M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la mer.
La parole est à M. Massion, rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les ports maritimes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'en venir à l'examen proprement dit des crédits destinés aux ports maritimes dans le projet de loi de finances pour 1997, je voudrais très brièvement rappeler dans quel contexte il convient de le situer.
Premièrement, la baisse du trafic enregistrée en 1995 s'est globalement confirmée au premier semestre de 1996, aussi bien dans les ports autonomes que dans les ports d'intérêt national.
Il convient toutefois de souligner la progression du trafic de conteneurs, qui est une marque d'amélioration de la compétitivité de nos ports.
Deuxièmement, les résultats financiers des ports autonomes restent généralement négatifs.
Même si la situation ne présente pas partout le même caractère de gravité, des ports tels que Dunkerque, Bordeaux et surtout Rouen, qui subit de plein fouet les effets de la réforme de la politique agricole commune, avec une baisse de moitié des exportations de céréales, traversent de très sérieuses difficultés. Ailleurs, l'équilibre financier est fragile.
Troisièmement, en 1995, le trafic des ports autonomes français a baissé de 1,5 %, quand le trafic des ports allemands progressait de 4,1 % et celui des ports du Benelux diminuait de 0,7 %. Dans le même temps, on a constaté une forte augmentation du trafic des ports de l'Europe du Sud : de 11,5 % à Barcelone et de 7,9 % à Gênes, notamment. C'est toutefois dans les ports autonomes français métropolitains que la progression du trafic de marchandises diverses a été la plus importante, avec 4,5 % d'augmentation.
Tel est, rapidement évoqué, l'environnement des propositions budgétaires qui nous sont soumises.
Un total de 586 millions de francs de crédits budgétaires sera consacré en 1997 aux ports maritimes. Ce montant est quasi stable par rapport à 1996 puisqu'on n'enregistre qu'une progression de 0,6 %. Il peut être rapproché du chiffre d'affaires des ports maritimes, qui s'est établi en 1995 à 4,4 milliards de francs.
Toutefois, l'importance économique de l'activité portuaire est bien plus grande que ces chiffres ne le laissent paraître. On estime ainsi à 300 000 le nombre des emplois induits. Plus généralement, la compétitivité de nos ports est un élément déterminant de la capacité exportatrice de la France.
Or les ports français sont aujourd'hui confrontés à un double défi.
Le premier de ces défis est européen. La mise en oeuvre du marché unique et le développement des réseaux de transport transeuropéens sont de nature à entraîner une redistribution des cartes entre les différents ports de l'Union.
Les ports français du nord et du nord-ouest sont traditionnellement en compétition directe avec les ports voisins du Benelux. Le dynamisme des ports italiens et espagnols de Méditerranée constitue par ailleurs un défi pour le port de Marseille.
Le second de ces défis est mondial. Le regroupement en cours des armateurs au sein de « méga-alliances » est rendu nécessaire pour l'exploitation en commun des porte-conteneurs de la quatrième génération, dont les capacités d'emport dépassent les possibilités de n'importe quel armement pris isolément. Cette rationalisation des dessertes s'effectuera au profit des ports les plus performants, qui seront capables de garantir une régularité parfaite des escales.
Dans ce climat de vive concurrence, monsieur le ministre, nous n'avons pas le droit à l'erreur dans la définition de notre politique portuaire.
Je ne peux qu'approuver le maintien à hauteur de 394 millions de francs du montant des crédits consacrés au dragage des ports autonomes, qui constituent les deux tiers du budget des ports matitimes. Je dois toutefois regretter que cette dotation, calculée au plus juste, ait été une fois encore amputée en cours d'exercice. En effet, l'arrêté d'annulation du 26 septembre dernier en a réduit le montant d'un peu plus de 10 millions de francs.
La diminution continue de ces crédits au cours des dernières années les a ramenés à la limite en deçà de laquelle le simple entretien de l'outil portuaire n'est plus assuré correctement. Or l'Etat doit garantir à tous les ports un accès permanent à leurs bassins, quelle que soit la marée : cette mission première doit être assurée sans faille, aussi difficile que soit par ailleurs la conjoncture budgétaire. Il s'agit non plus de vie, mais de survie pour nos ports.
L'effort d'économie réalisé au titre du projet de budget des ports maritimes pour 1997 porte donc sur les dépenses en capital du chapitre 53-30, qui diminuent de 13,4 % pour s'établir à 152,7 millions de francs en crédits de paiement.
Cette réduction des investissements en période d'austérité budgétaire est sans doute inévitable. Elle serait pourtant moins dommageable si la loi du 25 juillet 1994 relative à la constitution de droits réels sur le domaine public de l'Etat, qui est destinée à encourager l'investissement privé dans les enceintes portuaires, avait pu commencer à recevoir un début d'application.
Un premier décret d'application est paru le 6 mai 1995, et un décret du 29 février 1996 a autorisé le rattachement par voie de concours au budget de la mer du produit des cessions foncières opérées par les ports autonomes. Force m'est cependant de regretter la non-parution du second décret d'application, qui doit donner compétence aux gestionnaires des ports afin qu'ils délivrent eux-mêmes les autorisations constitutives de droits réels. Mais je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous saurez m'apporter des assurances sur ce point.
Cependant, les investissements réalisés dans les enceintes portuaires ne sont pas tout. Dans la chaîne du transport, c'est sur le segment terrestre que peuvent être réalisés les plus importants gains de productivité : sur une distance de 500 kilomètres, le coût d'acheminement terreste d'un conteneur peut représenter cinq à six fois celui de son passage portuaire. Cela explique que le choix d'un port par un chargeur dépende d'abord de la qualité de sa desserte terrestre.
L'amélioration de la desserte terrestre des ports français doit donc être, monsieur le ministre, un objectif prioritaire. A défaut de cette amélioration, les crédits consacrés à la modernisation des structures portuaires seraient investis largement en vain.
A cet égard, il convient de relever que, depuis l'achèvement complet de l'autoroute A 26, les ports de Calais et de Dunkerque bénéficient d'un contournement de la région parisienne vers le bassin Rhône-Saône. Mais cette liaison bénéficie aussi, bien entendu, aux ports duBenelux, parfois au détriment de ceux du nord-ouest de la France.
Il est donc devenu urgent, pour rétablir la compétitivité des ports de la basse Seine, d'achever le contournement de la région parisienne, par le nord, avec l'autoroute A 29 Le Havre - Rouen - Saint-Quentin et, par le sud-ouest, avec l'autoroute A 28 Rouen - Alençon - Tours.
Par ailleurs, je dois constater, pour la déplorer, la lenteur des travaux de mise au gabarit B + de la voie ferrée Paris - Le Havre. L'achèvement de ces travaux, sans cesse reporté, ne devrait pas intervenir avant décembre 1998.
Cette lenteur peut, certes, s'expliquer par les contraintes d'exploitation d'une voie extrêmement chargée. Toutefois, des contraintes sans doute comparables n'ont pas fait obstacle à ce que les travaux de mise au gabarit B + de la ligne Paris - Dijon - Lyon - Marseille-Fos soient d'ores et déjà achevés.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez rendu publiques les grandes lignes de la réforme portuaire. Nombre de ces mesures sont de nature réglementaire, mais un certain nombre d'entre elles sont de nature législative et devraient bientôt faire l'objet d'un projet de loi.
L'autorisation sera donnée aux ports autonomes de prendre des participations, au-delà de leur enceinte, dans des sociétés utiles à leur développement. C'est là, je crois, la mesure la plus intéressante économiquement, mais les ports devront savoir en user avec prudence. Par ailleurs, la ligne de partage du domaine public portuaire sera redéfinie afin d'offrir une plus grande souplesse de gestion.
Sur le plan institutionnel, le régime d'incompatibilité des administrateurs sera renforcé, des structures institutionnelles seront proposées aux ports pour mettre en commun certaines fonctions, et les organes de direction des ports pourront être resserrés.
Ces réformes peuvent, certes, contribuer à dynamiser la gestion des ports, mais il me paraît important, monsieur le ministre, que tout s'effectue sur une base de volontariat. Il serait contre-productif d'imposer des collaborations ou des simplifications institutionnelles.
En revanche, je crois savoir que le Gouvernement n'a pas l'intention de donner de prolongements législatifs à la réforme de la manutention portuaire de 1992. Il reste néanmoins nécessaire d'oeuvrer au retour complet au droit commun du travail. Il apparaît également opportun de prendre en considération les difficultés des entreprises de manutention, qui n'étaient pas toutes prêtes à affronter les conséquences de cette réforme.
Pour conclure, je tiens à souligner que ces réformes portuaires, si bienvenues soitent-elles, ne sauraient porter de fruits sans être accompagnées par l'engagement de l'Etat. Cet engagement doit être d'abord budgétaire, mais il peut prendre d'autre formes, notamment fiscales. A cet égard, j'ai pris bonne note, monsieur le ministre, de la constitution d'un groupe de travail chargé de dresser un bilan des règles fiscales en vigueur dans les zones portuaires européennes. J'attends ses conclusions avec beaucoup d'intérêt. Il ne faudra pas hésiter à adapter nos propres règles fiscales si cela apparaît nécessaire pour remédier à certaines distorsions de concurrence.
