêt.
Nous avons souhaité aller plus loin. Je me suis donc rendu sur l'île avec mon collègue du budget, M. Lamassoure, pour écouter l'ensemble des groupes de l'assemblée de Corse et les organes représentatifs des socio-professionnels. J'insiste sur ce point : ce sont les élus que nous avons entendus, et non pas tel ou tel qui s'autoproclamerait représentant de l'identité corse sans avoir le sacrement du suffrage universel.
Je sais - et vous avez raison de le rappeler aujourd'hui - que ce POSEI que vous appeliez de vos voeux a suscité des attentes très fortes en Corse, où l'on n'a peut-être pas toujours bien perçu qu'il n'était pas, comme d'aucuns ont voulu le faire croire, le moyen de pérenniser des avantages fiscaux hérités de l'histoire, légitime contrepartie de l'insularité.
Malgré tout, vous savez l'énergie que j'ai déployée - on m'a rendu hommage à cet égard, et cela me fait plaisir - pour l'obtenir : je venais d'entrer au gouvernement et je n'avais pas encore constitué mon cabinet que je répondais déjà ici même à une question que vous me posiez sur ce fameux POSEI. Mais, comme je le pensais, la voie s'est immédiatement révélée sans issue : ce que la Commission, monsieur le sénateur, avait admis pour nos départements d'outre-mer et pour les îles portugaises et espagnoles lointaines, elle ne l'autorisait pas pour la Corse, pas plus que pour les Baléares, la Sicile, la Sardaigne ou les îles grecques.
Il m'est aussi très vite apparu que cette formule était même dangereuse pour la Corse. Insister sur cette demande aurait conduit la Commission à remettre en cause certaines dispositions favorables dont bénéficie la Corse.
Pour ce qui concerne les dettes sociales des entreprises, je puis vous rassurer, monsieur le sénateur. En effet, le Gouvernement connaît bien la situation des entreprises en Corse. Aussi, la disposition de l'article 3 à laquelle vous vous référez imposera aux entreprises non pas d'être à jour, mais d'être convenues d'un moratoire avec les services de recouvrement des charges sociales. En effet, il aurait été paradoxal de prévoir, dans le dispositif de la zone franche, des dispositions particulières pour les entreprises en difficulté sans prévoir un règlement à l'amiable de leur dette sociale.
Je reviens un instant sur le POSEI, parce que je sais que cette affaire vous tient à coeur. Honnêtement, je l'ai défendue avec M. Van Miert, avec Mme Wulf-Mathies et avec un Irlandais, M. Kinnock, avec qui j'ai eu, mon accent méridional altérant mon anglais, des difficultés supplémentaires de compréhension. (Sourires.) Bref, je ne suis pas arrivé à faire passer le dossier du POSEI.
Je crois cependant que nous répondrons à votre attente, grâce à la volonté du Gouvernement et à celle du Premier ministre, d'une manière beaucoup plus précise et, finalement, beaucoup plus intéressante pour les Corses.
Monsieur Jacques Rocca Serra, vous avez eu raison de souligner la spirale où violence et difficultés économiques s'alimentent. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement accompagne sa politique de fermeté de la mise en place de la zone franche.
En effet, la violence ruinant l'image de l'île a accru ses difficultés économiques, je l'ai dit et répété. Mais l'inverse est aussi vrai : la situation économiqe désespérée de certains, l'absence de débouchés professionnels des jeunes acculent beaucoup de Corses à se réfugier dans un nationalisme qui promet des lendemains qui chantent...
La zone franche est un appel à tous les Corses de bonne volonté pour prendre en main le destin économique de leur île. En effet, ses possibilités de développement sont nombreuses. Vous avez aussi souligné, monsieur le sénateur, l'importance du tourisme, comme votre collègue M. Oudin l'avait fait en 1994 dans son excellent rapport sur la continuité territoriale et le développement économique, et comme Mme Beaudeau y a fait allusion à l'instant même.
Ainsi, l'identité corse, dont vous soulignez la valeur, pourra s'exprimer dans la paix civile et la prospérité économique à l'intérieur de la République. C'est capital ! En effet, fort heureusement, les élections ont sur les sondages la primauté du suffrage universel. Or, elles confirment toutes l'attachement des Corses à la République. Voilà qui me paraît important aussi.
M. Courtois a évoqué la nécessité d'accompagner la zone franche d'un ensemble de mesures en faveur des infrastructures, des PME, de l'agriculture. C'est bien évidemment le cas, monsieur le sénateur : la zone franche ne saurait à elle seule aplanir tous les obstacles au développement de l'île.
M. le Premier ministre a annoncé en juillet dernier des mesures pour l'amélioration du réseau routier départemental. Ces mesures financières s'ajoutent à l'effort important consenti par le contrat de plan et par les crédits européens pour l'ancien réseau national dévolu à la collectivité territoriale depuis 1994.
M. Courtois a également mentionné, à juste titre, les petites et moyennes entreprises. J'ai obtenu l'accord de la Commission pour un prêt de un milliard de francs destiné à améliorer les fonds propres des entreprises et mis en oeuvre par la collectivité territoriale avec la garantie de l'Etat.
Pour ce qui concerne l'agriculture, M. le Premier ministre a annoncé un ensemble de mesures, destinées notamment au développement de la production porcine traditionnelle et au débroussaillage des maquis.
Vous avez raison de souligner la place de la zone franche et de ces mesures dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire. En effet, la zone franche de Corse est non pas une faveur, mais un effort de la République en direction d'une région en difficulté, comme elle l'a fait en d'autres temps pour d'autres territoires.
La zone franche de Corse n'est le banc d'essai d'aucun dispositif destiné à s'étendre au continent, que ce soit pour des situations de conversion industrielle ou pour le développement rural, j'y insiste. Elle est la réponse que le Gouvernement juge appropriée à une situation de faible développement, qui, certes, se retrouve dans les départements ruraux, mais qui, en Corse, se trouve aggravé par la violence endémique et par l'insularité.
Monsieur Charasse, je vous remercie de l'honnêteté avec laquelle vous dites les choses. Cela ne me surprend pas, vous nous y avez habitués.
J'ai bien noté que je n'étais pas, en tant que ministre, mis en cause par vos propos. J'assume, certes, mon devoir de solidarité, mais j'ai bien fait la différence compte tenu de l'explication que vous avez bien voulu donner.
« Ce débat n'est pas classique », avez-vous dit. Mais vous conviendrez que la situation qui prévaut en Corse n'est pas non plus - et heureusement ! - classique.
Vous avez cité toutes les mesures dont bénéficie déjà la Corse, mais vous avez omis de rappeler que le revenu en Corse était de 19 % inférieur, en dépit de ces aides, à la moyenne nationale.
Vous avez en revanche raison, monsieur Charasse, de souligner que rien ne sera possible si, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, il n'y a pas un retour à la morale publique et au respect des lois de la République.
Le ministre des finances de Napoléon s'appelait Martin Gaudin, duc de Gaète. Il a créé la Banque de France. Vous comprendrez que je ne puisse pas faire moins que lui ! (Rires.)
Plus sérieusement, la situation en Corse exige un effort du pays.
Je ne peux enfin vous laisser sous-entendre, monsieur Charasse, que les fonctionnaires en Corse n'appliqueraient pas les directives du Premier ministre. Il me suffira de rappeler les interpellations récemment survenues en Corse pour vous apporter sur ce point un démenti.
M. Michel Charasse. Mais les salves les saluent !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Il n'y a pas, monsieur Charasse, une justice corse, comme vous l'avez dit, mais une justice tout court, et qui doit s'appliquer.
M. Michel Charasse. Et les explosions saluent les interpellations !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Enfin, la zone franche n'est pas rejetée. Faut-il vous rappeler la demande particulièrement pressante exprimée par les pêcheurs corses ces derniers jours ? La zone franche permettra, j'en suis convaincu, de relancer l'activité en Corse, car sa mise en place s'accompagne d'une action ferme des forces de police et de la justice.
Notre inspiration n'est pas naïve, elle est, au contraire, forte et claire, monsieur Charasse : c'est, d'une part, la main tendue...
M. Michel Charasse. Au chien qui vous l'a mordue ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... avec la zone franche en faveur des Corses, et c'est, d'autre part, le rétablissement de la paix publique, engagé par Alain Juppé après que beaucoup de gouvernements, monsieur Charasse, ont laissé - et c'est peu de le dire ! - pourrir la situation dans l'île.
Monsieur Charasse, la zone franche réussira. Et la paix publique sera rétablie, parce que la politique définie par Alain juppé, confortée par l'allocution du Président de la République - notamment dans sa partie consacrée à la Corse - est claire.
Monsieur Charasse, je ne veux pas un instant me laisser aller à polémiquer, surtout avec vous, car j'ai trop de considération et de respect pour vous ; mais, entre nous, cette fameuse expression de « peuple corse,...
M. Michel Charasse. Quelle calamité !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... composante du peuple français »,...
M. Michel Charasse. Quelle calamité !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... ce n'est pas cette majorité qui la voulait ! Elle l'a même très fortement combattue, parce qu'elle savait que c'était anticonstitutionnel.
M. Michel Charasse. Ce n'est pas un rapporteur de la majorité qui l'avait utilisée ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Ah ! que n'avez-vous prodigué à vos amis politiques, en leur temps, les bonnes paroles dont vous m'avez fait l'honneur tout à l'heure !
M. Michel Charasse. M. José Rossi, rapporteur du texte, n'appartient-il pas à la majorité actuelle ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Madame Beaudeau, vous avez évoqué la crise de société que traverse la Corse, et vous avez raison : c'est bien de cela qu'il s'agit. La situation de violence endémique depuis des années se traduit dans l'ensemble des domaines de la vie en Corse.
Mais je ne peux vous donner raison sur la critique de la zone franche que vous en tirez avant même qu'elle ne soit entrée en application : l'Etat ne peut intervenir sur l'ensemble des aspects de la vie économique et sociale. On a vu la catastrophe à laquelle une telle stratégie a abouti en Europe centrale et orientale.
Avec la zone franche, le Gouvernement a choisi d'intervenir pour l'économie productive, là où les effets de levier sur l'ensemble de l'économie sont les plus forts.
En effet, l'objectif de la zone franche est de parvenir à une meilleure valorisation des ressources de la Corse, qui sont réelles, on l'oublie souvent. Et, même si cette région ne comporte pas de ressources minérales, le tourisme y est un atout considérable.
Je m'inscris donc en faux contre les accusations sur les effets potentiels d'une zone franche présentée comme ultralibérale. Mais je peux vous dire qu'avec moi il n'y a pas trop de risques : la Corse ne sera pas Macao ou Tanger, les activités de jeux en sont exclues, ainsi que l'ensemble de celles qui sont sans rapport avec l'économie réelle.
Vous avez également évoqué - et je sais que Mme Luc y tient - l'affaire du Synchrotron. La Corse est effectivement candidate, par le biais de la ville de Bastia. Nous n'avons cependant pas encore arrêté de décision dans ce domaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de résumer en conclusion mon propos.
Je vous ai bien écoutés tous et, au fur et à mesure, je me suis rendu compte que ce dossier était un dossier difficile. Nous devons cependant bien distinguer deux éléments, madame Beaudeau : d'un côté - mais je crois que le Sénat a bien compris - il y a les ministres régaliens, qui ne me font pas particulièrement de confidences, et je ne crois d'ailleurs pas qu'ils en fassent beaucoup à quiconque - dont l'un est chargé du maintien de l'ordre, tandis que l'autre est chargé de la justice. Le Premier ministre, conforté encore une fois par le Président Jacques Chirac, a bien défini les missions sur ce point. D'un autre côté, pour ce qui me concerne, je suis simplement chargé depuis plusieurs mois d'essayer d'apporter une bouffée d'oxygène afin de relancer l'économie dans l'île. En un mot, madame Beaudeau, il s'agit - lancinant problème - de créer encore et toujours des emplois. Voilà pourquoi le Gouvernement tient beaucoup à ce texte.
Je ne voudrais pas terminer sans avoir répondu à M. Charasse et je reprendrai, pour ce faire, les mots fameux qu'aime à citer M. Giacobbi, tenu éloigné de cet hémicycle, à son grand désappointement, par une mauvaise sciatique : Hannibal est à nos portes, et nous délibérons. Oui, et nous délibérons utilement pour nos compatriotes corses, même si, quelquefois, ceux-ci ne nous le rendent pas comme nous le souhaiterions. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

M. le président. Je suis saisi, par M. Charasse et les membres du groupe socialiste et apparentés, d'une motion n° 2 rectifié tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la zone franche de Corse (n° 126, 1996-1997). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Charasse, auteur de la motion.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne retiendrai pas bien longtemps, rassurez-vous, l'attention du Sénat sur cette exception d'irrecevabilité. Je donnerai tout d'abord trois précisions rapides après ce que vient de dire M. le ministre, que je remercie du ton convivial de la réponse.
Ce que j'ai dit des fonctionnaires, monsieur le ministre, est simple. Je considère qu'en Corse ils ne sont pas soutenus pour faire leur métier normalement et qu'à partir du moment où ils ne sont pas soutenus, et sont même quelquefois - trop souvent - désavoués, je ne vois pas très bien comment ils pourraient le faire.
Deuxièmement, je considère que ce que vous nous proposez est une mesure de surmédicalisation, et l'on sait que les mesures de surmédicalisation tuent généralement les malades ! (Sourires.)
Troisièmement, vous nous dites que le niveau de vie en Corse est l'un des plus bas. Alors, expliquez-moi pourquoi c'est la Corse qui a le plus fort taux de grosses cylindrées par rapport à sa population. Il n'y a, là-bas, que de grosses cylindrées, et elles n'ont pas été achetées d'occasion !
Enfin, je voudrais dire que, depuis quinze ans, il y a quand même une mesure qui a été appliquée en Corse, au milieu d'un grand scepticisme et de pressions que vous n'imaginez pas, lorsque j'ai fait voter l'impôt de solidarité sur la fortune. Il n'y a pas eu de drame après cela ; les Corses paient l'impôt de solidarité sur la fortune normalement. Et pourtant, à l'époque, on m'expliquait qu'un riche Corse, ce n'était pas un riche, parce qu'il était Corse ! Autrement dit, avec 4 millions de francs à Paris, on était riche, et avec 4 millions de francs en Corse, on était Corse. Voilà ! (Rires.)
Cela étant, monsieur le président, j'en viens à l'exception d'irrecevabilité. J'estime, avec mon groupe, que le projet de loi qui est soumis au Sénat, après avoir été adopté par l'Assemblée nationale, porte atteinte à l'unité de la République et menace la cohésion nationale.
L'unité de la République, principe rappelé par le Conseil constitutionnel à maintes reprises, notamment à propos de la notion de « peuple corse », et à juste titre, car c'est une notion à propos de laquelle, je dois le dire, j'avais formulé - j'étais au Gouvernement à l'époque - les plus expresses réserves - je n'étais pas le seul, puisque le Président de la République de l'époque avait, lui aussi, en conseil des ministres, formulé les plus expresses réserves - donc, l'unité de la République est fondée sur un certain nombre de règles, notamment le principe d'égalité des citoyens devant la loi, et spécialement la loi fiscale.
Le principe d'égalité, mes chers collègues, on le sait ici puisque l'on en parle souvent, suppose qu'à situations analogues soient apportées des réponses législatives ou réglementaires analogues.
Or l'exception qu'on nous propose de créer en faveur de certaines activités économiques en Corse n'est absolument pas justifiée par la situation réelle de l'économie locale : celle-ci passe, en effet, au second plan. Ce qui prime, c'est la volonté du Gouvernement de consentir une nouvelle inégalité en faveur de la Corse pour en obtenir, en retour, non pas le développement économique, mais l'apaisement. Le Gouvernement espère ainsi s'attirer les bonnes grâces des terroristes. Nous sommes loin des critères « objectifs et rationnels » exigés par le Conseil constitutionnel en 1989, notamment, pour justifier le traitement particulier d'un certain nombre de contribuables.
Mais comme rien n'est moins sûr, les dispositions en cause profiteront surtout et avant tout aux contribuables déjà installés dans l'île - et encore, pas à tous - et dont la situation ne justifie absolument pas une telle faveur par rapport aux contribuables, dans la même situation, installés sur le continent. Si encore ces faveurs étaient réservées aux entreprises nouvelles, on pourrait comprendre. Mais ce cadeau, sans aucune raison économique, en faveur des situations existantes constitue bien une rupture du principe d'égalité, comme le Conseil d'Etat l'a d'ailleurs souligné dans son avis sur le projet de loi.
Au fond, monsieur le ministre, vous faites la guerre et, au lieu d'envoyer l'armée, vous envoyez un coffre-fort. Or les coffres-forts n'ont jamais gagné la guerre, même quand on distributait de l'argent aux Suisses !
Ce projet de loi fait donc des contribuables déjà installés en Corse des citoyens à part, et de la Corse une terre fiscale à part parmi les territoires de la République. Il porte bien atteinte à l'unité de la République que le Conseil constitutionnel a entendu préserver dans plusieurs décisions concernant la Corse, notamment, je l'ai dit, sur « le peuple corse », mais encore, en 1991, en ce qui concerne l'enseignement de la langue corse. Même si les nationalistes en font un cheval de bataille fondamental - cela fait partie de leurs fantasmes - le Conseil constitutionnel a estimé que ce n'était pas une raison pour que cet enseignement soit obligatoire en Corse. Le Conseil constitutionnel n'a pas eu peur, en cette circonstance, d'être plastiqué, et son courage a été remarquable. D'ailleurs, il ne s'est rien passé parce que, quand on est courageux, il ne se passe rien.
Emmanuel Hamel. Nous saluons votre courage !
M. Michel Charasse. Monsieur Hamel, je vis actuellement au rythme de deux ou trois menaces de mort par semaine venant de cette île dans laquelle réside la moitié de ma famille. Cela m'indiffère complètement, parce que je sais que, quoi qu'il arrive, la voix de la République, sur ces sujets, ne s'éteindra pas, et que d'autres prendront le relais. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. Votre courage est admirable !
M. Michel Charasse. En tout cas, ce raisonnement du Conseil constitutionnel s'applique parfaitement aux impôts. Je suis de ceux qui pensent que l'on ne peut pas acheter la paix civile - si louable soit la démarche, monsieur le ministre, et qui n'y souscrirait pas ? - en distribuant des faveurs fiscales.
Ce projet de loi menace en outre la cohésion nationale.
Les citoyens français, contribuables aussi, sont de plus en plus effrayés par l'ampleur des moyens financiers mis en oeuvre sans résultat en Corse. Ils savent que ces moyens ne favorisent en rien le développement économique et l'emploi et qu'ils aboutissent uniquement à créer et à renforcer des rentes de situation qui ne profitent en rien à l'intérêt général.
C'est ce qui explique que des voix s'élèvent parfois pour demander la rupture du lien entre la France et la Corse, pour donner son indépendance à l'île et pour que la collectivité nationale cesse de porter en vain un aussi lourd fardeau.
Ce projet de loi ne pourra que renforcer ce sentiment de rejet chez de nombreux Français et ne pourra que donner aux Corses le sentiment que leur présence dans la communauté nationale est de plus en plus contestée.
Or il n'est pas d'unité de la République sans cohésion ni unité nationale, et celles-ci ne sauraient exister si les Français ont le sentiment qu'ils ne sont pas égaux entre eux, en droits et en devoirs, si l'on demande toujours aux mêmes pour favoriser d'une manière scandaleuse toujours les mêmes, sans qu'on ne voie jamais le bout des malheurs qui frappent l'île et des charges qu'elle fait peser sur la nation.
Ce projet de loi porte donc en lui les ferments d'une tentative de sécession - dans les âmes, d'abord - dont nous savons, certes, que, pour l'instant, elle n'est pas majoritaire en France, tandis qu'elle est ultraminoritaire en Corse.
Pour ces motifs, qui tiennent à l'essence même des principes fondamentaux de la République, j'estime avec mon groupe que le texte qui nous est soumis est contraire à la Constitution, d'où l'exception que je propose au Sénat de voter. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Quelqu'un demande-t-il la parole contre la motion ?... Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je voudrais essayer de répondre à notre collègue M. Charasse, qui vient, avec beaucoup d'émotion et beaucoup de conviction de nous rappeler qu'il ne peut pas y avoir, quelle que soit la qualité d'un texte, de bonnes lois s'il n'y a pas avant tout le respect de l'unité de la République.
M. Charasse nous a, sur ce point, tous convaincus - j'ai beaucoup de respect pour ce qu'il vient de dire - mais je crois qu'il est lui-même trop bon juriste pour ignorer que les propos qu'il vient de tenir ne s'appliquent pas au texte dont nous parlons.
Je voudrais, n'ayant ni ses grandes connaissances, ni ses compétences, ni son habitude de l'hémicycle, en revenir au texte qui fait l'objet de notre débat et me placer strictement sur ce plan pour dire si, à notre sens, il est ou non conforme à la Constitution de la République.
De la jurisprudence constante du Conseil d'Etat, telle qu'elle résulte d'arrêts anciens, notamment d'un arrêt célèbre de 1939, ou de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui s'est construite au fil des années, il résulte que la notion d'égalité, même devant les mesures fiscales, n'est ni générale ni absolue, qu'elle s'applique très strictement aux situations particulières dans lesquelles se trouvent les citoyens et que, dès lors que l'on vise des catégories entières et homogènes de citoyens, on peut prendre avec ce principe d'égalité des libertés qui doivent être mesurées.
S'agissant de la Corse, des conditions objectives peuvent, selon moi, faire admettre des réponses particulières et dérogatoires. On l'a noté tout à l'heure, l'insularité, l'éloignement de la Corse,...
M. Michel Charasse. Mais tout cela est déjà compensé !
M. Michel Mercier, rapporteur. ... le relief particulier de l'île, sa situation économique spécifique font qu'un régime dérogatoire est tout à fait conforme à la règle d'égalité devant la loi telle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel l'a établie.
Je crois que, loin de nuire à l'unité de la République, ce projet de loi est un moyen. Si, par ailleurs, le Gouvernement met tout en oeuvre pour rétablir la paix publique, ce texte constitue bel et bien un moyen de rétablir l'unité de la République et de conforter la place de la Corse dans la République.
Pour ces raisons, la commission des finances a émis un avis défavorable sur la motion n° 2 rectifié tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. Michel Charasse. On envoie le Trésor public pour rétablir l'ordre public !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur Charasse, vous opposez l'exception d'irrecevabilité au prétexte que le projet de loi pourrait porterait atteinte à l'unité de la République.
Cette prise de position suscite de ma part un certain étonnement, car le texte qui vous est soumis aujourd'hui, comme M. le rapporteur vient excellement de le dire, ne contient aucune formule aussi sécessionniste que la funeste référence au « peuple corse composante du peuple français ».
De plus, et pour s'en tenir au seul principe d'égalité devant les charges publiques, la zone franche de Corse n'est pas la première mesure qui introduit des discriminations territoriales. Ainsi, la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire de 1995, la récente loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ont chacune introduit dans notre droit fiscal et social des discriminations dont le champ est exactement identique, qu'il s'agisse de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, de la taxe professionnelle ou de charges sociales patronales.
M. Michel Charasse. Cela vaut sur tout le territoire national !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Semblable par le champ des exonérations qu'il prévoit, le projet de loi relatif à la zone franche de Corse s'apparente également à ces deux textes par sa portée géographique. Il couvre une région administrative entière. D'un point de vue démographique, il faut rappeler à ce propos que les zones franches urbaines englobent près de 700 000 habitants, alors que la population de la Corse ne dépasse pas 250 000 personnes. Les zones de revitalisation rurale, quant à elles, couvrent trois départements entiers, concernant 39 % de la superficie de notre pays et 8 % de sa population. Plus de la moitié de ces zones sont regroupées dans un ensemble homogène qui couvre une grande partie des quatre régions administratives du centre de la France.
Sur le principe même d'une mesure de discrimination fiscale étendue à une région entière, il paraît donc difficile de soutenir l'irrecevabilité.
Il en va de même sur le contenu de la zone franche. D'une part, le traitement plus favorable consenti à certaines catégories de redevables n'introduit pas de discrimination injustifiée à l'intérieur de l'île et ne constitue donc pas une rupture d'égalité devant les charges publiques. D'autre part, l'avantage reste en exacte proportion des très grandes difficultés de l'île, même en tenant compte des avantages fiscaux dont celle-ci bénéficie déjà.
Le respect du principe d'égalité devant les charges publiques et le souci de proportionnalité des mesures devront nous guider dans le débat que nous allons engager à propos des amendements. Il ne saurait justifier, en l'état actuel du texte, l'irrecevabilité du projet de loi. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à repousser l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 2 rectifiée.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart, au nom du groupe des Républicains et Indépendants.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, je souhaite m'exprimer à titre personnel sur cette affaire.
M. le président. Monsieur du Luart, vous vous exprimez au nom du groupe des Républicains et Indépendants.
M. Roland du Luart. Certes, mais mon vote n'engage que moi. (Rires et exclamations sur diverses travées.)
M. Guy Allouche. Çà, c'est un groupe !
M. Roland du Luart. Monsieur le ministre, je voudrais vous exprimer mes réserves les plus vives sur ce texte que je qualifierai de circonstance.
Pour moi, cela suffit ! Il faut commencer par rétablir l'ordre républicain ; cela devrait être le préalable à tout avantage nouveau octroyé à la Corse. Pourquoi donner des avantages hors du commun tant que la paix civile n'est pas revenue ? Peut-être, lorsque l'ordre républicain sera respecté, pourrons-nous envisager des mesures spécifiques !
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Roland du Luart. Je voudrais rappeler très brièvement quelques chiffres. A la lecture du rapport que notre éminent collègue M. Oudin a fait en 1994, nous nous apercevons que ce sont 7 milliards de francs nets qui vont du continent à la Corse chaque année. Or, mes chers collègues, à population comparable, ce sont 4,5 milliards de francs qui vont à la Nouvelle-Calédonie chaque année. Mais, en Nouvelle-Calédonie, grâce aux accords de Matignon, aujourd'hui, la paix civile règne. On donne de l'argent, on investit, mais cela se passe dans le calme.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Roland du Luart. Aujourd'hui, la Corse flambe, la Corse saute. Et je suis bien obligé de souligner que, outre ces 7 milliards de francs que je viens d'évoquer, il faut tenir compte des 500 millions ou des 600 millions de francs qu'annuellement la République doit payer pour réparer les biens privés ou publics qui ont été détruits !
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Roland du Luart. C'est inacceptable ! L'Etat est bafoué.
Nous savons tous qu'il suffirait de mettre environ 300 personnes hors d'état de nuire pour que le calme revienne. Et lorsque vous consultez les magistrats, ils savent de quoi ils parlent.
Alors, si le calme revenait en Corse - c'est mon souhait le plus cher - tous les éléments seraient réunis pour que l'économie reparte.
Je souhaite avant tout qu'on stoppe le racket.
Je pense aussi que ce sont sans doute ces habitudes séculaires d'assistanat - elles datent, disons, de la Libération - qui ont expliqué la démobilisation totale des forces vives en Corse.
M. Guy Allouche. Très juste !
M. Roland du Luart. Ma crainte, c'est que la zone franche, dans l'état actuel des choses, ne fasse le lit de la mafia. On sait combien elle est présente, hélas ! en Corse...
M. Michel Charasse. Eh oui !
M. Roland du Luart. Par ailleurs, je le dis sous toutes réserves, je crains aussi que cela ne conduise à favoriser le blanchiment de l'argent sale.
M. Michel Charasse. Bien sûr !
M. Roland du Luart. Voilà pourquoi je ne pourrai, à titre personnel, voter ce texte dans son ensemble et voilà pourquoi je voterai la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. Emmanuel Hamel. Quelle noblesse !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la parole pour explication de vote est accordée à un représentant de chaque groupe, et non à un orateur de chaque groupe.
M. Guy Allouche. Il a bien parlé, alors on lui pardonne !
M. Henri de Raincourt. Avec ma bénédiction !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 2 rectifiée, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 1, présentée par Mmes Luc, Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la zone franche de Corse (n° 126, 1996-1997). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aurais pu parler de ma place mais, par respect pour le peuple corse, je parlerai du haut de la tribune de cette belle île que les Grecs appelaient Kallisté.
J'ai beaucoup d'amis en Corse, j'en ai tout autant parmi ceux qui vivent dans les régions marseillaise, toulonnaise ou niçoise. Mais, avant tout développement, c'est à eux que je pense, et non pas à quelques milliardaires ou à quelques truands. Je pense à ceux qui travaillent ou qui, en tout cas pour la plupart d'entre eux, essaient de travailler ; je pense aussi à la jeunesse.
Monsieur le ministre, ce débat relatif à la zone franche de Corse s'ouvre alors que, voilà quelques jours à peine, M. le Président de la République a avoué, devant des millions de téléspectateurs, que le Gouvernement négociait avec des nationalistes, qui sont d'ailleurs de plus en plus marginalisés, tout le monde le sait.
J'ai bien noté qu'il a regretté l'existence de ces négociations, mais, pour l'instant, je ne vois pas que l'on en tire les conséquences, mais je dirai tout à l'heure un mot des événements récents.
Ainsi, ce que tout le monde savait, M. le Président de la République l'a reconnu, ce qui, me semble-t-il, devrait modérer les prétentions gouvernementales à faire la leçon sur le problème corse.
Le double langage sur le terrorisme et sur l'Etat de droit n'est plus acceptable. Nos concitoyens, dans leur grande majorité, le disent : il faut arrêter de jouer au chat et à la souris. Certes, je prends acte du fait que, depuis quarante-huit heures, quelques événements nouveaux sont intervenus. Espérons, nous verrons bien !
Les manifestants du 8 juin dernier s'indignaient du fait que « la fermeté soit seulement réservée aux quelques voleurs de poules ».
La Corse profonde, la Corse d'avenir, ce sont ces fameuses manifestantes, ces syndicalistes, ces élus qui ne font aucune concession à la violence, c'est cette île qui est fière de ses traditions, de ses origines, qui compte sur ses forces vives pour se battre en faveur d'une véritable amélioration économique et sociale.
Les Corses veulent vivre dans un pays - comme nous d'ailleurs - dont le maître-mot soit démocratie, mais nous en sommes encore loin.
Personne ne nie que, sur l'île, les coûts des produits et des activités induites par les transports aériens et maritimes sont largement supérieurs à ce qu'ils sont sur « le continent », mais je n'aime pas beaucoup cette expression. De ce fait, il est indispensable de mettre en oeuvre une réelle solidarité nationale.
Le problème, c'est que la zone franche ne correspond certainement pas à la volonté de faire vivre cette solidarité nationale.
Je citerai quelques chiffres propres aux deux départements et relatifs au principe constitutionnel de contribution à l'impôt en fonction de ses moyens.
Qu'en est-il, selon les chiffres officiels, depuis l'adoption du statut fiscal de la Corse, en décembre 1994 ? « L'impôt sur le revenu rapporte dix fois plus que l'impôt sur les sociétés et l'impôt forfaitaire annuel cumulé ». Par ailleurs, « la taxe sur les salaires s'élève à 107 millions de francs, soit une hausse de 11 %, et dépasse donc largement le produit de l'impôt sur les sociétés ».
Cela signifie que les entreprises ne paient déjà quasiment plus rien...
M. Roland du Luart. Il n'y a plus d'entreprises !
M. Louis Minetti. ... et que seules les collectivités locales, les hôpitaux, les associations voient leur contribution augmenter fortement. Nous doutons donc de la réelle valeur des larmes versées par des ministres compatissants sur la situation des collectivités locales, sur l'état de notre système de santé.
J'ajoute que, dans l'île, le produit de la taxe professionnelle est inférieur à celui de la taxe d'habitation. Il est même inférieur, cas unique en France, à celui de la taxe sur le foncier bâti !
Les chiffres délivrés par la direction générale des impôts sont bien cruels. Ils montrent une progression du produit de la taxe d'habitation de 8,7 %. Cela prouve que les ménages ont été surtaxés pour compenser la perte subie sur la taxe professionnelle.
Or, quand on sait que le revenu moyen par habitant est de près de 20 % inférieur à celui du reste de la France, on comprend aisément dans quel dénuement on plonge nombre de familles !
Cependant, ce qui est encore plus inacceptable, c'est l'inefficacité notoire et avérée de tout ce système d'exemption fiscale qui dure depuis nombre d'années. C'est une vérité, et non pas une nouveauté qui ne vaudrait que depuis six mois ou un an.
Mais, en un an, puisque c'est la période de référence que j'utilise, le chômage a progressé en Corse plus qu'ailleurs en France.
Face à cette situation, est-ce la voie des nouvelles exonérations qui permettra de sortir de l'ornière, ou est-ce seulement une fuite en avant plus qu'une volonté de traitement économique ?
De subventions en cadeaux fiscaux, la Corse est conduite à marche forcée vers le statut de zone franche pour « capitaux baladeurs ». Tout à l'heure, j'ai entendu parler d'« argent blanchi ». Moi, je parle de « capitaux baladeurs ». On choisira entre les deux !
En tout état de cause, comme le souligne un élu éminent de la ville de Bastia que je cite : « La Corse a déjà un statut fiscal particulier. Sur le terrain, le recouvrement de l'impôt pose beaucoup de problèmes, ce qui ne favorise pas le civisme fiscal. Et voilà qu'on accélère encore dans la mauvaise direction et qu'on officialise les infractions d'hier ! »
Oui ! la zone franche, c'est certainement faire une concession aux fraudeurs, c'est avaliser des méthodes inacceptables.
Monsieur le ministre, je souhaitais attirer votre attention sur une question grave dont personne ne parle, et voilà que vous l'avez vous-même abordée. Je n'ai donc que plus d'assurance pour faire référence à la zone franche de Tanger d'avant et d'après 1914. Tanger, c'était le repaire de toutes les mafias, avec leurs véritables règlements de compte sanglants. Tanger, c'était tout sauf la justice, l'honnêteté, la démocratie.
Je ne dis pas que vous avez décidé de faire Tanger à Bastia ou à Ajaccio, mais on devrait penser à ce problème. Si ce n'est pas votre intention, en tout cas il existe un risque évident de livrer la Corse au déshonneur des mafias.
Je prendrai un exemple concret tiré d'un rapport établi par le syndicat national unifié des impôts.
M. Michel Charasse. Très bonne étude !
M. Louis Minetti. Ce rapport montre que les fortunes dont l'origine est douteuse pourront bénéficier d'une diminution d'impôt de plus de 200 000 francs.
L'exonération de taxe professionnelle atteint désormais des sommets puisque les entreprises ne s'acquitteront directement que de 6 % du produit redevable ; 6 %, c'est un record en la matière !
Comme le Gouvernement a décidé de bloquer la compensation au taux de 1996, il ne reste plus aux communes que la seule possibilité d'augmenter les impôts sur les ménages.
C'est sans doute cela la « discrimination positive » !
Mes chers collègues, continuer dans cette logique, outre l'iniquité qu'elle constitue au sein même de l'île, contribuera à exacerber les sentiments particularistes. Ce dont ont besoin nos concitoyens corses, ce n'est pas d'être livrés encore plus au jeu du marché, mais c'est d'une solidarité nationale qui passe par une dépense publique efficace. Je ne répéterai pas tout ce qu'a dit mon amie Marie-Claude Beaudeau sur le développement économique de la Corse. Je me contenterai, pour ma part, de rappeler que les Corses ont besoin de développement industriel, agricole, touristique, de support universitaire pour garantir l'identité d'une région.
Les Corses, comme les autres Français - d'origine corse ou non - sont conscients qu'on ne peut laisser l'île se déliter. Mais il faut agir dans la transparence, en rétablissant la justice, la démocratie.
Or on la restaurera d'autant moins que l'avis négatif du Conseil d'Etat - je tiens tout de même à le rappeler - sur la constitutionnalité de ce texte a conduit le Gouvernement à retirer trois articles du collectif budgétaire pour les présenter de manière autonome. Cela signifie bien qu'il y a quelque chose de trouble !
Ce projet de loi ne réglera donc en rien la question du développement économique. A contrario , même, il creusera la fracture entre les contribuables et accentuera les inégalités sociales.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite expressément à adopter notre motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Les auteurs de la motion estiment, d'une part, que le projet de zone franche n'est pas de nature à redresser l'économie corse et, d'autre part, que les choix qui sont faits en faveur de la déréglementation et de la dépense fiscale par rapport à la dépense budgétaire sont contraires à l'effort de solidarité nationale nécessaire.
La commission des finances a rejeté cette argumentation.
En premier lieu, en effet, et comme le rapport écrit le développe longuement, il lui est apparu que la zone franche, si elle n'était pas suffisante par elle-même pour assurer le redressement de l'économie corse, apporterait incontestablement une bouffée d'oxygène nécessaire aux entreprises aujourd'hui lourdement endettées.
Naturellement, la commission des finances a considéré que la zone franche n'aurait d'effet véritable qu'à deux conditions : la première, c'est que l'ordre public puisse être rétabli en Corse ; la seconde, c'est que l'endettement des entreprises puisse faire l'objet de plans d'apurement adéquats afin de leur permettre d'accéder aux mesures de la zone franche le moins souvent possible au titre des entreprises en difficulté.
En second lieu, la commission a estimé que le choix qui a été fait en faveur des allégements d'impôts et de charges sociales, loin d'être une déréglementation, était préférable à l'octroi de nouvelles subventions, l'ensemble de nos interlocuteurs corses ayant d'ailleurs reconnu que les fonds publics transférés à la Corse étaient suffisants. En effet, les allégements retenus soutiendront, dans tous les cas, l'activité économique.
Pour ces deux séries de raison, la commission a émis un avis défavorable sur la motion n° 1, déposée par le groupe communiste républicain et citoyen, et tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Tout d'abord, je remercierai M. le rapporteur de la commission des finances.
Ensuite, j'exprimerai ma surprise à l'égard de l'attitude d'un certain nombre de membres de la Haute Assemblée.
En effet, ce n'est pas aujourd'hui qu'il faut découvrir les difficultés de la Corse. Voilà déjà plusieurs décennies qu'une minorité de nos compatriotes corses manifestent une volonté d'indépendantisme, voire de séparatisme.
Mais faut-il rappeler devant la Haute-Assemblée que, depuis des dizaines et des dizaines d'années, à chaque élection, ce sont généralement ceux qui portent les couleurs défendues dans cette partie de l'hémicycle (M. le ministre désigne la droite et le centre de l'hémicycle) qui sont élus et réélus. Ce ne sont ni les amis de M. Charasse ni ceux de M. Minetti.
M. Michel Charasse. Ni ceux de Santoni !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Même M. Giacobbi m'a autorisé à dire qu'il soutenait activement la zone franche corse et la position du Gouvernement à cet égard.
M. Michel Charasse. C'est la sciatique qui l'égare !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. La politique que je suis en train de vous expliquer a été définie par le Président de la République et voulue par le Premier ministre.
S'il n'y avait pas de difficultés en Corse, s'il n'était pas nécessaire d'appliquer un traitement particulier à la Corse, croyez-vous que nous serions en train d'essayer de lui accorder des exonérations fiscales ?
Nous avons répondu à nos compatriotes corses sur leur spécificité : oui, il y a une culture spécifique à l'île de Corse ; oui, il y a un particularisme, que nous acceptons, spécifique à l'île de Corse ; nous acceptons bien celui de la Provence, celui de la Bretagne de Christian Bonnet, comme celui de l'Auvergne de Michel Charasse. Nous ne sommes pas tous habillés pareil ; nous ne parlons pas tous le même dialecte et nous ne tapons pas tous des sabots en dansant la bourrée ! (Sourires.)
Aujourd'hui, le Gouvernement vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de conforter ceux de nos compatriotes corses qui veulent rester unis dans la République française, pendant que d'autres, au contraire, essaient de la saper.
Que ce soit difficile, nul ne le nie ; mais c'était aussi difficile en 1981, lorsque le Premier ministre s'appelait M. Pierre Mauroy ! Au cours des trois ou quatre premiers mois du premier gouvernement socialiste, il y eut plus d'attentats et plus d'agressions en Corse que dans les mois qui précédèrent l'arrivée de la gauche au pouvoir !
Mes chers amis, le Gouvernement n'a pas une baguette magique, mais il a du courage ; le Premier ministre est un homme déterminé, qui ose affronter la difficulté et qui ne discute pas, lui, avec telle ou telle fraction des Corses séparatistes ou indépendantistes.
Cela mérite peut-être que le Sénat repousse encore plus nettement la motion défendue par M. Minetti. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la zone franche de Corse.
J'informe le Sénat que la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Je rappelle que le Sénat a repoussé la motion tendant à opposer à ce texte l'exception d'irrecevabilité ainsi que la motion tendant à y opposer la question préalable.
Nous passons donc à la discussion des articles.

