M. le président. « Titre III : moins 25 991 412 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 130 772 836 francs. »
Sur les crédits figurant au titre IV, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, ce n'est pas l'ancien premier adjoint de Vénissieux qui prend la parole.
M. Eric Raoult, ministre délégué. Vous avez démissionné !
M. Guy Fischer. En effet, aussi est-ce peut-être le conseiller général des Minguettes qui vous parle ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, la différenciation entre dépense publique et dépense fiscale n'est pas anodine à nos yeux.
En effet, je veux parler de la décision, prise dans le cadre du pacte de relance pour la ville, d'exonérer totalement ou partiellement les entreprises situées dans les zones de redynamisation urbaine ou les zones franches urbaines des dépenses fiscales et sociales.
Les choix qui ont été faits ne sont pas minimes en termes financiers, puisqu'ils devraient conduire à plus de 2,55 milliards de francs de dépenses fiscales.
Toute notre interrogation consiste à évaluer - il faudra le faire - l'efficacité d'un tel choix. Pour les quarante-quatre zones franches urbaines, qui regroupent à elles seules la moitié du total des exonérations, il a été annoncé la création de 1 000 emplois environ, ce qui représente plus de 1 million de francs dépensés par emploi créé. Dès lors, nous devons nous interroger sur le coût d'un certain nombre de mesures.
L'exemple anglais doit également nous faire réfléchir, puisque la création de zones franches a été à l'origine non de créations nettes d'emplois mais de délocalisations d'entreprises, parfois au sein d'une même ville.
Enfin, le mécanisme de baisse des coûts que nous avons entériné à travers le plan pour l'emploi, que ce soit par le biais de l'exonération des charges patronales pour les cinquante premiers emplois, la baisse des charges sociales, les exonérations de taxe professionnelle ou de taxe foncière pour les propriétés bâties n'a pas eu tous les effets attendus. Je souhaite cependant que l'effet de levier soit important et que cela puisse, sur le plan économique et commercial, véritablement produire les effets annoncés.
Depuis une douzaine d'années, on multiplie ces réductions. Il faudra que l'on soit véritablement attentif aux résultats. Aujourd'hui, la tendance est, bien souvent, à l'apprauvrissement économique. Il faut donc une volonté de fer pour inciter des entreprises ou des commerces à se réimplanter dans certains quartiers.
Si je tiens à insister sur cette question de l'emploi, c'est que, à mon sens, une grande partie des 2,5 milliards de francs destinés aux entreprises seraient plus efficaces s'ils étaient utilisés dans le cadre d'une intervention publique affirmée. Vous avez cité des exemples flagrants qui, nous touchent, qui sont, pour nous, très douloureux, parce que nous ne concevons pas que la modernisation du service public passe par la suppression d'emplois.
Là encore, dans ces quartiers, les emplois publics pourraient être créés, que ce soit dans l'éducation nationale, dans la police, à La Poste, vous l'avez souligné. Mais, veillons à ce que, réellement, les services publics se confortent et qu'il y ait un véritable renforcement de la présence de la puissance politique.
La question « dépense fiscale ou dépense publique » n'est pas neutre. Elle démontre l'existence ou non d'une volonté d'avoir une puissance publique qui joue tout son rôle, qui se traduise par un véritable renforcement des pouvoirs régaliens de l'Etat. Or, malgré tous les effets d'« annonce », il faut voir ce qu'il y a entre la politique, la médiatisation et la réalité. Je sais, par expérience, que l'on peut réussir à concrétiser ce genre de projets. Ainsi, aux Minguettes sera créée l'une des premières maisons des services publics, qui permettra de concrétiser la volonté à la fois municipale, départementale et étatique. Cela étant, nous serons très attentifs à la réalité des résultats économiques dans les zones de redynamisation urbaine comme dans les zones franches urbaines.
M. Louis Minetti. Très bien !
M. Eric Raoult, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult, ministre délégué. M. Fischer sera très attentif, nous le serons avec lui !
Il en conviendra, ce n'est pas le grand patronat qui va bénéficier de ces exonérations.