Au bénéfice de ces observations, la commission des finances vous demande d'adopter, mes chers collègues, les crédits du budget des ports pour 1997 (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Régnault, rapporteur spécial.
M. René Régnault, rapporteur spécial de la commission des finances du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour la marine marchande. Le moins que l'on puisse dire, monsieur le ministre, est que ce projet de budget n'a guère le vent en poupe. (Sourires.)
Avec un montant de 5,629 milliards de francs, le budget de la marine marchande accuse une réduction de 1 % par rapport à 1996, où il s'est élevé à 5,681 milliards de francs.
Traduisant une restructuration interne au sein du ministère de l'équipement, on peut observer qu'à structure constante ce budget enregistre une légère augmentation de 0,5 %.
Toutefois, une analyse plus fine par agrégats me conduit à formuler plusieurs observations.
Premièrement, on constate une diminution de 15,4 % des crédits de l'administration générale et de la recherche, due à une nouvelle ventilation des moyens des services généraux de la mer avec ses deux ministères d'accueil : l'équipement et l'agriculture. Au total, cette réorganisation porte sur 521 emplois, les suppressions nettes d'emplois étant limitées à trente.
Deuxièmement, les crédits consacrés aux gens de mer, d'un montant de 156,5 millions de francs, diminuent d'un peu plus de 13 % en crédits de paiement. Seuls les crédits affectés à l'apprentissage, via l'association pour la gérance des écoles de formation maritime et aquacole (AGEMA), sont en progression de 5,7 %. Mais ils avaient baissé quasiment d'autant l'an dernier.
Troisièmement, la subvention à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, constitue près de 80 % du budget de la marine marchande. Après une légère baisse de 1 % en 1996, cette subvention reprend sa progression en 1997, où elle augmente de 1,5 %. Compte tenu de la diminution du nombre des marins actifs, cette subvention semble appelée à s'accroître.
Le budget de l'ENIM, en progression de 1,25 %, atteindra 9,284 milliards de francs en 1997, la subvention de l'Etat constituant près de 50 % de ses ressources ; elle les dépassera bientôt, comme l'a démontré mon propos précédent.
Quatrièmement, globalement, les crédits consacrés à la signalisation et à la surveillance maritime, qui ne représentent que 2,2 % du budget de la marine marchande, sont en baisse de 3,2 %. Cette diminution me paraît particulièrement inquiétante, compte tenu de ses répercussions immédiates et à moyen terme.
Il convient toutefois de souligner, pour s'en satisfaire, que la subvention à la société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, intègre les crédits supplémentaires alloués par le Parlement en 1996. La société n'est enfin plus contrainte de quêter auprès des parlementaires, comme je l'ai longtemps regretté. Pour mémoire, je rappellerai que les subventions apportées à la SNSM par les collectivités locales se sont élevées, en 1996, à 5,2 millions de francs pour le fonctionnement et à 8,2 millions de francs pour l'équipement.
Cinquièmement, la protection et l'aménagement du littoral représentent seulement 0,2 % du budget de la marine marchande. Ces moyens quasi symboliques sont en baisse sensible, aussi bien pour la lutte contre les pollutions accidentelles que pour les schémas de mise en valeur de la mer.
Sixièmement, les crédits consacrés à la flotte de commerce représentent 5,6 % du budget de la marine marchande. Ils diminuent de 5,2 % en crédits de paiement, pour s'établir à 314,3 millions de francs, et de 13,2 % en autorisations de programme, pour s'établir à 198 millions de francs.
La contribution de l'Etat aux charges sociales de la Compagnie générale maritine, la CGM, diminue de 7,7 %, pour s'établir à 193 millions de francs. Cette subvention demeure et demeurera en dépit de la privatisation. Elle est destinée à financer le surcoût du régime de retraite propre à la compagnie.
Les subventions à la flotte de commerce diminuent de 4,5 % en crédits de paiement et de 15,2 % en autorisations de programme, pour s'établir respectivement à 201,3 millions de francs et 198 millions de francs.
Cette érosion substantielle des subventions directes devrait être compensée par les effets de la loi du 5 juillet 1996, relative à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce, plus couramment appelées quirats.
Toutefois, des incertitudes demeurent quant à l'accueil qui sera réservé à cette loi, dont le Gouvernement attend beaucoup.
Quant au décret d'application relatif aux fonds de placement quirataires, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez vous engager sur sa parution prochaine. Vous en attendez des effets encore faudrait-il qu'il soit publié ! Un bilan de la loi sera nécessaire dès 1997. La commission des finances en prendra connaissance avec intérêt et vous en rendra compte.
Le régime fiscal des quirats est réservé aux navires battant pavillon français. Le pavillon national devrait s'en trouver conforté, alors que le projet de pavillon européen, le fameux EURO, a été finalement abandonné, faute d'accord entre les Etats membres de l'Union.
Après cette présentation rapide des crédits - vous en trouverez le détail dans mon rapport écrit - je souhaite formuler quelques observations, dont certaines résultent de notre débat en commission.
J'ai bien pris note, monsieur le ministre, de la rationalisation des administrations demeurant rattachées au budget de la marine marchande.
Aux quatre directions actuellement existantes, seront substituées deux directions d'administration centrale : une direction centrale des affaires maritimes, chargée des missions régaliennes de l'Etat en matière maritime, et une direction du transport maritime à orientation économique, chargée des ports maritimes et de la flotte de commerce.
Cette réforme devrait permettre de générer des économies de fonctionnement et de recentrer l'administration de la mer sur ses missions prioritaires. Je relève, toutefois, qu'elle n'apporte pas de remède à la dispersion des administrations en charge des questions maritimes, que nous sommes plusieurs à regretter au sein de la commission.
L'effort consenti en faveur de la formation maritime est bienvenu. L'an dernier, je m'étais inquiété de la diminution de 4,2 % des crédits consacrés à l'apprentissage, qui me paraissait contradictoire avec la priorité affichée en faveur de la formation professionnelle maritime. Il faut donc se réjouir de leur augmentation de 5,7 % pour 1997, qui les porte à 74,2 millions de francs. Au total, l'ensemble des crédits de paiement consacrés à la formation maritime passe de près de 107 millions de francs en 1996 à un peu plus de 110 millions de francs en 1997, soit une progression de 3,2 %.
Pour 1997, 760 élèves officiers sont attendus dans les 4 écoles nationales de la marine marchande, et 1 542 élèves seront accueillis dans les 12 écoles maritimes et aquacoles.
En dépit de la diminution continue des emplois maritimes, il importe de préparer l'avenir en anticipant la compensation des nombreux départs à la retraite qui interviendront ces prochaines années. A défaut, il serait nécessaire de recourir à des marins et à des officiers formés à l'étranger, ce qui serait un comble, au risque de perdre un savoir-faire précieux.
Je voudrais également dire quelques mots de la privatisation de la Compagnie générale maritime. Le principe de la privatisation était acquis depuis le vote de la loi du 19 juillet 1993, mais celle-ci vient seulement de se concrétiser.
En effet, le redressement financier de la CGM, préalable nécessaire à sa privatisation, a été difficile. Son résultat en fin d'exercice 1995 a été négatif de 497,6 millions de francs et l'exercice 1996 devrait encore se clore sur un déficit, certes limité à 30 millions de francs.
Ce redressement financier, bien qu'inachevé, a été acquis au prix d'une politique de cession systématique des actifs non stratégiques et d'un plan social qui a réduit les effectifs de la CGM de 3 117 personnes en 1994 à environ 2 000 à la fin de 1996.
Ce redressement financier a surtout été permis par une recapitalisation massive. Au total, l'Etat aura injecté dans la CGM, préalablement à sa privatisation, 2,825 milliards de francs en trois ans.
Pour la privatisation de la CGM, le Gouvernement a choisi la procédure de gré à gré sur la base d'un cahier des charges. Le repreneur finalement retenu le 21 octobre 1996 par le Gouvernement est la Compagnie maritime d'affrètement, la CMA. Le rachat de la CGM par la CMA donnera naissance au quatrième armement maritime européen et au quatorzième mondial.
Je relève toutefois que le prix de 20 millions de francs proposé par la CMA paraît bien modeste au regard de l'effort de recapitalisation consenti par l'Etat, même s'il peut s'expliquer par l'importance de l'endettement de la CGM.
Je souhaiterais également savoir, monsieur le ministre, ce que devriendra la Compagnie générale maritime et financière, c'est-à-dire la holding au travers de laquelle l'Etat détient les actions de la CGM proprement dite.