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. Par amendement n° 50 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Loridant et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 62 de la loi n° 91-428 portant statut de la collectivité territoriale de Corse est ainsi rédigé :
« Art. 62. - Le comité de coordination pour le développement industriel de la Corse regroupe les entreprises publiques, les sociétés nationales publiques et les établissements publics.
« Composé de représentants des différents départements ministériels intéressés, des délégués de ces sociétés et établissements, des élus de l'assemblée de Corse, des représentants du conseil économique et social régional, ce comité anime et coordonne les actions des sociétés et établissements publics en Corse, en vue de réaliser les projets industriels et de recherche d'intérêt régional, intégrés dans le plan de la nation. Il veille à la mise en oeuvre de toutes les mesures nécessaires pour la réalisation de cet objectif, notamment dans le domaine des actions de formation professionnelle.
« A la demande du quart de ses membres, le comité se réunit sur toute question relative à son objet. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Comme nous l'avons déjà souligné, le problème corse ne saurait être traité uniquement sous l'angle fiscal ; sa solution passe nécessairement par le développement des capacités productives.
Dans cette perspective, nous souhaitons donner au comité de coordination pour le développement industriel de la Corse, le CCDIC, une nouvelle impulsion en y intégrant les acteurs de la vie économique et sociale et en lui permettant de se réunir à la demande du quart de ses membres.
Notre souci est de faire en sorte que ce comité soit saisi des questions relatives à la mise en place de grands équipements structurants : réalisation de la centrale au gaz de pétrole liquéfié, prévue par EDF-GDF, reprise des contacts avec l'Italie pour la mise en place du gazoduc, choix de Bastia comme site d'accueil de la future source de rayonnement synchrotron à énergie intermédiaire, baptisée projet SOLEIL.
Voilà des choix politiques qui, à notre avis, seraient de nature à modifier la donne en Corse.
Il est urgent que les sociétés publiques, les entreprises publiques, les établissements publics investissent en Corse. C'est une condition indispensable pour que le secteur privé insulaire retrouve du dynamisme.
De tels équipements permettraient également de réduire la dépendance de l'économie de l'île envers le tourisme !
La question est de savoir à quoi peut servir le levier fiscal quand les activités s'étiolent.
Notre amendement vise donc à remettre le développement d'activités productives au coeur de toute solution.
Les trois milliards de francs de dépenses fiscales induites par le présent projet de loi seraient, à notre sens, mieux utilisés s'ils étaient consacrés à une intervention publique directe.
Le nouveau comité de coordination que nous proposons d'instituer par l'amendement n° 50 rectifié pourrait jouer ce rôle d'impulsion s'appuyant sur la dépense publique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission des finances considère que cet amendement va à l'encontre du souci de décentralisation qui a présidé à l'élaboration du statut de la collectivité territoriale de Corse en 1991. De plus, il manifeste une volonté de planification bureaucratique qui n'est pas de nature à répondre à l'attente des entreprises de Corse.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Mme Beaudeau a une approche radicalement différente de celle du Gouvernement pour le développement économique de l'île. Son amendement se fonde sur des présupposés auxquels je m'oppose non moins radicalement.
L'économie de la Corse se caractérise par la prédominance de l'emploi public, ce qui est d'ailleurs un facteur de stabilité de cette économie régionale. Toutefois, la période que nous traversons montre qu'il a atteint ses limites.
L'objectif de la zone franche consiste à développer et à conforter l'emploi dans les entreprises du secteur concurrentiel. Il s'agit, en particulier, de mieux mettre en valeur le fantastique potentiel du tourisme, que l'amendement semble négliger, ne se référant qu'au développement industriel et, qui plus est, dans les seules entreprises publiques.
Aussi le Gouvernement émet-il un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 44 decies ainsi rédigé :
« Art. 44 decies . - I. - Les contribuables qui exercent ou qui créent des activités en Corse avant le 31 décembre 2001 sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés pendant une période de soixante mois décomptée, lorsqu'ils y exercent déjà une activité au 1er janvier 1997 à partir de cette date, ou dans le cas contraire à partir de la date de leur début d'activité en Corse.
« Le bénéfice de l'exonération est réservé aux contribuables exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34, ou agricole au sens de l'article 63, dans les conditions et limites fixées au présent article. L'exonération s'applique également, dans les mêmes conditions et limites, aux sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés exerçant une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 et dont l'effectif des salariés en Corse bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'une durée de trois mois au moins est égal ou supérieur à trois à la clôture du premier exercice et au cours de chaque exercice de la période d'application du régime prévu au présent article.
« Le contribuable doit disposer en Corse des moyens d'exploitation lui permettant d'y exercer son activité d'une manière autonome.
« L'exonération ne s'applique pas :
« - aux contribuables exerçant une activité de transport routier lorsqu'ils sont autorisés à exercer leur activité hors de la zone courte des départements de Corse, en application des décrets n° 85-891 du 16 août 1985 et n° 86-567 du 14 mars 1986, à l'exception de ceux placés dans l'une des situations visées au 1° du IV, au V et au VI, et aux contribuables exerçant une activité de transport aérien ou maritime, à l'exception de ceux placés dans l'une des situations visées au 1° du IV et au V ;
« - aux contribuables exerçant une activité de gestion ou de location d'immeubles, à l'exception des entreprises implantées en Corse dont les prestations portent exclusivement sur des biens situés en Corse, ou une activité bancaire, financière, d'assurances, de transport ou de distribution d'énergie, de jeux de hasard et d'argent ;
« - aux contribuables exerçant une activité dans l'un des secteurs suivants : industrie charbonnière, sidérurgie, fibres synthétiques, pêche, construction et réparation de navires d'au moins 100 tonnes de jauge brute, construction automobile ;
« - aux contribuables qui créent une activité dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes exercées en Corse ou qui reprennent de telles activités sauf pour la durée restant à courir, si l'activité reprise est déjà placée sous le régime d'exonération prévu au présent article ;
« - aux sociétés mentionnées à l'article 223 A.
« II. - Le bénéfice ouvrant droit à l'exonération au titre d'un exercice est celui déclaré selon les modalités prévues aux articles 50 0, 53 A ou 69 ou fixé conformément à l'article 50 ou à l'article 64 et diminué des produits bruts ci-après qui restent imposables dans les conditions de droit commun :
« - produits des actions ou parts de sociétés, des résultats de sociétés ou organismes soumis au régime prévu à l'article 8 lorsqu'ils ne proviennent pas d'une activité exercée en Corse, ainsi que des résultats de cession des titres de ces sociétés ;
« - produits correspondant aux subventions, libéralités et abandons de créances ;
« - produits de créances et d'opérations financières pour le montant qui excède le montant des frais financiers engagés au cours du même exercice ;
« - produits tirés des droits de la propriété industrielle et commerciale, lorsque ces droits n'ont pas leur origine dans l'activité exercée en Corse ;
« - bénéfices visés au 2° du X bis.
« III. - Lorsque le contribuable n'exerce pas l'ensemble de son activité en Corse, le bénéfice ouvrant droit à l'exonération est affecté du rapport entre, d'une part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle définis à l'article 1467, afférents à l'activité exercée en Corse et relatifs à la période d'imposition des bénéfices et, d'autre part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle du contribuable définis au même article pour ladite période. Pour la détermination de ce rapport, la valeur locative des immobilisations passibles d'une taxe foncière est celle déterminée, conformément à l'article 1467, au 1er janvier de l'année au cours de laquelle est clos l'exercice et, par dérogation aux dispositions du b du 1° de l'article 1467, les salaires afférents à l'activité exercée en Corse sont pris en compte pour 36 % de leur montant.
« IV. - 1° Pour les entreprises créées après le 1er janvier 1997 et jusqu'au 31 décembre 2001, le bénéfice ainsi calculé est exonéré dans la limite prévue au X.
« 2° Pour les contribuables autres que ceux visés aux VI et VII, qui exercent leur activité au 1er janvier 1997, ce bénéfice est exonéré, dans les limites prévues au X et au X bis :
« a . En totalité, si l'effectif employé en Corse est au plus égal à trente salariés ou si le contribuable emploie un effectif au plus égal à cinquante salariés en Corse et qu'il exerce son activité dans l'un des secteurs suivants définis selon la nomenclature d'activités française : construction, commerce, réparations d'automobiles et d'articles domestiques, transports terrestres sous réserve que les contribuables ne disposent pas d'une autorisation d'exercice en dehors de la zone courte des départements de Corse, location sans opérateur, santé et action sociale, services collectifs, sociaux et personnels ;
« b . Partiellement, lorsque l'effectif salarié en Corse est supérieur à trente salariés. Le bénéfice est exonéré en proportion de trente salariés dans l'effectif total des salariés employés en Corse. Pour le calcul de cette proportion, le seuil de trente salariés est porté à cinquante s'agissant des entreprises exerçant leur activité dans l'un des secteurs mentionnés au a .
« 3° Lorsqu'un contribuable bénéficiant des dispositions du 2° augmente ses effectifs salariés en Corse avant le 31 décembre 2001, les seuils de trente ou cinquante salariés sont relevés à due concurrence.
« V. - Lorsqu'une augmentation d'effectif est réalisée avant le 31 décembre 2001 en Corse, le contribuable est exonéré pour une durée de soixante mois décomptée de la date d'ouverture de l'exercice au cours duquel est constatée soit la première augmentation d'effectif, soit en cas de création d'activité, la première augmentation d'effectif réalisée après douze mois d'activité. Pour l'application de cette disposition et sans préjudice de celles prévues au IV, le bénéfice, calculé dans les conditions du II et du III, est exonéré en proportion de l'augmentation de l'effectif des salariés employés en Corse, constatée entre le dernier jour de l'exercice et le 1er janvier 1997 dans l'effectif total employé en Corse, dans la limite prévue au X.
« VI. - Les contribuables répondant aux conditions du I et qui emploient moins de deux cent cinquante salariés sont exonérés sur agrément et dans la limite prévue au X pour une période de trente-six mois lorsque leur entreprise est en difficulté et que sa sauvegarde présente un intérêt économique et social pour la Corse. Une entreprise est considérée comme étant en difficulté lorsqu'elle fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ou lorsque sa situation financière rend imminente sa cessation d'activité.
« VII. - Les résultats provenant d'une activité agricole ou agro-alimentaire sont exonérés :
« a . Pour une période de soixante mois :
« 1° Dans les conditions mentionnées au 1° du IV et au V, lorsque l'activité est créée ou que l'entreprise accroît son effectif salarié dans les branches agricoles et agro-alimentaires et qu'elle peut bénéficier des aides à l'investissement au titre des règlements (CEE) du Conseil n° 866/90, du 29 mars 1990, concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles ou n° 2328/91, du 15 juillet 1991, concernant l'amélioration de l'efficacité des structures de l'agriculture ;
« 2° Sur agrément et dans les conditions fixées au 1° du IV et au V, lorsque les méthodes de production sont conformes aux objectifs fixés par l'article 1er du règlement (CEE) n° 2078/92 du Conseil, du 30 juin 1992, concernant des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel.
« b . Pour une période de trente-six mois, sur agrément, lorsque les conditions mentionnées au VI sont remplies.
« VIII. - Les agréments mentionnés aux VI et VII sont délivrés dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies . Un contribuable ne peut se prévaloir qu'une fois d'un dispositif sur agrément accordé en application du présent article. La durée totale d'exonération ne peut excéder soixante mois au titre d'un dispositif d'exonération de plein droit et d'un dispositif sur agrément, sous réserve de l'application des dispositions du V.
« IX. - L'effectif salarié est apprécié au dernier jour de l'exercice en prenant en compte les salariés bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'une durée de trois mois au moins. Les salariés à temps partiel sont pris en compte au prorata de la durée du temps de travail prévue à leur contrat.
« X. - En aucun cas, le montant de bénéfice exonéré ne peut excéder 400 000 francs par période de douze mois.
« X bis. - 1° La fraction des bénéfices exonérée dans les conditions du 2° du IV doit être maintenue dans l'exploitation. Cette condition est remplie si :
« - le compte de l'exploitant individuel n'est pas, pendant la durée d'application du dispositif, inférieur au total des fonds propres investis dans l'entreprise à la clôture du premier exercice d'application du régime, et des bénéfices exonérés ;
« - pour les sociétés, la fraction exonérée des bénéfices est portée à une réserve spéciale au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle de la réalisation des bénéfices.
« Pour l'application du présent 1°, lorsque le contribuable bénéficie à la fois des dispositions du 2° du IV et du V, le bénéfice exonéré est réputé provenir en priorité du bénéfice déterminé en application du V.
« 2° Les bénéfices qui ne sont pas maintenus dans l'exploitation pour un motif autre que la compensation de pertes sont rapportés au résultat de l'exercice en cours lors de ce prélèvement.
« XI. - Lorsqu'il répond aux conditions requises pour bénéficier des dispositions de l'un des régimes prévus aux articles 44 sexies , 208 sexies , 208 quater A ou du régime prévu au présent article, le contribuable peut opter pour ce dernier régime ou demander le cas échéant un agrément prévu au VI ou au VII, dans les six mois qui suivent celui de la date d'entrée en vigueur de la loi n° du relative à la zone franche de Corse s'il exerce déjà son activité en Corse ou, dans le cas contraire, dans les six mois suivant celui de la création de son activité. L'option est irrévocable.
« XII. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
Sur cet article, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 51 est déposé par Mme Beaudeau, MM. Loridant et Minetti, les membres du groupe communiste républicains et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 1er.
La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° 46.
M. Michel Charasse. Ainsi que cela a été expliqué tout au long de l'après-midi, l'instauration d'une exonération sur les bénéfices n'apportera rien de plus à l'économie corse mais aggravera l'injustice fiscale.
En effet, plusieurs dispositions existantes permettent déjà cette exonération dans la majeure partie des cas. De plus, l'exonération d'impôt sur les sociétés n'apportera rien aux entreprises en difficulté, par définition même, mais donnera un « plus » aux commerçants et aux entreprises prospères, dont la situation ne justifie aucunement cet avantage. La concurrence risque même d'en être faussée.
L'exonération d'impôt sur le revenu comporte les mêmes effets pervers, en pire, car les salariés de ces entreprises ne profiteront pas de cette exonération. En cela, le texte favorise en réalité les classes sociales les plus aisées, sans apporter de réel remède aux difficultés économiques de l'île puisque le dispositif, limité dans le temps, ne comporte aucune garantie de répercussion sur les salaires, sur l'emploi et sur l'investissement. D'ailleurs, comme au niveau national, une entreprise n'embauche ou n'investit que pour répondre à des commandes.
La solution aux problèmes économiques réels de la Corse ne proviendra pas de ces exonérations, qui sont, comme l'ont déclaré les représentants des chefs d'entreprise de Corse, uniquement un « effet de manche », « une coquille vide, un leurre, une tricherie ». Il s'agit d'un dispositif limité, non adapté aux problèmes, comportant de très nombreux effets pervers.
Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 51. M. Louis Minetti. Cet amendement tendant à supprimer l'article 1er s'appuie sur une lapalissade : pour être exonéré d'impôt sur les bénéfices, il faut réaliser des bénéfices. Cette constatation conduit tout naturellement à souligner que ce ne sont donc pas les entreprises en difficulté que l'on va aider, mais les autres. J'ajoute que, avec le statut fiscal particulier de la Corse, d'ores et déjà, nombre d'entreprises bénéficient d'exonérations partielles.
Il est clair que cette exonération profitera avant tout aux entreprises les plus prospères, rompant, par là même, le principe de contribution équitable de chacun des acteurs sociaux à l'effort de la nation.
Il est vrai que les dispositions fiscales adoptées en première lecture dans le cadre de la loi de finances pour 1997 sont du même ordre : qu'il s'agisse de la baisse de l'impôt sur le revenu, qui bénéficie d'abord aux plus hauts revenus, ou bien - l'exemple est encore plus flagrant - de la baisse de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les mille plus gros salaires, on ne peut nier que le Gouvernement a de la suite dans les idées.
La Corse et les Corses ne verront rien venir de ces exonérations. Outre des investissements publics structurants et créateurs d'emplois, dont nous avons parlé précédemment, le relèvement du pouvoir d'achat des habitants constitue une condition essentielle de tout redémarrage économique.
Dans le texte de cet article 1er, le Gouvernement admet même, implicitement, que ces exonérations ne créeront pas d'emplois puisque aucune contrepartie en termes de création d'emplois n'est prévue ni exigée, bien entendu. En clair, on exonère d'impôt sur les bénéfices les entreprises ou les commerçants, mais on ne veut surtout pas d'engagements précis !
Le produit de la taxe sur les salaires n'a progressé que de 11 % en 1995 ! C'est un élément qui fait sourire.
Les dispositions prévues par cet article 1er ne règlent en rien les problèmes d'atonie économique de la Corse. C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous proposent d'adopter cet amendement de suppression.
M. le président. Par amendement n° 58, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra propose :
A. - Au deuxième alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, de remplacer les mots : « supérieur à trois » par les mots : « supérieur à un ».
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter l'article 1er par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de l'extension de l'exonération de l'impôt sur les sociétés aux professions libérales employant un seul salarié sont compensées par une augmentation à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de l'article 1er de la mention : « A. - ».
La parole est à M. Louis-Ferdinant de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Au terme de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, les professions libérales pourraient bénéficier du dispositif d'exonération prévu à l'article 1er avec, comme condition, l'existence d'un effectif minimal de trois salariés.
Le présent amendement propose de ramener cet effectif à un salarié pour tenir compte des réalités du tissu économique local et donner une portée significative à la mesure.
Il convient de rappeler également que, aux termes de la loi du 14 novembre 1996, l'application du dispositif « zones franches urbaines » n'est subordonnée à aucune condition restrictive concernant la forme juridique de l'entreprise ou l'effectif.
M. le président. Par amendement n° 61, M. Michel Mercier, au nom de la commission, propose, dans la seconde phrase du deuxième alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, de supprimer les mots : « du premier exercice et au cours ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les sociétés qui exercent une activité professionnelle non commerciale pourront bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés dès que leur effectif atteindra le seuil de trois salariés, ce entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2001 et aussi longtemps que la société se maintiendra au-dessus du seuil de trois salariés, pour une période maximale de cinq ans.
En revanche, si cette condition n'est plus remplie pendant l'un des exercices concernés, la société perd définitivement le bénéfice de l'exonération pour les exercices qui restent à courir.
M. le président. Par amendement n° 5, M. Michel Mercier, au nom de la commission, propose :
A. - De remplacer le cinquième alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts par deux alinéas ainsi rédigés :
« - aux contribuables exerçant une activité de transport aérien ou maritime à l'exception de ceux placés dans l'une des situations visées au 1° du IV et au V ;
« - aux contribuables exerçant une activité dans le secteur agricole ou agroalimentaire à l'exception de ceux placés dans la situation visée au VI. Toutefois, les résultats provenant d'une activité agricole ou agroalimentaire sont exonérés dans les conditions mentionnées au 1° du IV et au V, lorsque le contribuable peut bénéficier des aides à l'investissement au titre des règlements (CEE) du Conseil n° 866/90, du 29 mars 1990, concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles ou n° 2328/91, du 15 juillet 1991 ; concernant l'amélioration de l'efficacité des structures de l'agriculture, ou, sur agrément, lorsque les méthodes de production du contribuable sont conformes aux objectifs fixés par l'article premier du règlement (CEE) du Conseil n° 2078/92, du 30 juin 1992, concernant les méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel. »
B. - En conséquence, de supprimer le paragraphe VII du même texte.
C. - En conséquence, au deuxième alinéa (2°) du paragraphe IV du même texte, de remplacer les mots : « visés aux VI et VII » par les mots : « visés au VI ».
D. - Dans la première phrase du paragraphe VIII du même texte, de remplacer les mots : « mentionnés aux VI et VII » par les mots « mentionnés aux I et VI ».
E. - Au paragraphe XI du même texte, de remplacer les mots : « un agrément prévu au VI ou au VII » par les mots : « l'agrément prévu au I ou au VI ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, et tendant :
I. - A supprimer le premier alinéa du texte proposé par le A de l'amendement n° 5 pour remplacer le cinquième alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts.
II. - Dans le second alinéa du même texte, après les mots : « concernant l'amélioration de l'efficacité des structures de l'agriculture, ou », à insérer les mots : « dans les conditions mentionnées au 1° du IV et au V ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel tendant à réintégrer les dispositions du paragraphe VII relatives à l'agriculture dans le paragraphe I qui, lui, concerne le champ d'application de l'exonération de l'impôt sur les bénéfices. Il tend également à simplifier la rédaction de l'alinéa correspondant aux transports terrestres.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 64.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 5, sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, qui est indispensable pour permettre aux agriculteurs et aux entreprises agroalimentaires existantes qui ne sont pas en difficulté d'être exonérées d'impôt sur les bénéfices. Il l'est également pour les éventuelles entreprises de transports aériens ou maritimes en difficulté.
M. le président. Par amendement n° 59, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra propose :
A. - Au début du cinquième alinéa du I du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, de supprimer les mots : « Aux contribuables exerçant une activité de transport routier lorsqu'ils sont autorisés à exercer leur activité hors de la zone courte des départements de Corse, en application des décrets n° 85-891 du 16 août 1985 et n° 86-567 du 14 mars 1986, à l'exception de ceux placés dans l'une des situations visées au 1° du IV, au V et au VI, et ».
B. - En conséquence, dans le troisième alinéa (a) du IV du même texte, de supprimer les mots : « Sous réserve que les contribuables ne disposent pas d'une autorisation d'exercice en dehors de la zone courte des départements de Corse ».
C. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :
« ... Les pertes de recettes résultant de l'exonération de l'impôt sur les bénéfices pour le transport routier sur les zones longues sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
D. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : « A. - ».
La parole est à M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Cet amendement tend à exonérer de l'impôt sur les bénéfices le transport sur les zones longues. Toutefois, le Gouvernement a déposé à cet égard un amendement auquel je me rallie. En conséquence, je retire mon amendement n° 59.
M. le président. L'amendement n° 59 est retiré.
Les six amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier, au nom de la commission.
A. - L'amendement n° 6 tend :
A remplacer le dernier alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le contribuable est une société membre d'un groupe fiscal visé à l'article 223 A, le bénéfice exonéré est celui de cette société déterminé dans les conditions prévues aux II et III du présent article et au 4 de l'article 223 I.
« Pour l'ensemble des sociétés d'un même groupe, le montant de l'exonération accordée ne peut excéder le montant visé au X du présent article, dans la limite du résultat d'ensemble du groupe. »
B. - Pour compenser les pertes de ressources résultant du A ci-dessus, à compléter l'article 1er par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« B. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'extension de l'exonération d'impôt sur les bénéfices instituée par le A au profit des contribuables exerçant ou créant des activités en Corse aux sociétés membres d'un groupe fiscal sont compensées par un relèvement à due concurrence des droits prévues aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, à faire précéder l'article 1er de la mention : « A.- »
L'amendement n° 7 a pour objet, au premier alinéa du paragraphe II du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, de remplacer les mots : « ou à l'article 64 » par les mots : « ou aux articles 64 et 65 ».
L'amendement n° 8, vise, au deuxième alinéa du paragraphe II du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, après les mots : « parts de sociétés, » à supprimer le mot : « des » et de remplacer les mots : « ainsi que des » par le mot : « et ».
L'amendement n° 9, tend à compléter in fine le quatrième alinéa du paragraphe II du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, par les mots : « ou de la même année d'imposition ; ».
L'amendement n° 10, a pour objet, dans la seconde phrase du paragraphe III du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, après les mots : « est clos l'exercice », d'insérer les mots : « , ou au 1er janvier de l'année d'imposition des bénéfices ».
L'amendement n° 11, vise, après le quatrième alinéa (b) du paragraphe IV du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'exonération ne s'applique pas aux contribuables qui exercent une activité de transport routier, lorsqu'ils sont autorisés à exercer leur activité hors de la zone courte des départements de Corse, dans les conditions prévues par décret. »
La parole est à M. le rapporteur pour défendre ces six amendements.
M. Michel Mercier, rapporteur. L'amendement n° 6 tend à aligner le régime de la zone franche corse sur celui des zones franches urbaines en rendant éligibles à l'exonération d'impôt sur les bénéfices les sociétés membres d'un groupe fiscal. En effet, les dispositions de l'article 223 A ne constituent pas un régime dérogatoire et les entreprises membres d'un groupe peuvent parfaitement bénéficier des exonérations de cette zone franche pour cette justification.
L'amendement n° 7 est un amendement de précision concernant l'évaluation forfaitaire sur les bénéfices agricoles.
L'amendement n° 8 est purement rédactionnel.
Les amendements n°s 9 et 10 sont également rédactionnels. Dès lors que les bénéfices agricoles sont inclus dans le champ d'application de l'exonération, il convient de viser non pas l'exercice, mais l'année d'imposition.
L'amendement n° 11 est un amendement de clarification et de coordination.
M. le président. Par amendement n° 69, le Gouvernement propose, après le quatrième alinéa ( b ) du paragraphe IV du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, d'insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, l'exonération ne s'applique pas :
« - aux contribuables qui exercent une activité de transport routier, lorsqu'ils sont autorisés à exercer leur activité hors de la zone courte des départements de Corse, telle que définie par décret. Lorsque ces contribuables sont exclusivement implantés en Corse, ils sont néanmoins exonérés pour la partie de leur bénéfice, déterminée au moyen d'une comptabilité séparée retraçant les opérations propres à l'activité éligible et appuyée des documents prévus à l'article 53 A, qui provient des prestations effectuées à l'intérieur de la zone courte ;
« - aux contribuables qui exercent une activité de transport aérien ou maritime. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Tout à l'heure, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra a présenté un amendement tendant à étendre à tous les transporteurs routiers l'exonération d'impôt sur les bénéfices, mais il l'a retiré au profit du présent amendement. En effet, cet amendement limite le bénéfice de la zone franche à la part de l'activité des transporteurs routiers interne à la zone courte et non plus à ceux qui exercent exclusivement leur activité à l'intérieur de la zone courte. Cela va dans le sens souhaité par M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. M. le président. Les cinq amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier, au nom de la commission.
L'amendement n° 12 tend, dans la première phrase du paragraphe V du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, à remplacer les mots : « de la date d'ouverture de l'exercice au cours duquel » par les mots : « du 1er janvier de l'année ou de la date d'ouverture de l'exercice au cours de laquelle ou duquel ».
L'amendement n° 13 a pour objet, dans la deuxième phrase du paragraphe V du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, après les mots : « entre le dernier jour de l'exercice », d'insérer les mots : « ou de l'année d'imposition ».
L'amendement n° 14 vise, dans la première phrase du paragraphe VI du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, à remplacer les mots : « que sa sauvegarde » par les mots : « qu'elle ».
L'amendement n° 15 tend, dans la première phrase du paragraphe IX du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, après les mots : « au dernier jour de l'exercice », à insérer les mots : « ou de l'année d'imposition ».
L'amendement n° 16 a pour objet, dans la première phrase du paragraphe XI du texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, de remplacer les mots : « dans les six mois qui suivent celui de la date d'entrée en vigueur de la loi n°... du ... relative à la zone franche de Corse » par les mots : « avant le 1er juillet 1997 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces cinq amendements.
M. Michel Mercier, rapporteur. L'amendement n° 12 est rédactionnel. Dès lors que les bénéfices agricoles sont inclus dans le champ d'application de l'exonération, il convient de viser également l'année d'imposition. Il s'agit du même thème que précédemment.
L'amendement n° 13 est également rédactionnel.
L'amendement n° 14 est encore rédactionnel. En effet, une activité présente plus d'intérêt économique et social pour la Corse que sa propre sauvegarde.
L'amendement n° 15 est aussi rédactionnel.
L'amendement n° 16 est un amendement de coordination. L'Assemblée nationale a souhaité, en effet, que l'entrée en vigueur des exonérations intervienne non pas à la date de promulgation de la loi, mais le 1er janvier 1997 pour les entreprises existantes.
M. le président. Par amendement n° 52 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Loridant et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le texte présenté par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts par un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« ... - L'application des dispositions ci-dessus est conditionnée par la création d'emplois sur la base de contrats à durée déterminée.
« Les avantages accordés doivent être remboursés lorsque l'entreprise procède à des licenciements économiques. »
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Par cet amendement, nous tenons à instaurer une contrepartie en termes de création d'emplois aux exonérations accordées par ce texte. Trop souvent, en effet, les parlementaires prévoient l'octroi de fonds publics, de déductions fiscales, sans lier ces mesures au problème numéro un : la lutte pour l'emploi.
Notre souci est également de refuser d'augmenter la précarité liée à la saisonnalité. C'est là que l'on mesure bien la fragilité du développement de la Corse, qui est fondé sur le « tout tourisme ».
Par ailleurs, nous souhaitons que les bénéficiaires des exonérations d'impôt sur les sociétés, d'impôt forfaitaire annuel ou d'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux ou agricoles prennent un engagement clair devant la nation.
Les affaires récentes concernant la distribution de fonds publics à perte, à l'exemple de JVC, devraient faire réfléchir à la mise en place d'un mécanisme de correction.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 46 et 51, ainsi que sur l'amendement n° 58 ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Les amendements identiques n°s 46 et 51 tendent à supprimer l'article 1er. Pour les raisons qui ont été évoquées précédemment, et parce que l'exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises existantes est subordonnée au maintien des bénéfices dans l'entreprise, ce qui est favorable à l'investissement et à l'emploi en Corse, j'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 58 prévoit de réduire l'effectif de salariés donnant droit à l'exonération de l'impôt sur les sociétés pour les professions libérales.
Il est vrai que, dans la rédaction actuelle de l'article 1er, le seuil de trois salariés peut paraître restrictif. Néanmoins, c'est un seuil qui a été communément admis lors de la discussion de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. J'ai moi-même déposé un amendement tendant à atténuer l'effet trop brutal qui pourrait résulter de ce seuil de trois salariés.
Par conséquent, je souhaite que M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra retire son amendement. Dans le cas contraire, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Louis-Ferdinand de Rocca Serra, l'amendement n° 58 est-il maintenu ?
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. C'est bien volontiers que je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 58 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 64, ainsi que sur les amendements n°s 69 et 52 rectifié ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Le sous-amendement n° 64 a pour objet de faire bénéficier les entreprises en difficulté qui exercent une activité de transport maritime ou aérien de l'exonération d'impôt sur les bénéfices.
Malheureusement, la commission ne peut émettre un avis favorable, car les activités de transport aérien et maritime sont expressément exclues du champ d'application de la lettre que la commission a reçue, et qui figure dans le rapport de l'Assemblée nationale.
Tout à l'heure, M. le ministre nous a expliqué qu'il fallait nous en tenir à la négociation qu'il avait menée avec peine à Bruxelles. Je lui donne donc satisfaction en émettant un avis défavorable sur son sous-amendement. (Sourires.)
L'amendement n° 69 n'a pas été examiné par la commission puisqu'il vient seulement d'être mis en distribution. Néanmoins, pour faciliter la discussion et essayer de trouver les solutions les meilleures possibles pour l'avenir de ce projet de loi, j'émets un avis favorable sur les deux premiers alinéas et un avis défavorable sur le dernier alinéa.
La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 52 rectifié. Il serait contre-productif d'étouffer davantage les entreprises qui sont à bout de souffle en raison du poids des contraintes qu'elles doivent supporter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 46 et 51, ainsi que sur les amendements n°s 61, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 52 rectifié ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. S'agissant de l'amendement n° 46, il n'est pas exact que les dispositions en vigueur permettent déjà l'exonération de l'impôt sur les bénéfices. L'exonération résultant du statut fiscal de 1994 ne concerne que les entreprises en société, c'est-à-dire les plus importantes. L'exonération issue de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ne concerne que les entreprises en création.
Ensuite, il n'est pas exact d'invoquer les distorsions de concurrence à propos de l'exonération des entreprises existantes. Bien au contraire, que penserait un commerçant ou un artisan qui survit difficilement depuis des années s'il ne bénéficiait pas de la zone franche et s'il voyait s'installer en face de lui un concurrent qui en bénéficierait ?
Enfin, il n'est pas exact de dire que l'exonération n'est qu'une aubaine pour les classes les plus favorisées. En effet, l'exonération ne s'appliquera qu'aux bénéfices maintenus dans l'entreprise ; elle ne concernera donc pas les bénéfices distribués. Si cet amendement n'est pas retiré, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 51, je m'interroge sur la volonté réelle de le faire aboutir puisque M. Minetti et les membres de son groupe ont déposé un autre amendement visant à modifier l'article 1er. J'émets donc un avis défavorable.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 61.
Il émet également un avis favorable sur l'amendement n° 6 et il lève le gage.
M. Michel Charasse. Encore des cadeaux !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 6 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le Gouvernement est également favorable aux amendements n°s 7, 8, 9 et 10.
M. Michel Charasse. Arrêtez ! Ils vont faire une indigestion !
M. le président. Vous n'avez pas donné l'avis du Gouvernement sur les autres amendements, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Nous avons le souffle court et la démonstration rapide, mais moins rapide que vous, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. Pourtant, vous êtes plus du Sud que moi ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. C'est à peu près pareil !
M. Michel Charasse. Ne vous faites pas de mal, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 11, sous réserve de l'adoption de l'amendement n° 69.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements n°s 12, 13, 14, 15 et 16. En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 52 rectifié.
M. Michel Charasse. Ce n'est pas Noël pour tout le monde !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 46 et 51, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 64, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6 rectifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il s'agit d'un amendement important et je veux expliquer pourquoi notre groupe votera contre.
On peut d'ailleurs se demander quel sera le coût de cet amendement pour lequel M. le ministre vient de lever le gage. Il vise à étendre le droit à exonération aux sociétés mères, ce qui va donc faciliter les délocalisations artificielles des sièges sociaux des grandes entreprises, notamment dans la distribution. D'ailleurs, lors de l'examen du projet de loi relatif au pacte de relance pour la ville, notre collègue M. Marini avait présenté un amendement analogue. A l'époque, nous avions voté contre cette disposition. Aujourd'hui, nous votons également contre le présent amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié, accepté par le Gouvernement.
M. Michel Charasse. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Michel Mercier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Je retire l'amendement n° 11, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 69.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je me rallie à la position de la commission. Aussi, je retire le dernier alinéa de cet amendement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 69 rectifié, présenté par le Gouvernement, et tendant, après le quatrième alinéa (b) du paragraphe IV du texte proposé par l'article 1er pour l'article 44 decies du code général des impôts, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'exonération ne s'aplique pas aux contribuables qui exercent une activité de transport routier, lorsqu'ils sont autorisés à exercer leur activité hors de la zone courte des départements de Corse, telle que définie par décret. Lorsque ces contribuables sont exclusivement implantés en Corse, ils sont néanmoins exonérés pour la partie de leur bénéfice, déterminée au moyen d'une comptabilité séparée retraçant les opérations propres à l'activité éligible et appuyée des documents prévus à l'article 53 A, qui provient des prestations effectuées à l'intérieur de la zone courte. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 69 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er bis

