M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation du projet de budget de l'aménagement du territoire pour 1997 constitue, pour moi, un exercice quelque peu délicat.
En effet, en tant qu'élu de la majorité soutenant le Gouvernement, comment pourrais-je récuser l'effort de maîtrise de la dépense publique ? Mais, en tant que représentant d'un département défavorisé, comment pourrais-je ne pas éprouver une profonde inquiétude en voyant l'évolution de ce projet de budget qui, comme l'an passé, apporte une contribution plus que proportionnelle à cet effort ?
Cette année, les crédits demandés au titre de l'aménagement du territoire sont en baisse de 15,45 % par rapport au budget voté de 1996. Les moyens de paiement ne s'élèvent plus qu'à 1 670 millions de francs. Les autorisations de programme subissent le même sort avec une diminution de 26,41 %.
Hélas ! cette chute des crédits en 1997 a déjà été anticipée en 1996 par l'arrêté d'annulation du 26 septembre dernier.
En fait, depuis 1995, ce budget a subi une baisse cumulée de près de 26 % en l'espace de deux ans, soit une diminution de 580 millions de francs en francs courants.
Ainsi, depuis deux ans, nous assistons à une chute régulière des moyens financiers affectés à une politique que nous sommes nombreux à considérer comme une ardente obligation.
Cependant, avant de juger, il faut bien connaître ce budget. C'est pourquoi, avant d'émettre un jugement sur celui-ci, je me propose d'analyser ses différents aspects pour tenter d'expliquer la situation présente.
Cette baisse des crédits recouvre, en effet, des réalités diverses.
En ce qui concerne tout d'abord la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, il faut noter un resserrement des moyens. La dotation prévue pour 1997 baisse en effet de 3,14 %, pour revenir à 91,6 millions de francs. Cette baisse s'explique, en grande partie, par une réduction des dépenses de personnel.
Les effectifs budgétaires de la DATAR poursuivent en effet leur décroissance. Au total, depuis 1986, le nombre de personnes directement employées par la DATAR sera passé de 150 à 115 en 1997.
Mais c'est surtout le réseau de la DATAR à l'étranger qui est mis à contribution à travers la maîtrise de ses dépenses de personnel et de fonctionnement, qui font l'objet d'une révision des services votés de 2,5 millions de francs, soit une baisse de 6 %.
Je déplore cette évolution dans la mesure où l'apport de ce réseau, qui a pour mission, je le rappelle, d'attirer des investissements étrangers sur le territoire français, est très important en termes de création d'emplois.
J'en viens maintenant au deuxième aspect de ce budget, c'est-à-dire à la prime d'aménagement du territoire, la PAT, dont les crédits connaissent une baisse sensible.
Je rappelle que la PAT est une subvention d'équipement accordée par l'Etat aux entreprises françaises et étrangères qui réalisent, dans des régions classées, des programmes répondant à diverses caractéristiques concernant leur nature, leurs dimensions et leurs effets sur l'emploi.
L'année 1997 se caractérise par une « décroissance » des crédits ouverts au titre de la PAT. Le projet de loi de finances pour 1997 vient, en effet, accentuer un mouvement de réduction des crédits déjà engagé, pour la gestion en cours, par l'arrêté d'annulation du 26 septembre 1996.
Le montant des crédits prévus pour 1997 ne s'élève plus qu'à 155 millions de francs en crédits de paiement et à 250 millions de francs en autorisations de programme, soit une baisse respective de plus de 53 % par rapport à 1996. Il s'agit donc de l'engagement d'une réduction drastique et volontariste des moyens prévus au titre de la PAT pour 1997.
L'analyse de cette « amputation » doit cependant tenir compte de l'existence d'une masse considérable de reports de crédits accumulés depuis plusieurs années. Je reviendrai sur ce point particulier.
J'en viens maintenant au point le plus délicat de l'analyse de ce budget. Il s'agit de la diminution substantielle des crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, qui constitue, je le rappelle, 85 % du montant des crédits de paiement consacrés par votre ministère à l'aménagement du territoire, soit 1,42 milliard de francs, et 83 % de ses autorisations de programme, soit 1,23 milliard de francs.
Institué par l'article 33 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, le FNADT a été créé pour regrouper six fonds qui apparaissaient distinctement, jusqu'en 1994, dans le budget de l'aménagement du territoire.
Cette création avait pour vocation de simplifier la gestion des outils financiers spécifiques à la politique d'aménagement du territoire. Elle visait, en outre, à raccourcir et à déconcentrer les processus de décision.
Or les crédits inscrits en 1997 pour ce fonds s'inscrivent en baisse de plus de 8 %, soit une diminution de 125,6 millions de francs, par rapport à 1996, principalement en raison du report d'un an de l'échéance des contrats de plan Etat-région. Initialement conclus pour couvrir la période quinquennale 1994-1998, ils prendront donc fin au 31 décembre 1999.
A cet égard, les diverses explications avancées par le Gouvernement ne doivent pas dissimuler le fait que ce report d'un an permettra surtout de diminuer le montant des crédits annuels qui auraient dû être engagés au titre de ces contrats de plan en 1997 et en 1998.
A cet égard, monsieur le ministre, je m'étonne quelque peu de la proposition tendant à donner la possibilité aux régions de procéder à des avances financières. En effet, seules les régions riches pourront s'engager dans ce processus ; les régions pauvres ne le pourront pas. Ainsi, l'écart entre elles ne fera que s'aggraver.
Je note d'ailleurs que ce fonds a déjà fait l'objet d'un important mouvement d'annulation de crédits en 1996, pour un montant global de 195 millions de francs.
Au total, depuis 1995, les crédits d'intervention du FNADT auront donc diminué de près de 30 %, alors que les subventions d'équipement se réduisaient de 19 % en crédits de paiement et de près de 38,5 % en autorisations de programme.
Au total, il ne serait donc pas illégitime de se demander si l'aménagement du territoire n'est pas un budget sacrifié.
Comme en 1996, je le répète, il apporte une contribution plus que proportionnelle à l'effort de maîtrise de la dépense publique.
Au sein de ce budget en baisse, il convient cependant de faire la différence entre l'analyse des crédits de la prime d'aménagement du territoire et celle des crédits inscrits au titre du fonds national d'aménagement du territoire.
En effet, l'exercice 1997 traduit une volonté d'apurement de la gestion de la PAT, pour laquelle subsiste, nous le savons tous, une masse très importante de crédits reportés d'année en année.
Monsieur le ministre, vous avez souligné devant la commission des finances et la commission des affaires économiques que les réserves financières de la PAT seraient mobilisées en 1997 et en 1998 afin de permettre un niveau de financement au moins égal au niveau moyen des cinq dernières années pour cette prime. Cet engagement important devra être respecté. Il y va de la crédibilité de votre ministère.
Toujours à propos de la PAT, je vous demande, monsieur le ministre, d'engager une réflexion sur les critères d'éligibilité à cette prime, dont le faible taux de consommation des crédits traduit, notamment, un seuil de créations d'emplois trop élevé pour que des projets de dimension modeste puissent en bénéficier. Ainsi, dans le département que je représente aucune prime d'aménagement du territoire n'a été attribuée depuis sa création.
S'agissant du fonds national d'aménagement du territoire, j'insiste sur le fait que les amputations subies par ce fonds sont de nature à remettre en cause l'effort budgétaire engagé après le vote de la loi Pasqua.
Aussi, j'espère que les perspectives de renforcement des moyens financiers du FNADT pour 1997 seront confirmées.
Je me réjouis, monsieur le ministre, que, tenant ses engagements, le Gouvernement ait déposé un amendement tendant à relever le montant des crédits du FNADT de 70 millions de francs en autorisations de programme et de 21 millions de francs en crédits de paiement.
Le second axe de mon intervention portera sur la dépense publique consacrée à l'aménagement du territoire qui ne se limite pas, heureusement, aux seuls crédits inscrits dans le bleu budgétaire. Participent en effet à l'effort financier consenti dans ce domaine à la fois d'autres ministères et l'Union européenne.