M. Guy Fischer. Les entreprises, alors ? Mais elles ne sont plus dans ces quartiers.
M. Eric Raoult, ministre délégué. Il s'agira, bien souvent uniquement de ce qui constitue le tissu commercial et artisanal de nos villes. D'ailleurs, s'agissant de l'efficacité de ce tissu commercial et artisanal, M. Raffarin, que nous allons accueillir donc un instant, pourrait comme moi témoigner de ce que nous avons eu à coeur de faire en allant à Bobigny, à Drancy, à Aubervilliers, à La Courneuve, avec MM. Demuynck et Calmejane, mais aussi en nous rendant dans un certain nombre de villes du Rhône que je ne peux pas citer toutes ici. Les élus nous ont dit : « D'ici, les gens s'en vont, parce que le niveau de vie a baissé, parce que la sécurité s'est dégradée, parce l'équilibre atteint entre l'habitat et l'emploi a disparu ».
Ce que nous souhaitons, c'est donner un peu plus à ces habitants aujourd'hui. C'est tout de même très progressiste, monsieur Fischer !
J'ai entendu, récemment, le maire de Sarcelles dire que les zones franches étaient une excellente idée et qu'il fallait en être digne. Eh bien ! Nous allons essayer d'en être dignes en faisant en sorte que les comités d'orientation et de surveillance puissent appréhender ces exonérations avec une véritable volonté de les évaluer.
Par ailleurs, vous le savez, monsieur le sénateur, la tendence est aujourd'hui plus à la survie qu'au profit. Certains secteurs commerciaux et artisanaux attendent la dernière bouffée d'oxygène ; nous voulons donc les secourir.
Ce que nous voulons également, dans le cadre de ces exonérations, c'est tenir compte de la réalité locale ; Jean-Claude Gaudin et moi-même l'avons souligné à maintes reprises au cours du débat sur le pacte de relance pour la ville.
C'est la raison pour laquelle - j'aurai sans doute encore l'occasion d'y revenir dans quelques intants - nous avons souhaité tenir compte de la connaissance du terrain des élus locaux pour la définition des périmètres, comme nous avons tenu compte des rencontres que nous avons eues avec les organismes consulaires. Nous avons retenu cette idée qu'il fallait, par le biais d'exonérations fiscales, donner un peu plus à ceux qui ont aujourd'hui un commerce dans les quartiers difficiles, lesquels sont, d'ailleurs, devenus de plus en plus difficiles.
Ces zones de redynamisation urbaine et ces zones franches urbaines, souvenons-nous en, étaient réclamées depuis longtemps dans un certain nombre de villes comme un outil souhaitable. Le maire de Champigy, monsieur Fischer, m'a dit quelque chose de très vrai. Ce jour-là, le député de la circonscription n'avait pu être présent - je le regrette - mais, s'il avait été là, il aurait pu me dire ce qu'un conseiller municipal m'a affirmé : cet outil-là, il ne l'avait pas ! Or, maintenant, monsieur Fischer, ce gouvernement vous le propose pour Vénissieux, pour le département du Rhône, pour 744 quartiers, pour 350 zones de redynamisation urbaine et 44 zones franches urbaines ! ( Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Le Rhône vous dit merci, monsieur le ministre !
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. André Diligent. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. C'est à M. Raoult que je souhaite m'adresser. Il sait dans quelle estime je le tiens, mais voter, c'est accorder sa confiance et je voudrais voter ce titre précisément pour lui marquer ma confiance.
Il est donc nécessaire que nous ayons une explication sur un problème qui a trait à l'application de la loi sur le pacte de relance pour la ville. On sait à quelles négociations, longues et difficiles, tout cela a donné lieu.
Pour la ville de Roubaix, elles ont abouti le 18 juillet dernier, en présence du maire, du délégué régional à la ville et du sous-préfet, à un accord sur une liste de quartiers et un périmètre bien délimité. C'est cette carte et cette liste qui furent présentées à l'Assemblée nationale en première lecture du projet de loi relatif au pacte de relance pour la ville.
Comme je l'ai signalé le 9 octobre ici même, la configuration des quartiers elle-même est toujours informelle et souvent peu précise. Ces cartes étaient donc nécessaires. Des frontières ont été minutieusement tracées pour bien définir le champ des zones franches urbaines. Elles étaient particulièrement nécessaires pour une ville comme Roubaix, dont une grande partie est transformée en zone franche. Ce n'est d'ailleurs pas immérité, avec 32 % de chômeurs ! Qui dit mieux ?