M. le président. « Art. 1er bis . - L'article 223 nonies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également exonérées de l'imposition forfaitaire annuelle prévue à l'article 223 septies les sociétés dont les résultats sont exonérés d'impôt sur les sociétés par application de l'article 44 decies lorsqu'elles exercent l'ensemble de leur activité en Corse. »
Par amendement n° 47, M. Charasse et les membres du groupe socialiste proposent de supprimer cet article.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. L'instauration d'une exonération de l'imposition forfaitaire minimale n'apportera rien de plus à l'économie corse. C'est pourquoi je propose de supprimer l'article 1er bis, qui résulte d'un ajout de l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Pour des motifs que nous avons largement développés, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 2

M. le président. « Art. 2. - A. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1466 B ainsi rédigé :
« Art. 1466 B . - I. - Sauf délibération contraire des communes ou de leurs groupements prise dans les conditions prévues à l'article 1639 A bis, les contribuables qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34, autres que celles définies ci-après, sont exonérés de taxe professionnelle, au titre des créations et extensions d'établissement intervenues en Corse entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2001, dans la limite d'un montant de base nette imposable fixé à 3 millions de francs par établissement, déterminé avant application de l'abattement prévu à l'article 1472 A ter. Cette limite est actualisée chaque année dans les conditions prévues au I de l'article 1466 A.
« Les activités exclues du bénéfice de l'exonération sont :
« - les activités de gestion ou de location d'immeubles, à l'exception de celles des établissements implantés en Corse et dont les prestations portent exclusivement sur des biens situés en Corse, ainsi que les activités bancaires, financières, d'assurances, de transport ou de distribution d'énergie, de jeux de hasard et d'argent ;
« - les activités exercées dans l'un des secteurs suivants : industrie charbonnière, sidérurgie, fibres synthétiques, pêche, construction et réparation de navires d'au moins 100 tonnes de jauge brute, construction automobile ;
« - les activités exercées dans le secteur de l'agro-alimentaire. Toutefois, les contribuables qui exercent leur activité dans ce secteur sont exonérés dans les conditions prévues au premier alinéa lorsqu'ils peuvent bénéficier des aides à l'investissement au titre des règlements (CEE) du Conseil n° 866/90, du 29 mars 1990, concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles ou n° 2328/91, du 15 juillet 1991, concernant l'amélioration de l'efficacité des structures de l'agriculture.
« L'exonération porte sur la totalité de la part revenant à chaque commune ou groupement de communes et ne peut avoir pour effet de reporter de plus de cinq ans l'application du régime de droit commun. Deux périodes d'exonération ne peuvent courir simultanément.
« Le montant des bases exonérées ne peut excéder chaque année, pour un même établissement, celui prévu au premier alinéa.
« En cas de changement d'exploitant au cours de la période d'exonération, celle-ci est maintenue pour la période restant à courir.
« II. - Dans les mêmes conditions que celles prévues au I, l'exonération s'applique aux établissements existant au 1er janvier 1997 situés en Corse :
« 1° En totalité, si l'effectif salarié total employé en Corse, par le contribuable, au 31 décembre de la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478 et retenue pour l'établissement des impositions au titre de 1997, est au plus égal à :
« - cinquante salariés, pour les établissements relevant des secteurs suivants définis selon la nomenclature d'activités française : construction, commerce, réparations d'automobiles et d'articles domestiques, transports terrestres sous réserve que les contribuables ne disposent pas d'une autorisation d'exercice en dehors de la zone courte des départements de Corse, location sans opérateur, santé et action sociale, services collectifs, sociaux et personnels,
« - et à trente salariés pour les établissements relevant des autres secteurs ;
« 2° Partiellement, lorsque l'effectif salarié total employé en Corse par le contribuable à la date visée au 1° est supérieur aux seuils mentionnés au 1°, selon le rapport constaté entre l'un ou l'autre de ces seuils, selon le cas, et l'effectif salarié total employé en Corse, par le contribuable, à la même date.
« L'exonération ne s'applique pas :
« - aux contribuables exerçant une activité de transport aérien, maritime ou routier lorsqu'ils sont autorisés à exercer leur activité hors de la zone courte des départements de Corse, en application des décrets n° 85-891 du 16 août 1985 et n° 86-567 du 14 mars 1986 ;
« - aux contribuables qui exercent leur activité dans le secteur de l'agro-alimentaire.
« La base exonérée comprend, le cas échéant, les éléments d'imposition correspondant aux extensions d'établissement intervenues en 1996. »
« III. - Dans les mêmes conditions que celles prévues au I, l'exonération s'applique, sur agrément, pour une durée de trois ans, aux contribuables qui emploient moins de deux cent cinquante salariés, lorsque leur entreprise est en difficulté et que sa sauvegarde présente un intérêt économique et social pour la Corse. Une entreprise est considérée comme étant en difficulté lorsqu'elle fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ou lorsque sa situation financière rend imminente sa cessation d'activité. Ces dispositions s'appliquent aux entreprises relevant du secteur de l'agro-alimentaire.
« L'agrément est délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies . Un contribuable ne peut se prévaloir qu'une fois du dispositif sur agrément accordé en application du présent article. La durée totale d'exonération ne peut excéder cinq ans au titre d'un dispositif d'exonération de plein droit et d'un dispositif sur agrément.
« IV. - Lorsqu'un établissement remplit à la fois les conditions pour bénéficier de l'exonération prévue au présent article et d'au moins l'une de celles prévues aux articles 1464 B, 1465, 1465 A, 1465 B et 1466 A, le contribuable doit opter pour l'un ou l'autre de ces régimes. L'option, qui est irrévocable, doit être exercée, selon le cas, dans le délai prévu pour le dépôt de la déclaration annuelle ou de la déclaration provisoire de taxe professionnelle visée à l'article 1477.
« V. - Pour l'application du présent article, l'effectif salarié est apprécié en prenant en compte les salariés bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'une durée de trois mois au moins. Les salariés à temps partiel sont pris en compte au prorata de la durée du temps de travail prévue à leur contrat.
« VI. - Pour l'application des I à III, les délibérations des communes et de leurs groupements ne peuvent porter que sur l'ensemble des établissements créés, étendus, changeant d'exploitant ou existants.
« VII. - Pour bénéficier de l'exonération prévue au présent article, les personnes et organismes concernés doivent satisfaire à des obligations déclaratives fixées par décret et à celles prévues à l'article 1477.
« VIII. - Pour l'application, en 1997, des dispositions du présent article :
« 1° Les communes et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent prendre leur délibération dans le délai de trente jours à compter de la publication de la loi n° du relative à la zone franche de Corse ;
« 2° Les redevables doivent déposer, au plus tard le 31 mars 1997, pour chacun de leurs établissements situés en Corse, une déclaration comportant tous les éléments utiles à l'appréciation des conditions d'exonération. Sont toutefois dispensés de cette obligation les redevables dont l'unique établissement est totalement exonéré en application du 1° du II. Cette dispense ne concerne pas les entreprises de transport terrestre. »
« B. - A compter du 1er janvier 1997, l'Etat compense, chaque année, la perte de recettes résultant, pour les communes, leurs groupements et les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, des exonérations prévues au présent article.
« Cette compensation est égale, chaque année et pour chaque commune, groupement de communes ou fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, au produit des bases exonérées par le taux de la taxe professionnelle applicable en 1996 au profit de la commune ou du groupement.
« Pour les communes qui appartenaient en 1996 à un groupement sans fiscalité propre, le taux voté par la commune est majoré du taux appliqué au profit du groupement en 1996.
« Pour les groupements qui perçoivent pour la première fois à compter de 1997 la taxe professionnelle au lieu et place des communes, en application des dispositions de l'article 1609 nonies C ou du II de l'article 1609 quinquies C du code général des impôts, cette compensation est égale au produit du montant des bases exonérées par le taux moyen pondéré des communes membres du groupement constaté pour 1996, éventuellement majoré dans les conditions fixées à l'alinéa précédent.
« C. - La diminution des bases d'imposition de taxe professionnelle résultant du présent article n'est pas prise en compte pour l'application des 2° et 3° du II de l'article 1648 B du code général des impôts. »
Sur cet article, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune, mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Je suis d'abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 48 est présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 53 est déposé par Mme Beaudeau, MM. Loridant et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 2.
La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Michel Charasse. L'instauration d'une exonération de la taxe professionnelle n'apportera rien de plus à l'économie corse, mais aggravera l'injustice fiscale et entraînera de très nombreux effets pervers. J'en ai d'ailleurs évoqué certains dans mon intervention, lors de la discussion générale.
Plusieurs dispositions existantes permettent déjà cette exonération dans la majeure partie des cas : la part départementale n'existe plus, un abattement de 25 % est déjà réalisé - en plus des 16 % de droit commun - et la Corse bénéficie des allégements issus de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. La Corse est une zone prioritaire, trente des cinquante et un cantons sont en ZRR, et il y a plusieurs ZRU. Au total, l'Etat prend déjà en charge 60 % de la taxe professionnelle. On rajoute une louche, très bien ! Je finis par me demander si on ne va pas arriver sur la taxe professionnelle à un impôt négatif, c'est-à-dire à inviter les contribuables qui ne paient pas la taxe professionnelle à passer à la caisse puisqu'on leur remboursera quelque chose en plus ! (Exclamations sur certaines travées du RPR.) C'est le système corse, chers amis, il faudra s'y habituer !
De plus, le dispositif est limité dans le temps et ne comporte aucune garantie de répercussion sur les salaires, sur l'emploi et sur l'investissement. D'ailleurs, comme au niveau national, une entreprise n'embauche ou n'investit que pour répondre à des commandes.
Et comme pour l'exonération d'impôt sur les bénéfices, elle apportera surtout un plus aux commerçants et aux entreprises prospères dont la situation ne justifie aucunement cet avantage.
Enfin, la zone franche pose des problèmes aux collectivités locales concernées : outre le fait qu'elle favorise les communes qui ont déjà des taux élevés en 1996, elle les prive de toute marge de manoeuvre. En conséquence, elles devront intervenir sur les taxes foncières et la taxe d'habitation si elles veulent accroître leurs ressources. En d'autres termes, l'injustice fiscale à l'égard des habitants et des ménages va s'accroître du fait de cette disposition et du blocage du taux de la taxe professionnelle.
Voilà pourquoi le groupe socialiste propose la suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 53.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 2 de ce projet de loi organise une exonération quasi totale de la taxe professionnelle.
En effet, alors que l'Etat prenait déjà en charge 60 % du produit de la taxe professionnelle, l'adoption de l'article 2 de ce projet de loi aboutirait, selon les chiffres avancés tant par le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale que par celui de notre collègue Michel Mercier, à ne laisser à la charge des contribuables que 6 % à 10 % du produit total de taxe professionnelle ! Autant dire rien !
Cependant, il n'est nullement prévu de contrepartie en termes de création d'emplois ou de progression du pouvoir d'achat des salariés.
A la lumière de l'expérience, on voit bien l'inefficacité de telles mesures. Si les différents abattements et suppressions de charges avaient permis de créer des emplois, cela se saurait !
De plus, comme pour l'exonération de l'impôt de solidarité et de l'impôt sur les bénéfices, cela profitera d'abord aux entreprises prospères, c'est-à-dire à celles qui en ont le moins besoin.
Les chiffres donnés par la direction générale des impôts nous montrent que la taxe professionnelle est devenue minime et que ce sont les ménages qui subissent les conséquences de cette politique ! Avec 279 millions de francs, la taxe professionnelle ne représente que 29 % du total du produit de la fiscalité directe locale en Corse. Ce chiffre est à rapporter au chiffre moyen national qui, lui, est de 49,9 %.
Ainsi, les collectivités locales pourront se retourner sur les seules marges de manoeuvre qui leur restent : la taxe d'habitation et la taxe sur le foncier bâti et non bâti, payées par les ménages, comme vous le savez.
Mes chers collègues, l'article 2 n'est pas seulement empreint d'inefficacité, il est aussi source d'injustice fiscale !
Voilà pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous invitent à adopter leur amendement de suppression de cet article.
M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier, au nom de la commission.
L'amendement n° 17 tend, dans la première phrase du premier alinéa du paragraphe I du texte présenté par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts, après les mots : « leurs groupements », à insérer les mots : « dotés d'une fiscalité propre ».
L'amendement n° 18 vise, dans la première phrase du premier alinéa du paragraphe I du texte présenté par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts, à remplacer les mots : « , autres que celles définies ci-après, sont exonérés de taxe professionnelle, » par les mots : « sont, sous réserve des dispositions des quatrième à neuvième alinéas ci-après, exonérés de taxe porfessionnelle ».
L'amendement n° 19 a pour objet :
A. - Après le premier alinéa du paragraphe I du texte présenté par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'exonération s'applique également, dans les mêmes conditions et limites, aux contribuables qui exercent une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 et dont l'effectif des salariés en Corse est égale ou supérieur à trois au 1er janvier de l'année d'imposition. »
B. - Pour compenser les pertes de ressources résultant du A ci-dessus, de compléter l'article 2 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de ressources résultant pour l'Etat de l'extension de l'exonération prévue par le A aux contribuables imposables à l'impôt sur le revenu des personnes physiques dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sont compensées par le relèvement à due concurrence des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 65, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le texte proposé par le A de l'amendement n° 19, à remplacer les mots : « aux contribuables » par les mots : « aux sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 18 et 19.
M. Michel Mercier, rapporteur. L'amendement n° 17 est un amendement de précision.
Il en est de même de l'amendement n° 18, qui, en outre, vise à coordonner les amendements n°s 20 et 22.
L'amendement n° 19 est un peu plus intéressant : l'Assemblée nationale a étendu l'exonération d'impôt sur les bénéfices et les charges sociales aux bénéfices non commerciaux des contribuables acquittant l'impôt sur les sociétés et employant trois salariés au plus. Sont ainsi visées les professions libérales soumises à l'impôt sur les sociétés qui emploient plus de trois salariés.
La taxe professionnelle a visiblement été oubliée. L'une des tâches du Sénat étant d'améliorer le texte, cet amendement a pour objet de réparer cet oubli. En outre, il vise à exonérer de taxe professionnelle toutes les professions libérales, y compris les contribuables acquittant l'impôt sur le revenu, dès lors qu'ils emploient trois salariés au moins.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 65.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. L'amendement n° 19 vise à compléter l'introduction par l'Assemblée nationale des professions libérales dans le dispositif de la zone franche en les exonérant de taxe professionnelle, ce qui est légitime.
Mais il va au-delà de ce qu'a voté l'Assemblée nationale pour l'impôt sur les bénéfices et les charges sociales patronales. En effet, il n'exige plus que les bénéficiaires de l'exonération soient soumis à l'impôt sur les sociétés.
C'est sur ce point que le Gouvernement ne peut accepter cet amendement. Il propose donc au Sénat un sous-amendement n° 65 pour s'en tenir, en matière de taxe professionnelle, au même champ qu'en matière d'impôt sur les bénéfices.
M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier, au nom de la commission.
L'amendement n° 20 tend à remplacer le deuxième alinéa du paragraphe I du texte proposé par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois :
« 1° Sont exclues du bénéfice de l'exonération ».
L'amendement n° 21 a pour objet, dans le quatrième alinéa du paragraphe I du texte proposé par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts, de remplacer le mot : « pêche, » par les mots : « pêche sous réserve des dispositions de l'article 1455, ».
L'amendement n° 22 vise à remplacer le cinquième alinéa du paragraphe I du texte proposé par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts par trois alinéas ainsi rédigés :