En tout état de cause, j'estime que la façon dont la CMA s'acquittera des engagements formalisés dans le cahier des charges conditionne le jugement définitif qu'il conviendra de porter sur la privatisation de la CGM. Ces engagements concernent les aspects sociaux, le pavillon et la desserte des départements et territoires d'outre-mer.
Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais plaider une fois de plus en faveur de la constitution d'un grand ministère de la mer pour qu'enfin l'ensemble des administrations compétentes en matière maritime soient réunies et que les crédits budgétaires correspondants nous soient présentés sous un seul document budgétaire.
L'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques vient d'être saisi d'une demande émanant du bureau du Sénat d'évaluation des actions menées en faveur de la politique maritime et littorale de la France. Je souhaite que cette évaluation puisse contribuer à améliorer une politique qui souffre sans doute de sa dispersion.
Je désire, enfin, que la France s'acquitte vite de son mal de mer et prenne le vent d'une politique audacieuse digne d'un pays doté d'un littoral maritime et de potentialités exceptionnelles.
Au bénéfice de ces observations, la commission des finances vous demande, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la marine marchande pour 1997. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Rocca Serra, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat budgétaire intervient au terme d'une année qui a été marquée par la volonté du Président de la République et du Gouvernement de rendre à notre pays une ambition maritime, tout d'abord par la tenue du premier comité interministériel de la mer, puis par la loi sur la fiscalité des quirats et, enfin, par l'élaboration d'un projet de loi portuaire.
A cette ambition répond, dans un contexte général d'économies budgétaires, une incontestable résistance des crédits de la mer. Avec 6,21 milliards de francs, le budget de la mer se maintient au niveau atteint en 1996, et il faut saluer ce fait.
S'agissant de notre marine marchande, il faut bien constater que si notre flotte est en légère augmentation, elle vieillit. La mise en oeuvre de la loi sur les quirats est attendue avec impatience. Je serai donc amené à demander au ministre deux précisions : la première concerne l'application de la loi aux navires d'occasion, la seconde l'application de la loi s'agissant des fonds de placement quirataires.
Un autre sujet nous préoccupe : c'est celui du pavillon des terres Australes et Antarctiques françaises. Aucun texte d'application n'est venu mettre en oeuvre la loi du 26 février 1995, texte rapporté dans cet hémicycle avec talent par notre collègue M. Le Grand. Monsieur le ministre, cette question reste entière.
Le système des aides nationales à la construction navale a connu, au cours de l'année, des vicissitudes. L'Union européenne a décidé de prolonger le système des aides publiques jusqu'au 31 décembre 1997 ; il faut s'en réjouir. Mais que se passera-t-il après ?
Monsieur le ministre, notre commission marque traditionnellement un vif souci pour la sécurité en mer. Les crédits de la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, crédits dont nous avions demandé, l'an passé, la revalorisation, évoluent favorablement. Nous vous en remercions. Vous conviendrez avec moi qu'il faut soutenir et saluer le courage et le dévouement des sauveteurs.
S'agissant des ports, vous trouverez dans mon rapport des éléments précis pour chacun d'eux.
Sur l'initiative de M. de Rohan, un important colloque a eu lieu au Sénat, le 6 novembre dernier, sur ce sujet. Chacun s'est plu à souligner que nos ports ont une très grande importance stratégique pour notre économie et que leur situation actuelle, ainsi que celle de notre marine marchande, est préoccupante.
Il faut bien reconnaître l'insuffisance de l'investissement de l'Etat ces dernières années, surtout par comparaison avec celui qui a été réalisé par les ports belges, allemands et hollandais. Une remise à niveau rapide s'impose donc.
Le Gouvernement doit faire des choix stratégiques et définir une nouvelle politique portuaire en matière d'investissements.
Nous avons, en France, de nombreux ports, mais, à l'évidence, tous n'ont pas une vocation internationale. Seuls deux ou trois d'entre eux sont appelés à un tel destin.
Tous les autres ont vocation à une desserte nationale, ils contribuent à irriguer économiquement leur région et représentent de véritables réservoirs d'emplois.
Les ports français sont tous partie prenante dans l'aménagement du territoire et doivent être reconnus comme un secteur stratégique de notre économie.
Ils représentent plus de 250 000 emplois.
A ce propos, monsieur le ministre, quand comptez-vous publier le schéma directeur national des ports maritimes et celui des plates-formes multimodales ?
Je suis un partisan convaincu de la valorisation de nos ports par l'aménagement de plates-formes logistiques multimodales et par la densité des dessertes terrestres.
Des efforts sensibles ont déjà été menés et il faut saluer la volonté du Gouvernement en ce domaine.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur trois grands projets essentiels au maillage du territoire : l'autoroute des estuaires, l'autoroute centre-Atlantique et l'achèvement de la liaison fluviale à grand gabarit Rhin-Rhône dont M. le Premier ministre a confirmé en octobre la décision de réalisation, et je m'en réjouis.
Je voudrais dire, ici, mon inquiétude quant aux lenteurs remarquées pour la réalisation de cette liaison.
Je souhaite que le Gouvernement et le Parlement fassent en sorte que la loi soit appliquée et que cette réalisation voit le jour le plus rapidement possible. Elle apportera beaucoup, notamment aux ports de Lyon et de Marseille en les connectant aux grands réseaux européens de communication.
Le port de Rotterdam égale à lui seul tous les ports français, 50 % de son trafic provient du fluvial, renforcé par l'achèvement de la liaison Rhin-Main-Danube.
Il faut savoir que cette liaison s'autofinance en grande partie. Aussi est-il hors de question de mettre en concurrence cette liaison avec une autre infrastructure telle que le TGV puisque les fonds recueillis ne pourront en aucune façon être utilisés à d'autres fins.
En conclusion, mes chers collègues, nous sommes, en dépit des difficultés, en présence d'un budget de la mer qui résiste et qui marque une inconstestable volonté gouvernementale. C'est pourquoi la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le budget de la mer qui nous est aujourd'hui présenté est, dans la conjoncture de restriction budgétaire générale, le meilleur possible. Cependant, je souhaiterais, monsieur le ministre, que ce budget, notamment pour les ports, ne subisse pas, comme ceux qui l'ont précédé, des annulations de crédits en cours d'année, et donc qu'il reste intact jusqu'à la fin de 1997.
En effet, nos ports, comme l'a dit M. Massion dans son rapport, souffrent d'une situation qui leur est préjudiciable. On ne peut donc que se féliciter des engagements de M. le Président de la République et de vous-même, monsieur le ministre, de tout faire pour que nos ports puissent faire face à la concurrence qui les menace de plus en plus.
Je voudrais tout d'abord attirer votre attention sur les nombreux handicaps dont ils sont victimes. A l'heure actuelle, nos ports ne bénéficient pas, d'un environnement concurrentiel équitable. En effet, nos concurrents du Benelux ne respectent pas un certain nombre de règles auxquels ils devraient se soumettre, en particulier dans le domaine phytosanitaire. Ainsi, le port d'Anvers ne vérifie pas les matériels et autres containers, permettant ainsi à de la viande avariée et à des farines d'arriver sur notre territoire.
M. René Régnault, rapporteur spécial. Oh là là !
M. Patrice Gélard. De même, à Rotterdam, les quotas en matière de poids des caisses ne sont pas respectés, ce qui permet là encore de contourner les difficultés que nos ports peuvent rencontrer. Par ailleurs, de nombreuses règles communautaires ne sont pas respectées. Sur ce point, monsieur le ministre, il me paraît souhaitable de demander à la Commission l'application des règles phytosanitaires dans les ports de l'Union européenne, d'autant plus qu'une récente décision du conseil des ministres du 27 novembre 1996 a aggravé les contraintes phytosanitaires pesant sur nos ports, et en vertu desquelles nous devons respecter des règles beaucoup plus strictes que nos concurrents.
Il faudrait également, monsieur le ministre, mettre fin aux discordances en matière douanière. Sur ce point, il est souhaitable que les soixante mesures qui ont été adoptées sous votre égide d'un commun accord par la direction des ports et par la direction des douanes soient plus largement appliquées.
Il faudrait aussi simplifier et alléger les contraintes juridiques. Il convient d'accélérer la mise en place d'une possibilité accrue d'aliénation du domaine public portuaire à des fins économiques. Il y a encore beaucoup à faire : des décrets n'ont pas encore été publiés et il est nécessaire de mettre en place le plus rapidement possible la commission nationale qui a été prévue.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Patrice Gélard. Il est nécessaire également d'alléger toute une série de contraintes administratives qui pèsent sur nos ports, de contraintes écologiques et environnementales, qui sont souvent trop lourdes. Elles sont imposées, par exemple, par la loi « littoral », ou par la création de réserves naturelles dans des zones qui doivent être destinées à des implantations industrielles portuaires.
Il faut raisonner différemment en matière de protection de l'environnement et de la nature. Rien ne démontre qu'il n'est pas possible de concilier les deux exigences. Il suffit de se rendre à Fos-sur-Mer, par exemple, pour voir que les flamants roses se plaisent parfaitement au milieu des usines.