En ce qui concerne les autres ministères, je note un recul des dépenses prises en compte au titre de l'aménagement du territoire. Les seuls crédits en progression sont finalement ceux qui proviennent de l'Europe.
Je rappelle que les fonds européens s'élèveront à plus de 10 milliards de francs en 1997 et qu''ils seront en progression de près de 9,5 %. Ces moyens supplémentaires viendront ainsi renforcer de manière importante les programmes consacrés à l'accompagnement des restructurations de la défense, aux reconversions industrielles ou aux projets de développement rural.
Ainsi, monsieur le ministre, votre action auprès des autorités européennes se traduit par un succès dont nous nous félicitons.
L'autre « ballon d'oxygène » de cette politique tient à la dépense fiscale engagée dans le cadre de l'aménagement du territoire, c'est-à-dire à l'ensemble des mesures d'allégements de charges fiscales et sociales applicables dans les zones défavorisées. L'effort financier est ici indéniable. Il sera cependant nécessaire d'obtenir du ministère de l'économie et des finances des évaluations plus fiables et plus détaillées que celles dont nous disposons sur le montant et la répartition de cette dépense fiscale, qu'il est difficile d'apprécier avec exactitude en l'absence d'éléments chiffrés directement exploitables.
Les correctifs que je viens d'apporter, et qui améliorent sensiblement les premières orientations du projet de budget de l'aménagement du territoire, nous permettent d'envisager une approbation de ce projet de budget, surtout si l'année 1997 doit être celle du monde rural, comme vous nous l'avez laissé entendre, monsieur le ministre.
En effet, si je salue l'action conduite par le Gouvernement en 1996 en faveur de la ville, je n'en souhaite pas moins que l'année 1997 soit l'occasion de transformer en actes le souci de maintenir un équilibre et de rétablir une certaine équité entre la politique de la ville et l'action en faveur du monde rural.
A cet égard, le renforcement, à partir de 1997, des mesures relatives aux zones de revitalisation rurale, les ZRR, dans le cadre du pacte de relance pour la ville constitue déjà un signe tangible de cette volonté.
Applicables au 1er janvier 1997, ces mesures nouvelles viendront ainsi renforcer les moyens mis en oeuvre en faveur du monde rural. Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que cet effort supplémentaire portera le coût budgétaire en année pleine de l'ensemble des mesures d'exonération applicables aux zones de revitalisation rurale à environ 1,2 milliard de francs, ce qui est un chiffre important.
Dans ce domaine je me permettrai de vous demander d'étudier la possibilité de modifier la définition des critères de classement d'un territoire en ZRR. En effet, il existe aujourd'hui, en raison de l'application arithmétique des critères actuels, des exclusions tout à fait artificielles de certains cantons au sein de territoires classés par ailleurs entièrement en ZRR.
A cette fin, la proposition de loi n° 2731, déposée par mon collègue et ami Yves Coussain, député du Cantal, semble fournir une bonne base de travail et de réflexion.
Par ailleurs, je me félicite du fait que l'année 1997 devrait voir la mise en oeuvre d'un plan pour l'avenir du monde rural et que, bientôt, nous devrions avoir à débattre du schéma national d'aménagement et de développement du territoire prévu par la loi Pasqua.
Je souhaite, monsieur le ministre, qu'il s'agisse d'un nouvel élan qui, accompagné de nouveaux moyens, vous permette enfin d'infléchir les tendances naturelles qui nous conduisent tout droit à une dangereuse cassure territoriale venant s'ajouter à la fracture sociale.
Ces propos ne sont pas une clause de style ou de circonstance, quand on constate que le PIB dans un département comme celui que j'ai l'honneur de représenter est de 78 000 francs par habitant, alors qu'il atteint 290 000 francs dans les Hauts-de-Seine.
Votre action, monsieur le ministre, est donc très attendue pour que ne s'aggravent pas dans notre pays les écarts entre les régions qui absorbent l'essentiel de la richesse nationale et celles qui continuent à s'appauvrir.
Puissiez-vous, monsieur le ministre, avec le dynamisme, le charisme et la détermination qui vous caractérisent conduire à bien cette politique ! Pour cela, sachez que vous pouvez compter sur ma confiance renouvelée et mon soutien.
Je rappelle, enfin, que la commission des finances, se jugeant dans un premier temps insuffisamment informée, avait décidé de réserver son vote. A présent éclairée des avancées confirmés en votre présence par M. le Premier ministre, elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire pour 1997.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'excellente intervention de notre collègue Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, je ne reviendrai pas sur les crédits inscrits au titre de l'aménagement du territoire. J'indiquerai simplement à la Haute Assemblée que la commission des affaires économiques, qui aurait certes souhaité que ces crédits fussent plus abondants, s'est néanmoins félicitée du geste que le Gouvernement s'apprête à faire pour répondre aux préoccupations du Sénat, en majorant les crédits inscrits au titre du FNADT. Aussi a-t-elle émis un avis favorable à leur adoption, compte tenu de la nécessité de rétablir l'équilibre des finances publiques.
Je me propose, dans la présente intervention, d'évoquer les principaux thèmes relatifs à l'application de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, qui nécessitera l'élaboration de plusieurs textes législatifs et réglementaires.
Le dépôt de six projets de loi est prévu par cette loi d'orientation. La commission des affaires économiques est très soucieuse de la présentation de ces textes au Parlement. Aussi a-t-elle noté avec intérêt, monsieur le ministre, que le projet de loi en faveur de l'espace rural serait déposé au printemps prochain. Il s'agit en effet d'un texte dont elle attend des mesures concrètes.
L'année 1996 a été marquée par la publication d'importants décrets d'application de la loi d'orientation ; vous en trouverez la liste détaillée dans mon rapport écrit. Je tiens à vous donner acte, monsieur le ministre, du très important travail accompli sous votre autorité.
Je note cependant que l'on attend toujours le décret relatif au fonds national de développement des entreprises, le FNDE ; le texte relatif au groupement d'intérêt public, le GIP, d'observation et d'évaluation de l'aménagement du territoire ; enfin, le texte qui est relatif au maintien des services publics prévu par l'article 29.
Je saisis cette occasion pour indiquer que la commission des affaires économiques est très attachée au respect du moratoire sur le maintien des services publics.
A côté de ces textes réglementaires, la loi du 4 février 1995 prévoit également la présentation de plusieurs rapports au Parlement. A ce sujet, la commission des affaires économiques est particulièrement désireuse que le rapport relatif à la péréquation financière et celui qui concerne la réforme du système de financement des collectivités locales, prévus par les articles 68 et 74 de la loi d'orientation, soient remis au Parlement.
Par ailleurs, j'ai constaté que l'application des articles 58 et 59 de la loi d'orientation avait rencontré quelques difficultés.
En effet, actuellement, les sociétés anonymes ne bénéficient pas de l'exonération de cotisations sociales prévue par l'article 58, car elles ne sont pas visées par les articles 6 à 6-5 de la loi du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social, modifiée par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995. L'administration refuse de leur accorder le bénéfice de l'exonération de cotisations sociales patronales qui est applicable dans les ZRR depuis la parution du décret du 16 août 1996.
Le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville a, certes, clarifié les règles d'attribution de l'exonération : à compter de son entrée en vigueur, toutes les entreprises situées dans les ZRR, y compris les sociétés anonymes, seront éligibles à l'exonération de charges sociales patronales précitée.
Le problème posé par les sociétés anonymes est donc réglé, pour l'avenir, et pour les nouveaux emplois créés.
Toutefois, nous regrettons que les sociétés anonymes installées dans les ZRR à la date de parution du décret d'application précité ne puissent pas bénéficier de l'exonération pour les emplois créés durant la période qui s'échelonne de septembre 1996 à décembre 1996 : la mesure issue de l'article 18 de la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville prendra effet le 1er janvier 1997, ce qui n'est pas si mal.
Il me paraît souhaitable, monsieur le ministre, que des dispositions soient prises, afin que le nouveau régime soit applicable à titre rétroactif aux sociétés anonymes qui ont créé des emplois dans les ZRR de septembre 1996 à décembre 1996, n'hésitant pas à accomplir sans retard leur mission essentielle de développement et de création d'emplois. Il serait regrettable qu'elles soient pénalisées.