« 2° Sont seuls exonérés dans le secteur de l'agro-alimentaire :
« - les contribuables qui peuvent bénéficier des aides à l'investissement au titre des règlements (CEE) du Conseil n° 866/90, du 29 mars 1990, concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles ou n° 2328/91, du 15 juillet 1991, concernant l'amélioration de l'efficacité des structures de l'agriculture ;
« - sur agrément, les contribuables dont les méthodes de production sont conformes aux objectifs fixés par l'article premier du règlement (CEE) du Conseil n° 2078/92, du 30 juin 1992, concernant des méthodes de production agricoles compatibles avec les exigences de la protection de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces trois amendements.
M. Michel Mercier, rapporteur. L'amendement n° 20 est purement rédactionnel et vise à une coordination avec l'amendement n° 22.
L'amendement n° 21 est un texte de précision : à la demande de la Commission de Bruxelles, le secteur de la pêche est exclu de la zone franche. Il convient cependant de préciser que les artisans-pêcheurs restent exonérés de taxe professionnelle, en application du dispositif d'ordre général prévu par l'article 1455 du code général des impôts. Il est donc inutile de le prévoir de nouveau dans ce texte.
L'amendement n° 22 est un texte rédactionnel visant à rectifier quelques erreurs. La Commission de l'Union européenne a accepté d'inclure dans la zone franche, au titre du dispositif d'aide aux créations et extensions d'entreprises, les contribuables exerçant une activité agro-alimentaire compatible avec les exigences de la protection de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel. Or cette inclusion dans la zone franche, acceptée par Bruxelles, a été oubliée pour le dispositif relatif à la taxe professionnelle.
M. le président. Par amendement n° 23, M. Michel Mercier, au nom de la commission, propose de remplacer les sept premiers alinéas du paragraphe II du texte présenté par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts par neuf alinéas ainsi rédigés :
« II. - Les dispositions du I du présent article sont applicables aux établissements existant au 1er janvier 1997 situés en Corse.
« Toutefois :
« 1° L'exonération est partielle si l'effectif salarié total employé en Corse par le contribuabble, au 31 décembre de la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478 retenue pour l'établissement de l'imposition, est supérieur à :
« - cinquante salariés, pour les établissements relevant des secteurs suivants définis selon la nomenclature des activités françaises : construction, commerce, réparations d'automobiles et d'articles domestiques, transports terrestres sous réserve que les contribuables ne disposent pas d'une autorisation d'exercice en dehors de la zone courte des départements de Corse, location sans opérateur, santé et action sociale, services collectifs, sociaux et personnels ;
« - ou à trente salariés pour les établissements relevant des autres secteurs.
« L'exonération partielle s'applique en proportion du rapport constaté entre l'un ou l'autre de ces seuils, selon le cas, et l'effectif salarié total mentionné ci-dessus.
« 2° L'exonération ne s'applique pas :
« - aux contribuables qui exercent une activité de transport aérien ou de transport maritime ;
« - aux contribuables qui exercent une activité de transport routier, lorsqu'ils sont autorisés à exercer leur activité hors de la zone courte des départements de Corse, dans les conditions prévues par décret ; ».
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 70, présenté par le Gouvernement, et tendant, après les mots : « de transport routier », à rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 23 pour remplacer les sept premiers alinéas du paragraphe II du texte présenté par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts : « sauf pour les entreprises dont l'ensemble des établissements est situé en Corse, pour la partie de leur activité réalisée à l'intérieur de la zone courte des départements de Corse, telle que définie par décret ; pour l'application de cette disposition, les bases sont exonérées au prorata de la part de chiffre d'affaires réalisée dans la zone courte, au cours de la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478 et retenue pour la détermination des bases de taxe professionnelle ; »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 23.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
La rédaction prévue pour l'exonération de taxe professionnelle au profit des entreprises existantes ne fait pas ressortir le fait que le régime des créations et extensions d'établissements s'applique sous réserve de certaines exceptions spécifiques. Le mode de calcul de l'exonération partielle doit être précisé, et il est inopportun de citer nommément des décrets dans la loi.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 70.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Ce sous-amendement vise à étendre aux entreprises de transports routiers l'exonération de taxe professionnelle en proportion de leur activité à l'intérieur de la zone courte et non plus seulement à celles dont l'activité s'exerce exclusivement à l'intérieur de cette zone.
Cette proposition va dans le sens de l'amendement n° 58 présenté par M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra à l'article 1er.
M. le président. Par amendement n° 62, le Gouvernement propose de compléter l'avant-dernier alinéa du paragraphe II du texte proposé par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts par les mots : « sauf, sur agrément, à ceux mentionnés au neuvième alinéa du I. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Cet amendement est indispensable à la suite des modifications du texte intervenues pour permettre aux entreprises agro-alimentaires d'être exonérées de taxe professionnelle.
M. le président. Par amendement n° 24, M. Michel Mercier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le paragraphe III du texte présenté par l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts :
« III. - Les dispositions du I s'appliquent également aux contribuables qui emploient moins de deux cent cinquante salariés, lorsque leur entreprise est en difficulté et qu'elle présente un intérêt économique et social pour la Corse. Une entreprise est considérée comme étant en difficulté lorsqu'elle fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ou lorsque sa situation financière rend imminente sa cessation d'activité.
« Toutefois :
« 1° L'exonération s'applique, sur agrément, pour une durée de trois ans.
« L'agrément est délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies . Un contribuable ne peut se prévaloir qu'une fois du dispositif sur agrément accordé en application du présent III. La durée totale d'exonération ne peut excéder cinq ans au titre du I ou du II et du présent III.
« 2° L'exonération s'applique aux contribuables qui exercent leur activité dans le secteur de l'agro-alimentaire.
« 3° L'exonération ne s'applique pas aux contribuables qui exercent une activité de transport aérien ou maritime. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 66, présenté par le Gouvernement, et visant à supprimer le dernier alinéa (3°) du texte proposé par l'amendement n° 24 pour le III de l'article 1466 B du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 24.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à corriger quelques erreurs matérielles. La rédaction prévue pour l'exonération de taxe professionnelle au profit des entreprises en difficulté ne fait pas clairement ressortir que le régime des créations et extensions d'établissements s'applique sous réserve de certaines exceptions spécifiques. La commission propose qu'elles ne puissent pas bénéficier du dispositif spécifique aux entreprises de transport aérien ou maritime. Cette précision, qui a été oubliée, doit en effet être rétablie.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 66.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. L'exclusion du transport aérien ou maritime n'est pas imposée par la Commission européenne pour les entreprises en difficulté. Le Gouvernement souhaite donc tirer pleinement parti de l'autorisation de Bruxelles.
M. le président. Par amendement n° 25, M. Michel Mercier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le début de la première phrase du paragraphe IV du texte présenté par le A de l'article n° 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts :
« Lorsqu'un établissement remplit les conditions requises pour bénéficier de l'une des exonérations prévues aux articles 1464 A, 1464 B, 1465, 1465 A et 1466 A, le contribuable... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à rectifier un certain nombre d'erreurs dans les mentions d'autres articles du code général des impôts. Les dispositions concernées sont relatives à l'exercice du droit d'option entre le régime de la zone franche de Corse et d'autres régimes éventuellement plus favorables.
M. le président. Par amendement n° 54, Mme Beaudeau, MM. Loridant et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le V du texte présenté par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts, de supprimer les mots : « ou d'une durée de trois mois au moins ».
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti Comme à l'article 1er, cet amendement vise à ne pas encourager la précarité.
Les Corses souffrent actuellement du fait que le tourisme constitue une mono-activité. Telle est l'idée qui sous-tend notre proposition, que je vous invite à adopter, mes chers collègues.
M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier, au nom de la commission.
L'amendement n° 26 tend, après les mots : « organismes concernés », à rédiger comme suit la fin du paragraphe VII du texte proposé par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts :
« déclarent, chaque année, dans les conditions prévues par l'article 1477, les éléments entrant dans le champ d'application de l'exonération. »
L'amendement n° 27 vise à remplacer les deux dernières phrases du troisième alinéa (2°) du paragraphe VIII du texte présenté par le A de l'article 2 pour l'article 1466 B du code général des impôts par une phrase ainsi rédigée :
« Cette déclaration contient, le cas échéant, l'option prévue au IV. »
L'amendement n° 28 a pour objet de rédiger comme suit le premier alinéa du B de l'article 2 :
« B. - Dans les conditions prévues par la loi de finances, l'Etat compense, chaque année, à compter du 1er janvier 1997, la perte de recettes résultant pour les communes, leurs groupements dotés d'une fiscalité propre et les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle des exonérations prévues à l'article 1466 B du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces trois amendements.
M. Michel Mercier, rapporteur. L'amendement n° 26 vise à apporter une précision en vue de définir plus clairement le contenu des obligations déclaratives pour le contribuable souhaitant bénéficier du dispositif de la zone franche en Corse.
L'amendement n° 27 est également un texte de précision : il tend à réparer un oubli. En effet, rien n'est prévu pour l'exercice, en 1997, du droit d'option entre le régime de la zone franche de Corse et les autres régimes d'exonération éventuellement plus favorables.
Enfin, l'amendement 28 a pour objet de corriger un oubli et d'améliorer la rédaction de l'article 2. Le principe de l'annualité budgétaire impose de recourir à la formule « dans les conditions prévues par la loi de finances » chaque fois qu'est prévue une compensation versée par l'Etat aux collectivités locales subissant des pertes de base d'impôt. Sinon, nous risquerions d'être dans une situation d'inconstitutionnalité. Il faut citer l'article 1466 B du code général des impôts.
M. le président. Par amendement n° 55, Mme Beaudeau, MM. Loridant et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - Après le troisième alinéa du paragraphe B de l'article 2, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La compensation évoluera chaque année en fonction du taux moyen de taxe professionnelle votée par les communes de la collectivité territoriale de Corse. »
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter l'article 2 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Pour compenser les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'indexation de la compensation des exonérations prévues au présent article sur le taux moyen de taxe professionnelle votée par les communes de Corse, les mentions "500 000" et "un million de francs" prévues au premier alinéa de l'article 163 unvicies du code général des impôts sont respectivement remplacées par "400 000" et "800 000 francs". »
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Les dispositions que nous examinons vont aboutir à amputer sérieusement les ressources des collectivités locales. En effet, s'il est déjà critiquable de décider une exonération totale de taxe professionnelle, il est inacceptable à un double titre de la compenser à taux constant : d'une part, cela va avoir un effet de compression de la dépense des collectivités territoriales, notamment en matière d'investissement, donc un effet négatif pour l'emploi ; d'autre part, une telle mesure ne laisse aux élus locaux qu'une seule possibilité : augmenter l'imposition sur les ménages.
Il est trop facile de dire que l'usage veut que les compensations se fassent à taux constant ; on peut très bien faire évoluer ce taux en fonction du taux moyen voté par les communes de la collectivité territoriale de Corse.
M. le président. Par amendement n° 60, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra propose :
I. - Après le troisième alinéa du B de l'article 2, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La compensation évoluera chaque année comme la dotation globale de fonctionnement. »
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter l'article 2 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour le budget de l'Etat de l'indexation de l'évolution du montant de la compensation sur celle de la dotation globale de fonctionnement est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
III. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I. - ».
La parole est à M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Cet amendement va dans le même sens que le précédent et concerne la compensation induite par le présent texte à propos de la taxe professionnelle.
Comme pour le statut fiscal voté en 1994, la compensation induite par le texte que nous allons voter sera gelée pour cinq ans. Ce sont donc les taux de 1996 qui s'appliqueront sur la période. En revanche, l'assiette pourra s'élargir et les communes de Corse, déjà largement en difficulté, subiront alors une perte de ressources et supporteront, en quelque sorte, les avantages concédés par le dispositif de la zone franche.
Il serait donc nécessaire d'actualiser la compensation selon l'évolution de la DGF ; je crois d'ailleurs que d'autres amendements ont été déposés en ce sens.
M. le président. Par amendement n° 29, M. Michel Mercier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le C de l'article 2 :
« C. - La diminution des bases d'imposition de taxe professionnelle résultant des dispositions de l'article 1466 B du code général des impôts n'est pas prise en compte pour l'application des 2° et 3° du II de l'article 1648 B du même code. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement est purement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 48, 53, 62, 54, 55 et 60, ainsi que sur les sous-amendements n°s 65, 70 et 66 ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Pour des motifs que j'ai déjà longuement évoqués, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 48 et 53.
Le sous-amendement n° 65 est important. Je dois dire que je ne parviens pas, sur ce point, à comprendre la position du Gouvernement. Ce dernier vient de déposer toute une batterie d'amendements visant à étendre le champ d'application des exonérations à peu près dans tous les domaines et, sur ce point, le Gouvernement fait preuve d'une fermeté de roc. Il va donc rester une seule catégorie de contribuables soumis à la taxe professionnelle en Corse : les professions libérales payant l'impôt sur le revenu.
Je rappelle simplement, pour bien préciser les choses - il s'agit en effet d'une matière difficile - que nous ne visons pas l'impôt sur le revenu : tous les contribuables qui paient l'impôt sur le revenu ne sont pas exonérés !
Nous devons respecter l'égalité des contribuables devant l'impôt, aussi bien ceux qui vivent en Corse que ceux qui vivent sur le continent. Il ne s'agit donc ici que de la taxe professionnelle. Or on ne peut, au nom de l'égalité devant l'impôt, supprimer la taxe professionnelle pour les agriculteurs, les transporteurs routiers, les pêcheurs, les transporteurs aériens, bref pour tous ceux qui font quelque chose, ainsi que pour les professions libérales qui paient l'impôt sur les sociétés, sans compter tous ceux que j'ai oublié de citer.
M. Michel Charasse. Et l'évêque d'Ajaccio !
M. Michel Mercier, rapporteur. Lui, c'est le denier de Saint-Pierre, mais la loi sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat nous interdit d'en parler ici.
M. Michel Charasse. C'est vrai !
M. Michel Mercier, rapporteur. Quoi qu'il en soit, il n'y a aucune justification d'ordre juridique à ne viser que la seule catégorie mentionnée dans le sous-amendement n° 65. C'est la raison pour laquelle la commission y est défavorable.
La commission n'a pas pu examiner le sous-amendement n° 70, qui vient d'être déposé ; mais, compte tenu de l'esprit de bonne collaboration qui règne ce soir entre le Gouvernement et le Sénat, je pense pouvoir dire que, si nous avions examiné ce sous-amendement, nous aurions pu y être favorables.
L'amendement n° 62 vient également d'être déposé. Pour des raisons de hiérarchie des normes, et notamment de droit communautaire, la commission aurait cependant été sans doute conduite à y donner un avis défavorable.
J'en viens au sous-amendement n° 66.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le rapporteur, m'autorisez-vous à vous interrompre ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le président, pour faciliter le travail de M. le rapporteur, le Gouvernement retire, par cohérence avec le vote intervenu à l'article 1er, son sous-amendement n° 66.
M. le président. Le sous-amendement n° 66 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Sur l'amendement n° 54, la commission a émis un avis défavorable. La condition posée par l'amendement du groupe communiste républicain et citoyen ne nous semble pas correspondre à l'état de l'économie corse.
L'amendement n° 55, présenté par le même groupe, a pour objet d'indexer la compensation versée aux communes et à leurs groupements au titre de la perte de produit induite par la zone franche sur le taux moyen de la taxe professionnelle votée par les communes de la collectivité territoriale de Corse.
Cet amendement aurait pour conséquence, en quelque sorte, de laisser aux communes le soin de décider du montant de la compensation à payer par l'Etat sans que cela ait de répercussion sur leurs propres contribuables. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.
Enfin, l'amendement n° 60 vise à indexer la progression de la compensation versée aux communes et à leurs groupements au titre de la perte de produit induite par la zone franche sur l'évolution de la DGF.
Je voudrais lancer un appel à M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra pour lui dire, tout d'abord, que l'indexation qu'il propose n'est peut-être pas aussi bonne qu'il paraît à première vue compte tenu de la faible progression de la DGF, dont l'évolution peut parfois même être négative, ce qui serait tout de même ennuyeux !
Ensuite, tel qu'il est rédigé, cet amendement laisse subister en l'état le deuxième paragraphe du texte de l'Assemblée nationale. Il y aurait donc coexistence de deux régimes de compensation des pertes de produit.
Pour l'ensemble de ces raisons, je souhaite que M. de Rocca Serra retire son amendement, faute de quoi la commission y serait défavorable.
M. le président. Monsieur Louis-Ferdinand de Rocca Serra, l'amendement n° 60 est-il maintenu ?
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Compte tenu des explications que vient de donner M. le rapporteur, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 48, 53, 17 à 25, 54, 26 à 28, 55 et 29 ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 48 et 53.
Il est, en revanche, favorable aux amendements n°s 17 et 18.
Il retire son sous-amendement n° 65 à l'amendement n° 19, dont il lève le gage et auquel il est donc favorable.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 19 rectifié, et le sous-amendement n° 65 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 20 à 25.
Il est défavorable à l'amendement n° 54.
Favorable à l'amendement n° 26, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 27.
Il est favorable à l'amendement n° 28 et défavorable à l'amendement n° 55.
Enfin, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 29.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 48 et 53, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 70, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 23, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 62.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le président, nous allons très vite et je crains d'avoir retiré un peu rapidement tout à l'heure le sous-amendement n° 65, qui complète l'introduction par l'Assemblée nationale des professions libérales dans le dispositif de la zone franche. Les exonérer de la taxe professionnelle est, en effet, légitime.
L'amendement n° 19 rectifié va au-delà des exonérations qui ont été votées par l'Assemblée nationale pour l'impôt sur les bénéfices et les charges sociales patronales ! En effet, les bénéficiaires de l'exonération ne seraient plus soumis à l'impôt sur les sociétés. Le Gouvernement ne peut donc accepter cet amendement en l'état et tient à son sous-amendement n° 65.
M. le président. Monsieur le ministre, ce sous-amendement n° 65 a été retiré tout à l'heure par vous-même !
Par conséquent, je ne puis que vous donner acte de votre déclarations et vous suggérer, le Sénat s'étant déjà prononcé, de reprendre ce sous-amendement soit en seconde délibération, soit au cours de la navette.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Nous réglerons le problème en commission mixte paritaire, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. « Art. 3. - I. - Les dispositions de l'article 113 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) sont applicables aux gains et rémunérations versés aux salariés employés dans le ou les établissements des entreprises situés en Corse, dans les limites fixées aux III à VII ci-après et dans les conditions suivantes :
« - la réduction mentionnée au III dudit article 113 est applicable aux gains et rémunérations versés au cours d'un mois civil inférieurs ou égaux à 169 fois le salaire minimum de croissance majoré de 100 % ;
« - le montant de la réduction ne peut excéder 1 500 francs par mois civil et est déterminé par un coefficient fixé par décret ;
« - la réduction n'est pas cumulable, pour les gains et rémunérations versés au cours d'un mois civil, avec la réduction prévue à l'article 99 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
« II. - Les établissements visés au I du présent article sont ceux exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 du code général des impôts ou agricole au sens de l'article 63 du même code ainsi que les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés exerçant une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 du code général des impôts et dont l'effectif des salariés en Corse bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'une durée de trois mois au moins est égal ou supérieur à trois au 1er janvier 1997 ou à la date d'implantation en Corse ou de création de l'entreprise, dans les conditions fixées aux III, IV et V du présent article, à l'exception des établissements exerçant une activité :
« - de transport aérien, maritime ou routier lorsqu'ils sont autorisés à exercer leur activité hors de la zone courte des départements de Corse, en application des décrets n° 85-891 du 16 août 1985 et n° 86-567 du 14 mars 1986, à l'exception de ceux placés dans l'une des situations visées au III ou au V du présent article ;
« - de gestion ou de location d'immeubles, à l'exception de ceux des établissements implantés en Corse dont les prestations portent exclusivement sur des biens situés en Corse, ou une activité bancaire, financière, d'assurances, de transport ou de distribution d'énergie, de jeux de hasard et d'argent ;
« - dans l'un des secteurs suivants : industrie charbonnière, sidérurgie, fibres synthétiques, construction et réparation de navires d'au moins 100 tonnes de jauge brute, construction automobile ;
« - agricole ou agro-alimentaire, à l'exception de ceux placés dans l'une des situations visées au III, au 2° du IV ou au V.
« III. - Les dispositions du I du présent article sont applicables aux gains et rémunérations versés pendant cinq ans, d'une part, à tout salarié embauché entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2001 sous contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée d'au moins six mois et, d'autre part, à tout salarié d'une entreprise s'implantant en Corse au cours de cette période et dont l'emploi est transféré dans l'île. Dans le second cas, la durée de cinq ans s'apprécie à compter de la date à laquelle l'entreprise s'implante en Corse ou, si elle est postérieure, la date à laquelle l'emploi est effectivement transféré dans l'île.
« Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux établissements exerçant une activité agricole ou agro-alimentaire qui ne peuvent pas bénéficier des aides à l'investissement au titre des règlements (CEE) du Conseil n° 866/90, du 29 mars 1990, concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles ou n° 2328/91, du 15 juillet 1991, concernant l'amélioration de l'efficacité des structures de l'agriculture ou qui ne sont pas agréés au titre du 2° du a du VII de l'article 44 decies du code général des impôts.
« L'employeur ne doit avoir procédé à aucun licenciement pour motif économique dans un établissement situé en Corse au cours des six mois précédant l'embauche.
« Pour les entreprises ayant au moins un établissement en Corse au 1er janvier 1997, les embauches considérées doivent avoir pour effet de porter l'effectif employé dans le ou les établissements de l'entreprise situés en Corse à un niveau supérieur à un effectif de référence égal à l'effectif mensuel moyen employé au cours de l'année 1996 dans ce ou ces établissements, déterminé selon les modalités prévues à l'article L. 421-2 du code du travail. L'accroissement de l'effectif résultant de l'embauche est apprécié chaque mois et est égal à la différence entre le nombre de salariés rémunérés au cours du mois et l'effectif de référence.
« IV. - Les dispositions du I du présent article sont également applicables aux gains et rémunérations versés pendant cinq ans, à compter du 1er janvier 1997 par les entreprises ayant à cette date au moins un établissement en Corse, ou à compter de la date de leur implantation si elle est postérieure et intervient au plus tard le 31 décembre 2001, à un nombre de salariés limité, pour l'ensemble des établissements de l'entreprise situés en Corse, à :
« 1° Cinquante, lorsque l'activité des établissements relève des secteurs suivants, définis selon la nomenclature d'activités française :
« - construction,
« - commerce, réparations d'automobiles et d'articles domestiques,
« - transports terrestres lorsque l'entreprise ne dispose pas d'autorisation d'exercice de cette activité hors de la zone courte des départements de Corse, en application des décrets du 16 août 1985 et du 14 mars 1986 précités,
« - location sans opérateur,
« - services de santé et d'action sociale,
« - services collectifs, sociaux et personnels ;
« 2° Trente, lorsque l'activité relève d'autres secteurs que ceux visés au 1° ci-dessus, à l'exception des établissements exerçant une activité agricole ou agro-alimentaire et agréés au titre du 2° du a du VII de l'article 44 decies du code général des impôts qui ne sont soumis à aucun nombre limite de salariés.
« Les limites de cinquante et trente salariés visées au présent IV sont appréciées sur une base annuelle dans des conditions fixées par décret.
« V. - Les dispositions du I du présent article sont également applicables aux gains et rémunérations versés pendant une durée de trente-six mois à compter de leur agrément par les entreprises agréées au titre du VI de l'article 44 decies du code général des impôts.
« VI. - Le bénéfice des dispositions du présent article est subordonné à la condition que l'employeur soit à jour de ses obligations au 1er janvier 1997 ou à la date de l'implantation du premier établissement si elle est postérieure, à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale ou ait souscrit avec cet organisme un engagement d'apurement progressif de ses dettes.
« VII. - Supprimé. »
Sur cet article, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Cependant, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Je suis d'abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 49 est présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 56 est déposé par Mme Beaudeau, MM. Loridant et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Michel Charasse. Nous proposons donc de supprimer l'article 3.
Le renforcement des allégements de charges sociales patronales n'apportera rien de plus à l'économie corse.
Il s'agit, tout au plus, d'un léger mieux par rapport aux mesures déjà existantes. En outre, le dispositif, limité dans le temps, ne comporte aucune garantie de répercussion sur les salaires, sur l'emploi et sur l'investissement.
Enfin, l'efficacité de tels allégements apparaît bien aléatoire pour un coût nécessairement prohibitif. Les résultats des expériences de zone franche menées à l'étranger ou en France sont instructifs à cet égard : les coûts ont toujours été très importants pour très peu d'emplois réellement créés ; ce sont donc des emplois en or massif ! De même, la politique d'allégement des charges au niveau national, qui représente un coût de plus de 60 milliards de francs, n'a toujours pas fait la preuve de son efficacité. D'ailleurs, aucun chiffrage de créations d'emplois n'est énoncé dans ce texte alors que le coût des allégements est de 1,5 milliard de francs sur cinq ans.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 56.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 3 est le dernier volet d'exonérations, c'est-à-dire celui qui concerne les cotisations sociales patronales.
En toute logique, nous proposons la suppression de cet article 3. Certaines réductions de cotisations sociales sont d'ores et déjà applicables et appliquées. De plus, l'Assemblée nationale a réécrit le texte dans un sens qui aggrave la précarité. La précarité, les contrats de trois, six ou douze mois, est-ce cela le seul avenir que l'on promet à la jeunesse corse ? J'ai bien peur, monsieur le ministre, que ce ne soit là la volonté du Gouvernement.
Il est donc fort compréhensible que les organisations syndicales représentatives refusent, dans ces conditions, un tel projet de loi.
J'ajoute que cet article 3 pose le problème de la compensation pour l'URSSAF. On ne peut pas, d'un côté, avoir un discours énergique sur « le trou de la sécurité sociale » et, de l'autre côté, prendre des mesures pour le creuser.
M. Michel Charasse. Logique non corse !
M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier, au nom de la commission.
L'amendement n° 30 tend à rédiger comme suit le premier alinéa du paragraphe I de l'article 3 :
« I. - La réduction prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l'article 113 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995), est applicable aux gains et rémunérations versés aux salariés employés dans les établissements des entreprises situés en Corse, dans les limites fixées aux II à VII ci-après et dans les conditions suivantes : »
L'amendement n° 31, vise, dans le deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 3, à supprimer les mots : « mentionnée au III dudit article 113 ».
L'amendement n° 32 a pour objet de compléter in fine le paragraphe I de l'article 3 par un alinéa ainsi rédigé :
« En dehors des limites fixées aux II à VII ci-après, la réduction prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est applicable dans les conditions de droit commun. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces trois amendements.
M. Michel Mercier, rapporteur. Avec l'amendement n° 30, il s'agit d'apporter des précisions sur deux points différents.
Premièrement, c'est la réduction de cotisations définie à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale qui est applicable aux rémunérations des salariés, et non pas directement l'article 113 de la loi de finances pour 1996, qui ne fait qu'en modifier la rédaction.
Deuxièmement, il convient surtout de rappeler que cette modification, qui a consisté dans la fusion à titre expérimental de deux dispositifs antérieurs d'allégement de charges sociales, arrive à échéance le 31 décembre 1997. Le dispositif prévu pour la Corse devra donc être adapté si la réduction dégressive de droit commun n'est pas prorogée au-delà de cette date.
L'amendement n° 31 tire les conséquences du précédent.
Quant à l'amendement n° 32, il tend à prévenir toute ambiguïté. En effet, le dispositif de réduction des cotisations sociales prévu pour la Corse se présente comme une application particulière d'un dispositif de droit commun.
Le dispositif pour la Corse est plus favorable par l'étendue de la réduction, mais il est en même temps plus restrictif dans la mesure où certaines activités sont exclues et où des plafonds de 50 à 30 salariés sont prévus.
Il doit donc être précisé expressément que les entreprises touchées par ces limitations à raison de leur activité ou de leur effectif continueront à bénéficier de la réduction de droit commun.
M. le président. Par amendement n° 71 rectifié, le Gouvernement propose de compléter in fine le I de l'article 3 par un alinéa ainsi rédigé :
« - les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le dispositif d'exonération de charges sociales de la zone franche est plus favorable que le dispositif de droit commun.
Le présent amendement vise à éviter que le dispositif de la zone franche ne se cumule avec des avantages particuliers dont bénéficient certains secteurs d'activité comme les hôtels, les cafés, les restaurants, ainsi que les transports routiers, compte tenu des engagements récents pris par le Gouvernement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier, au nom de la commission.
L'amendement n° 33 vise à rédiger comme suit le début du premier alinéa du paragraphe II de l'article 3 :
« Le bénéfice de la réduction est réservé aux établissements exerçant... ».
L'amendement n° 34 tend, dans le premier alinéa du paragraphe II de l'article 3, à remplacer les mots : « les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés » par le mot : « ceux ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements.
M. Michel Mercier, rapporteur. L'amendement n° 33 est purement rédactionnel.
L'amendement n° 34 étend le bénéfice de la réduction de cotisations sociales à tous les établissements exerçant une activité libérale employant au moins trois salariés, qu'ils soient soumis à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu. Il est de la même veine qu'un amendement déposé à l'article précédent.
M. le président. Par amendement n° 63, le Gouvernement propose, dans le premier alinéa du paragraphe II de l'article 3, de remplacer les mots : « bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'une durée de trois mois au moins » par les mots : « apprécié sur une base annuelle dans des conditions fixées par décret ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Cet amendement est lié au suivant, déposé par M. le rapporteur. En effet, celui-ci, en supprimant toute date de référence pour l'appréciation du respect du seuil de trois salariés, conduit le Gouvernement à proposer d'évaluer ce seuil sur la base d'une moyenne annuelle, comme c'est le cas pour les autres seuils s'appliquant à l'effectif dans cet article.
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier, au nom de la commission.
L'amendement n° 35 tend, dans le premier alinéa du paragraphe II de l'article 3, à supprimer les mots : « au 1er janvier 1997 ou à la date d'implantation en Corse ou de création de l'entreprise ».
L'amendement n° 36 rectifié vise à remplacer le deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 3 par deux alinéas ainsi rédigés :
« - de transport aérien ou maritime, à l'exception de ceux placés dans la situation prévue au III du présent article ;
« - de transport routier lorsqu'ils sont autorisés à exercer leur activité hors de la zone courte des départements de Corse dans les conditions prévues par décret, à l'exception de ceux placés dans l'une des situations prévues au III ou au V du présent article ; ».
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements présentés par la Gouvernement.
Le premier, n° 67, a pour objet, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 36 rectifié pour remplacer le deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 3, de remplacer les mots : « prévue au III » par les mots : « prévue au III ou au V ».
Le second, n° 72, tend à remplacer le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 36 rectifié pour remplacer le deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 3 par les mots :
« - de transport routier, pour ceux de leur salariés qui n'effectuent pas la totalité de leur temps de travail à l'intérieur de la zone courte des départements de Corse, à l'exception des établissements placés dans l'une des situations prévues au III ou au V du présent article ; ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 35 et 36 rectifié.
M. Michel Mercier, rapporteur. L'amendement n° 35 traite exactement du même problème que celui que vient d'évoquer M. le ministre.
L'amendement n° 36 rectifié est d'ordre rédactionnel. Il porte tout d'abord sur la notion de « zone courte », qui ne s'applique qu'aux transports routiers, et non à tous les types de transport. Par ailleurs, par coordination avec le champ d'application défini à l'article 1er, les activités de transport aérien et maritime sont exclues du régime de réduction au titre des créations mais non pas au titre des entreprises en difficulté, qui sont visées au paragraphe V.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter les sous-amendements n°s 67 et 72.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Tout d'abord, je retire le sous-amendement n° 67.
M. président. Le sous-amendement n° 67 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le sous-amendement n° 72 étend le champ de la zone franche aux transporteurs routiers dans des conditions identiques à celles qui sont prévues aux articles 1er et 2.
M. le président. Les huit amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier, au nom de la commission.
L'amendement n° 37 tend à rédiger comme suit le troisième alinéa du paragraphe II de l'article 3 :
« - bancaire, financière, d'assurances, de transport ou de distribution d'énergie, de jeux de hasard et d'argent, de gestion ou de location d'immeubles lorsque leurs prestations ne portent pas exclusivement sur des biens situés en Corse ; ».
L'amendement n° 38 vise, à la fin du dernier alinéa du paragraphe II de l'article 3, à remplacer les mots : « visés au III, au 2e du IV ou au V. » par les mots : « prévues au III ou au V du présent article. »
L'amendement n° 39 a pour objet, après les mots : « et, d'autre part, », de rédiger comme suit la fin du premier alinéa du paragraphe III de l'article 3 : « à tout salarié dont l'emploi est transféré dans l'île au cours de cette même période. »
L'amendement n° 40 tend à rédiger comme suit le deuxième alinéa du paragraphe III de l'article 3 :
« Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables aux établissements qui peuvent bénéficier des aides à l'investissement au titre des règlements (CEE) du conseil n° 866-90, du 29 mars 1990, concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles ou n° 2328-91, du 15 juillet 1991, concernant l'amélioration de l'efficacité des structures de l'agriculture ainsi que, sur agrément, à ceux dont les méthodes de production sont conformes aux objectifs fixés par l'article 1er du règlement (CEE) du Conseil n° 2078-92, du 30 juin 1992, concernant les méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l'environnement ainsi que de l'entretien de l'espace naturel. »
L'amendement n° 41 rectifié vise, à la fin du cinquième alinéa du paragraphe IV de l'article 3, à supprimer les mots : « en application des décrets du 16 août 1985 et du 14 mars 1986 précités, ».
L'amendement n° 42 a pour objet, après les mots : « visés au 1° ci-dessus », de supprimer la fin du neuvième alinéa (2°) du paragraphe IV de l'article 3.
L'amendement n° 43 vise, dans le dernier alinéa du paragraphe IV de l'article 3 à supprimer les mots : « visées au présent IV ».
L'amendement n° 44 tend à rétablir dans la rédaction suivante le paragraphe VII de l'article 3 :
« VII. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article aux gains et rémunérations versés aux salariés relevant du régime de sécurité sociale des salariés agricoles, du régime spécial de sécurité sociale des marins ou du régime spécial de sécurité sociale des clercs et employés de notaires. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces huit amendements.
M. Michel Mercier, rapporteur. L'amendement n° 37 est purement rédactionnel ; il rend positive une formule qui n'était pas claire.
L'amendement n° 38 est un amendement de coordination.
L'amendement n° 39 est principalement rédactionnel et tend à réparer, en outre, une distorsion du champ de l'article en ne le limitant pas aux entreprises s'implantant en Corse. En effet, il n'y aucune raison pour qu'une entreprise déjà implantée en Corse qui transférerait un emploi du continent vers l'île ne bénéficie pas de la réduction.
Les amendements n°s 40 et 41 rectifié sont de nature rédactionnelle.
L'amendement n° 42 appelle plus de commentaires. L'Assemblée nationale a souhaité admettre au bénéfice de la réduction au titre des emplois existants les activités agri-environnementales sans aucun plafond d'effectif et cette extension de champ n'apparaît pas aux articles 1er et 2 du présent projet de loi. Elle ne semble pas non plus conforme à l'autorisation donnée par la Commission de Bruxelles.
Elle apparaît, au surplus, inapplicable, puisque l'agrément prévu au 2° du I du paragraphe VII de l'article 44 decies du code général des impôts n'est accordé qu'en cas de création ou d'extension d'activité.
L'amendement n° 43 est purement rédactionnel.
L'amendement n° 44 est un amendement de précision. En effet, la réduction prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ne concerne que les salariés du régime général. Les dispositions prévoient expressément son adaptation aux régimes spéciaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 49, 56, 71 rectifié et 63, ainsi que sur le sous-amendement n° 72 ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques de suppression n°s 49 et 56. Elle n'a pas pu examiner l'amendement n° 71 rectifié du Gouvernement, mais, si elle en avait eu le loisir, elle aurait certainement émis un avis favorable.
L'amendement n° 63 du Gouvernement tend à préciser la manière dont sera déterminé l'effectif minimal de trois salariés. La commission y est favorable, comme au sous-amendement n° 72.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 49, 56, 30 à 35, 36 rectifié, 37 à 40, 41 rectifié, 42 à 44 ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques de suppression n°s 49 et 56.
Le Gouvernement est, en revanche, favorable aux amendements n°s 30, 31, 32, 33, 34 et 35.
Il est également favorable à l'amendement n° 36 rectifié, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 72, qui a d'ores et déjà reçu un avis favorable de la commission.
Le Gouvernement est, en revanche, défavorable à l'amendement n° 37. La rédaction proposée peut conduire à penser que l'ensemble des activités citées bénéficient de la zone franche quand elles s'exercent exclusivement dans l'île. Telle n'est pas l'intention du Gouvernement, qui préfère la rédaction actuelle.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 38.
Il est favorable, en revanche, aux amendements n°s 39, 40 et 41 rectifié.
L'amendement n° 42, je l'ai dit à propos d'un amendement précédent de la commission, aboutirait à exclure totalement de la zone franche les activités agricoles qui ne sont pas en difficulté. L'avis est donc défavorable.
Enfin, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 43, mais défavorable à l'amendement n° 44.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 49 et 56, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 63, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 72, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 36 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 37.
M. Michel Mercier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Notre amendement visait simplement à supprimer une double négation, équivalent, en français, d'une affirmation. Si le Gouvernement tient à sa double négation, je la lui abandonne et retire l'amendement !
M. le président. L'amendement n° 37 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article additionnel après l'article 3

M. le président. Par amendement n° 57, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Minetti et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé une commission de contrôle des exonérations concédées dans le cadre de la loi n°... relative à la zone franche de Corse.
« Cette commission est composée de représentants de l'Etat, de représentants de l'assemblée de Corse, élus à la proportionnelle, de représentants des chambres consulaires, de représentants des organisations syndicales. »
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Cet amendement vise à rendre transparents tous les mécanismes d'exonération que la majorité parlementaire souhaite instaurer.
La transparence est, à notre sens, une condition essentielle pour garantir aux yeux de tous ceux qui nous regardent que ces exonérations ne serviront pas à avaliser des situations frauduleuses.
Le contrôle de l'attribution et de la distribution de fonds publics, que ce soit par le biais de la dépense publique ou de la dépense fiscale, est essentiel. On ne peut pas exiger des Français des sacrifices de plus en plus durs à supporter et, dans le même temps, jeter un voile sur l'argent public.
Le montant total des dispositions prises avec ce projet de loi devrait atteindre environ trois milliards de francs. Ce n'est donc pas une peccadille.
Nous sommes persuadés qu'une commission doit être créée pour contrôler ces exonérations afin que les forces vives de la Corse ne soient pas dessaisies.
La transparence, ce serait un signe fort que le Gouvernement et sa majorité devraient être à même de faire triompher. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Michel Mercier, rapporteur. La commission a estimé que l'article 4 satisfait la demande qui sous-tend cet amendement. Pour cette raison, elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 57, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

M. le président. « Art. 4. - Le Gouvernement présentera avant le 1er juillet 1999 un bilan intermédiaire de l'application de la présente loi. »
Par amendement n° 45, M. Michel Mercier, au nom de la commission, propose, dans cet article, de remplacer le mot : « présentera » par les mots : « déposera devant le Parlement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s'agit d'un simple amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 4