Monsieur le ministre, je me réjouis que la mer ne soit pas séparée des autres moyens de transport et relève du ministère des transports. (M. le ministre fait un signe d'approbation.) En effet, nous devons avoir une politique de desserte de nos ports cohérente. La SNCF ne doit pas, comme c'est souvent le cas, faire de la contre-concurrence aux ports français. Il suffit de citer, par exemple, la politique de la CNC, cette filiale de la SNCF qui trouve tout à fait normal de conseiller à ses clients de travailler avec Anvers et Rotterdam plutôt qu'avec les ports métropolitains. La CNC ne dit-elle pas que « travailler avec les ports français, c'est un trafic captif » ? Il est bien dommage qu'on aboutisse à de tels résultats.
Cela dit, en ce qui concerne le secteur ferroviaire, ne pourrait-on pas faire preuve d'imagination pour désenclaver nos portes et, par exemple, utiliser un peu plus les voies secondaires, recourir éventuellement au Diesel, envisager des trains de 1 500 mètres à vitesse lente et faire en sorte que la charge par essieu puisse être portée à 44 tonnes sur 250 kilomètres ?
Enfin, il ne faut pas oublier que certains choix d'aménagement du territoire visant à désenclaver nos ports aboutissent souvent au résultat contraire. En matière fluviale, il ne faut pas que l'axe Seine-Nord soit réalisé sans la liaison Seine-Est, sinon nos concurrents d'Anvers et de Rotterdam risqueraient d'en bénéficier avant nos propres ports.
M. Charles Revet. C'est très important !
M. Patrice Gélard. Il faut également éviter que le doublement prévu de l'autoroute A 1 ne conduise, une fois encore, à améliorer la desserte d'Anvers et de Rotterdam au détriment de la desserte des ports du littoral atlantique.
Voilà les quelques remarques que je voulais vous présenter, monsieur le ministre. Je sais à quel point vous êtes attaché à ce que nos ports deviennent les grands ports de l'an 2000 pour la frontière européenne de l'Atlantique. Je sais que nous pouvons compter sur vous. En ce qui me concerne, et au nom du groupe du RPR, je voterai, bien entendu, le projet de budget de la mer, et donc les crédits des ports. (MM. Revet et Ginesy applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Bialski.
M. Jacques Bialski. Monsieur le ministre, je voudrais, s'agissant de votre budget, partager l'optimisme gouvernemental. J'aimerais croire qu'il existe une volonté de réaliser une « ambition maritime retrouvée », pour reprendre votre expression, monsieur le ministre. Mais le budget qui nous est soumis et les derniers soubresauts du projet de politique portuaire incitent à penser que l'économie maritime n'est pas au centre de vos priorités.
Depuis 1993, bien des promesses et bien des engagements n'ont pas été tenus. Le grand ministère de la mer n'est plus qu'un souvenir de campagne présidentielle. Un souvenir plutôt amer car les milliers de kilomètres de côtes françaises et la vocation maritime historique et contemporaine de la France méritaient certainement mieux qu'une fonctionnarisation de la gestion de la mer.
Je ne voudrais cependant pas que mes propos soient mal interprétés. Sachez que je ne porte aucune suspicion sur la compétence du secrétaire général à la mer, qui est d'ailleurs venu dans nos ports pour y étudier les besoins et les potentialités à inscrire dans l'ex-future loi d'orientation portuaire. M. Quentin a même déclaré que « Dunkerque était un des principaux endroits qui donnent des raisons de croire à une bonne politique maritime, chère à Jacques Chirac ». C'était le rêve, il nous a parfaitement confortés dans nos espoirs et comme l'a judicieusement résumé la presse locale : « Ça ne mange pas de pain et finalement ça fait plaisir ».
En juillet dernier, à l'issue du conseil interministériel de la mer, il était annoncé que M. le Président de la République tiendrait « à l'automne et sous une forme indéterminée » un grand discours sur les questions maritimes. Le silence enregistré depuis lors semblerait indiquer que la réflexion n'ait pas encore été menée à son terme.
Enfin, tout récemment, au lendemain de la discussion du budget de la mer à l'Assemblée nationale, nous apprenions que le projet de loi d'orientation portuaire serait vidé de sa substance au profit de mesures réglementaires et administratives. Bien, nous enregistrons, mais toutes ces tergiversations que l'on tente d'expliquer en s'appuyant sur des citations de Montesquieu ne sont pas de nature à nous rassurer.
L'an dernier, monsieur le ministre, par la voix de ma collègue Mme Marie-Madeleine Dieulangard, que je remercie encore aujourd'hui, je disais que nous vivions « un quotidien à géométrie variable ». Tous ces événements récents semblent me donner raison, même si la concertation engagée a permis d'avancer sur un certain nombre de points.
Mais la fragmentation des décisions n'aura jamais la force d'une loi. Sur ce plan, je rappellerai simplement, à titre d'exemple, que si la loi extrêmement courageuse modifiant le régime du travail dans les ports n'avait pas été élaborée et mise en oeuvre, le trafic de l'ensemble des ports français n'atteindrait pas aujourd'hui péniblement celui du seul port de Rotterdam, mais n'en représenterait que le quart !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne procéderai pas à une analyse détaillée de ce projet de budget, qui me conduirait à répéter les observations que j'avais formulées les trois années précédentes. Je tiens cependant, au passage, à remercier et à féliciter nos collègues René Régnault et Marc Massion pour leurs excellents rapports.
M. Charles Revet. Et M. Jacques Rocca Serra aussi !
M. Jacques Bialski. Oui, c'est très juste !
Je me limiterai à un certain nombre d'observations, de constatations et de remarques sur les sujets les plus sensibles, qui ont fait l'objet de multiples interpellations auprès des parlementaires et des responsables économiques.
Tout d'abord, l'évolution de la structure de l'ENIM, qui deviendra un établissement public administratif de plein exercice sous la tutelle directe du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, suscite encore bien des interrogations.
La fédération nationale des associations de pensionnés de la marine marchande vous a fait part d'observations pertinentes qui, semble-t-il, n'ont pas fait l'objet de réponses convaincantes, bien que vous ayez écrit que « l'organisation de l'ENIM, pas plus que son fonctionnement, n'ont à être modifiés ».
Dans la réalité, il en sera tout autrement. En premier lieu, il apparaît que le directeur de l'ENIM, tout en étant nommé en conseil des ministres, n'aurait plus la délégation de signature. Par ailleurs, la tutelle rendue nécessaire pour un établissement public administratif apparaît comme un échelon intermédiaire qui risque de compliquer, voire d'alourdir le fonctionnement de l'établissement.
De plus, la proposition de création d'un secrétariat unique du conseil supérieur et du conseil d'administration présentée par les instances représentatives des pensionnés mériterait d'être prise en compte, car elle serait effectivement facteur d'économie et de cohérence.
Ce changement de statut est présenté par l'Etat comme une simple mise à niveau, mais les adhérents de l'ENIM sont d'autant moins rassurés que bien des propos sont tenus au conditionnel.
J'ai le sentiment que le bien-fondé de cette réforme n'est toujours pas admis par les assujettis, sans doute par absence de véritable concertation, mais aussi en raison de leurs craintes d'assister dans l'avenir à une dérive de l'institution et de son régime social.
Ces préoccupations sont légitimes. Faute de temps, je ne ferai qu'évoquer cet aspect de l'évolution de l'administration de la mer. Sachez néanmoins, monsieur le ministre, que, sur ce plan notamment, vous inquiétez beaucoup les marins, les pensionnés et leurs familles.
Je consacrerai l'essentiel de mon intervention à notre flotte, à nos ports et aux évolutions qu'ils ont déjà subies ou qu'ils subiront.
Ma première constatation tient au fait que l'Etat n'a pas réussi à sauver la flotte française du naufrage. La privatisation de la CGM, dont le processus original nous a été rapporté par un journal satirique, est la douloureuse illustration d'un échec dont les responsabilités - je vous le concède - sont aussi à rechercher du côté de la dérégulation mondiale. Comme pour toutes les privatisations, nous assisterons, à l'issue de la dernière recapitalisation, à un dernier plan social qui constituera, pour tous, l'ultime désillusion.
Je doute fort que cet environnement prépare la France à une nouvelle grande aventure maritime. Notre flotte, hélas ! n'est pas près de quitter le vingt-cinquième rang mondial.
Pour appâter les repreneurs, vous avez, monsieur le ministre, sorti le joker des quirats. Cette grosse ficelle fiscale produira-t-elle les miracles escomptés ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Eh oui !
M. Jacques Bialski. Il est trop tôt pour le dire, car le comportement des Français sera peut-être différent de celui d'autres populations de l'Europe du Nord. Reste à savoir si cette mesure, qui va à l'encontre de la chasse aux niches fiscales entamée par Bercy, profitera à l'ensemble du secteur maritime, ou seulement à quelques grandes et moyennes fortunes françaises qui trouveront là une aubaine inespérée.