Je vous signale, en outre, que certaines entreprises ont rencontré quelques difficultés pour obtenir le bénéfice de l'exonération de cotisations sociales familiales prévue par l'article 59 de la loi d'orientation précitée, à compter du 1er janvier 1995, dans les ZRR.
En effet, au motif que la liste des ZRR avait été fixée par le décret du 14 février 1996, l'administration a estimé que l'exonération ne pouvait prendre effet qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de ce décret, alors même que le texte de la loi prévoyait expressément que cette mesure serait applicable dès le 1er janvier 1995.
Devant les réactions suscitées par cette prise de position, des instructions ont été données afin de considérer qu'il n'y avait pas lieu de réclamer le reversement des cotisations afférentes aux rémunérations antérieures à la date du 17 février 1995 et postérieures au 1er janvier 1995, et que les entreprises n'auraient pas versées au 19 juillet 1996. Les instructions ainsi données sont appréciées, monsieur le ministre. Sachez, mes chers collègues, que la commission des affaires économiques reste très vigilante sur l'application de ces dispositions.
S'agissant des zonages, il est souhaitable de parvenir à une plus grande cohérence.
On constate, en effet, une disparité entre, d'une part, l'étendue des zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire, la PAT, qui est une aide de l'Etat, et, d'autre part, celle des zones éligibles aux aides européennes au titre de l'objectif « 5b » en matière d'aide publique aux entreprises. Cela a une incidence directe sur les aides des collectivités locales aux entreprises.
En principe, ces aides ne sont autorisées, par exception aux principes de concurrence posés par le traité sur l'Union européenne, que dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire.
Or la carte des zones relevant de l'objectif européen « 5b » d'aide aux zones rurales en retard de développement, élargie sur l'intervention du Sénat, chevauche en partie la carte des zones éligibles à la PAT, sans en épouser tous les contours.
Il s'ensuit que les aides des collectivités locales aux entreprises, prévues par le décret du 22 septembre 1982, ne peuvent pas être attribuées dans les zones « 5b » qui n'appartiennent pas aux zones éligibles à la PAT. Ainsi, une collectivité locale n'est pas autorisée à aider, sur ses derniers, la création ou l'installation d'une entreprise, pour quelques centaines de milliers de francs, je dirai seulement - dans bien des cas, cette aide serait utile pour développer les zones « 5b » par l'aide à l'immobilier d'entreprise, par exemple. Il faudrait pouvoir remédier à cette lacune, monsieur le ministre, dans un contexte où la défense de l'emploi est prioritaire.
En application du principe de subsidiarité, il serait souhaitable, tout au contraire, que les collectivités locales puissent agir plus librement, à charge pour elles d'assurer les risques et les conséquences de leurs décisions. A défaut de recevoir de l'argent, elles souhaiteraient avoir le droit d'intervenir, sans que ce soit une obligation.
Lors de votre audition par la commission des affaires économiques, vous avez annoncé, monsieur le ministre, que vous vous apprêtiez à proposer des dispositions pour permettre, dans ces zones-là, l'intervention financière des collectivités locales. Je vous en suis très reconnaissant. Pouvons-nous espérer obtenir ces dispositions pour 1997 ?
L'année 1997, en effet, sera décisive pour l'aménagement du territoire, avec la préparation de plusieurs textes fondamentaux.
Au printemps prochain, vous nous présenterez un plan de faveur... pardon, un plan en faveur de l'espace rural - pourrait-il être un plan de faveur que ce ne serait pas critiquable pour autant ! ( Sourires. ) Nous souhaitons qu'il soit symétrique du plan très ambitieux que vous avez élaboré en faveur de la ville. Nous considérons, en effet, que la politique de la ville et celle qui est menée en faveur de l'espace rural sont les deux faces d'une seule et même politique de l'aménagement du territoire.
L'élaboration des schémas départementaux d'organisation des services publics - ce sera l'objet du deuxième texte - aura inévitablement, quant à elle, une incidence sur le moratoire des services publics. J'estime qu'il convient d'étudier dès à présent l'incidence qu'aurait une éventuelle levée du moratoire.
L'élaboration du schéma national d'aménagement du territoire et la présentation au Parlement du projet de loi relatif à son approbation marqueront également, en 1997, une étape importante.
Nous suivrons également avec intérêt la poursuite de la politique des « pays », après l'examen des résultats issus de la création des « pays de préfiguration », et la poursuite de la préparation des directives territoriales d'aménagement.
Monsieur le ministre, l'année 1997 constituera une année charnière pour la politique d'aménagement et de développement du territoire, et nous comptons sur vous. La loi d'orientation du 4 février 1995 a fait naître un grand espoir dans notre pays. Il appartient au Gouvernement de ne pas le décevoir en appliquant aussi bien la lettre que l'esprit de ce texte fondateur, même si des résistances s'y opposent parfois, ici ou là.
Monsieur le ministre, je vous remercie à l'avance de l'attention que vous porterez à l'examen des thèmes que je viens d'évoquer au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, et j'ai plaisir à vous faire part de l'avis favorable à l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire pour 1997 qu'elle a émis. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de l'aménagement du territoire qui nous est présenté ne correspond guère, pour ne pas dire qu'il ne correspond pas du tout, aux intentions affichées par les gouvernements depuis quelques années. Et la chaleur avec laquelle vous défendez généralement cette politique, monsieur le ministre, ne la change pas fondamentalement.
Après une amputation importante l'an dernier, voilà que les crédits inscrits au budget de l'aménagement du territoire baissent de 300 millions de francs, soit 17 % en francs constants.
Certes, le « bleu » budgétaire est essentiellement consacré à la DATAR et au fonds national d'aménagement et de développement du territoire ; mais ce qui est encore plus préoccupant, c'est que l'effort total de l'Etat en faveur de l'aménagement du territoire est en régression.
Ainsi, comme le souligne le rapporteur pour avis M. Pépin, « rapporté aux 1 552,9 milliards de francs de charges nettes prévues pour 1996, l'effort de l'Etat en faveur de l'aménagement du territoire - tous ministères confondus - s'élève à environ 59 milliards de francs, soit 0,38 % ».
J'ajoute que ce chiffre global est en diminution de 2 milliards de francs, ce qui représente, en francs constants, une baisse de 5 %.
Les chiffres sont bien cruels et démentent de façon claire et nette les propos lénifiants sur l'aménagement du territoire, considéré comme la priorité de l'Etat.
Pourtant, combien de fois ne nous a-t-on pas affirmé que la loi du 4 février 1995 devait permettre d'harmoniser et d'équilibrer le territoire !
Or, comme on le sait, la situation est extrêmement dégradée : elle révèle un territoire très fragilisé par le phénomène de polarisation qui joue désormais contre l'emploi. En effet, l'emploi, quand il progresse, le fait sur un modèle de plus en plus flexible et précaire, et il se trouve beaucoup plus concentré que la population. On en arrive alors à un double mouvement de concentration et d'assèchement des arrière-pays. Et au sein des métropoles, on assiste à l'explosion des inégalités sociales.
Voilà ce à quoi aboutit le modèle de développement ultralibéral exigé par la construction européenne de Maastricht. Il est en effet impossible de concilier les exigences de l'ultralibéralisme qui s'affirme de plus en plus, la libre circulation des capitaux, la liquidation du secteur nationalisé, la remise en cause des services publics dans leur mission, la mise en oeuvre de la politique agricole commune avec la mise en friche de milliers et de milliers d'hectares, avec le développement harmonieux, équilibré et égalitaire du territoire.
Aussi, on comprend mieux le sens du schéma national d'aménagement du territoire : il s'agit d'intégrer les populations et les élus dans la construction de quelques grandes métropoles à vocation européenne et de délaisser plus ou moins le reste du territoire. On peut d'ailleurs s'interroger sur le mauvais rôle que l'on a fait jouer à la SNCF par le biais du TGV. Jean-François Troin l'explique dans son ouvrage Rail et aménagement du territoire : « Le TGV est non pas un instrument d'aménagement du territoire, mais une nouvelle structure de transport accentuant les polarisations urbaines. »
En fait, le TGV est conçu pour aller le plus vite possible de métropole à métropole, et rapproche les régions de Paris en amoindrissant leur irrigation interne. C'est ainsi que des régions entières sont devenues des régions de transit, sans valorisation de leurs atouts.