M. le président. Par amendement n° 3, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les charges incombant à l'Etat du fait des conséquences des attentats commis par des mouvements terroristes corses et visant, dans l'île comme en France continentale, les personnes et les biens publics et privés seront financées, à partir du 1er janvier 1997, par prélèvement à due concurrence sur les dotations financières allouées par l'Etat à la Corse soit au titre du contrat de plan, soit au titre de contrats particuliers, soit au titre des compensations financières spécifiques de toutes natures accordées à cette région. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, comme cela a été rappelé cet après-midi par plusieurs intervenants, on fait la bambula avec joie en Corse - ça saute et ça explose tous les jours et dans tous les sens ! - sans se soucier naturellement des frais de réparation qui incombent à l'Etat, qu'il s'agisse des biens publics ou des biens privés.
On nous dit, bien entendu, que règne en Corse une loi du silence qui fait que personne ne parle. On ne trouve jamais les plastiqueurs, on ne sait jamais d'où viennent les attentats. Bref, personne n'est responsable de rien ! En attendant, l'Etat déverse un flot d'argent, et nous sommes ce soir en train d'en rajouter allègrement.
Les destructions représentaient l'année dernière une charge pour le budget de l'Etat de 617 millions de francs, soit environ, pour une seule année, entre le tiers et le quart d'un contrat de plan moyen pour une région moyenne et pour cinq ans ! Ce n'est pas négligeable.
Je pense que la fête doit s'arrêter à un moment ou à un autre. C'est la raison pour laquelle je propose qu'à partir du 1er janvier 1997 les charges consécutives aux destructions par explosifs ou tout autre moyen soient imputées sur les enveloppes allouées à la Corse à quelque titre que ce soit. Au Gouvernement de faire le tri et de voir sur quel chapitre ou quelle ligne il prélève.
C'est pourquoi notre article additionnel est ainsi rédigé : « Les charges incombant à l'Etat du fait des conséquences des attentats commis par des mouvements terroristes corses et visant, dans l'île comme en France continentale - monsieur le président, vous voyez que je pense à la mairie de Bordeaux !...
M. le président. Je vous remercie de cette pensée, monsieur Charasse !
M. Michel Charasse. ... les personnes et les biens publics et privés seront financées, à partir du 1er janvier 1997, par prélèvement à due concurrence sur les dotations financières allouées par l'Etat à la Corse soit au titre du contrat de plan, soit au titre de contrats particuliers, soit au titre des compensations financières spécifiques de toutes natures accordées à cette région. »
Bref, les casseurs seront les payeurs si cet amendement est adopté !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Monsieur le président, la commission des finances a été naturellement sensible à l'ingéniosité de l'amendement n° 3 présenté par M. Michel Charasse. Toutefois, elle considère que cet amendement contrevient à certaines dispositions de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959.
Par ailleurs, elle estime que la pénalisation de la collectivité territoriale de Corse pour des actes commis par une minorité...
M. Michel Charasse. Non dénoncée !
M. Michel Mercier, rapporteur. ... est déjà suffisante sur le plan économique pour ne pas y ajouter une punition budgétaire.
M. Michel Charasse. C'est fait pour ça !
M. Michel Mercier, rapporteur. En conséquence, elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Défavorable.
M. Michel Charasse. Très bien ! 600 millions par an !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur à une date qui sera fixée par une loi ultérieure, en vertu de laquelle le Parlement constatera que l'ordre public est rétabli en Corse et que les lois de la République y sont appliquées comme dans l'ensemble des territoires de la République. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, il n'est plus l'heure de prolonger cette discussion. Je dirai donc simplement que cet amendement vise, dans l'esprit des travaux de la commission des finances, qui ont été rapportés avec beaucoup d'objectivité par M. le rapporteur, à préciser, puisque, je crois, nous en sommes d'accord les uns et les autres, même si nos votes ont été différents, que la loi qui accorde quelques cadeaux généreux supplémentaires - et pas des moindres puisque M. Minetti rappelait tout à l'heure qu'ils s'élevaient à 3 milliards de francs en cinq ans, soit à 600 millions de francs par an - s'appliquera lorsque l'ordre public aura été rétabli, ce rétablissement de l'ordre public étant constaté par la loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Monsieur le président, l'amendement n° 4 que présente M. Charasse rend compte d'un état d'esprit qui a été assez généralement partagé au sein de la commission des finances. Celle-ci a en effet souhaité vivement que le rétablissement de la paix publique et de l'ordre républicain puisse précéder l'entrée en vigueur de la zone franche en Corse. Toutefois, l'application de cet amendement poserait des problèmes très sérieux : par quels moyens constaterait-on, un beau jour, que l'ordre public est rétabli et que les lois sont respectées ?
C'est la raison pour laquelle la commission des finances, tout en adressant au Gouvernement un appel très solennel pour qu'il tienne la main à l'application des lois sur tout le territoire de la République et donc sur le territoire corse...
M. Emmanuel Hamel. Qu'il la tienne d'une main ferme !
M. Michel Mercier, rapporteur. ... a émis un avis défavorable sur l'amendement de M. Charasse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le Gouvernement émet le même avis que la commission : il est défavorable à l'amendement.
Même si l'on peut être sensible à l'argumentation de M. Charasse, on ne peut pas lier l'octroi d'une aide au retour à la paix civile dans l'île. Nous nous sommes longuement expliqués cet après-midi sur la volonté du Gouvernement de maintenir l'ordre républicain en Corse tout en apportant de quoi permettre à l'économie de la Corse de redémarrer et nous restons sur cette position.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. A l'issue de nos débats, le texte qu'il nous est proposé d'adopter reste fondamentablement insatisfaisant.
Les exonérations préconisées vont créer de nouvelles injustices fiscales, favorisant, d'abord et avant tout, les entreprises qui réalisent les plus gros bénéfices. Par ailleurs, elles font courir un danger réel de transformation de la Corse en paradis fiscal pour la grande finance.
De plus, comment ne pas souligner l'absence de toute contrepartie en termes de créations d'emplois, de redistribution de salaires, d'investissement dans de nouvelles capacités productives ?
Cette absence montre bien l'objectif de ce texte : celui-ci vise à légaliser nombre de situations douteuses voire frauduleuses.
C'est pourquoi vous avez refusé toute proposition améliorant la transparence et l'intervention citoyenne. Alors même que les contribuables, les habitants de notre pays exigent de savoir, de contrôler l'attribution et l'utilisation des fonds publics, ce projet de loi confirme l'opacité qui préside à l'obtention de subventions ou de déductions fiscales.
La volonté de remettre l'économie corse dans le bon chemin s'accommode mal de la création d'une véritable zone de non-droit.
Pour aider la Corse et les Corses, c'est un tout autre chemin qu'il nous faudrait emprunter.
En premier lieu, il conviendrait de rétablir l'ordre public.
En second lieu, selon nous, il faudrait que l'Etat affirme sa volonté de développer l'île de Beauté par la mise en oeuvre d'une politique de grands travaux et de grands équipements structurants, par l'aide à la construction de logements, par le relèvement du pouvoir d'achat des habitants, notamment par le biais d'une réelle prime d'insularité.
Toutes ces propositions d'avenir pour la Corse ne sont nullement prises en compte par le Gouvernement et sa majorité.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi.
Notre vote exprime notre confiance dans le peuple corse, qui doit retrouver au plus vite le chemin de la démocratie, de la prospérité et de l'épanouissement, dans le bonheur.
M. le président. La parole est à M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Au nom du groupe des Républicains et Indépendants, je tiens à remercier M. le ministre et M. le rapporteur pour leur démarche constructive et pour les conditions optimales dans lesquelles ce projet de loi, important pour l'avenir de la Corse, a été discuté.
Ce texte vient devant le Parlement au moment où la Corse vit une période très difficile et fait sans cesse la une de l'actualité.
Après vingt ans de dérive, nous pouvons, grâce aux efforts déployés par le Gouvernement d'Alain Juppé, entrevoir enfin des horizons plus sereins.
M. le Président de la République a évoqué pour la Corse la notion de solidarité. A travers les dispositions de ce texte, c'est bien de solidarité de la part de la nation tout entière à l'égard de la Corse qu'il s'agit.
Une manne financière de 600 millions de francs par an - 3 milliards de francs en cinq ans - va être mise à la disposition de l'économie insulaire, et elle s'ajoute aux mesures déjà arrêtées en 1994.
Soyez assurés que, avec de tels moyens, même si certains secteurs d'activités en sont exclus, l'île pourra faire du bon travail et se redresser.
Des avancées sont réalisées, c'est indéniable. Je tiens cependant à rappeler qu'il faudra être particulièrement vigilant dans l'application de ces mesures, notamment, comme vous l'avez suggéré, monsieur le ministre, par un bilan d'application, qui est prévu pour le mois de juillet 1999.
Je crois que le Parlement, dans sa grande sagesse, malgré les appréhensions et les réticences bien compréhensibles de certains, a fait oeuvre utile pour la Corse, ce dont je le remercie.
Je me réjouis de l'avancée significative que nous avons pu réaliser sur le délicat problème des transporteurs routiers grâce à la compréhension de M. le ministre et de M. le rapporteur ; mais je déplore de n'avoir pu les convaincre sur les professions libérales.
M. Michel Charasse. Encore trois ou quatre explosions et ça viendra !
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Il nous reste à nous mettre au travail, rapidement et avec efficacité. C'est l'intérêt d'une région qui n'aspire qu'au développement et au bien-être de ses enfants au sein de la République française...
M. Emmanuel Hamel. Au sein de la République !
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra ... dans la paix enfin retrouvée.
Le groupe des Républicains et Indépendants votera donc ce projet de loi.
J'ajoute que mon collègue M. François Giacobbi, absent de l'hémicycle pour raisons de santé, m'a confirmé son total soutien sur ce projet de loi et m'a chargé de vous dire qu'il l'approuvait dans sa globalité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Michel Charasse. Le groupe socialiste vote contre.

(Le projet de loi est adopté.)9

NOMINATION DE MEMBRES D'UNE
COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame comme représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Christian Poncelet, Michel Mercier, Philippe Adnot, Roland du Luart, Jacques Oudin, Michel Charasse et Mme Marie-Claude Beaudeau ;
Suppléants : MM. Denis Badré, Roger Besse, Guy Cabanel, Yann Gaillard, Gérard Miquel, Alain Richard et François Trucy.

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PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1996