Toujours sur le plan du transport maritime, permettez au parlementaire du Nord que je suis d'attirer votre attention sur l'importante régression du trafic transmanche, régression qui entraîne des effets pernicieux dans nos ports. Non seulement l'ouverture du tunnel sous la Manche a intensifié la concurrence sur le plan du trafic passagers - cela était prévu - mais il a déclenché aussi une impitoyable guerre tarifaire, qui fragilise encore davantage un pavillon français qui se trouvait déjà en très mauvaise position face à ses concurrents.
Economiquement, l'avenir du trafic transmanche ne peut reposer sur les dysfonctionnements du tunnel. Il faut impérativement maintenir le pavillon français et se donner les moyens de le défendre et de le sauvegarder car, à terme, il est à craindre que près de 200 marins français ne soient licenciés. Telle est la dure réalité !
Certes, pour minimiser l'ampleur de cette nouvelle tragédie humaine et sociale dans notre secteur, on cherche à séduire la communauté portuaire avec des projets de lignes assurées par des navires à grande vitesse. Et le financement des installations d'accueil serait probablement, bien entendu, à la charge des collectivités !
Cette gestion à courte vue n'est pas acceptable.
La situation n'est guère plus brillante dans les ports français qui, de longue date et sans moyens réels d'intervention, s'attachent à redresser la barre. Nos ports veulent sortir de leur isolement en raisonnant en termes d'aménagement du territoire et d'espace régional. Mais, pour cela, il faut les aider.
Tous les responsables savent qu'ils peuvent compter sur le dynamisme des collectivités, qui sont conscientes des enjeux. C'est un fait acquis ! Tous attendent à cet égard les propositions novatrices de l'Etat.
L'annonce d'une loi d'orientation portuaire avait redonné de l'espérance, même si tous les partenaires percevaient les limites de la loi et savaient d'avance que celle-ci ne résoudrait pas tous les problèmes et n'assurerait pas la productivité.
L'optimisme était de rigueur quand le Gouvernement a affiché sa volonté de réformer l'organisation portuaire. Malheureusement, la déception a gagné les esprits quand fut annoncé le choix de la voie réglementaire parce qu'ici ou là des lobbies puissants se sont fait entendre.
Je dois pourtant reconnaître bien volontiers que, sur le strict plan de la consultation en matière administrative, les opérations furent bien menées avec l'ensemble des partenaires.
Les propositions que vous retenez, issues de la synthèse, répondent globalement aux souhaits et aux nécessités, car tous les acteurs mesurent l'impasse dans laquelle nous nous trouvons. Je regrette simplement que votre projet de loi n'ait pu aboutir.
Puisque l'on a fait référence à l'instant à Montesquieu, je rappelle que ce brillant philosophe était aussi l'auteur de L'Esprit des lois !
Tout cela démontre combien les intérêts particuliers peuvent entraver l'intérêt général. Cependant, faut-il pour autant que l'Etat cède devant des accords régionaux qui reposent peut-être sur une certaine légitimité mais qui portent obstacle à l'économie nationale ?
Certes, je ne suis pas favorable à des interventions brutales, mais je suis en droit de me demander si la recherche d'un consensus n'a pas été un peu vite évacuée.
Bref, à défaut de loi, il y aura réforme, et sachez, monsieur le ministre, que les six axes qui ont pu être définis répondent à nos préoccupations, sous réserve que leurs intitulés ne se limitent pas à de l'autosatisfaction et n'entrent pas dans le dictionnaire de la langue de bois.
Au-delà de nos divergences sur la méthode utilisée et sur le processus, j'aimerais que vous puissiez affiner votre position sur la répartition et les responsabilités des catégories professionnelles désignées au sein des futurs conseils d'administration des ports autonomes.
Monsieur le ministre, les responsables de nos ports n'ont plus aujourd'hui des positions figées et sont prêts à s'adapter à des réformes - puisqu'il faut maintenant utiliser ce mot - car ils seraient sans cela confrontés à un déclin qui serait irrémédiable. Ils adhèrent à la mise en place d'un comité d'orientation stratégique, partagent les idées avancées sur la recherche de la qualité, sur la maîtrise des coûts, sur l'effort commercial, sur l'accueil de nouveaux partenaires, sur la gestion du domaine foncier, sur l'harmonisation des régimes fiscaux. Bref, tout cela va dans le bon sens.
Des exemples récents nous incitent cependant à penser que les blocages demeurent. Vous êtes, comme nous le sommes, soucieux de la performance, mais vous ne maîtrisez pas, à l'heure actuelle, la cohérence et l'harmonie qui doivent être de règle pour faire taire les discordances et satisfaire l'intérêt général.
Pardonnez-moi de prendre pour exemple une fois encore le port de Dunkerque, mais, croyez-le bien, ce n'est pas par chauvinisme.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Mais vous avez raison !
M. Jacques Bialski. Une préoccupation majeure mérite clarification de votre part.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je vous écoute !
M. Jacques Bialski. Le maire de Dunkerque, Michel Delebarre, et notre éminent collègue Maurice Schumann vous ont rencontré récemment...
M. René Régnault, rapporteur spécial. Tous deux sont favorables à un ministère de la mer !
M. Jacques Bialski. ... pour vous faire part du comportement de la SNCF, qui manifeste une fâcheuse tendance à « jouer » économiquement les ports de Rotterdam et d'Anvers.
Quand une société nationale vient contrecarrer tous les efforts locaux, au moment même où les ports de Lille et de Dunkerque innovent par la mise en place d'un GIE, il y a vraiment matière à s'interroger sur la référence politique de l'intérêt national ! S'agit-il, en l'occurrence, d'une simple maladresse, d'une absence de coordination ou d'une volonté déterminée de rentabiliser sans se préoccuper de l'intérêt régional, et donc national ?
Nos ports autonomes ont pris enfin conscience, au-delà de leur fonctionnarisation, qu'il fallait se battre pour la reconquête des trafics. Il est fini le temps où les ports français se considéraient comme des passages obligés !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Très bien !
M. Jacques Bialski. Je m'en réjouis d'autant plus que j'encourage cette démarche depuis de très longues années et vous admettrez, monsieur le ministre, qu'il y a de quoi être irrité quand les efforts importants des collectivités locales et de l'Etat se trouvent entravés par d'obscures décisions catégorielles.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Très bien !
M. Jacques Bialski. Nous nous battons tous ensemble et, dans bien des cas, nous engageons les collectivités dans des investissements dont le coût pourrait être affecté à d'autres priorités. Alors, de grâce, intervenez ! Faites le nécessaire pour que nous n'ayons pas à subir des effets pervers dont l'origine se situe dans ce que j'appellerai la mouvance des distorsions franco-françaises.
J'évoquerai encore la situation dunkerquoise à propos de l'aide de l'Etat apportée à ce port.
En décembre 1987, M. Jacques Chirac, alors Premier ministre, annonçait pour notre établissement une dotation en capital de 287 millions de francs, très appréciée à l'époque, mais qui n'était pas gratuite puisqu'elle était accordée moyennant une rémunération au profit de l'Etat fixée à 1 % pour les années 1989 et 1990 - c'était intéressant -, puis à 3 % pour les années 1991 à 1993 - ce l'était déjà beaucoup moins - et 5 % au-delà... et indéfiniment.
Ce dernier taux, qui est manifestement trop élevé aujourd'hui puisqu'il représente près de 15 millions de francs annuellement, va toujours contrarier l'équilibre du budget de ce port. Il me semble que la masse d'efforts consentis, l'implication des collectivités et le dynamisme qui porte leurs initiatives devraient être pris en compte pour envisager une réforme de ce mécanisme. En ce domaine, il est du devoir de l'Etat de s'adapter à la conjoncture.
Par ailleurs, je suis convaincu que l'avenir de nos ports passe par l'aménagement de plates-formes multimodales européennes qui préserveraient notamment les intérêts du transport français. Depuis trois ans, nous sommes toujours en phase de réflexion sur ce sujet, tandis que ce système fonctionne d'une façon remarquable aux Pays-Bas et en Allemagne.
Sommes-nous en capacité de combler notre retard ? Je l'espère, mais, en attendant, les flux hanséatiques gèrent le corridor européen.
Vous pourriez fort bien me rétorquer, monsieur le ministre, que les grandes lignes d'un plan sont établies et que la stratégie est prête à être mise en oeuvre. Je reste cependant dubitatif par référence à l'exemple que je vous ai cité précédemment sur les choix opérés par la SNCF.
Dans le Nord - Pas-de-Calais, la création de la plate-forme de Dourges semble acquise alors que l'implantation naturelle aurait pu se situer autour d'un grand port. Mais, là encore, la concertation préalable s'est située au niveau de la langue de bois plutôt que sur la base d'un dialogue cartes sur table avec l'ensemble des partenaires.