En même temps, le choix du « tout TGV » a contribué à accélérer le recul du rail par rapport à la route en matière de transport du fret. Cette évolution s'explique également, bien entendu, par la pratique des « flux tendus » que permet le transport par camion.
Aujourd'hui, il est essentiel que le Gouvernement s'engage à ne fermer aucune ligne ferroviaire. Ce serait là, monsieur le ministre, un signe fort de la volonté de l'Etat, surtout après les mouvements sociaux auxquels nous avons assisté ces derniers temps à la SNCF ou chez les routiers.
En ce qui concerne les transports, la gestion du fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables a d'ailleurs fait l'objet d'une remarque critique de la part de l'Association des maires de France.
En effet, les crédits « routes » de ce fonds serviront essentiellement à financer la réalisation d'infrastructures autoroutières, alors qu'ils devraient permettre l'amélioration du réseau entre agglomérations, en un mot le renforcement du maillage national.
Comment ne pas souligner également la réduction des crédits du fonds de péréquation des transports aériens, victime de la déréglementation européenne ?
Chacun mesure bien ici les contradictions qui existent entre les intentions affichées par le Gouvernement et les choix que celui-ci fait réellement.
Il en va de même pour la question de l'emploi. Pour ce qui nous concerne, une politique d'aménagement du territoire doit avoir pour objectif la défense, la valorisation et le développement des ressources et des atouts locaux, régionaux et nationaux, afin de répondre aux besoins des salariés, de la population et de la nation.
Or, à la lumière de l'examen du « jaune » budgétaire et des décisions prises au titre de la mise en oeuvre de la loi Pasqua, on constate que le traitement de cette question de l'emploi n'est pas à la hauteur de l'enjeu.
Ainsi, le fonds national de développement des entreprises, censé venir en aide aux PME, n'est toujours pas doté.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Félix Leyzour. Notre collègue Jean Pépin, rapporteur pour avis, traduit l'amertume de nombre d'élus locaux, quand il refuse que l'on parle de ce fonds au passé. Il a raison ; mais, comme le souligne le ministère, c'est la politique de restrictions budgétaires qui explique ce choix.
L'autre volet « emploi » - mais il est bien timide ! - du projet de budget relatif à l'aménagement du territoire concerne le recours à la dépense locale et aux fonds européens pour les bassins en difficulté.
Les fonds européens passent de 9,3 milliards de francs à 10,2 milliards de francs. En masse de crédits, c'est donc positif. Mais cette réalité recouvre aussi une contradiction : cette systématisation et cette progression traduisent également l'extension des difficultés territoriales, et sont la preuve que de plus en plus de territoires sont éligibles aux objectifs 1 et 2, au titre de la reconversion industrielle, ou 5b, au titre du développement des zones rurales.
Notre budget national alimente le budget européen. Il est donc logique qu'il y ait un retour en crédits : néanmoins, ces dernières doivent non pas jouer un rôle de calmant, mais servir au développement réel d'activités.
Cela confirme l'absolue nécessité d'exiger de ces fonds et des programmes européens la transparence et l'ouverture à l'intervention et au contrôle des salariés, des citoyens, des élus. Il s'agit également de procéder à leur évaluation quant à l'emploi en termes de quantité et de qualité et quant à leur contribution à la création de richesses nouvelles.
Ce souci de l'emploi doit nous conduire à nous interroger sur la politique des groupes des banques et sur leur responsabilité sociale et territoriale. L'exemple du plan social d'Alcatel CIT, dans le bassin de Lannion, dans mon département, est tout à fait significatif, monsieur le ministre. De tels plans de licenciements réduisent quasiment à néant tous les efforts des élus des collectivités, des populations sur l'emploi local. La politique d'aménagement du territoire ne peut pas se désintéresser de cet enjeu, surtout quand il s'agit d'un domaine rattaché aux technologies du futur.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais m'intéresser à la nouvelle organisation territoriale que le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre. Je me fonde pour cela sur votre article intitulé « Ma conception du territoire », paru dans Le Monde du 27 mars dernier : « La France doit admettre que son organisation, avec 36 653 communes, auxquelles nous sommes par ailleurs attachés, ne fournit pas le meilleur support administratif au développement du territoire », écrivez-vous.
Cette appréciation est tempérée par la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat, qui « souhaite que l'élaboration des "pays" s'opère dans un esprit consensuel qui permette aux collectivités locales de se déterminer librement ».
Le « pays », selon nous, doit être une structure souple de concertation, d'études, de propositions. Il ne doit pas devenir une nouvelle structure institutionnelle au-dessus des communes.
Si nous souhaitons que les communes gardent toutes leurs prérogatives, c'est qu'il s'agit, à notre sens, de l'échelon où l'intervention citoyenne est la plus présente et la plus efficace. Même si le « pays » se présente avec les attraits de la démocratie participative, la réalité est tout autre.
M. Bernard Piras. C'est pas mal, ça !
M. Félix Leyzour. L'un des enjeux essentiels est le service public : on retrouve ici une tentative de structuration qui, à partir du « pays », tend à l'offre de service public dit « universel », mais qui est en réalité le service public minimal.
En effet, comme le révèle le directeur de la mission « structuration de l'espace » de l'INSEE, Laurent Loeiz, les "pays" sont appelés à s'engager dans « un véritable exercice de choix budgétaire auprès des populations ».
Le « pays » pourrait ainsi constituer un moyen d'autodiscipline des populations, et un levier pour faire accepter les partages de pénurie, les rationnements, les mises en cause de statut qu'implique le type de traitement des déficits publics associés à la monnaie unique.
Tel qu'il est initié, le « pays » vise donc à traiter les défis incontournables de l'intercommunalité, mais en imposant la supracommunalité.
Mes chers collègues, les options du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire vont, à notre sens, renforcer son caractère ségrégatif, par la poursuite des polarisations et la mise en oeuvre de groupements supracommunaux.
Nous sommes opposés à de telles options qui, d'ailleurs, font mine d'ignorer le poids de la stratégie des firmes, sous la contrainte des marchés financiers, dans la structuration de l'espace.
Le choix affirmé de la compétitivité entre les territoires, dans le cadre de la construction européenne, est aujourd'hui clarifié par les mesures que vous nous proposez. En conséquence, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Puech. M. Jean Puech. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fonction de ministre de l'aménagement du territoire a toujours été, depuis les décennies soixante et soixante-dix, une fonction ingrate et difficile.
Vous êtes, monsieur le ministre, comme tous vos prédécesseurs, confronté à deux difficultés majeures. Vous devez travailler à moyen et long terme, mais les principes sacro-saints de l'annualité budgétaire, l'urgence sociale et les contraintes économiques contrarient cet exercice déjà fort délicat. Dans le même temps, vous êtes, par nature, si je puis me permettre cette expression, « l'empêcheur de tourner en rond » de tous les ministères techniques, qui n'ont jamais apprécié que l'on recentre leurs propres politiques dans une perspective d'ensemble et qu'en plus on prétende les évaluer !
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dont vous vous efforcez avec obstination de traduire dans les faits les différentes dispositions, devrait permettre de travailler dans ce sens.
Malheureusement, trop souvent encore, nos politiques restent cloisonnées. A ce jour, nous sommes obligés de constater que notre pays n'a toujours pas fait le choix d'une grande et persévérante politique d'aménagement du territoire.
Cette année, vous avez été contraint de nous présenter un budget dont la modestie a surpris même les mieux intentionnés, ce qui compromet, si l'on y ajoute la dispersion des politiques sectorielles, la définition de priorités nettes et lisibles à court et moyen terme.
Aux questions que suscite cette situation, je vais m'efforcer d'opposer à nouveau soit les réponses, soit les orientations qui ne cessent d'être rappelées par notre assemblée, dont la contribution a toujours été, sous l'égide de notre collègue le président Jean François-Poncet, reconnue et appréciée de tous, quelles que soient nos sensibilités politiques.