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 125, 1996-1997) de finances rectificative pour 1996, adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 148 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues nous sommes appelés, à cette heure un peu tardive - mais c'est aussi l'heure des braves - à examiner le projet de loi de finances rectificative pour 1996.
Ce projet de loi procède aux ajustements rendus nécessaires par l'évolution de la conjoncture et par la mise en oeuvre des mesures décidées en cours d'année.
En préambule, j'exprimerai le souhait que les collectifs de fin d'année, sans se tranformer en loi de règlement, puissent retracer avec plus d'exhaustivité les opérations budgétaires de l'Etat. Je pense en particulier au rattachement des fonds de concours.
Permettez-moi également de regretter - et j'ai dans l'esprit les concours alloués aux entreprises publiques - un certain manque de précision dans la présentation des crédits qui sont, certes, à caractère évaluatif, mais dont l'évaluation pourrait sans doute, à ce stade, être plus rigoureuse.
Le présent projet de loi préserve l'équilibre qui avait été défini par la loi de finances de 1996, malgré une évolution défavorable de la croissance économique par rapport aux prévisions initiales.
Celles-ci tablaient sur une croissance du PIB de 2,8 %, qui reflétait le consensus des instituts de prévision.
La croissance devrait être, à la fin de 1996, de l'ordre de 1,2 % - 1,3 %, en retrait donc de 1,5 point par rapport aux prévisions du budget économique de septembre 1995.
Décevante, en 1996 l'activité a de surcroît quelque chose de déconcertant.
Elle varie très fortement d'un trimestre sur l'autre et, surtout, contre toute attente, elle est tirée par la consommation des ménages.
Ce phénomène est rendu possible dans un contexte de quasi-stabilisation du revenu disponible des ménages par une baisse importante de leur taux d'épargne.
Je note que le maintien de ce taux d'épargne au niveau atteint en 1996 n'est pas assuré pour l'avenir si les motifs de constitution d'une épargne de précaution par les ménages devaient à nouveau accroître leur propension à épargner.
Je relève aussi que, malgré une amélioration sensible de leur situation financière, les entreprises devraient exercer une influence négative sur la croissance.
Le déstockage s'est poursuivi et l'investissement n'a pas repris.
Les dernières informations conjoncturelles sont cependant de nature à nous laisser espérer que ces influences négatives sont en train de s'atténuer. L'investissement paraît plus dynamique et l'ajustement des stocks devrait s'interrompre.
Les conséquences de la révision de la croissance doivent être bien comprises.
Cette révision a d'abord rendu plus ardue la réduction du déficit budgétaire en 1996 et, dans ces conditions, il est remarquable que l'objectif de déficit nominal soit tenu, même si la part du déficit dans le PIB est un peu supérieure à la cible.
Mais elle confirme que notre économie reste en dessous de la croissance qu'elle pourrait connaître, ce qui a des conséquences très défavorables sur l'emploi.
Aux termes de ce collectif, les recettes du budget général devraient s'accroître de 4,7 % par rapport à 1995 contre 4,1 % initialement prévus.
La pression fiscale de l'Etat s'accroît de 0,5 point de PIB par rapport à 1995. C'est moins que prévu puisque l'augmentation de la pression fiscale devait représenter près de 0,8 point de PIB. Mais le produit de cette augmentation de la pression fiscale représente la presque totalité de la réduction de la part du déficit budgétaire dans le PIB. Il y a certes une moins-value de recettes fiscales, de l'ordre de 19 milliards de francs. Comme cela a été annoncé au moment du débat d'orientation budgétaire, les recettes de TVA sont révisées à la baisse de 22,1 milliards de francs. Mais les autres recettes fiscales s'accroissent par rapport aux prévisions et, en particulier, le produit de l'impôt sur les sociétés.
Surtout, il nous faut nous rendre à l'évidence et observer que l'augmentation de deux points du taux normal de TVA à compter du 1er août 1995 se traduit en 1996 par 52 milliards de francs de recettes supplémentaires sans lesquels le déficit budgétaire serait supérieur à 339 milliards de francs.
Or 339 milliards de francs, ce serait le déficit de 1995 plus 16 milliards de francs, et ce serait un déficit de 4,06 % du PIB contre les 3,6 % prévisibles en cette fin d'année.
Les justifications apportées alors à cette hausse transitoire étaient pleinement pertinentes. J'ajoute que, contrairement à ce qui est couramment affirmé, il est inexact que la hausse de la TVA soit entièrement supportée par les ménages. Après un délai, l'évolution des rémunérations indexées sur les prix atténue grandement l'impact de la mesure sur les revenus des ménages et conduit les entreprises à en supporter les effets.
Est-ce à dire que nous devons accueillir avec enthousiasme ce type de mesures ? A l'évidence, non, et vous avez eu l'occasion, monsieur le ministre, de rappeler leur caractère provisoire.
Les moins-values de recettes fiscales sont compensées par une hausse de la contribution des recettes non fiscales de 21,6 milliards de francs.
Le supplément de recettes non fiscales provient des reversements de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, et d'un ensemble de prélèvements divers au rang desquels il faut relever un versement supplémentaire du fonds de réserve de l'épargne populaire de 2,2 milliards de francs.
Les moins-values fiscales, les suppléments de recettes non fiscales et, enfin, la révision à la baisse des prélèvements sur recettes, liée surtout au prélèvement au profit du budget européen à concurrence de 7,8 milliards de francs, permettent d'accroître les recettes du budget général de 7,6 milliards de francs par rapport aux prévisions.
Au total, la contribution de l'ensemble des recettes du budget général à la diminution du déficit public dans le PIB est de 0,29 point sur 0,56 point.
Le complément doit être trouvé, d'abord, dans les comptes spéciaux du Trésor, dont la charge nette est améliorée de 6,8 milliards de francs, grâce essentiellement à l'évolution du compte d'avances sur impositions locales, mais aussi dans l'évolution des dépenses.
De la loi de finances initiale au projet de loi de finances rectificative, l'évolution des charges nettes du budget se traduit par une très légère augmentation de 0,9 %.
Cette évolution résulte, d'une part, des mouvements de crédits inscrits dans le présent collectif et, d'autre part, des deux décrets d'avance et des deux arrêtés d'annulation pris aux mois d'avril et de septembre derniers.
Dans le présent projet de loi de finances rectificative, les ouvertures de crédits s'élèvent à 41,47 milliards de francs. Les plus importantes sont les suivantes : 4,94 milliards de francs pour les dotations en capital aux entreprises publiques - je reviendrai dans un instant sur cette question ; 4,7 milliards de francs pour les aides personnelles au logement, notamment pour l'allocation de logement spéciale ; 2 milliards de francs pour la fin du dispositif de prime à la reprise des véhicules anciens ; 1,2 milliard de francs pour la défense au titre des opérations extérieures ; 1,1 milliard de francs pour la contribution de l'Etat au financement des transports collectifs en Ile-de-France.
Les annulations associées à ces ouvertures s'élèvent à 25,35 milliards de francs.
Outre les remboursements et dégrèvements d'impôts, elles concernent principalement : la charge de la dette du fait de la baisse des taux d'intérêt à court terme, pour près de 5 milliards de francs ; une économie de constatation au budget du logement sur les dépenses relatives au réaménagement des PAP de 765 millions de francs ; enfin, l'annulation de 200 millions de francs sur les crédits du patrimoine monumental.
Les décrets d'avance et arrêtés d'annulation du 10 avril et du 26 septembre derniers ont procédé à des mouvements ayant pour résultat un accroissement des charges de 2,88 milliards de francs.
Au total, les dépenses de l'exercice 1996 s'élèveront à 1 617 milliards de francs, en augmentation de 0,9 % par rapport à la loi de finances initiale et de 2,2 % par rapport au budget de 1995. Autrement dit, la progression des dépenses est légèrement inférieure à celle du PIB, ce qui est un progrès remarquable par rapport aux exercices précédents.
En conséquence de ces variations de dépenses et de recettes, le déficit du budget pour 1996 s'accroît seulement de 179 millions de francs et atteint 288 milliards de francs.
Avant de conclure, je voudrais revenir brièvement sur un problème qui nous semble important et qui a retenu l'attention de l'Assemblée nationale : il s'agit des dotations en capital aux entreprises publiques.
Le projet de loi de finances, par divers moyens budgétaires, aboutit à porter à 36,1 milliards de francs l'ensemble de ces dotations.
Nous avons obtenu quelques informations que l'Assemblée nationale n'avait pas avant le débat en séance publique sur la répartition de ces dotations.
Il me semble toutefois que, compte tenu de l'importance des montants en jeu - 36 milliards de francs - qui représentent le dixième budget civil de l'Etat, soit plus que le budget de l'agriculture, plus que celui de la justice - je me réjouis de constater que le Président de la République se préoccupe de la justice de notre pays - plus encore que le budget de la recherche, plusieurs remarques s'imposent.
Tout d'abord, le flou qui entoure l'évaluation des dotations en capital au secteur public traduit un manque de vision stratégique de l'Etat actionnaire.
Ensuite, la commission des finances estime que l'imputation budgétaire de ces dotations manque de clarté : pourquoi certaines dotations sont-elles inscrites au budget des charges communes alors que d'autres proviennent des comptes d'affectation spéciale ?
Enfin, nous considérons que des incertitudes pèsent encore sur ces dotations : les recettes encaissées à ce jour, et nous sommes très proches de la fin de l'année, ne paraissent pas à la hauteur des besoins estimés - il pourrait manquer, nous semble-t-il, 4 milliards à 5 milliards de francs. Ainsi, les versements projetés au bénéfice de l'EPFR, la structure de défaisance du Crédit Lyonnais - notre collègue Yann Gaillard a spécialement attiré notre attention sur ce point - paraissent insuffisants pour commencer à provisionner les pertes en capital que cet établissement va devoir supporter.
Pourriez-vous nous apporter quelques réponses sur ce point, monsieur le ministre ? Le Parlement se sent un peu tenu à l'écart de cette ligne de dépenses.
En conclusion, je souhaite souligner le côté positif de la réduction du déficit budgétaire en 1996, alors que la croissance n'a pas été conforme aux prévisions. Cette réduction a été permise principalement par un accroissement des recettes, puisque les dépenses sont certes freinées mais non encore réduites en valeur absolue.
Le défi qui se présente désormais à nous est de stabiliser, voire de réduire ces dépenses en 1997, avant de les réduire encore plus au cours des prochaines années. Chacun mesure l'ambition d'un tel objectif, pourtant indispensable à l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, pour faire gagner du temps au Sénat, je me propose de ne prendre la parole qu'à la fin de la discussion générale.
M. le président. Le Sénat vous en remercie, monsieur le ministre.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion des projets de loi de finances rectificative, pas plus que celle des textes portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, ne se prête guère aux grandes envolées et aux propos d'ordre trop général. La loi du genre est bien sûr de commenter ce qui figure dans le texte proposé, plutôt que de s'en évader pour se livrer à je ne sais quel vaste tour d'horizon. Je vais donc me tenir à l'épure.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vos idées nous intéressent toujours !
M. Philippe Marini. Merci, monsieur le rapporteur général ! Au demeurant, les idées que j'exprimerai seront très proches, bien sûr, de celles qui figurent dans le rapport écrit.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous n'en doutons pas ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. Mon intervention se limitera à la formulation de remarques portant sur quatre points.
J'observerai tout d'abord que ce projet de loi de finances rectificative illustre et met en valeur la maîtrise des finances publiques.
Cette maîtrise est réalisée, certes, grâce à une utilisation active des outils budgétaires tout au long de l'année, mais aussi grâce au recours à des arrêtés d'annulation.
Il faut en convenir, c'est bien l'utilisation conjoncturelle de cet outil que constitue l'amputation des crédits votés par le Parlement qui nous permet, qui vous permet, monsieur le ministre, en cours d'année, de suivre l'évolution de la conjoncture et, donc, celle des recettes de l'Etat.
Vous avez fait preuve, reconnaissons-le, de mobilité : vous vous êtes adapté à cette conjoncture. Les recettes s'étant, dans une certaine mesure, rétractées par rapport aux prévisions - les hypothèses économiques élaborées voilà un an n'ont pas été totalement vérifiées, c'est le moins que l'on puisse dire - vous avez utilisé l'arme des arrêtés d'annulation.
Il convient, tout en se gardant, bien sûr, de confondre loi de finances rectificative et loi de règlement, d'examiner le résultat et d'observer que l'exécution de cette loi de finances est conforme aux soldes qui avaient été annoncés à l'origine au Parlement.
Ma deuxième remarque a trait à la gestion de la dette publique et au poids de celle-ci.
Vous avez bénéficié, en 1996, des effets favorables de la politique économique qui a été conduite et qui s'est traduite par la décrue des taux d'intérêt. Cette décrue a mécaniquement permis à la charge de la dette publique de s'accroître moins qu'il n'était prévu dans la loi de finances initiale.
Cependant, malgré ce facteur favorable, dont l'effet représente 5 milliards de francs environ, la charge nette de la dette publique a augmenté en 1996 de près de 7 % par rapport à 1995, au lieu des 10 % prévus dans la loi de finances initiale.
Il est évident, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous ne pourrons pas nous « payer » chaque année un taux d'augmentation de la charge nette de la dette publique de 7 %. Mais nous savons bien à quelles contraintes nous sommes soumis et dans quelle urgente nécessité d'une politique de maîtrise persévérante et courageuse de la dépense publique nous nous trouvons.
Ma troisième remarque concerne la place importante que tiennent les entreprises publiques dans ce projet de loi de finances rectificative.
Nous sommes, à cet égard, fondés à nous interroger, monsieur le ministre, car, compte tenu des privatisations qui ont été réalisées - et c'est heureux - le secteur public qui demeure est en quelque sorte résiduel. Il s'agit des sociétés qui n'ont pas encore été privatisées et de structures que l'on a constituées pour permettre à l'Etat de porter le passif lié aux échecs qu'ont connus certaines de nos entreprises publiques.
Alain Lambert a évoqué l'EPFR, la structure de défaisance, du Crédit lyonnais. On peut citer également l'EPRD, qui remplit la même fonction concernant le Comptoir des entrepreneurs. Ces établissements publics ont pour objet de réaliser des actifs et donc de dégager des pertes qui vont, au fil des années, devoir être constatées dans nos lois de finances.
Quel est le poids des entreprises publiques ? Malgré un certain manque de lisibilité tenant à la dissémination des dépenses entre différents chapitres, le total des dépenses apparaît supérieur à 36 milliards de francs. Du côté des recettes, si je ne me trompe, les cessions de titres du secteur public auront représenté, en 1996, un peu moins de 23 milliards de francs, alors que la prévision était sensiblement supérieure. Aussi, en 1996, le poids du secteur public sur le budget de l'Etat est-il significatif. Les années précédentes, les recettes de privatisation étaient plus importantes ; il est même arrivé qu'elles excèdent les charges de gestion des entreprises publiques.
Les problèmes de lisibilité et de compréhension que la présentation de ces dépenses posent au Parlement ont été à juste titre soulignés par M. le rapporteur général. Mais il y a aussi un problème de fond.
En effet, nous sommes en droit de penser, en examinant certaines lignes, que les perspectives ne sont pas clairement tracées et que la vision stratégique fait, hélas ! défaut.
C'est en particulier le cas s'agissant de la politique comptable qui devra être conduite au regard des résultats des gestions hasardeuses du passé. Notre collègue M. Yann Gaillard, qui représente la commission des finances du Sénat au sein du conseil d'administration de l'EPFR, a appelé notre attention sur ce point. Nous ne savons pas exactement quelle politique comptable il convient de mener pour tenir compte des pertes en capital, pour anticiper ces pertes en capital. Et c'est évidemment une menace pour les futures lois de finances.
Certains esprits malicieux pourraient se dire que, si l'on comptabilisait les probables pertes à venir de l'EPFR comme on a comptabilisé celles du Crédit foncier de France au 31 décembre 1995, il y aurait probablement des provisions extrêmement lourdes à constater. Or elles n'ont pas pu l'être avec les méthodes qui ont été retenues et que l'on ne nous a d'ailleurs pas expliquées avec toute l'exhaustivité qui aurait été souhaitable.
Monsieur le ministre, tout cela constitue, certes, une réalité qui s'impose à vous, presque une fatalité. Elle n'est pas imputable à votre gestion : ce sont les gestions passées accumulées qui sont en cause. Il reste que les ordres de grandeur ne sont pas négligeables et qu'ils pèsent sensiblement sur les finances publiques à un moment où les marges de manoeuvres sont extrêmement réduites.
Ma dernière remarque, plus ponctuelle, relève du volet fiscal plutôt que du volet proprement budgétaire.
Je me demande, en particulier en étudiant l'article 14 bis, si l'on fait vraiment une bonne utilisation de l'outil législatif...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Quelle erreur !
M. Philippe Marini. ... et si l'on ne considère pas à tort que la loi est là pour tenir compte des comportements les plus tortueux, les plus pervers, afin de les pourchasser jusque dans les recoins les plus discrets, faisant subir du même coup à la généralité des contribuables des contraintes qui sont probablement en contradiction avec les objectifs initiaux de la législation.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Excellent !
M. Philippe Marini. C'est le problème que nous avons soulevé - M. le rapporteur général, notamment - à propos des rectifications que vous nous soumettez, monsieur le ministre, concernant le régime fiscal du plan d'épargne en actions.
Bien sûr, nous sommes très sensibles à ce que vous nous dites à la lumière des informations que vous tirez des contrôles fiscaux. Ce n'est certes pas dans cette assemblée qu'on serait susceptible d'avoir une approche indulgente à l'égard de comportements qui doivent, en toute logique, tomber sous le coup des procédures administratives et judiciaires existantes. Toutefois, nous nous demandons si, véritablement, nous faisons là une bonne utilisation de la loi et si nous ne nous mettons pas en contradiction avec nous-mêmes. En effet, si je ne m'abuse, c'est en 1995 que l'on a admis l'entrée dans les PEA des titres non cotés.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Exact !
M. Philippe Marini. On l'a fait dans le but de faciliter l'investissement en fonds propres dans les petites et moyennes entreprises.
Bien entendu, l'absence de cotation est un facteur assez perturbant au regard du principe même du plan d'épargne en actions. Dès lors, vous nous proposez une sorte de substitut de marché : un taux normatif de rémunération du capital, en l'espèce 10 % du prix de revient des titres non cotés dont il s'agit.
Cela soulève des questions, des objections, que nous aurons l'occasion de formuler au cours du débat.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Nous comptons sur vous !
M. Philippe Marini. Pourquoi montrer du doigt ces titres non cotés et apprécier leur rentabilité en fonction du prix de revient, alors que, pour tous les titres qui sont échangés sur un marché, la rentabilité s'apprécie par rapport à la valeur que, précisément, établit le marché ?
Nous y reviendrons certainement au cours de la discussion des articles, mais vous me permettrez, monsieur le ministre, d'exprimer dès à présent...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Des doutes ?...
M. Philippe Marini. ... des doutes, en effet, quant au bien-fondé de la méthode.
Vous savez que des amis fidèles sont aussi des amis vigilants et que l'on ne peut s'appuyer que sur ce qui résiste un peu.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il y a les amis nobles et ceux qui le sont moins !
M. Philippe Marini. Vous ne doutez donc pas que c'est dans un esprit de confiance et pour inciter le Gouvernement à tenir compte de nos observations que nous formulons ces remarques, étant entendu que, sur les objectifs que vous affichez dans ce projet de loi de finances rectificative en matière de maîtrise des dépenses publiques, et aussi eu égard aux résultats que vous avez déjà obtenus, le soutien le plus total et le plus amical du groupe du Rassemblement pour la République vous est acquis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. le rapporteur général applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative traduit parfaitement, avec un optimisme qui n'est pas celui, bien sûr, qu'a manifesté notre collègue voilà un instant, la politique économique et budgétaire suivie par le Gouvernement, une politique inadaptée et injuste ne répondant pas aux difficultés de notre pays et, de plus en plus, sans direction précise. Ce n'est pas la grande soirée télévisée qui a eu lieu voilà quelques jours qui le dément.
En conséquence, le groupe socialiste émettra - ainsi, ce sera clair tout de suite - un vote négatif sur ce projet de loi de finances rectificative pour 1996.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Oh !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Nous sommes surpris !
M. René Régnault. Le budget pour 1996 avait été présenté par le Gouvernement comme un budget de rigueur respectant le cheminement de la réduction des déficits publics pour satisfaire aux critères européens et remédiant à la situation budgétaire qualifiée de « calamiteuse » - ce n'est pas à mon groupe que vous sauriez le reprocher - laissée par M. Balladur.
Le déficit budgétaire devait donc être réduit de 10 %, soit 32 milliards de francs, par rapport à celui de 1995, grâce notamment à une faible hausse des dépenses.
Aujourd'hui, vous nous présentez ce collectif, monsieur le ministre, en vous targuant d'avoir rempli votre contrat : le déficit a été maintenu dans l'épure initiale. Cependant, à y regarder de plus près, ce résultat a été obtenu de manière artificielle et négative pour l'économie de notre pays.
Pour faire face aux pertes de recettes fiscales causées par une faible croissance, dont vous êtes malheureusement en grande partie responsable, et à l'augmentation importante des dépenses, vous avez dû recourir, malgré une baisse des taux d'intérêt bienvenue et une réduction des prélèvements pour l'Union européenne, elle aussi bienvenue, à de très forte annulations de crédits dans des secteurs d'avenir ou bien nécessaires à l'emploi, à la solidarité et à la cohésion sociale. Vous avez même procédé à des prélèvements massifs sur des organismes publics.
En effet, le premier constat qui s'impose, c'est l'existence de moins-values fiscales : 23 milliards de francs. Quoi de plus normal quand la croissance, initialement prévue à 2,8 % - et encore, vous parliez l'année dernière de prévision prudente - devrait atteindre au mieux 1,3 % ? J'y reviendrai, car c'est là le coeur de la question. Je signale simplement que ces mauvaises rentrées fiscales proviennent essentiellement de la TVA - moins 22,1 milliards de francs - et des autres impôts indirects, tandis que vous enregistrez une hausse du produit de l'impôt sur les sociétés : plus 12,4 milliards de francs.
Ces évolutions contrastées de la TVA et de l'impôt sur les bénéfices illustrent une nouvelle fois ce que nous ne cessons de vous répéter : notre économie est confrontée à un problème de demande et non à un problème d'offre ; si les entreprises n'investissent pas et licencient, c'est bien par manque de débouchés et de confiance, et non du fait d'une insuffisance de profits.
Le second constat concerne la hausse des dépenses : on a constaté 51,1 milliards de francs de dérapages - 45,6 milliards de francs sur le budget général et 5,5 milliards de francs sur les comptes spéciaux. Les décrets d'avance du 10 avril et du 26 septembre dernier ont permis au Gouvernement de dégager 17,1 milliards de francs de crédits budgétaires nouveaux et ce collectif prévoit 33,4 milliards de francs d'ouverture de crédits nets, dont 27,9 milliards de francs sur le budget général.
Face à ces deux constats - baisse des recettes et hausse des dépenses - pour tenir le déficit, vous multipliez les prélèvements massifs sur les organismes publics et les annulations de crédits.
Le collectif fait en effet état d'une majoration de 21,5 milliards de francs de recettes non fiscales : reversement d'excédents de la COFACE et de la Banque française du commerce extérieur, la BFCE, pour 9 milliards de francs, versement supplémentaire au titre du fonds de garantie géré par la Caisse des dépôts et consignations, prélèvements opérés par les articles 1er et 2 du projet de loi. Au total, malgré les moins-values fiscales, les ressources nettes du budget général ont ainsi augmenté de 7,6 milliards de francs, soit 0,6 %.
Cette politique, qui consiste à multiplier les prélèvements sur les trésoreries des organismes publics, n'est pas saine : d'abord, parce qu'il s'agit de recettes non renouvelables ; ensuite, car loin d'être des « trésoreries dormantes », les réserves constituées par ces organismes auraient pu et auraient dû être utiles au financement de diverses actions. Ainsi, la taxe dite « sur les grandes surfaces » alimente le financement de l'allocation de départ des commerçants et artisans âgés ; elle alimente aussi le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC. Depuis cette année, elle peut également alimenter l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA, les régimes vieillesse de base des professions industrielles, commerciales et artisanales, l'aide aux stations-service rurales.
Est-on certain que les prestations du FISAC sont suffisantes ? Est-on certain que les nouvelles missions bénéficient des financements nécessaires quand on sait que le FISAC est loin de compenser les réductions drastiques de crédits budgétaires pour les aides directes à l'artisanat, aux PME et PMI, qui constituent pourtant l'un des rares secteurs à pouvoir afficher un solde net de créations d'emplois ?
Ainsi, pour des motifs de présentation budgétaire de court terme, vous mettez en péril des actions publiques essentielles à l'aménagement du territoire, à la création d'activités et aux services de proximité.
Cette remarque s'étend aux concours aux collectivités locales : 1996 est la première année d'application du pacte de stabilité, ou pacte de récession locale consacrant, figeant des enveloppes préalablement amputées indûment.
Du fait de la stagnation des dotations, les collectivités locales se sont retrouvées prises dans un effet de ciseaux entre des recettes malmenées et des dépenses qui augmentent et des transferts de l'Etat insuffisamment compensés, voire pas compensés du tout. En conséquence, les élus locaux ont dû recourir à de fortes hausses de la fiscalité locale directe - plus de 18 milliards de francs - et ont dû simultanément réduire une nouvelle fois leurs dépenses d'équipement.
L'année 1996 se solde par de très fortes annulations de crédits : 36,5 milliards de francs, soit plus de 2 % des dépenses initiales.
Cela me conduit à formuler deux remarques.
La première porte sur la forme : cette procédure consistant à remettre en cause pour des montants importants le vote du budget quelques semaines après son adoption n'est pas acceptable.
La seconde porte sur le fond : les gels de crédits, puis les annulations remettent en cause des actions dans des secteurs d'avenir. Ils amputent des crédits nécessaires à l'emploi, à la solidarité et à la cohésion sociale.
Par exemple, sur le budget de la défense, le solde des annulations de crédits sur l'exercice 1996 s'élève à 8,5 milliards de francs, soit presque 10 % des crédits budgétaires votés en loi de finances initiale.
Il est évident que, malgré les promesses du Gouvernement et les engagements du Président de la République, le budget du ministère de la défense est toujours considéré comme une variable d'ajustement de la régulation budgétaire. Or cette politique aura des conséquences graves sur l'organisation des armées, sur la disponibilité des forces, sur la situation des entreprises industrielles, avec des retombées néfastes pour l'emploi.
Les ponctions réalisées sur le budget de l'équipement militaire compromettent sérieusement le plan de charge des entreprises de l'armement. On obère ainsi le redressement de ces entreprises et on met en danger des milliers d'emplois.
Il serait préférable que le Gouvernement joue la carte de la sincérité budgétaire au lieu de faire voter des budgets-mirages, ce qui ne peut qu'accroître le déficit de confiance.
Je citerai un autre exemple en l'empruntant à l'analyse fort judicieuse de ma collègue Danièle Pourtaud ; chacun connaît l'intérêt qu'elle porte à la culture, notamment.
Dans le domaine de la culture, nous avons également assisté à une série d'annulations de crédits. Nous venons tout juste d'achever l'examen du budget pour 1997 et voilà que nous sommes appelés à revenir sur celui de 1996 qui a déjà fait l'objet, je le précisais voilà un instant, de contorsions et de transferts. Or nous allons de nouveau l'amputer.
Et j'imagine que, dans deux mois à peine, nous aurons l'occasion de commencer à dépecer un peu plus les maigres crédits prévus pour 1997, comme ce fut le cas en 1996.
Il faut bien admettre que le budget n'est plus qu'un vague reflet des crédits réellement affectés. J'aimerais rappeler à votre mémoire ce fameux gel de février 1996 : 1,2 milliard de francs avaient été gelés sur les 15,54 milliards de francs du budget de la culture prévus par la loi de finances initiale, soit près de 5 %.
Le gel de crédits, monsieur le ministre, n'est pas sans conséquence, d'abord parce qu'il crée des situations qui sont économiquement intenables pour de petites structures : certains théâtres vont rendre l'âme. Quant aux structures plus importantes - grands théâtres, musées ou opéras - celles-ci doivent contracter des emprunts qui leur coûtent jusqu'à 10 %, voire 15 %, de leurs subventions.
Mais venons-en à ce qui suit très généralement le gel de crédits, c'est-à-dire leur suppression. En effet, sur les 1,2 milliard de francs gelés au début du mois de février, vous avez finalement annulé 800 millions de francs. Les professionnels de la culture s'étaient alors mobilisés à l'endroit même où M. Jacques Chirac, Président de la République, leur avait promis le « 1 % », c'est-à-dire au théâtre des Bouffes du Nord. Devant leur réaction, vous aviez été contraints de reculer.
Dans ce collectif budgétaire, la culture subit une annulation des crédits à hauteur de 438 millions de francs. A cela s'ajoute l'annulation intervenue en septembre dernier de 221 millions de francs. Au total, les annulations pour 1996 représentent donc 660 millions de francs. Les crédits de la culture disponibles en 1996 ont baissé de près de 4 %, alors que les annulations prévues par le collectif budgétaire représentent 2 % des dotations initiales du budget de l'Etat.
La culture est donc, une fois de plus, particulièrement touchée.
Le patrimoine est de nouveau la cible des mesures prises par le collectif budgétaire.
La Délégation au développement et aux formations est une fois de plus particulièrement touchée : l'annulation des crédits représente près de 3 %.
Notons, par ailleurs, qu'une nouvelle pratique est apparue pour la première fois dans ce collectif budgétaire : on annule des crédits pour gagner l'ouverture d'autres crédits. Je veux parler de l'ouverture des crédits en faveur des dations en paiement d'oeuvres d'art. Ce sont 21 millions de francs qui sont annulés sur le chapitre 43-40 « spectacle et développement culturel », pour venir soutenir le système de la dation en paiement d'oeuvres d'art.
Aussi, les annulations que vous nous proposez aujourd'hui, dans ce contexte général de diminution du budget de la culture, ne font-elles que préfigurer l'hécatombe des crédits de la culture pour 1997.
La semaine dernière, monsieur le ministre, les professions de la culture se sont mobilisées pour défendre l'existence de la création vivante dans toutes sa richesse et sa diversité, ainsi que l'un de ses rouages essentiels aujourd'hui en France ; je fais allusion au système de l'indemnisation des « intermittents du spectacle ».
Ceux-ci sont descendus dans la rue ; ils ont occupé les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC. Leur mouvement est loin d'être terminé et il serait grand temps, monsieur le ministre, de prêter l'oreille à ceux qui grondent dans le monde de la culture, et d'ailleurs, plus généralement, dans la société. Là encore, c'est une bien mauvaise façon de préparer l'avenir !
Ces artifices et ces ponctions n'ont, en fait, qu'un seul objectif : cacher l'échec de votre gestion des finances publiques.
Depuis 1993, en dépit de la manne des privatisations - 140 milliards de francs - et des augmentations d'impôts sans précédent - 200 milliards de francs - les déficits publics sont toujours très élevés. Et cette législature aura vu une hausse de pratiquement 50 % du service de la dette !
Lorsque nous comparons nos résultats depuis 1993 avec ceux de nos partenaires économiques, un constat s'impose irréfutablement : nos résultats en termes de finances publiques sont de loin les plus mauvais.
Votre politique budgétaire aggrave la mauvaise santé de notre économie, mauvaise santé dont vous êtes, malheureusement, en grande partie responsable.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Oh !
M. René Régnault. Eh oui !
Notre pays est, en effet, en situation quasi récessionniste...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il est vrai que vous n'acceptez les héritages que sous bénéfice d'inventaire !
M. René Régnault. Cela ne marche plus ! Il n'y a plus personne pour vous croire, même pas vous ! L'héritage a bon dos, mais, depuis 1993, vous êtes au pouvoir ! Et vous y étiez peu de temps auparavant !
Je rappelais tout à l'heure qu'on avait qualifié la gestion qui avait précédé 1995 de « calamiteuse ». L'expression n'est pas de moi, je le souligne au passage !
Je disais donc que notre pays est en situation quasi récessionniste depuis l'arrivée de M. Chirac à la présidence de la République, avec un taux de croissance annuel de 1 % environ. M. le ministre de l'économie et des finances demeure, malgré tout - c'est l'une de ses qualités - envers et contre tout, optimiste puisqu'il a déclaré, au vu des résultats du troisième trimestre, que la croissance prenait de la consistance. Tout est dans la formulation et, comme diraient certains, l'essentiel, c'est d'y croire. Hélas ! sa conviction est peu partagée.
Malheureusement, ce résultat est en partie artificiel car il résulte, d'une part, d'un nombre de jours ouvrables favorable à l'activité et d'un pic de consommation généré par la fin de la « jupette » et, d'autre part, d'une bonne tenue de nos exportations du fait d'une reprise de la demande étrangère, ce qui ne doit pas être observé sans intérêt.
En conséquence, les conjoncturistes, comme l'INSEE, signalent qu'il n'y a toujours aucun signe tangible de reprise de l'activité ; ils tablent même sur un ralentissement de l'activité au cours des trois prochains mois et sur une croissance toujours et désespérément faible l'année prochaine.
Monsieur le rapporteur général, vous êtes vous-même peu optimiste, finalement.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ah bon ?
M. René Régnault. En appréciation générale, vous précisez que « notre évolution économique est déconcertante ». Mais, à vous lire - et je veux rendre hommage à la partie conjoncturelle de votre rapport, fort instructive, à la lecture de laquelle j'ai pris beaucoup d'intérêt - je ne trouve pas l'explication concordante.
Nous ne pouvons que faire le constat de la baisse du pouvoir d'achat de la majorité de nos compatriotes...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Là, vous ne me citez plus ; c'est votre propos !
M. René Régnault. C'est en effet mon propos, et vous avez raison de le souligner.
Nous ne pouvons que faire le constat, disais-je, de la baisse du pouvoir d'achat de la majorité de nos compatriotes - vous auriez pu le dire vous-même - celui-ci ne croissant que de 0,2 % en 1996 pour l'ensemble de la population. Conséquence logique : la demande demeure tendanciellement plate. L'INSEE prévoit une consommation très faible au premier semestre de 1997. D'où, autre conséquence logique, l'atonie de la demande qu'influencent négativement les perspectives de production, d'où absence de restockage et faible investissement.
Et cela, alors que nous constatons une importante appréciation du taux de marge des entreprises, ainsi que de leur taux d'épargne. Mais, et je vous cite, « les entreprises ont privilégié le choix, d'une part, d'accroître le volume de leurs acquisitions nettes d'actifs incorporels, d'autre part, d'améliorer leur capacité de financement ».