Je n'irai pas plus loin dans ce débat, sachant que tout ce qui sera bénéfique à la région Nord - Pas-de-Calais le sera pour la France.
L'intermodalité est une condition de survie, elle doit être intégrée en termes d'aménagement du territoire dans le cadre de la stratégie économique du XXIe siècle. Néanmoins, je pense que le port de Dunkerque mérite d'être parfaitement associé dans cette nouvelle structure par des liaisons directes qui le conforteront face à diverses concurrences qui ne sont plus de mise aujourd'hui.
Mais qui dit plates-formes multimodales dit aussi symbiose et connexion avec des voies navigables performantes. Or la liaison Seine-Nord, qui doit participer au développement du transport combiné, demeure au stade du discours, de la concertation en vue du choix définitif du tracé.
M. René Régnault, rapporteur spécial. Il y a du consensus dans tout cela !
M. Jacques Bialski. Oui, mais on n'avance pas !
Certes, les collectivités locales concernées doivent encore se prononcer, mais l'enjeu est tel qu'il appartient à l'Etat de faire en sorte que la procédure soit accélérée afin que d'autres flux ne viennent pas contrarier ce projet essentiel, générateur d'importants trafics.
Le temps m'est compté, monsieur le président, monsieur le ministre, et je voudrais terminer sur une note optimiste.
J'apprécie que cette solidarité que nous nourrissons tous envers les gens de mer ait retrouvé dans ce budget sa juste appréciation par l'abandon de la « réserve parlementaire » pour l'alimentation de la dotation affectée à la SNSM.
M. René Régnault, rapporteur spécial. Très bien ! Pitié pour elle !
M. Jacques Bialski. C'était, certes, facile, sachant que l'Etat intervient peu dans le financement du renouvellement de la flotte des vedettes de sauvetage en mer. Néanmoins, il s'agit là d'un geste qui conforte le moral de tous ces bénévoles qui, chaque année, sauvent un grand nombre de vies humaines.
La station de Dunkerque procède actuellement au remplacement de sa vedette, avec une participation substantielle des collectivités locales ; mais - je le signale au passage - son financement n'est pas encore définitivement bouclé. Je remercie d'avance M. Poncelet de l'effort qu'il pourrait éventuellement faire pour le financement du canot de sauvetage de Dunkerque.
Enfin, au regard de toutes ces remarques, vous ne serez pas étonné, monsieur le ministre, que le groupe socialiste du Sénat ne vote pas un budget qui n'est pas offensif, qui n'assure pas le règlement des problèmes de fond et, surtout, qui n'affirme pas, malgré les promesses, une ambition maritime pour la France.
Vous n'avez pas retrouvé la mer, vous l'avez simplement, par ce budget, gérée sans lui donner la place qu'elle mérite. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mer regroupe traditionnellement deux secteurs : la marine marchande et les ports maritimes.
Il présente la particularité d'intégrer les crédits de l'établissement national des invalides de la marine, qui représentent à eux seuls les trois quarts des crédits de ce département ministériel.
Hors ENIM, le budget de la mer ne regroupe que 1 600 millions de francs de crédits, ce qui est tout à fait insuffisant pour assurer l'ambition maritime que la France devrait avoir.
Fait remarquable, cette année, malgré la croissance mécanique de la dotation à l'ENIM du fait de l'augmentation du nombre des retraités de la marine marchande, il est en recul de 1,27 % en francs courants, soit, en tenant compte de l'inflation, de 2,9 % en francs constants.
Ce budget, qui n'est vraiment pas bon, entérine donc la mauvaise politique de la mer menée depuis trop longtemps dans notre pays. Il se traduit à la fois par la vente du domaine maritime public des ports et par le passage progressif de notre marine marchande sous le pavillon de complaisance des îles Kerguelen.
Tout cela nous amène, bien entendu, à voter contre ce budget. Mais, si nous votons contre, c'est également pour protester contre le bradage à vil prix à des intérêts privés de la Compagnie générale maritime.
A un moment où le Gouvernement demande des sacrifices à tous pour pouvoir assurer le passage à la monnaie unique, il est particulièrement choquant qu'on livre cette société appartenant à l'Etat à une société à capitaux libanais, la SMA, pour la somme ridicule de vingt millions de francs.
L'opération s'est conclue de gré à gré après que l'Etat eut versé au total, ces dernières années, quelque 3,3 milliards de francs pour recapitaliser l'entreprise.
Dans son édition du 20 novembre dernier, le journal Les Echos relatait ainsi la passation de pouvoir entre l'Etat et les nouveaux propriétaires : « A l'occasion du dernier conseil d'administration, son président, Philippe Pontet, a constaté que la Compagnie maritime générale et financière, holding étatique de la CGM, avait bien, comme convenu, recapitalisé l'entreprise à hauteur de 1,275 milliards de francs. Puis le transfert de propriété a eu lieu à l'occasion d'une interruption de séance, la Compagnie maritime d'affrètement et ses associés acquérant les actions de la CGM pour 20 millions de francs. »
Oui, mes chers collègues, vous avez bien entendu trois chiffres : 3,3 milliards de francs de recapitalisation, dont 1,275 milliard versés juste avant que l'Etat n'encaisse les vingt petits millions de francs correspondant au prix de vente de l'entreprise nationale !
Voilà comment le Gouvernement se débarrasse d'une entreprise qui a, certes, connu quelques vicissitudes depuis quelques années, mais qui réalise tout de même, malgré un petit déficit de trente millions de francs, en 1996, un chiffre d'affaires annuel supérieur à 3 milliards de francs et dont la flotte est évaluée à plus de 1,5 milliard de francs.
A peine l'entreprise nationale livrée à la CMA, le nouveau PDG, M. Jacques Saadé, confirme son intention de supprimer le quart des emplois de l'entreprise et de « tailler ainsi dans le personnel sédentaire et navigant », laissant, bien entendu, à la charge de la collectivité les coûts sociaux que cela entraîne.
Le repreneur envisage également, à court terme, le passage des navires de la CGM aux conditions du pavillon de complaisance des îles Kerguelen, qui lui permettront de remplacer 65 % des marins français par des marins originaires des pays du tiers monde.
Je rappelle que le code du travail maritime ne leur est pas applicable et qu'on peut les payer entre 500 et 3 500 francs par mois, suivant la fonction qu'ils occupent à bord, sans être obligé de leur assurer une quelconque protection sociale.
Alors que la flotte de commerce française est passée du neuvième rang mondial, en 1976, au vingt-quatrième rang, l'an dernier, et que les deux tiers des échanges internationaux se font par voie maritime, tout indique que cette désastreuse tendance risque de s'amplifier et qu'on s'achemine, à terme, vers le dépeçage de la CGM.
Au lieu de liquider la flotte de commerce française, il convient, par une politique maritime audacieuse, de travailler à la reconstruire, car c'est un élément indispensable à la bonne santé de l'ensemble de notre économie.
Si MM. Balladur et Sarkozy nous expliquaient que les privatisations allaient permettre à notre pays de réduire sa dette publique, on peut aujourd'hui constater non seulement qu'il n'en est rien, mais encore qu'elles coûtent très cher au pays, à ses finances publiques, à son économie et à ses équilibres sociaux. Le mauvais exemple de la privatisation de la CGM est là pour nous le rappeler.
Nous proposons donc de mettre un terme à cette gabegie des fonds publics et, par conséquent, de procéder à la renationalisation de la CGM en la rachetant à ses propriétaires au prix où ils l'ont acquise, c'est-à-dire pour un maximum de 20 millions de francs, et pas un centime de plus.
Sous le bénéfice de ces quelques explications, nous voterons contre le budget de la mer et contre la politique de régression qu'il implique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a souligné M. le rapporteur pour avis - j'y suis sensible - le Gouvernement a pris depuis deux ans un ensemble de mesures importantes touchant à tous les secteurs de l'activité maritime afin de redonner à la France une grande ambition maritime.
En effet, notre pays dispose d'atouts considérables en ce domaine, avec une façade maritime très importante vers laquelle l'économie n'est pas assez tournée.
Que ce soit pour les ports ou pour la flotte de commerce, les moyens dont nous disposons n'ont pas été suffisamment exploités et valorisés au cours des dernières années.
C'est pourquoi, depuis un an, nous avons entrepris une série d'actions visant à faire évoluer le cadre législatif et réglementaire de la politique maritime.
Ainsi, plus d'une quarantaine de mesures ont été prises à l'occasion de deux comités interministériels de la mer, dont les mesures douanières, monsieur Gélard.
Je pense également, bien sûr, à la loi sur les quirats, que vous avez votée au printemps dernier, et dont l'ensemble des différents textes d'application ont été pris dans un temps extrêmement rapide, à l'exception d'un décret sur les fonds de placement quirataires. Ce décret, qui est actuellement à la signature de M. le ministre de l'économie et des finances, ne devrait plus tarder, monsieur Rocca Serra.