Je ferai d'abord quatre constats.
En premier lieu, nos rapporteurs, fidèles échos en cela des travaux des commissions, se sont faits les interprètes, monsieur le ministre, de nos inquiétudes et de nos interrogations.
Je ne reviendrai pas sur le détail des chiffres, chacun ici le connaît et en mesure la réelle signification.
Votre budget, certes, ne peut pas seulement être jugé sur les seuls crédits qui y sont directement affectés. Mais nos préoccupations sont encore plus vives lorsque l'on s'interroge sur le devenir du fonds national de développement des entreprises, sur celui du fonds de gestion de l'espace rural, sur l'évolution du FNDAE, sur celle du fonds de péréquation des transports aériens. Et l'augmentation du fonds national d'aménagement et de développement du territoire de 70 millions de francs, arrachée de haute lutte, ne suffit pas à nous rassurer.
Voilà qui me conduit, monsieur le ministre, au second constat : votre politique, compte tenu des urgences à traiter, est surtout une politique curative.
Certes, me direz-vous - et avec raison - des efforts importants sont maintenus, voire amplifiés, dans des secteurs prioritaires : je pense à la politique de la ville, aux zones franches ou à l'accompagnement des zones de revitalisation rurale.
Nous les reconnaissons volontiers, mais, sur ces trois sujets, il faut être clair.
La politique de la ville, telle qu'elle est conçue - et elle ne peut l'être autrement étant donné les dégâts réalisés par la gestion de la politique d'urbanisation menée sans frein tout au long de ces dernières décennies - la politique de la ville, dis-je, est une politique curative. Elle essaie tout simplement de pallier les effets désastreux de l'hyper-concentration urbaine qui transforme nos agglomérations en véritables ghettos.
La constitution de zones franches, quant à elle, est une bonne initiative. Mais, si l'Etat injecte plusieurs centaines de millions de francs - et j'exclus la Corse de cette estimation - il faut bien avouer que ce type de décision a des conséquences indirectes non négligeables pour les finances des collectivités locales. Or, à ma connaissance, ces conséquences n'ont pas été évaluées. Voilà qui est en contradiction avec les instructions du Premier ministre relatives aux études d'impact préalables !
Les collectivités locales s'inquiètent maintenant très sérieusement car, dans ce domaine, le pacte de stabilité financière n'a jamais, vous le savez, été jusqu'au bout de sa logique.
M. Bernard Piras. A juste titre !
M. Jean Puech. Il en est de même pour les zones de revitalisation rurale. Vous en avez défendu de façon remarquable et le principe et les mesures avec la plus grande énergie et il faut nous féliciter très chaleureusement du succès de cette négociation avec la Commission européenne. Je crois qu'il s'agit là d'un acquis important au bénéfice des zones les plus défavorisées. Mais nous sommes là encore dans le cadre d'interventions de type curatif !
Vous travaillez à l'élaboration d'un plan pour l'avenir du monde rural. C'est très bien et, dans cette démarche, vous aurez, vous le savez, notre appui...
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. J'en aurai besoin !
M. Jean Puech. ... dans la mesure où, bien évidemment, vous obtiendrez la mise en oeuvre d'une vraie politique de péréquation et de restructuration entre les territoires sur le moyen et le long terme.
De telles réalités illustrent cependant l'une des grandes dérives, à nos yeux, de la politique d'aménagement du territoire, dont le fonctionnement et la mise en oeuvre ne correspondent plus à la réalité du développement différencié des territoires comme aux exigences d'un Etat moderne déconcentré et décentralisé.
La conception même de la politique des zonages, par exemple, ne correspond plus à l'évolution du développement ou du déclin de certains territoires et n'arrive plus à la suivre.
La superposition, la complexité des procédures engendrent confusion, inflation, financements croisés à l'infini, longueur et inertie des circuits administratifs. On ne compte pas moins de quinze traitements différents par empilement de ces différents zonages. Du dépôt d'un dossier à l'arrivée des fonds nationaux ou européens, des mois, et parfois des années, s'écoulent. Et les collectivités territoriales assurent la trésorerie pendant que l'Etat, lui, se fait bien souvent de la trésorerie sur les fonds européens.
M. Bernard Piras. Très souvent !
M. Jean Puech. J'ajoute que la plupart des fonds nationaux devraient être décentralisés ou déconcentrés, et, dans tous les cas, globalisés.
C'est, je le sais, l'un des enjeux forts de la réforme de l'Etat. Il y faudra une très grande volonté politique - vous l'avez - pour faire face au centralisme qui constitue la pensée unique de notre haute administration.
Toutes ces questions soulignent la nécessité d'avoir, monsieur le ministre, une évaluation de nos politiques. Aujourd'hui, cette absence même de méthode commune d'évaluation devient un défaut majeur que nous devons absolument corriger rapidement.
Tous les diagnostics convergent à ce propos, ceux de la Cour des comptes dans ses rapports, ceux du groupement d'études et de réalisations industrielles, le GERI, ceux de la plupart des parlementaires en mission. Dans un contexte budgétaire extrêmement tendu, comment, en effet, arriver à dépenser mieux sans accroître les prélèvements si l'on ne dispose pas des outils communs de connaissance des financements, de leur origine, de leur emploi secteur par secteur d'activité ou par zone géographique, en un mot de leur impact réel ?
Je crois d'ailleurs que les deux grandes institutions que sont la DATAR et le commissariat au Plan ont parfaitement pris la mesure de cette carence. Ne multiplions donc pas les observatoires ! Utilisons simplement, recentrons nos moyens sur cet objectif qui me paraît prioritaire.
Le problème est le même pour les collectivités territoriales et pour l'Etat : unissons nos efforts, les associations d'élus y sont prêtes. Unissons nos efforts pour conduire et préparer les négociations en cours ou futures sur le schéma national d'aménagement du territoire.
En effet, plutôt que d'élaborer des plans ou projets de loi souvent disparates, nous devons nous attacher à déterminer d'un commun accord comment assurer à cinq et à dix ans les moyens techniques et budgétaires nécessaires au maintien ou au développement du rythme d'investissement dans les secteurs d'activité et dans les zones géographiques prioritaires.
Enfin, nous devons sortir des faux débats institutionnels dont le microcosme parisien universitaire ou technocratique - j'y reviens ! - est friand et dont il se sert en permanence pour masquer, il faut bien le dire, son impuissance à faire avancer les vrais problèmes.
M. Jacques de Menou. Très bien !
M. Jean Puech. Le schéma national doit nous permettre cette action et les différentes procédures de concertation, les directives et les schémas de secteur sont lancées.
J'insisterai sur trois points qui me paraissent, dans le cadre de l'évolution de la société actuelle, fondamentaux.
Tout d'abord, il nous est souvent dit : « Ne touchez pas à l'extension et à l'aménagement de la région parisienne, il en va du rayonnement international de la France ! »
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce rayonnement passe-t-il par la concentration de la deuxième, de la troisième et bientôt de la quatrième couronne, transformées en banlieues dortoirs ? Passe-t-il par la prolifération de centaines de milliers de mètres carrés de bureaux vides...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Puech. ... et par une spéculation immobilière exacerbant à juste titre la colère des sans-domicile ? Passe-t-il par le renchérissement constant des équipements structurants d'accès aux lieux de travail ? Passe-t-il par l'extension sans fin de l'exclusion sociale, à laquelle l'Etat et les collectivités territoriales ne savent plus faire face ?
Monsieur le ministre, le schéma national comme les schémas de secteur doivent à tout prix - et je sais que vous en êtes convaincu - affirmer clairement l'urgence et la nécessité d'un renversement radical de tendance.
Et je n'hésite pas à poser la question du troisième aéroport dans la région parisienne, celle de la convergence et du doublement sans fin des voies de communications - air, fer, route - toujours vers Paris.
Et je n'hésite pas à poser la question du juste prix de l'utilisation des équipements « marchands » par l'usager plutôt que par le contribuable.