Tout cela converge, malheureusement, sur l'emploi avec la poursuite de l'accroissement du chômage. Depuis septembre 1995, le solde net est négatif. Au troisième trimestre, l'emploi salarié a même baissé de 0,1 %, soit 16 000 pertes nettes d'emplois sur les trois premiers trimestres de 1996. Rappelons que, vous aviez prévu, dans votre présentation du budget pour 1996, 300 000 créations nettes d'emplois. Là aussi, le déficit est considérable.
Et tout cela, comme le mentionne également fort justement M. le rapporteur, rend beaucoup plus difficile la réduction des déficits ; c'est évident. Autrement dit, il convient de changer non seulement de politique, mais aussi d'articulation entre les éléments qui la composent.
Les enchaînements sont donc malheureusement mécaniques. Et comme il faut dépasser le simple constat, monsieur le rapporteur, il convient de relier ces évolutions à la politique économique et budgétaire des gouvernements de MM. Balladur et Juppé. En faisant subir un choc fiscal par deux fois en quatre ans aux ménages, vous avez clairement cassé la croissance en amputant le pouvoir d'achat des Français, notamment des plus modestes, ce qui a aggravé le cercle vicieux que j'ai décrit : une consommation faible entraîne une atonie de la production et des investissements des entreprises, ce qui implique une hausse du chômage, une aggravation des déficits et une consommation faible.
Et comme il faut également en tirer des conséquences - sur ce point, on note un certain vide dans votre rapport - ces enchaînements conduisent à deux constats et à une conclusion.
Premier constat : la situation financière de nos entreprises n'est pas globalement un problème. Elles ont les disponibilités pour investir, embaucher et développer leur production.
Second constat : le problème, c'est la demande, et donc le pouvoir d'achat.
D'où la conclusion qui s'impose : il faut relancer la demande, et non poursuivre la multiplication des aides aux entreprises. Pourtant, vous faites le contraire.
Le rapport de notre excellent collègue Bernard Barbier, que l'on ne peut pourtant accuser d'avoir un faible pour les propositions socialistes,...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Dieu l'en garde !
M. René Régnault. ... est clair à cet égard. Il met en évidence un problème macro-économique spécifique à la France : « Ce problème réside dans la faiblesse du revenu et de la consommation des ménages. » Et il explicite les conséquences : une croissance plus faible que chez nos partenaires, l'obligation d'un troisième choc fiscal pour rester dans le pacte de stabilité budgétaire européen qui vient d'être adopté à Dublin, 279 000 chômeurs de plus au minimum sur les trois années 1996 à 1998. Mes chers collègues, il est nécessaire de changer de politique. Or M. Chirac, qui doit bien s'apercevoir de ces enchaînements, semble pétrifié devant son échec. Sa prestation télévisée a fait apparaître ce grand vide. Incapable de reconnaître son fourvoiement et de proposer un nouveau cap, il a préféré rendre les Français responsables des mauvais résultats. Cette absence de cap est particulièrement grave, car cela accroît la désespérance de nos compatriotes. Mais cela montre que pour changer de politique il faudra changer de majorité. C'est ce à quoi les socialistes, à travers des propositions sérieuses, s'emploient, et ce à quoi les Français se préparent.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Lentement !
M. René Régnault. Non, ils s'y emploient raisonnablement et sérieusement. Les Français au fil des jours comparent, et il est désormais clair qu'il existe une vraie différence, et elle est très nette. On l'a vu lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1997. On le voit aussi dans la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1996. Il y a donc bien deux politiques possibles et c'est ce à quoi les Français sont invités à réfléchir.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il y a une politique concrète et un rêve !
M. René Régnault. D'ailleurs, jour après jour, ils portent un intérêt de plus en plus grand aux propositions formulées par les socialistes. C'est la raison pour laquelle ils se préparent au changement, à l'alternance.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il faut trouver le financement !
M. René Régnault. Absolument, et on prendra l'argent là où il existe !
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative est le document de fin de budget qui fait le point sur l'exécution de ce budget et apporte les modifications nécessaires aussi bien en recettes qu'en dépenses.
Sur la méthode, il n'y a rien à dire, mais s'agissant du fond on peut s'interroger sur l'importance des bouleversements proposés par le Gouvernement qui, en fait, induisent un autre budget, ce qui pose le problème de la validité du budget voté et du rôle de contrôle du Parlement.
Quatre séries de mesures figurent dans le présent projet de loi.
Une première série de mesures consiste en la levée de ressources nouvelles, décrites dans les premiers articles du projet de loi, fondées sur quelques prélèvements au profit de l'Etat et aux dépens d'organismes publics ou para-publics.
Une deuxième série de mesures porte sur les arrêtés d'annulation des crédits d'un montant particulièrement élevé - plus de 40 millions de francs - qui viennent corriger les données de la loi de finances initiale de 1996 et portent atteinte, quant au fond, aux pouvoirs réels de la représentation nationale en matière de détermination des engagements de l'Etat et de définition des priorités de la politique publique.
Une troisième série de mesures comprend, pour sa part, des mesures de levée de recettes d'ordre et de recettes non fiscales qui posent d'importantes questions en termes de logique d'intervention de l'Etat.
Ainsi en est-il des prélèvements opérés sur la COFACE, la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, et la Banque française du commerce extérieur, dont le montant gage très largement les annulations de dettes des pays les moins avancés prévues à l'article 23 du présent projet de loi.
La quatrième série de mesures porte sur un certain nombre de dispositions tendant à valider des décisions contestées en juridiction administrative contentieuse et à ouvrir quelques postes supplémentaires de dépense fiscale pour le moins sujets à caution.
Ces quatre types de mesures sont le témoignage d'une politique budgétaire qui s'essouffle devant les difficultés que constituent les critères de convergence européens.
A en croire l'exposé des motifs du projet de loi, tout cela vise, évidemment, à permettre à notre pays de se retrouver dans le peloton de tête de la monnaie unique.
En conclusion, l'exposé des motifs précise en effet : « Avec ce projet de collectif, le Gouvernement se donne les moyens de respecter les objectifs de redressement des finances publiques fixés dans la perspective de l'Union économique et monétaire. Le besoin de financement des administrations publiques devrait pouvoir être contenu à 4 % du PIB comme initialement prévu. Les objectifs de réduction du déficit des administrations publiques seraient ainsi respectés pour la deuxième année consécutive - 4,85 % du PIB en 1995 - illustrant le redressement vigoureux engagé depuis le printemps 1995. »
Une telle appréciation de la situation paraît pour le moins un peu audacieuse, comme je vais, au nom de mon groupe, m'efforcer de le démontrer.
Nous devons d'abord nous interroger sur l'évolution des recettes fiscales de l'Etat.
C'est un euphémisme de dire que les prévisions de croissance inscrites dans la loi de finances initiale de 1996 ont été largement surestimées et que cette situation a, entre autres conséquences, pour effet de corriger l'ensemble des recettes fiscales réelles de l'Etat.
Les moins-value fiscales sont particulièrement importantes puisqu'elles dépassent 20 milliards de francs, pour l'essentiel imputables à la chute des recettes nettes de taxe sur la valeur ajoutée, ce qui démontre de manière spectaculaire la validité de notre opposition à la majoration du taux normal de cette taxe.
Comme nous le dénoncions en juillet 1995 et comme le dénoncaient les plus sérieux instituts de conjoncture, cette évolution de la TVA a eu clairement un effet récessif puissant, qui est aujourd'hui payé par l'ensemble de la collectivité.
Deuxième évolution : celle de l'impôt sur le revenu qui ne ressort pas, dans les faits, d'une évolution du revenu des ménages et notamment des ménages salariés, mais découle plutôt d'une surimposition de certains contribuables, notamment les célibataires et les divorcés, du fait d'une modification des règles du quotient familial.
Il n'est pas exclu de penser que, de fait, le taux de pression fiscale sur les ménages aura finalement augmenté en 1996, ce qui s'est traduit en particulier dans l'évolution complexe de la consommation populaire.
Il est, par ailleurs, significatif de relever que les revenus financiers, qui demeurent largement sous-imposés, ne peuvent masquer la poursuite de leur accroissement relatif dans les ressources des ménages.
Ainsi, si le produit de l'impôt de bourse, qui ne porte que sur une partie des revenus du capital, continue de baisser, les prélèvements libératoires sur les revenus concernés s'accroissent de près de 3 milliards de francs, soit un écart de 20 % par rapport à la loi de finances initiale, et une progression plus importante que celle du rendement de l'impôt sur le revenu.
Les recettes non fiscales du budget connaissent une évolution spectaculaire, avec une hausse de plus de 21,5 milliards de francs.
Cette hausse est imputable au prélèvement de 7,1 milliards de francs sur la COFACE et de 1,2 milliard de francs sur la BFCE, et à d'autres mesures d'ajustement liées aux pensions et aux dotations des collectivités locales.
Il comprend aussi un prélèvement de 3,4 milliards de francs sur les ressources du fonds de rémunération de la garantie de l'Etat sur les livrets d'épargne populaire, prélèvement pour le moins anticipé sur le résultat du déblocage des sommes déposées sur ces livrets, que le projet de loi de finances pour 1997 permet.
Le niveau des recettes d'ordre demeure donc particulièrement élevé et traduit que les astuces comptables - dénoncées hier à l'encontre des gouvernements d'avant 1993 et que, pour notre part, nous n'approuvions pas - continuent d'être utilisées par le présent Gouvernement.
Nous avons déjà souligné qu'il vaudrait mieux utiliser ces fonds pour alléger les taux d'intérêt servis aux emprunteurs mobilisant les ressources du livret A, des plans d'épargne logement ou des plans d'épargne populaire, mesure qui aurait en particulier pour conséquence de faciliter l'allégement de la contrainte financière pesant sur certaines opérations de construction de logements, de réalisation d'équipements locaux ou d'infrastructures indispensables à la satisfaction des besoins collectifs.
On doit enfin noter que, conformément aux règles de définition de la participation de la France au budget communautaire, le versement du budget général au budget de l'Union est corrigé de 7,8 milliards de francs et que le ralentissement des investissements des collectivités locales corrige de 1 milliard de francs le montant des sommes engagées au titre du fonds de compensation pour la TVA.
Observons à ce propos que, là encore, le projet de loi de finances pour 1997 est frappé de caducité, puisque la participation de notre pays au budget communautaire est, en fait, majorée de 6,8 milliards de francs si l'on prend en compte le collectif pour 1996.
Je voudrais maintenant dire quelques mots du problème des dépenses publiques.
Le montant des sommes engagées à l'origine dans le budget général était, en effet, de 1 558 milliards de francs. Le collectif porte le montant des dépenses budgétées au régime général à environ 1 573 milliards de francs. Le montant des dépenses budgétées par le projet de loi de finances pour 1997 s'établit, pour sa part, à environ 1 582 milliards de francs. Dans les faits, cela signifie que le mouvement de progression attendu des dépenses est donc de quelque six dixièmes de point entre le collectif et le budget pour 1997.
En réalité, une fois de plus, les ouvertures de crédit du collectif viennent remettre en question les crédits votés lors de la discussion de la loi de finances initiale.
L'exemple du budget du logement le montre de façon spectaculaire.
Outre le glissement vers les comptes d'affectation spéciale d'une part des dépenses liées au financement du prêt Périssol et à la participation de l'Etat au fonds de solidarité logement, que nous avons dénoncée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, le budget pour 1997 minore à dessein le montant des dépenses d'aides personnelles au logement et consacre la baisse des crédits d'aide à la construction et à la réhabilitation de logements.
Ainsi, il manque plus de 2 milliards de francs au budget de 1997 pour être simplement au niveau du montant corrigé des financements en faveur de l'aide personnalisée au logement et de l'allocation au logement, tel qu'il ressort du collectif.
Dans le même temps, les arrêtés d'annulation de crédit des 26 septembre et 13 novembre consacrent l'annulation de près de 2 milliards de francs en autorisations de programme pour les prêts locatifs aidés, les PLA, et les primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, les PALULOS et de plus de 1,4 milliard de francs en crédits de paiement.
Qui va payer le prix de ces évaluations budgétaires ? Ce seront, d'une part, les familles et allocataires des aides personnelles au logement, victimes de contrôles de plus en plus tatillons, du gel du barème, de la suppression de la prise en compte des frais de garde d'enfants, toutes mesures d'ordre réglementaire mises à l'ordre du jour et, d'autre part, la caisse nationale d'allocations familiales, qui devra faire face à des charges de trésorerie liées à la baisse des concours de l'Etat.
Verrons-nous le collectif de 1997 corriger, comme la tradition le veut, le montant prévisionnel des crédits et le majorer pour l'ajuster aux besoins ?
Devrons-nous constater, lors d'opérations de réhabilitation ou de construction de logements sociaux, le désengagement de l'Etat, notamment dans le cadre des grandes opérations pluriannuelles de rénovation des grands ensembles locatifs sociaux ?
Que les choses soient dites, une bonne fois pour toutes : la baisse de la dotation PLA-PALULOS engendre un renchérissement des opérations de construction et de réhabilitation de logements sociaux, qui entraîne lui-même une hausse des loyers de sortie des opérations et une pression supplémentaire sur le niveau de prise en charge des loyers par les aides personnelles.
Cette politique de gribouille continue et pose une question de fond récurrente et valable pour bien des dépenses publiques : où doit intervenir la dépense publique ? En amont ou en aval ?
Cette évolution des dépenses publiques nous interpelle d'ailleurs sur bien d'autres aspects.
Les annulations de crédits que l'on nous propose d'avaliser posent, je l'ai dit, le problème du contrôle de la représentation parlementaire sur la politique budgétaire de la nation.
Nous sommes donc contraints de porter un regard particulier sur deux autres arrêtés d'annulation du 26 septembre et du 13 novembre 1996. Le premier de ces arrêtés porte sur plus de 10 milliards de francs de dépenses budgétaires, et le second sur plus de 30 milliards de francs.
Outre les ajustements habituels de dépenses de personnel liées aux vacances de postes budgétés ou au non-remplacement d'agents mis à la retraite, l'arrêté du 26 septembre 1996 entérine des réductions importantes de crédits du titre IV, concernant, par exemple, le ministère des affaires étrangères et de la coopération pour près de 300 millions de francs, le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation pour les mêmes montants, le ministère de la jeunesse et des sports pour 50 millions de francs, les aides à la presse pour près de 200 millions de francs.
J'ai déjà parlé des mouvements opérés sur les crédits du titre VI du budget du ministère du logement, qui est le ministère le plus mis à contribution.
L'arrêté du 13 novembre 1996 porte, lui, sur des sommes particulièrement élevées : plus de 30 milliards de francs en prenant en compte les opérations des comptes d'affectation spéciale. Une part importante de ces annulations porte sur le budget des charges communes.
Si l'on peut se féliciter de la baisse du coût de la dette publique - plus de 9 milliards de francs - et constater que les moins-values fiscales ont mécaniquement un effet sur le niveau des dégrèvements et remboursements d'impôts - ici essentiellement la taxe sur la valeur ajoutée - on doit aussi relever de nouvelles coupes claires dans les dépenses publiques qui ne manquent pas de nous inquiéter, monsieur le ministre.
Ainsi, plus de 200 millions de francs de dépenses d'intervention et de crédits d'équipement sont-ils annulés pour la coopération.
Les mêmes dépenses du ministère de l'agriculture sont allégées de plus de 200 millions de francs, tandis que, par exemple, le budget de la culture est corrigé de près de 400 millions de francs en dépenses d'intervention et en crédits d'équipement. Sur ce poste, les réductions affectent l'aide au spectacle vivant et le financement de la rénovation du patrimoine monumental.
Je ne reviendrai sur les crédits du logement que pour constater que l'Etat se désengage totalement dans ce collectif de sa participation à l'ensemble des prêts d'accession à la propriété.
Il serait sans doute fastidieux de faire le bilan de toutes les coupes budgétaires opérées dans ce collectif, coupes qui traduisent en fait l'arbitraire de la logique comptable au détriment des fondements de la gestion publique, lesquels ne devraient être que la satisfaction des besoins collectifs que le marché est incapable de prendre en charge.
Ce projet de loi de finances rectificative traduit de mauvais choix et met clairement en porte à faux ce que nous venons à peine de voter dans le cadre de la loi de finances initiale. L'examen de ses dispositions réduit à leur juste mesure tant les caractères de la rénovation de la discussion budgétaire que l'opération poudre aux yeux du débat d'orientation du printemps.
Cet examen consacre l'assujettissement de notre pays aux contraintes imposées par les marchés, dans le cadre de l'Europe de Maastricht.
Il confirme que les choix budgétaires ont favorisé la récession, source de nouvelles difficultés pour les ménages modestes, les comptes publics et l'économie en général.
Il appelle clairement à une autre politique budgétaire et fiscale, une autre démarche de l'action gouvernementale, qui ne saurait d'ailleurs, à en croire le Président de la République lui-même, venir que d'un changement politique plus profond.
Il est temps pour le peuple de France qui travaille, qui lutte et qui souffre, de pouvoir atteindre plus vite, non pas les critères de convergence, mais une politique nouvelle de progrès et de justice sociale. Cette autre politique est possible ; elle est chaque jour revendiquée : dans les luttes des chauffeurs routiers, des conducteurs de bus, des intermittents du spectacle, des salariés de Thomson, des employés du Crédit foncier.
Elle est indispensable pour les millions de nos compatriotes qui sont privés d'emploi ou qui font la queue, depuis lundi dernier, aux restaurants du coeur.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen se font les porteurs de ces exigences fortes et voteront donc résolument contre le projet de loi de finances rectificative pour 1996. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure relativement avancée, je limiterai mon propos à quelques réflexions.
J'entends bien que le projet de loi de finances rectificative pour 1996 confirme plutôt la loi de finances initiale et que vous maintenez à 288 milliards de francs, pour 1996, le solde budgétaire, ce qui représente 3,65 % du produit intérieur brut. Tout cela va dans un sens que nous approuvons, qui est celui de la réduction programmée du déficit de l'Etat.
Même si nous constatons qu'un certain nombre de recettes n'atteignent pas exactement le niveau que nous souhaiterions, l'objectif global est tout à fait acceptable : nous sommes bien sur le chemin de l'assainissement des comptes publics, car l'année 1996 voit l'équilibre général adopté voilà un an quasiment respecté.
Cependant, monsieur le ministre, force est quand même de constater que le solde du budget général est dégradé d'environ 7 milliards de francs. La réduction du solde des opérations temporaires ne trouve sa contrepartie directe que dans l'aggravation du déficit des opérations définitives.
Il y a là un point sur lequel on peut s'interroger. La loi de finances initiale n'est certes pas modifiée en profondeur, nonobstant des moins-values fiscales non négligeables. En effet, les moins-values de TVA restent un élément important, permanent et pesant dont nous connaissons la signification, et certaines plus-values fiscales dues à l'impôt sur les sociétés ou à la taxe intérieure sur les produits pétroliers demeurent encore hypothétiques.
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la compensation des moins-values de recettes fiscales par une hausse significative de la contribution des recettes non fiscales de 21,6 milliards de francs. En particulier, le présent projet de loi de finances rectificative prévoit 7,1 milliards de francs de prélèvement sur la COFACE, la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, en contrepartie des dotations que l'Etat a été contraint de faire à cette dernière avant 1993.
Or, mes chers collègues, la COFACE, tel Janus, a deux faces, deux aspects qu'il est évidemment facile, voire légitime de distinguer : d'une part, en tant que société privée d'assurance, elle a pour rôle de couvrir certains risques en matière d'échanges commerciaux internationaux ; d'autre part, elle a pour mission d'appuyer nos exportateurs.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que, même si le fonctionnement juridique du retour à l'Etat de 7,1 milliards de francs peut s'expliquer - ce n'est d'ailleurs pas la première fois que cela se produit, car, autant que je me le rappelle, des prélèvements du même ordre ont eu lieu au début des années quatre-vingt - on peut néanmoins s'interroger sur le fait que vous n'ayez pas eu une vision plus dynamique de l'ensemble de cette institution.
Au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, monsieur le ministre, je m'étais permis de vous dire que vous n'aviez pas l'air de croire à votre propre budget et que, si vous nous proposiez un certain nombre de mesures dont vous espériez des effets efficaces, vous n'en prévoyiez pas les retombées.
La COFACE est excédentaire d'au moins 7 milliards de francs. Vous en « pompez » une partie, moeurs qui s'apparentent à ce qui se passe depuis quelque temps avec la CNRACL, la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, et que certains mauvais esprits assimilent à un pompage permanent.
Mais je suis bien obligé de constater que la même COFACE, s'agissant de son second volet, à savoir l'appui aux exportateurs, se comporte de façon telle, probablement pour des raisons budgétaires - mais c'était peut-être le moment de se poser des questions - que nos exportateurs ne se sentent pas suffisamment soutenus.
Monsieur le ministre, une interpellation majeure se profile derrière ma constatation : la COFACE travaille avec des lenteurs, des prudences, des tarifications excessives, voire des refus opposés à ceux de nos exportateurs qui essaient de placer notre pays sur des marchés qui sont difficiles pour l'instant mais prometteurs à terme. Je pense en particulier...
M. Emmanuel Hamel. A l'Asie du Sud-Est !
M. Paul Girod. ... à toute l'Europe de l'Est.
Sur l'Asie du Sud-Est, monsieur Hamel, la COFACE se comporte dans des conditions assez strictes, mais à la limite acceptables. Mais tel n'est pas le cas sur l'Europe de l'Est. Je veux bien que, pour des motifs politiques, on se lance sur des commerces restaurés avec l'Iran - à cet égard, la COFACE n'a pas fini d'enregistrer des pertes ! - mais je pense que, face au géant allemand, nous aurions intérêt à faire en sorte que la COFACE se comporte autrement, qu'elle revienne sur ses lenteurs, sur ses tarifications excessives, qu'elle examine avec un peu plus de souplesse ses motifs de refus. En effet, nous sommes en train de laisser nos concurrents s'établir de manière solide - et, je le crains, définitive - sur des marchés dont nous aurions pu retirer à terme un certain nombre de satisfactions.
En réponse à une question de M. Georges Durand, député, M. Galland, ministre du commerce extérieur a dit récemment que 70 milliards de francs d'excédents commerciaux généraient au minimum 25 000 emplois de plus. A 180 000 francs du coût moyen du chômeur, cela économiserait déjà 4,5 milliards de francs.
Croyez-vous vraiment, monsieur le ministre, que, si nous avions réaffecté à la partie privée les 7 milliards de francs que vous reprenez à la COFACE, nous n'aurions pas été capables de générer 70 milliards de francs d'excédents commerciaux ?
M. Emmanuel Hamel. On a plus !
M. Paul Girod. Bien entendu ! Mais tout le monde se satisfait du solde positif de 70 milliards de francs que nous avions fin octobre. Excusez-moi, mes chers collègues, mais, pour ma part, je ne me satisfais pas de ce chiffre. J'ai tendance à penser que, si notre politique était un peu plus dynamique et si la COFACE était un peu plus efficace, on pourrait peut-être se dire qu'un excédent commercial de 70 milliards de francs, c'est peu, et qu'un solde de 140 milliards de francs serait mieux ; un certain nombre d'emplois seraient alors probablement restaurés par le biais d'exportations, même si certaines d'entre elles comportent des risques. Or, à la suite de la politique menée, ce sont toutes les exportations sur certaines destinations qui sont bloquées.
Monsieur le ministre, il y a sur ce point un élément sur lequel je souhaiterais que le Gouvernement réfléchisse davantage : je sais bien que le retour des 7,1 milliards de francs sont sur une autre partie de la caisse de la COFACE. Mais, encore une fois, il aurait mieux valu, à mon avis, s'interroger sur un réemploi autre que l'abondement du collectif. En effet, la COFACE n'a pas pour rôle de régler les problèmes de collectif !
On dit que trop d'impôt tue l'impôt. C'est vrai, mais je crains beaucoup, monsieur le ministre, que trop de précautions ne tuent dans l'oeuf ce qui est probablement une des rares dimensions qui pourrait offrir de l'espoir à nos compatriotes.
Encore une fois, ayez une politique plus dynamique ! Je vous ai demandé, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, d'oser, pas de doser ! Je crois que nous avions là une possibilité de le faire mais que, pour des raisons, je le crains, trop étroitement comptables, on n'ait pas pensé à le faire à temps.
Je préférerais, monsieur le ministre, 4,5 milliards de francs de moins sur le budget du chômage, 70 milliards de francs d'excédents en plus et 25 000 emplois sauvés avec une dynamique recréée, plutôt que l'équilibre strictement comptable d'un collectif budgétaire, si talentueusement établi soit-il.
M. Emmanuel Hamel. Un Drang nach Osten à la française !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre aux principaux orateurs, je voudrais remercier le président et le rapporteur général de votre commission des finances, et je tiens en particulier à féliciter ce dernier de l'excellent travail qu'une fois de plus il a fait.
Il y a quelques semaines, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 1997, le ministre de l'économie et des finances et moi-même avions indiqué au Sénat que le cap du redressement durable de nos finances publiques était maintenant clairement fixé. Ce projet de collectif en est une nouvelle illustration.
Oui, monsieur Régnault, ce budget traduit en effet la politique économique du Gouvernement.
M. Régnault a ironisé. Je crois que le représentant du groupe socialiste est mal placé pour le faire ! N'appartient-il pas à la majorité qui, à l'époque, a préparé et négocié le traité sur l'union monétaire européenne ? C'est en effet la délégation française, contrairement à ce que l'on dit parfois, qui a alors demandé que, parmi les critères d'éligibilité à l'union monétaire, figure le déficit public. Et ce critère a été fixé, à ce moment-là, à 3 %.
A l'époque, en 1991, le déficit public de la France était de 1,5 % du produit intérieur brut. Et, quand le parti socialiste a quitté le pouvoir, en 1993, il était de 6 % du PIB.
Nous revenons à 4 % cette année,...
M. René Régnault. Ce n'est pas vrai !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. ... mais il est naturellement plus difficile de remonter un col que de le descendre !
M. René Régnault. C'est trop gros pour qu'on puisse le croire !
M. Philippe Marini. C'est la vérité !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Avec cette politique budgétaire, nous arrivons à réduire progressivement les déficits.
Comme cela a été relevé par tous les orateurs, soit pour s'en féliciter - et je remercie à cet égard les orateurs des groupes de la majorité - soit pour le déplorer, nous arrivons à maintenir le déficit, au franc près, au niveau qui avait été voté par le Parlement, soit à 288 milliards de francs.
Dans ce collectif, comme cela a été dit par M. le rapporteur général, les dépenses supplémentaires s'élèvent, en montant net, à 3,3 milliards de francs. Ce solde recouvre des ouvertures nouvelles de crédits à hauteur de 23,2 milliards de francs, compensées pour un peu moins de 21 milliards de francs par l'élimination de charges.
Parmi les dépenses nouvelles figure le renforcement de notre secteur public. C'est un point sur lequel M. Lambert comme M. Marini ont souhaité obtenir des renseignements supplémentaires.
Nous proposons d'ajouter une dotation supplémentaire en capital de 4,9 milliards de francs, ce qui nous permettra d'affecter aux entreprises publiques près de 36 milliards de francs en 1996, 8,7 milliards de francs provenant de ressources budgétaires et le reste correspondant au produit de la cession de titres.
Depuis le début de l'année, 12 milliards de francs de dotations en capital ont été versées aux entreprises publiques, principalement au bénéfice d'Air France, de Giat-Industrie et de la Société marseillaise de crédit. Les 24 milliards de francs restants permettront à l'Etat de respecter les engagements qui ont été d'ores et déjà pris ou qui sont envisagés envers des entreprises telles que la Compagnie générale maritime, qui vient d'être privatisée et qui a été recapitalisée à hauteur de 500 millions de francs, Thomson, groupe pour lequel il est prévu une recapitalisation de 11 milliards de francs - même si les modalités et le calendrier de la privatisation ont été revus dans les conditions que vous savez - envers la Société française de production, à hauteur de 1,1 milliard de francs, ainsi qu'envers les structures de défaisance du Comptoir des entrepreneurs et du Crédit lyonnais, et pour le remboursement à la Caisse des dépôts de l'OPA qu'elle a lancée dans le cadre de l'opération du sauvetage du Crédit foncier de France.
Afin de pouvoir, le cas échéant, verser l'intégralité de ces sommes sur l'exercice budgétaire 1996, la proposition faite par le Gouvernement de déplafonner le montant des recettes de cession de titres affectés aux dotations en capital et avances d'actionnaires aux entreprises publiques constitue une absolue nécessité.
Nous pourrons, demain, en examinant l'article correspondant, apporter plus de précisions pour répondre aux questions qui ont été posées, notamment, par M. le rapporteur général.
En ce qui concerne par ailleurs les dépenses nouvelles proposées par le collectif, outre ces dotations supplémentaires aux entreprises publiques, nous tirons les conséquences du succès de la prime automobile et nous ouvrons un crédit supplémentaire - je le dis en particulier à Mme Beaudeau, qui s'est inquiétée à ce sujet - de 4,7 milliards de francs en faveur des aides personnelles au logement.
M. Emmanuel Hamel. Ce n'est pas rien !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Les autres majorations de crédits concernent des domaines que, malheureusement, nous ne pouvons pas éluder, qu'il s'agisse de la subvention d'équilibre à la SNCF ou à la RATP pour le réseau banlieue - 1,1 milliard de francs - ou des surcroîts de rémunérations résultant de la conduite d'opérations extérieures en matière de défense.
En ce qui concerne les allégements de charges qui permettent de financer ces dépenses supplémentaires, M. Lambert et M. Marini ont bien voulu relever les effets positifs de la baisse des taux d'intérêt et d'une gestion plus dynamique de la dette. C'est un point sur lequel votre commission des finances a toujours insisté à juste titre.
Cette baisse des taux d'intérêt nous aura permis, par rapport à la loi de finances initiale, de réduire notre facture de plus de 6,4 milliards de francs.
Par ailleurs, nous avons procédé à des annulations de crédits qui n'ont rien d'artificiel, monsieur Régnault - je ne vois pas pouquoi vous avez utilisé cet adjectif - et qui, naturellement, nous ont conduits à demander des efforts à tous les ministères, en particulier à réduire les dotations qui étaient manifestement sous-utilisées.
C'est le cas, notamment, du FISAC, et je renvoie à cet égard M. Régnault au rapport très riche et très documenté de la commission des finances : il y constatera qu'à la fin de cette année le FISAC aura 652 millions de francs de réserves.
C'est le cas aussi du ministère de la culture, et je voudrais dire à M. Régnault que, si nous avons été conduits à différer certains équipements après nombre d'années au cours desquelles le ministère de la culture s'était livré à de très gros et très prestigieux travaux - certains ont d'ailleurs été inaugurés aujourd'hui même - nous avons maintenu, et donc dégelé en cours d'année les crédits d'intervention.
Enfin, en ce qui concerne l'agriculture, Mme Beaudeau a regretté une annulation de 200 millions de francs de crédits. Vous aurez cependant observé que, en contrepartie, pour lutter contre les conséquences économiques de la crise de la « vache folle », nous vous proposons d'ouvrir 700 millions de francs de crédits sur l'agriculture.
M. René Régnault. Cela, c'est bien !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. En ce qui concerne les recettes, ce collectif permet d'enregistrer une amélioration globale de 3,2 milliards de francs, avec une évolution contrastée des recettes fiscales et non fiscales. Mais je n'insiste pas, puisque M. le rapporteur général en a donné le détail.
Je voudrais rassurer Mme Beaudeau et lui dire que les allégements de charges que nous enregistrons dans ce projet de collectif ne rendent pas du tout caduques nos prévisions pour 1997 pour ce qui concerne notre contribution à l'Union européenne.
S'agissant de la fiscalité du PEA, j'ai bien entendu ce qu'a indiqué M. Marini. Mais nous aurons l'occasion de poursuivre demain un débat que nous avions déjà engagé sur ce sujet important lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1997.
M. Paul Girod a évoqué longuement les problèmes de la COFACE.
Pour ma part, je me réjouis de voir que la COFACE, qui n'est plus publique mais privée, enregistre des excédents et est donc ainsi en mesure de rembourser au Trésor des provisions qui avaient été versées à une époque où un certain nombre de placements aventureux avaient été réalisés. Ces provisions ne sont plus nécessaires étant donné que les risques encourus n'ont pas été à la hauteur de ce qui avait été initialement prévu. Tant mieux, et tout le monde y gagne : le budget de l'Etat - qui le déplorerait ? - après avoir perdu des dizaines de milliards de francs pendant plusieurs années consécutives, mais aussi nos exportateurs.
A cet égard, je ne partage pas le sentiment de M. Paul Girod, qui estime que nos exportateurs ne sont pas suffisamment soutenus par la COFACE. Certes, vis-à-vis de certains pays d'Europe centrale et orientale, des améliorations peuvent sans doute être apportées, mais je constate simplement que les entreprises qui investissent, qui se créent et qui exportent sont celles qui demandent le moins d'aides à l'Etat. De plus, quand la COFACE garantissait à tout va et coûtait 10 milliards de francs par an à l'Etat, notre commerce extérieur était déficitaire, alors que, aujourd'hui que la COFACE est plus prudente et rapporte de l'argent à l'Etat, nos exportateurs remportent chaque année des records à l'exportation et notre commerce extérieur est largement excédentaire.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Paul Girod. Ils pourraient faire beaucoup mieux !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Faisons donc attention et gardons à l'esprit que les exportateurs qui passent plus de temps dans les antichambres ministérielles ou dans celles des institutions financières spécialisées ne sont pas forcément ceux qui réussissent le mieux. Ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui sont sur le terrain, auprès de leurs clients.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je voulais vous apporter. Pour le reste, je répondrai plus en détail à l'occasion de la discussion des articles.
Je remercie en tout cas à nouveau M. le rapporteur général et les orateurs des groupes de la majorité du soutien qu'ils apportent à la politique budgétaire que le Gouvernement aura menée en 1996 à travers ce collectif, comme de celles qu'ils lui ont déjà apporté pour le projet de loi de finances pour 1997. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Nous vous remercions de vos réponses, monsieur le ministre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