Par ailleurs, j'ai écrit à M. Arthuis pour mettre en oeuvre un dispositif spécifique quirataire pour les navires d'occasion.
En ce qui concerne 1997, messieurs Rocca Serra et Gélard, vous l'avez dit, le budget de la mer reste stable. En effet, dans un contexte budgétaire rigoureux, j'ai voulu que les moyens réservés à la mer soient préservés.
A structure constante, l'ensemble des crédits, d'un montant de 6 215 millions de francs, est en reconduction par rapport à 1996, voire en légère hausse pour les crédits de la marine marchande, comme M. Régnault a bien voulu le signaler.
En effet, après la création du secrétariat général de la mer, il convenait de tirer, enfin, les conséquences du rattachement des services de la mer au ministère de l'équipement et de ceux de la direction des pêches au ministère de l'agriculture.
Le projet de budget pour 1997 fait donc apparaître ces regroupements. Ils permettront à l'administration de la mer de s'alléger des tâches d'administration générale pour mieux se consacrer aux affaires maritimes, tout en participant à la gestion commune de ce ministère, ce qui est une bonne chose, car les services de la mer, trop petits, sont restés trop souvent à l'écart du mouvement de modernisation de l'administration. Il nous faut combler ce retard par rapport à la moyenne du ministère.
C'est pourquoi, monsieur Régnault, je me permets de nuancer votre appréciation sur l'éclatement des administrations en charge de la mer. L'exemple est parlant avec les moyens de services, limités parce que trop longtemps réduits à leurs possibilités ; il est plus net encore avec les ports français, qui, lorsqu'ils dépendaient d'un ministère autonome, n'ont pas été suffisamment pris en compte dans les schémas d'infrastructures, gérés, hélas ! par un autre ministère.
Avec le secrétariat général, monsieur Bialski, le Gouvernement dispose désormais d'une vue d'ensemble de la politique maritime, qui recevra régulièrement des impulsions avec la tenue des comités interministériels.
La réforme en cours des administrations de la mer y contribuera également : la direction des affaires maritimes sera chargée des missions classiques de l'Etat ; la direction des ports et du transport maritime, à vocation économique, s'occupera de tout ce qui a trait à la chaîne du transport maritime, les ports, bien sûr, mais aussi la flotte de commerce.
Ainsi que vous le signaliez, monsieur Régnault, l'Etablissement national des invalides de la marine cesse d'être une direction d'administration centrale qui gérait un établissement public pour devenir un établissement public administratif classique, tout en conservant son pouvoir de proposition et d'élaboration des textes.
Sur le fond, monsieur Bialski, ni son organisation ni son fonctionnement ne sont modifiés... (M. Jacques Bialski exprime le doute en hochant la tête) - non ! ne hochez pas la tête, c'est la vérité ! -... puisqu'ils donnent satisfaction aux acteurs concernés. Le budget prévisionnel de l'ENIM s'élèvera à 9 300 millions de francs, en 1997, comprenant une subvention de l'Etat à hauteur de 4 600 millions de francs, qui représente la moitié de ses ressources.
Cet effort de clarification et de concentration s'appliquera également aux services déconcentrés, les quartiers des affaires maritimes, dont, à base constante, les moyens augmentent de 2,2 %. Hors personnels, le fonctionnement est en hausse de près de 15 %.
Un effort particulier sera, en outre, réalisé pour la sécurité et la surveillance en mer.
La France doit répondre à ses engagements internationaux et les enjeux sont très importants pour nos pêcheurs. C'est pourquoi les moyens de fonctionnement augmentent de 7,5 %. En investissements, la flottille de surveillance des affaires maritimes poursuit sa modernisation, qui se traduira par la mise en service de trois vedettes modernes et performantes supplémentaires.
Ces opérations s'inscrivent dans le cadre d'un plan d'investissement sur cinq ans, qui, à son achèvement, à l'horizon de l'an 2000, permettra la couverture entière du littoral français, avec neuf vedettes régionales et vingt-huit vedettes côtières.
Par ailleurs, un patrouilleur de quarante-six mètres destiné à la surveillance hauturière du golfe de Gascogne vient d'être acheté. Il sera mis en service dès l'an prochain.
Adaptation et modernisation des services donc, mais aussi renouveau des formations.
Vous avez raison de le rappeler, monsieur Rocca Serra, notre pays, avec ses douze écoles maritimes et aquacoles, mais aussi avec quatre écoles de marine marchande, dispose d'un potentiel de formation d'excellent niveau, reconnu à l'étranger et dont les élèves ont aisément accès au marché de l'emploi.
Déjà, au cours des dernières années, des réformes importantes de cursus ont été menées. Elles seront poursuivies à l'issue des résultats des groupes de travail tenus cette année, qui associaient à l'administration des professionnels et des enseignants.
Dans l'enseignement maritime supérieur, il faudra veiller à adapter les règles aux exigences internationales. Nous prévoyons, par ailleurs, au cours des prochaines années, une augmentation progressive du nombre des élèves des écoles nationales de la marine marchande.
M. René Régnault, rapporteur spécial. Très bien !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Au demeurant, cette augmentation répond parfaitement aux ambitions de relance de la flotte française. Ainsi, comme vous l'avez noté, à juste titre, monsieur Régnault, les crédits de formation augmenteront, en 1997 : 6 millions de francs, en fonctionnement et 2 millions de francs en investissement iront aux écoles de la marine marchande ; 74 millions seront versés à l'association de gestion des écoles maritimes et aquacoles, soit une hausse de 6 %.
Le deuxième axe d'une vigoureuse politique maritime passe, bien évidemment, par une politique portuaire dynamique. Nous y attachons une grande importance, monsieur Gélard.
Les ports français représentent un chiffre d'affaires de plus de 4 milliards de francs et traitent 300 millions de tonnes de trafic par an. Ils ont un impact considérable sur notre économie, puisque près de la moitié du commerce extérieur transite par leur intermédiaire. A cet égard, près de 250 000 emplois directs ou indirects sont concernés.
Or leur santé reste malgré tout fragile, avec des situations locales variables. Ils sont soumis à une très vive concurrence internationale. Il nous faut donc continuer à améliorer les résultats d'exploitation, à réduire les dépenses, à augmenter la productivité et à diminuer le volume d'endettement.
Monsieur Massion, vous avez clairement vu le double défi auquel nos ports se trouvent désormais confrontés : un défi européen, celui du marché unique, avec la mise en place de réseaux de transports transeuropéens ; un défi international, où la sélection se fera entre quelques grands ports.
Il faut donc - nous en sommes tous d'accord - donner aux ports les moyens de se battre et de s'adapter. Je dois dire devant la Haute Assemblée que je suis confiant.
Il y a un mois, ici même au Sénat, M. Josselin de Rohan m'avait invité au colloque qu'il présidait sur les ports français et la compétitivité européenne. Il y avait là toutes les parties intéressées : les directeurs des ports, bien sûr, mais aussi les directeurs des chambres de commerce, les chargeurs, les représentants des dockers. J'ai eu l'occasion d'assister à quelques échanges. Ce qui m'a frappé, c'est la mobilisation de tous sur ces sujets ; oh ! bien sûr, chacun avec ses intérêts propres, mais tous convaincus de la nécessité d'évoluer.
M. Bialski, je n'ai jamais entendu parler de loi d'orientation portuaire, du moins, en ce qui me concerne ou dans mes services. Il est vrai que dans un rapport M. Dupuydauby évoquait cette possibilité, mais un rapport, ce n'est pas la politique du Gouvernement !
La réforme portuaire a, pour l'essentiel, un contenu réglementaire. Quant aux dispositions législatives, monsieur Bialski, de grâce ! n'inversons pas les choses. J'ai toujours dit, y compris devant vos commissions, que la réforme était essentiellement d'ordre réglementaire et que, si des mesures législatives étaient nécessaires, c'était parce qu'il fallait modifier quelques points figurant dans le code des ports maritimes.
J'ai procédé à la plus large concertation et sur quelques points, les discussions que j'ai eues avec nombre des responsables, dont certains d'entre vous, m'ont convaincu de ne pas modifier certains équilibres. C'est cela la concertation, monsieur Bialski, et c'est parce que je m'y livre et que j'en tiens compte qu'il m'arrive, de temps en temps, d'évoluer.
Sur cette réforme dont vous aurez ultérieurement l'occasion de débattre, je tiens à mettre les choses au point. Il n'est pas question - il n'a jamais été question - d'y renoncer.
Cette réforme vise à faire des ports de véritables entreprises, sans perdre de vue toutefois la notion de service public. Elle devra répondre à trois objectifs. Le premier objectif est de dynamiser la gestion des ports.
Le deuxième objectif est d'encourager l'implantation d'activités économiques sur les places portuaires.
En ce sens, le comité interministériel de la mer a retenu plusieurs mesures, en particulier l'extension aux ports départementaux de la possibilité d'octroi de droits réels aux occupants du domaine public et la définition par la loi des espaces véritablement nécessaires à l'exercice du service public portuaire.