Dans les mois qui ont suivi l'accord de principe du 18 juillet, des interventions officieuses, abusives, extérieures à la mairie, se sont traduites par des rectifications décidées à Paris, puisque l'on a ajouté de nouveaux secteurs en supprimant d'autres qui figuraient sur la première liste.
Face à cela, et avant le vote du 9 octobre au Sénat, une ultime négociation se déroula, dans les bureaux ici même, de cette assemblée. Il fut décidé que les ajouts effectués sur la carte du 18 juillet pouvaient rester acquis, si le pouvoir central le souhaitait, et qu'aucun secteur retenu sur la première carte n'en serait ôté.
Une telle décision s'imposait car, peut-être du fait de journalistes plus ou moins zélés, des cartes avaient circulé, des personnes avaient déjà fait des projets et, notamment, se trouvaient engagées dans certains prêts.
Autrement dit, nous avions demandé qu'on ne déshabillât pas Pierre pour habiller Paul.
C'est d'ailleurs ce que je rappelais à la tribune de cette assemblée lors de sa séance du 31 octobre, durant laquelle fut adopté le texte de la commission mixte paritaire. Je disais textuellement : « Finalement, il a été décidé que tout ce qui figurait sur la carte resterait. » Et M. le ministre a acquiescé. Aucune voix ne s'est élevée pour m'apporter un démenti. D'ailleurs, il y avait trop de témoins à cet accord pour que cela soit possible.
Or, aujourd'hui, on remet encore en cause ces derniers engagements. Des gens à qui l'on avait dit qu'ils étaient compris dans le périmète apprennent qu'ils n'y sont plus. Puis, je reviens de Paris en leur affirmant qu'ils sont bien compris dans le périmètre. On leur dit maintenant qu'ils n'y sont plus ! On ne sait plus à quel saint se vouer !
Tout cela est extrêmement grave. Sans doute va-t-on m'objecter que la ville de Roubaix n'a pas à se plaindre puisqu'elle est bien servie. Si elle est bien servie, c'est parce qu'elle le mérite, parce qu'elle a répondu à des critères objectifs, parce qu'elle est très valeureuse et parce que nous avons été littéralement massacrés pendant des dizaines d'années !
Le problème n'est pas que vous me répondiez, mon cher ministre, en vous référant à l'importance de l'effort que l'Etat consent pour la zone franche de Roubaix. Le problème est de savoir si, que l'on soit dans l'opposition ou dans la majorité, on est capable de tenir un accord qui a été conclu au terme d'une longue négociation. Vous n'étiez pas présent à cet accord, mais je peux vous citer les noms des témoins.
Je souhaiterais que vous puissiez me donner satisfaction. Si vous ne le pouvez vraiment pas, décidez au moins une réunion dans les deux ou trois jours qui viennent, car l'affaire est pendante devant le Conseil d'Etat, afin que les personnes de bonne foi puissent s'expliquer et que nous parvenions à nous mettre d'accord sur ce qui a été décidé ou non.
Voilà, monsieur le ministre. Je souhaite de tout coeur vous garder ma confiance. Aussi, j'espère que vous allez me rassurer dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Eric Raoult, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult, ministre délégué. Nous dépassons le cadre du budget. Cependant, comment ne pas répondre et argumenter face à un homme comme vous, monsieur Diligent ? Si, en effet, nous menons aujourd'hui une politique de la ville, c'est grâce à des hommes comme vous, qui en ont tout à la fois inspiré le contenu et suivi l'application.
Le Gouvernement a effectivement souhaité tenir le plus grand compte de l'avis des élus dans la fixation de ces périmètres.
Vous le savez, monsieur le sénateur, initialement, seule la ville de Roubaix devait être concernée. La cohérence du grand projet urbain de Roubaix-Tourcoing nous a inclinés à tenir compte de la demande des élus de Tourcoing, et nous avons ajouté Tourcoing à l'intérieur de cette zone franche urbaine. Nous comptons sur la mobilisation du maire, car notre interlocuteur premier, c'est d'abord le maire. Vous l'avez été, M. Vandierendonck l'est. Il a donc été notre interlocuteur privilégié.