Et je n'hésite pas à dire que le volonté politique ne doit pas faiblir, mais qu'elle doit au contraire s'amplifier sur la délocalisation de multiples services d'administrations centrales, de services publics et de services privés. Et, si la Bourse restera bien à Paris, c'est évident, faut-il, à l'heure où les grands patrons se disputent le marché des hautes technologies, qu'ils continuent à habiter dans le sixième arrondissement et à passer leurs ordres des sièges sociaux surdéveloppés de Paris ou de la proche couronne ?
Voilà, monsieur le ministre, ce que nous attendons en premier lieu de ces schémas.
Nous en attendons aussi une rationalisation effective des réseaux de transports. Celle-ci est rendue absolument urgente à la fois par l'ouverture à la concurrence et par la nécessité de permettre le maintien de l'égalité des chances pour le développement de chaque partie du territoire, pour la mise en réseau des grandes agglomérations pivots avec les villes moyennes.
Enfin, la politique du logement n'est pas seulement le fondement de toute politique familiale. Elle n'est pas et ne devrait pas être seulement le palliatif premier à l'exclusion. Certes, 70 milliards de francs y sont consacrés, mais elle devrait être un instrument privilégié de la politique d'aménagement du territoire, car elle constitue l'un des leviers essentiels de la politique de localisation des populations et un élément important d'attractivité des entreprises.
Voilà, monsieur le ministre, les trois grands axes que nous considérons comme prioritaires pour notre politique de l'an 2000.
Ces orientations fondamentales arrêtées et clairement explicitées et affichées, il apparaît indispensable de se livrer à un exercice d'évaluation budgétaire afin de nous permettre à tous, Etat, collectivités territoriales, partenaires économiques, de concevoir quels pourraient être les moyens financiers les plus adaptés à la réalisation des programmes d'investissement que nous appelons de nos voeux.
Le problème est redoutable. Pour l'illustrer, je citerai deux exemples d'évaluation. Il s'agirait de 200 milliards de francs environ pour les programmes eau-déchets-environnement jusqu'en l'an 2002 et de 350 milliards de francs pour les besoins de financement des infrastructures de communication à l'horizon 2005, compte tenu des décisions déjà prises. Encore faut-il y ajouter les modernisations des équipements sanitaires et sociaux, ainsi que les investissements éducatifs et culturels.
En regard, vous le savez, les financements théoriques des contrats de plan 1994-1999 représentent 172 milliards de francs, auxquels il faut ajouter 85 milliards de francs de fonds européens. Enfin, tous secteurs et niveaux confondus, les collectivités territoriales investissent 170 milliards de francs par an.
Face à ces chiffres, qui sont autant de défis, je crois que nous devons revoir fondamentalement nos procédures et nos méthodes de travail.
En premier lieu, le schéma national doit être présenté avec une esquisse détaillée, secteur par secteur, des besoins de financement.
En deuxième lieu, et à partir de là, une instance qualifiée de programmation budgétaire devrait être mise en place entre l'Etat, les collectivités territoriales et les grands investisseurs pour proposer les voies et moyens nécessaires, et ce avant même d'engager la préparation des éventuels futurs contrats de plan.
En troisième lieu, et pour ce faire, je ne pense pas que les structures et le fonctionnement des grandes institutions comme la DATAR, le Commissariat général du Plan ou les divers instituts de prévision soient aujourd'hui suffisamment coordonnés pour atteindre les objectifs fixés.
Par ailleurs, nous avons à revoir de façon assez radicale la procédure actuelle des contrats de plan. Comme président de région, vous en savez un mot, monsieur le ministre. Cette procédure est, vous ne l'ignorez pas, contredite par les multiples initiatives qui sont prises précisément par tous les ministères techniques.
Bref, à mon sens, il convient de renouveler les vieux « canons » de la politique contractuelle.
En introduction, monsieur le ministre, je me suis permis de m'élever contre les discours quasi idéologiques de certains beaux esprits qui se figurent toujours que le maniement des mots suffit à faire une politique.
M. Chérèque avait inventé le développement local, comme M. Jourdain la prose, et créé de multiples instances largement subventionnées.
M. Gérard Delfau. Ah !
M. Jean Puech. On en est toujours là.
M. Gérard Delfau. Non, justement pas !
M. Jean Puech. Je ne voudrais pas polémiquer sur ce sujet, mais je ferai simplement trois observations.
La réforme de la fiscalité locale est une condition première de la politique d'aménagement du territoire.
M. Hilaire Flandre. C'est vrai !
M. Jean Puech. La solidarité entre territoires et entre populations nécessite plusieurs niveaux de péréquation. Et l'on ne peut pas imaginer l'aménagement du territoire sans compensation et péréquation. Dans l'état actuel de la législation, ce rôle est mal assuré, l'Etat voulant toujours s'attacher à marginaliser le rôle des régions et des départements en ce domaine.
L'exercice de la démocratie locale est le garant du principe de subsidiarité. Il ne peut s'exercer sans déviation dans des conglomérats urbains gérés de façon technocratique et au sein de structures intercommunales dotées, certes, de compétences propres et de ressources propres, mais, vous le savez, sans légitimité démocratique solide.
Sur ces trois fondements, une réforme institutionnelle peut contribuer à assurer la pérennité et le succès d'une politique d'aménagement du territoire, j'en suis convaincu. En revanche, elle ne peut en aucun cas s'y substituer.
Vous remarquerez, monsieur le ministre, que je n'ai pas prononcé le mot de « pays », ni les expressions « bassins d'activité », « bassins de vie », ou le mot « terroirs ». Ici, nous n'avons pas besoin que l'on nous explique l'intercommunalité : nous la vivons au quotidien dans nos départements.
Non ! ce que nous voulons, c'est que la France relève les défis de l'an 2000. Ce que nous voulons, c'est qu'elle puisse, dans le grand concert européen, négocier, discuter, concevoir une grande politique d'aménagement du territoire, elle qui est au coeur de l'Europe de demain.
Monsieur le ministre, j'ai conscience d'avoir, tout au long de mon propos, parlé bien souvent à contre-courant. Le Gouvernement a eu le courage d'engager de profondes réformes. Notre soutien ne lui a jamais manqué, vous le savez. Il ne lui manquera pas pour poursuivre ces nécessaires réformes.
Je souhaite simplement qu'il s'attache, dans le prolongement de la loi d'orientation qui en a jeté les fondements, à monter, pierre après pierre, l'édifice de la politique d'aménagement du territoire.
Je sais que telle est votre volonté, et que vous vous battez âprement. Je connais votre détermination. Vous pouvez compter sur notre soutien à une telle démarche, volontaire, ambitieuse, digne de la grandeur de la France. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. le ministre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, je voudrais me faire l'écho ici d'une difficulté de lisibilité que nous avons cru déceler dans la politique d'aménagement du territoire au cours de l'année 1996.
Une politique d'aménagement du territoire adaptée aux contraintes du pays est, aujourd'hui, aussi nécessaire que dans le passé. Sans vouloir rappeler, douloureusement pour notre époque, les actions menées en 1963, en 1974 et en 1982, qui constituent, sous l'impulsion d'Olivier Guichard et de Gaston Defferre, des références que nous devons retrouver, je rappellerai qu'à la fin des années quatre-vingt, sous l'impulsion de Pierre Méhaignerie, et déjà en période de faible croissance, un effort substantiel en matière de réseau de communications a été engagé. L'objectif était de désenclaver les régions et de les relier à l'Europe.
A présent, nous devons poursuivre, en tenant compte des exigences de compétitivité du pays et des contraintes budgétaires actuelles. Relâcher l'effort serait contraire à notre intérêt et à l'attente de nos compatriotes.
Il suffit d'être sur le terrain, à l'écoute, pour comprendre que, la plupart du temps, les dispositions à prendre ne coûtent pas toujours très cher.
Lequel d'entre nous n'a jamais reçu dans sa permanence de circonscription des personnes qui souhaitent revenir travailler et s'installer dans leur région d'origine ? Comprenons qu'il s'agit là d'un appel à vouloir mieux vivre.
Lequel d'entre nous n'a jamais constaté, aujourd'hui encore, qu'un nombre important de diplômés rejoignent, dans un mouvement à sens unique, la région d'Ile-de-France ?