Par ailleurs, un schéma directeur des ports maritimes et de leur desserte terrestre est en cours de préparation, afin de mieux relier les ports maritimes à leur environnement économique et logistique.
Vous en avez souligné, messieurs les rapporteurs, tant M. Rocca Serra que M. Massion, l'évidente nécessité. En effet, nous devons désormais raisonner en termes de flux de marchandises et de réseaux. Nos ports ne progresseront pas s'ils ne sont pas soutenus par une excellente desserte. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veille activement à l'élaboration de ce schéma par nos services.
A cet égard, pour répondre à votre légitime préoccupation, monsieur Rocca Serra, et à la vôtre, monsieur Bialski, j'indique que nous avons également lancé un schéma des plates-formes multimodales et du transport combiné pour lequel une mission a été confiée au député M. Marc-Philippe Daubresse, qui est également président du Conseil national du transport combiné.
D'ores et déjà la situation s'améliore, même si c'est trop lentement à votre gré, monsieur Massion. Ainsi, les liaisons routières facilitant la desserte des ports de la Basse-Seine devraient être achevées à la fin de l'année 1998, la mise au gabarit B plus se poursuit, et les liaisons fluviales sont meilleures. Je suis, en effet, convaincu, monsieur Gélard, que la qualité de la desserte terrestre d'un port est un élément déterminant pour sa compétitivité.
Le troisième objectif, c'est le renforcement de la compétitivité des ports, en particulier par une meilleure maîtrise des coûts de passage portuaire.
Sur ce point, un réexamen des tarifs pratiqués aura lieu, en concertation avec les professionels ; la coopération entre les douanes et les ports sera poursuivie et amplifiée en vue d'améliorer la gestion des zones portuaires « sous douane ».
Les moyens financiers affectés aux ports seront globalement reconduits en 1997 tant en ce qui concerne l'entretien, avec 432 millions de francs - je suis d'ailleurs tout à fait d'accord avec vous, sur ce sujet, monsieur Massion, ces crédits doivent être préservés, car ils mettent en jeu la sécurité donc la réputation des ports - qu'en ce qui concerne l'investissement, soit 161 millions de francs au titre des contrats de plan Etat-région.
Monsieur Bialski, je considère que le port de Dunkerque est loin d'être désavantagé. Au cours de l'exercice 1996, l'Etat lui aura apporté 82 millions de francs au titre de l'entretien et 30 millions de francs pour la modernisation de ses infrastructures.
Parallèlement à la modernisation des ports, la rénovation de la flotte se poursuit avec une politique active de soutien au pavillon français.
Le premier semestre de l'année 1996 a été marqué par une augmentation du nombre de navires sous pavillon français, la flotte comprenant dorénavant 211 navires.
Je suis sûr que nous disposons désormais d'une panoplie de mesures qui permettra de soutenir efficacement la flotte française.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous en avez souligné le nombre et la complémentarité.
Tout d'abord, nous poursuivrons les subventions directes à l'investissement ainsi qu'à la modernisation des navires et de la gestion des entreprises. Une enveloppe de 198 millions de francs est prévue pour ces dispositifs. De même, la part maritime de la taxe professionnelle sera toujours remboursée en 1997. Monsieur Bialski, ces aides vont largement contribuer à soutenir les entreprises du transmanche.
Je vous rappelle que ces dispositions directes viennent se cumuler avec les allégements des cotisations armatoriales à l'ENIM, qui représentent un coût pour le régime de l'ordre de 140 millions de francs par an.
Permettez-moi enfin de souligner que nous attendons évidemment beaucoup de la récente loi sur les quirats. Ce dispositif, qui est très favorable pour les investisseurs, qu'il s'agisse de particuliers ou de sociétés, devrait permettre de mobiliser au moins la moitié des sommes nécessaires au renouvellement annuel de la flotte, ce qui représente effectivement, monsieur Régnault, environ un milliard de francs par an. Je ne vois pas pour quelle raison, monsieur Bialski, ce système ne conviendrait pas à la France.
M. Jacques Bialski. On verra !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Déjà dix-sept dossiers ont été déposés au titre de la loi sur les quirats, qui concernent vingt et un navires, ce qui représente plus de trois milliards de francs d'investissement et 450 emplois de navigants et de sédentaires. Voilà les premiers résultats, quelques jours seulement après l'entrée en vigueur de la loi sur les quirats que vous avez votée.
M. Jacques Bialski. C'est trop beau !
M. René Régnault, rapporteur spécial. Ces navires seront-ils immatriculés sous pavillon national ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je dirai un mot pour conclure sur un petit budget, auquel nous sommes tous attachés, celui de la Société nationale de sauvetage en mer, dont les membres accomplissent un travail admirable, reconnu par tous et dans la grande tradition de la solidarité des gens de mer.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. En effet, près d'un millier de vies sont épargnées grâce à eux chaque année. Cette société doit pouvoir vivre dignement, et surtout disposer d'équipements modernes et adaptés. Comme vous l'avez noté, messieurs les rapporteurs, nous avons fait un effort.
M. René Régnault. Très bien !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. C'est pourquoi le projet de budget qui vous est présenté reprend à son compte le supplément de crédits que la réserve parlementaire avait octroyé l'an dernier, avec 4 millions de francs de fonctionnement et 9,6 millions de francs de crédits d'équipement, ce qui permettra de poursuivre l'acquisition de nouveaux canots et, monsieur Bialski, de compléter le financement de la vedette de Dunkerque.
M. Jacques Bialski. Merci, monsieur le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. En conclusion, je crois pouvoir dire que le projet de budget de la mer est bon. Il a été préservé de la rigueur afin de donner les moyens aux administrations concernées de mener à bien les nombreuses réformes en cours dans un secteur stratégique, on l'a vu, mais aussi passionnant et très attachant par ses traditions et par la qualité des hommes qui y travaillent.
Vous m'avez interrogé, monsieur Gélard, sur les douanes et les produits phytosanitaires. Les mesures de simplification et d'harmonisation des procédures douanières sont appliquées dans de très bonnes conditions : près de cinquante des soixante mesures arrêtées sont mises en oeuvre à la satisfaction des opérateurs.
Il faut prolonger cette action en ce qui concerne les contrôles sanitaires, pour harmoniser nos pratiques avec celles de nos concurrents. C'est ce qui a été décidé en comité interministériel, le 4 juillet dernier.
Je viens de mettre en place, avec le ministère de l'agriculture, un groupe de travail qui fera rapidement des propositions concrètes. J'ai retenu ce que vous avez dit, monsieur Gélard, à propos de nos partenaires qui ne respectent pas les règles et je vais m'en occuper directement.
M. Charles Revet. Il faut y veiller très souvent.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur Massion, le deuxième décret qui permettra de mettre en oeuvre concrètement dans les ports les dispositions de la loi de 1994 sur la domanialité publique est très attendu. Il est actuellement au Journal officiel, et sa sortie est imminente.
Monsieur Rocca Serra, le canal Rhin-Rhône ne souffrira pas, de ma part, du moindre retard. Il a été décidé par la grande loi sur l'aménagement et le développement du territoire. Pour moi, la loi, c'est la loi. Le financement a été prévu, pour une bonne partie, à travers la SORELIF et j'ai veillé à ce que toutes les procédures suivent leur cours normal.
Je suis un chaud partisan de la réalisation de cette grande oeuvre qui doit être une oeuvre structurante et dont nous devons attendre beaucoup.
M. René Régnault. Cela va coûter cher !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur Gélard, j'ai évoqué tout à l'heure les infrastructures routières et autoroutières qui doivent être programmées en tenant compte de l'activité de nos ports et non pas de celle des ports de nos voisins. A cet égard, ce que vous avez dit tout à l'heure à propos de liaisons autoroutières qui pourraient être réalisées dans telle ou telle direction et à propos de certaines publicités faites par une grande entreprise nationale, je veillerai à ce que les choses soient rétablies dans les meilleures conditions.
Telles sont, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les réflexions que je souhaitais vous livrer sur cette politique de la mer.
En conclusion, je tiens à dire que le Président de la République est particulièrement et personnellement attaché à une grande politique de la mer. Il considère que c'est une chance pour notre pays.
Or, j'ai eu l'occasion de le constater en d'autres circonstances, quand le Président de la République actuel est très attaché à un dossier, il le mène à son terme.
Messieurs les rapporteurs, monsieur Bialski, qu'il y ait un grand ministère de la mer ou pas, il y aura une grande politique de la mer. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René Régnault, rapporteur spécial. Il faudrait tout de même un grand ministère de la mer !
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la mer, inscrits à la ligne « Equipement, logement, transports et tourisme » seront mis aux voix aujourd'hui, à la suite de l'examen des crédits affectés au tourisme.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 581 800 959 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 2 402 595 952 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 6 491 911 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 180 460 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 8 112 676 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 244 216 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la mer.

V. - TOURISME