Nous avons tenu compte de l'avis des parlementaires, députés et sénateurs, les premiers étant plus nombreux sur Roubaix-Tourcoing.
Aujourd'hui, monsieur le sénateur, la zone franche urbaine de Roubaix-Tourcoing est la plus importante, à la fois par sa taille et par son coût. Vous l'avez souligné, c'est une ville malheureuse, qui connaît beaucoup de difficultés. Nous avons voulu, non pas privilégier Roubaix, mais donner la juste mesure de l'intervention des pouvoirs publics par rapport à la zone franche urbaine, qui, en l'occurrence, est située au coeur d'une agglomération.
Je tiens à le dire ici, nous avons tenu le plus grand compte de toutes les demandes que nous avons reçues et, à l'occasion de la mise au point du décret relatif au périmètre qui doit être examiné par le Conseil d'Etat, nous nous sommes efforcés de donner toute sa cohérence à la zone franche avec ses coupures urbaines.
Le Conseil d'Etat va examiner une matière nouvelle, à laquelle nous devons donner une cohérence. Il y a des zones franches, mais il y a un seul dossier « zones franches ».
Je suis persuadé que vous en conviendrez, monsieur le sénateur, nous ne pouvons pas jouer l'inéquité entre les dossiers et accepter pour une ville ce que l'on a refusé pour une autre. En tout cas, ce n'est pas votre conception du politique et ce n'est pas la mienne non plus.
C'est la raison pour laquelle nous voulons maintenir la cohérence de la zone franche urbaine de Roubaix-Tourcoing, compte tenu des coupures urbaines, des canaux et des voies ferrées.
Par ailleurs, je regrette que trop d'informations aient ainsi transpiré alors que, depuis le vote de la loi, nous en sommes encore à la dernière phase de concertation, de consultations. Toutes les informations qui ont filtré étaient donc erronées.
Aujourd'hui, monsieur le sénateur, nous ne pouvons que tenir compte de vos remarques, dans le cadre de la cohérence, mais, s'agissant des projets de sites ou de périmètre, qui auraient été élaborés et dont vous avez fait état, ils étaient sans doute prématurés dans la mesure où la fixation du périmètre des zones franches n'en était qu'au stade des consultations.
Pour éviter, comme vous l'avez souligné, de déshabiller Pierre pour habiller Paul, même si Pierre s'appelle Michel ou si Paul s'appelle Gérard,...
M. André Diligent. Je vois que vous connaissez bien le dossier ! (Sourires.)
M. Eric Raoult, ministre délégué. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre remarque !
Donc, pour éviter cet inconvénient, nous avons essayé de donner satisfaction aux élus, aux organismes consulaires, mais nous ne pouvons quand même pas faire une zone franche qui soit sept fois supérieure aux autres !
Une personnalité de votre région a récemment souligné que les zones franches urbaines étaient une possibilité de développement. Nous souhaitons que ce développement reste dans des limites tout à la fois raisonnables et équitables, et qu'il se fasse en tenant compte de l'avis des différents élus. C'est donc pour tenir équitablement compte des demandes présentées que le projet de périmètre a été fixé.
S'il est nécessaire, monsieur le sénateur, sous réserve de mes derniers propos, de revoir dans les tout prochains jours le projet sur quelques petites marges, bien évidemment ni M. Jean-Claude Gaudin ni moi-même ne vous refuserons une entrevue. Mais, en l'occurrence, vous en conviendrez, puisque avant l'heure ce n'est pas l'heure, et après l'heure ce n'est plus l'heure, il faut bien, à un moment donné, boucler le dossier !
A quelques jours de l'échéance,...
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. J - 24 !
M. Eric Raoult, ministre délégué. ... à J - 24, comme le dit Gérard Larcher, nous ne pouvons pas constamment remettre en chantier le périmètre des zones franches. Ce serait aller à l'encontre de la crédibilité même des dossiers.
En conséquence, si notre porte vous reste ouverte, notre position restera globalement la même.
M. André Diligent. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette réunion de la dernière chance !
M. le président. Monsieur Diligent, vous ne pouvez reprendre la parole.
M. Jean Chérioux. L'heure c'est l'heure !
M. André Diligent. Je peux tout de même remercier le ministre !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.