11

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication en date du 16 décembre 1996, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire (n° E-696) : « proposition de règlement (CE) du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël sur l'adaptation du régime d'importation dans la Communauté européenne d'oranges originaires d'Israël et modifiant le règlement du Conseil (CE) n° 1981/94 » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 6 décembre 1996 ;
- la proposition d'acte communautaire (n° E-697) : « proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant les règlements (CEE) n°s 1600/92 et 1601/92 relatifs à des mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur respectivement des Açores et de Madère et des îles Canaries » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 6 décembre 1996 ;
- la proposition d'acte communautaire (n° E-709) : « proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole à la quatrième convention ACP-CE de Lomé à la suite de l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à l'Union européenne » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 6 décembre 1996 ;
- la proposition d'acte communautaire (n° E-717) : « proposition de décision du Conseil concernant le protocole 2 de l'accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Norvège » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 6 décembre 1996 ;
- et la proposition d'acte communautaire (n° E-728) : « proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne, d'une part, et le Gouvernement du Danemark et le gouvernement local des îles Féroé, d'autre part » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 6 décembre 1996.

12

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi relative à la protection des consommateurs en matière de location avec option d'achat.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 154, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

13

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Genton une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une oeuvre d'art originale (n° E-641).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 156, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

14

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif au régime applicable aux importations dans la Communauté de produits originaires des républiques de Bosnie-Herzégovine, de Croatie et de l'ancienne république yougoslave de Macédoine et aux importations de vins originaires de la république de Slovénie.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-753 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil prolongeant le règlement (CE) n° 3066/95 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant une adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues par les accords européens afin de tenir compte de l'accord sur l'agriculture conclu dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-754 et distribuée.

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DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Lambert, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 1997.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 153 et distribué.
J'ai reçu de M. Roger Rigaudière, rappporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 155 et distribué.

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ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 18 décembre 1996, à dix heures trente, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 125, 1996-1997) de finances rectificative pour 1996, adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 148, 1996-1997) de M. Alain Lambert, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de ce projet de loi n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Scrutins publics ordinaires de droit sur l'ensemble de la première partie et sur l'ensemble.
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 153, 1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 1997.
M. Alain Lambert, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble.

Délai limite général
pour le dépôt des amendements

La conférence des présidents a fixé un délai limite général pour le dépôt des amendements expirant, dans chaque cas, la veille du jour où commence la discussion, à dix-sept heures, pour tous les projets de loi et propositions de loi ou de résolution inscrits à l'ordre du jour, à l'exception des textes de commissions mixtes paritaires et de ceux pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 18 décembre 1996, à une heure.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

Louis Moinard, en qualité de membre titulaire, et M. Marcel-Pierre Cléach, en qualité de membre suppléant, pour siéger au sein du Conseil national de l'habitat.
Lors de sa séance du mardi 17 décembre 1996, le Sénat a désigné MM. Bernard Hugo et Bernard Joly, comme membres titulaires, et MM. François Gerbaud et Jacques Rocca-Serra, comme membres suppléants, pour siéger au sein du Conseil national des transports.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Avenir des centres régionaux
des oeuvres universitaires et sociales

523. - 17 décembre 1996. - M. Ivan Renar interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'avenir des CROUS. L'inquiétude existe parmi les personnels des différents CROUS quant au maintien des missions de service public. Déjà, des déclarations faites à l'occasion des états généraux de l'université pouvaient laisser craindre une modification de la gestion et de l'objet des oeuvres universitaires. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement dans ce domaine.

Prévention du saturnisme à Paris

524. - 17 décembre 1996. - Mme Nicole Borvo attire à nouveau l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation dramatique des victimes du saturnisme à Paris. En trois ans, 1 904 enfants ont présenté des signes de saturnisme dans la capitale, selon les nouvelles données de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France. Cette maladie des taudis qui frappe les plus pauvres doit être éradiquée. Le seul remède au saturnisme, c'est le relogement des familles. Pout toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire pour reloger de manière prioritaire les familles touchées et publier les sites exacts où les plombémies supérieures à 100 mg ont été relevées, afin de pouvoir intervenir efficacement et rapidement.

Statut des bénévoles

525. - 17 décembre 1996. - M. Jean Boyer attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur le statut des bénévoles, qui, par définition, exercent une activité à titre gracieux, soit de manière occasionnelle, soit de manière continue. Il cite, à titre d'exemple, le cas précis de l'Association culturelle du Festival Berlioz dont il est le président. Cette association, qui est régie par la loi de 1901, organise, dans le cadre des ses activités statutaires, une semaine de concerts par an. Pour l'organisation matérielle de cette manifestation, elle fait appel à cent cinquante bénévole, membres de l'association, non rémunérés pour les tâches qu'ils accomplissent. Ils attestent de leur bénévolat par écrit. Dans le cas où un accident surviendrait à l'une de ces personnes, l'association peut-elle être considérée comme employeur de fait ? Ces bénévoles sont-ils assujettis ou non assujettis à la législation du travail ? De nombreuses associations culturelles étant confrontées à d'identiques problèmes, il lui demande de bien vouloir lui apporter des éclaircissements indispensables, afin que le statut des bénévoles soit clairement défini.

Taux de TVA applicable à la mise à disposition
de matériel d'orchestre

526. - 17 décembre 1996. - M. Jean Boyer attire l'attention de M. le ministre de la culture sur le taux de TVA applicable à la mise à disposition de matériel d'orchestre. Il semblerait qu'une incertitude existe conduisant tantôt à appliquer le taux de 20,6 %, tantôt à retenir celui de 5,5 %, dans la mesure où la mise à disposition de matériel d'orchestre est une location de livres de musique (livrets ou partitions d'oeuvres musicales). La différence de coût résultant de l'application de l'un ou de l'autre taux est assez substantielle, notamment pour les bugets étudiés au mieux des associations organisatrices de festivals musicaux, pour justifier l'édiction de règles fiscales dépourvues d'ambiguïté.