Lequel d'entre nous n'a jamais vu des sièges sociaux quitter sa région en raison d'une concentration à Paris des pouvoirs politiques, administratifs, culturels et économiques ?
Lequel d'entre nous n'a jamais observé, dans le train ou dans l'avion, ces multiples déplacements à Paris pour la moindre décision, qui aurait sans doute pu être prise aussi bien à Marseille, à Lyon, à Strasbourg ou à Amiens ?
M. Alphonse Arzel. Ou à Brest !
M. Marcel Deneux. Tout cela est-il conforme à l'intérêt général du pays ou au souhait des hommes ? Va-t-on rester le dernier pays centralisé d'Europe ? Peut-on accepter, sans réagir, certains discours sur la remise en cause d'une politique de développement équilibré et de décentralisation ?
Alors, quels outils peuvent aujourd'hui efficacement servir de levier ?
En priorité, sans doute, la réforme de l'Etat doit être réellement engagée et menée jusqu'à son terme, c'est-à-dire se traduire par un important mouvement de déconcentration. Ce mouvement doit être accompagné de la poursuite de la décentralisation : les politiques de proximité permettent de résoudre, plus facilement et à moindre coût, les problèmes au niveau où ils se posent.
Le développement de la coopération intercommunale doit être poursuivi, dès lors que certains problèmes ne peuvent être résolus qu'au niveau des bassins d'emploi. Je tiens ici à rendre hommage à notre collègue et ami Daniel Hoeffel, qui a mené une action gouvernementale dynamique et efficace.
M. Denis Badré. Bravo !
M. Marcel Deneux. Une meilleure localisation des infrastructures et des centres de recherche constitue un autre levier dont il faut se servir. Une meilleure péréquation des ressources financières constitue également un instrument déterminant. L'amélioration de la qualité du cadre de vie et des politiques d'environnement doit, enfin, permettre de mettre en valeur villes moyennes et zones rurales.
Si j'ai rappelé ces quelques éléments, monsieur le ministre, qui me semblent constituer un minimum à mettre en oeuvre, c'est pour souligner a contrario les inquiétudes qui nous animent quant à l'existence d'une réelle volonté politique dans ce domaine.
Ainsi, comme lors de la discussion budgétaire de l'année dernière, je dois vous faire part de nos interrogations sur l'application des dispositions prévue dans la loi du 4 février 1995, qui, comme la rappelé la commission des affaires économiques, constitue la base législative d'une vaste politique de reconquête et de rééquilibrage de l'espace français.
Je n'insisterai pas sur les aspects financiers de votre projet de budget, la plupart des intervenants l'ont fait avant moi. Toutefois, on est en droit de s'interroger sur l'utilité de consacrer autant d'énergie à la création de fonds d'aménagement du territoire pour les voir dotés ensuite d'un peu moins de 0,001 % du budget de l'Etat !
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Marcel Deneux. Je note seulement au passage qu'il a fallu que nos collègues de l'Assemblée nationale puisent dans leur propre cassette pour que le fonds de gestion de l'espace rural soit crédité d'un montant de 100 millions de francs. Quant au fonds national de développement des entreprises, il est devenu l'Arlésienne de l'aménagement du territoire, ce qui affecte la crédibilité même du Parlement aux yeux des entrepreneurs.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Marcel Deneux. Certaines mesures peuvent pourtant être prises sans accroissement de dépenses, illustrant ainsi l'existence d'une réelle volonté politique. Nous attendons avec impatience le plan en faveur de l'espace rural qui devrait nous être soumis prochainement.
L'organisation départementale des services publics peut, par exemple, être menée sans coûts supplémentaires. S'agissant des zonages, notamment du zonage PAT - prime d'aménagement du territoire - une plus grande cohérence doit être recherchée entre les zones éligibles et la réalité du terrain ainsi qu'avec les aides européennes.
De nouvelles dispositions permettraient aux collectivités territoriales d'appliquer leurs compétences économiques selon leurs volontés politiques locales, et non selon le principe du « tout ou rien ».
Il est tout aussi nécessaire, pour les pouvoirs publics, de tenir compte des expériences locales réussies. Pourquoi engager des études coûteuses alors que, bien souvent, localement, les initiatives ont déjà été prises et ont permis de créer des emplois ?
Clarifier les compétences entre les différents échelons de notre organisation territoriale, traiter les acteurs économiques en véritables partenaires constituent également des mesures qui vont dans le même sens.
Ce ne sont là que quelques exemples, monsieur le ministre, et l'on pourrait en citer bien d'autres. Je souhaitais simplement montrer que des gestes symboliques forts sont parfois plus importants que des dépenses insuffisantes.
En achevant mon intervention, je voudrais dire un mot des « pays » prévus à l'article 2 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Le législateur a voulu créer un espace d'action, né d'une volonté exprimée sur le terrain, permettant d'assurer la prééminence de la dimension territoriale du développement et la complémentarité essentielle entre la ville et le milieu rural qui l'entoure.
Plusieurs enjeux sont liés à cette politique des « pays ». Permettez-moi d'en citer quelques-uns : le développement économique local, d'abord, la mutualisation des charges et des recettes, ensuite, puis l'organisation des services publics, bien évidemment, l'usage des sols et, enfin, la nécessaire solidarité entre la ville et la campagne.
Il faut poursuivre dans cette voie, ne pas briser l'élan ainsi donné, tirer les conclusions des expériences en cours et affirmer des choix politiques.
La situation française est singulière, car nous méconnaissons l'atout que constitue l'espace rural en tant que ressource rare et recherchée. La revitalisation de cet espace exige la mise en oeuvre du principe du débat permanent, poursuivi pendant plusieurs années avec des moyens adaptés.
Monsieur le ministre, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire prévoit des mesures nombreuses qui ne coûteraient rien en termes budgétaires si elles étaient mises en oeuvre immédiatement. Il faut donc les appliquer rapidement, pour renforcer encore la confiance des ruraux que nous sommes. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et je puis vous assurer, au nom du groupe de l'Union centriste, que nous voterons votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas sans une certaine émotion que je prends la parole ce soir. En effet, pendant plusieurs années, Jacques Sourdille, mon prédécesseur, a été le rapporteur spécial des crédits de l'aménagement du territoire, et je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour lui en ce jour et en ce lieu.
Si vous me le permettez, monsieur le ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur l'avenir du monde rural.
Elu du département des Ardennes, j'attends que soit élaboré, à l'instar de l'action que vous avez conduite cette année en faveur du monde urbain, un véritable plan pour l'avenir du monde rural. Malgré de grands principes adoptés dans la loi du 4 février 1995 en faveur des zones rurales, nous assistons toujours, aujourd'hui, au déclin inexorable de celui-ci.
Je rappelle qu'entre 1982 et 1990 quatre régions françaises, dont la région Champagne-Ardenne, ont eu un solde migratoire nul ou négatif. Dans le même temps, les créations d'entreprises non agricoles, qui se sont élevées environ 100 000 établissements industriels et tertiaires par an, ont généré près de 1,5 million d'emplois. Malheureusement, ces créations d'entreprises ont été très inégalement réparties : les implantations nouvelles se produisant à proximité des zones de croissance, le déclin des zones fragiles n'a cessé de s'aggraver.
Je ne reviendrai pas sur les manifestations de ce déclin, que nous connaissons tous. L'éloignement des marchés, des universités et des centres de recherche, le manque de sous-traitants et de main-d'oeuvre qualifiée, l'exode des jeunes les mieux formés, l'absence ou l'insuffisance de services publics et de services aux entreprises, le sous-équipement en services collectifs sont autant de handicaps du monde rural.
Ce déclin n'est pourtant pas, j'en suis convaincu, une fatalité.
Comme l'a rappelé M. le Président de la République, le développement du monde rural implique une volonté des pouvoirs publics, une concertation avec les collectivités locales, une pédagogie.
C'est la voie que vous avez choisie, monsieur le ministre, et je tiens à saluer la publication, le 15 février 1996, du décret délimitant les zones de revitalisation rurale et, depuis lors, l'application de nombreuses mesures. Je n'en dresserai pas l'inventaire, mais elles sont unanimement appréciées.
En outre, à partir du 1er janvier 1997, les entreprises situées dans ces zones de revitalisation seront exonérées sur douze mois des cotisations sociales patronales applicables aux embauches. Cette nouvelle mesure complétera le dispositif en faveur du monde rural, dispositif évalué à 1,2 milliard de francs en année pleine.
La voie que vous avez choisie est la bonne, monsieur le ministre, mais je crois qu'il faut aller encore plus loin.
Le monde rural ne soutiendra la concurrence du monde urbain auprès des investisseurs et des créateurs d'entreprises que si des mesures radicales sont prises. Il faut rendre le monde rural plus attractif sur au moins deux plans : celui des services publics et privés, d'une part, celui des avantages fiscaux, d'autre part.
Plus largement, il est nécessaire de repenser le monde rural. Il est urgent d'abandonner la vision dualiste du territoire qui ne retient que la ville et la campagne, et ne considère d'ailleurs celle-ci que comme un espace interstitiel entre les cités. Il faut redynamiser l'économie et sortir des mécanismes politico-administratifs afin de parvenir à une planification régionale et nationale qui dépasse les zonages réducteurs.
Il faut, monsieur le ministre, avoir une démarche d'entreprise.
Une récente étude, présentée par le bureau départemental d'industrialisation des Ardennes, est claire et définitive : si mon département n'arrive pas à reconstruire son économie, après notamment les désastres de la sidérurgie et les retraits non compensés de l'armée, le chômage frappera, en 2005, le quart de la population. La fermeture programmée de la sucrerie d'Attigny et le licenciement de 140 personnes confirment ce déclin désastreux pour la région.
C'est bien d'une véritable démarche d'entreprise dont nous avons besoin. Nous attendons d'ailleurs toujours la création du Fonds national du développement des entreprises, qui aurait pour vocation de distribuer des prêts personnels aux entrepreneurs, ainsi que d'octroyer des garanties d'emprunts et des garanties d'engagements au bénéfice de certains établissements de prêt et de cautionnement.
La multiplicité des aides de l'Etat ne doit pas non plus faire illusion. En effet, les masses financières en jeu sont faibles et sans commune mesure avec les besoins comme avec les moyens dégagés par nos voisins européens. A titre de comparaison, les aides mobilisées en Allemagne en faveur du développement en zone rurale ont atteint, en 1988 - je m'excuse de ne pas disposer de références plus récentes - 2 milliards de deutschemarks, soit plus de 6,5 milliards de francs. La même année, l'ensemble des crédits français d'aménagement rural s'élevaient, quant à eux, à 1,8 milliard de francs. C'est dire le déséquilibre !
Aujourd'hui, l'équilibre de notre territoire est menacé. Une fois encore, le rôle régulateur de l'Etat est essentiel. Dans un domaine où les intérêts sont souvent contradictoires, l'Etat doit garantir le respect de l'intérêt général.
S'agissant de la dotation générale de fonctionnement des communes, son mécanisme de répartition aboutit à privilégier les grandes villes. Chacun sait, en effet, que l'habitant d'une ville de plus de 200 000 habitants rapporte, au titre de la dotation de base, deux fois et demie plus que l'habitant d'une commune de moins de 500 habitants. L'Etat justifiant une telle hiérarchisation par le fait que les dépenses de fonctionnement d'une grande ville seraient supérieures à celles d'une petite commune.
Au nom de quoi, monsieur le ministre, au nom de quel principe les besoins des populations rurales seraient-ils moindres que ceux des citadins ?
L'aménagement et le développement de notre territoire prendra du temps. Il ne produira d'effets en profondeur sur les modes de vie qu'à l'échelle de plusieurs décennies. Vous vous donnez les moyens d'atteindre cet objectif, monsieur le ministre, et vous pouvez compter sur le groupe du RPR pour voter votre projet de budget et, ainsi, soutenir votre action.
Mais votre action serait vaine si d'autres réformes urgentes n'étaient pas entreprises parallèlement : réforme de la fiscalité locale, tout d'abord, qui trop souvent est un instrument de déménagement du territoire ; réforme du comportement des entreprises, ensuite, dont les décisions de déconcentration ou de délocalisation devraient s'accompagner de mesures de compensation financière pour les collectivités qu'elles quittent afin que les décisions de saine gestion qui ont motivé leur départ ne se transforment pas en catastrophe pour le territoire où elles étaient implantées auparavant.
Vous avez là de grands chantiers. Nous serons à vos côtés pour vous aider à les conduire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur l'infortuné ministre de l'aménagement du territoire, on ne sait pas vraiment comment commenter votre projet de budget ni à qui en imputer la responsabilité.
« L'aménagement du territoire en déroute », titrait hier un grand quotidien du soir, sous la plume d'un journaliste qui fait autorité. Nos collègues de la majorité ne pensent pas différemment, même s'ils le disent, ce qui est bien normal, en maniant la litote.
L'examen en commission de ces crédits a d'ailleurs donné lieu à des péripéties inhabituelles, ce qui montre l'ampleur du désaccord entre le Parlement et le Gouvernement sur un sujet qui a toujours été considéré comme très important par le Sénat.
La commission des affaires économiques, lors de sa séance du 13 novembre dernier, a décidé, sur proposition de ses rapporteurs, de renvoyer l'examen du vote des crédits de l'aménagement rural et de ceux de l'aménagement du territoire à une réunion ultérieure. Les griefs de nos collègues étaient non seulement nombreux mais justifiés.
Une délégation conduite par le président du Sénat fut alors reçue par M. le Premier ministre et, au cours d'une seconde réunion, le 27 novembre, la majorité de la commission des affaires économiques décidait d'adopter et les crédits de l'aménagement rural et ceux de l'aménagement du territoire.
Qu'est-ce qui justifiait un tel retournement ? Soixante-dix millions de francs en autorisations de programme et vingt et un millions de francs en crédits de paiement venaient abonder le fonds national d'aménagement et de développement du territoire. La belle affaire ! D'autant que ces crédits supplémentaires sont tout simplement pris sur les dotations du Fonds national de l'emploi du budget du travail, qui finance les emplois de ville.
Nos collègues se sont résignés - pas tout à fait d'ailleurs - mais le budget est resté, lui, dans sa brutale impécuniosité, ainsi que dans son absence de lisibilité politique. C'est un naufrage !
Or, bizarrement, j'éprouve quelque peine à vous en faire grief.
Au fond, vous n'êtes responsable devant nous que de la partie la plus commune et la moins bien traitée des interventions de l'Etat, puisque vous échappent la reconversion des sites militaires, les grandes infrastructures et l'avenir du monde rural, au travers de ses filières agricoles en tout cas, sans parler des interventions sur la ville.
De surcroît, rien dans votre projet de budget ne permet de retrouver, si peu que ce soit, l'une des grandes orientations qui furent au coeur des précédents débats : le rééquilibrage du territoire voulu par les gouvernements socialistes ou la réaffirmation, parfois un peu brouillonne, de l'Etat voulue par M. Pasqua, sans parler de la revitalisation du monde rural, à propos duquel un projet de loi est sans cesse annoncé et, jusqu'ici en tout cas, remis.
Et pour tout dire, en examinant les coupes claires de ce budget, j'ai le sentiment que les Parisiens et les technocrates sont de retour, ce qui ne peut en aucun cas être de votre fait, pas plus d'ailleurs que le fait du délégué à l'aménagement du territoire.
Je n'abuserai pas des chiffres ni des pourcentages ; un seul exemple me suffira.
En passant de 1,9 milliard de francs à 1,6 milliard de francs, le budget, au sens strict, de l'aménagement du territoire enregistre une diminution nette de 15,45 %. Cela donne une idée de l'ampleur du désastre, et il ne faut pas s'étonner si la DATAR est maltraitée. L'on me dit, par exemple - peut-être allez-vous me détromper - que ses crédits d'études seraient réduits à néant, ce qui serait inconcevable.
Si l'on regarde maintenant l'ensemble des crédits affectés à cette politique, les chiffres apparaissent de prime abord un peu moins négatifs : moins 19,39 % pour les autorisations de programme - tout de même ! - et moins 3,1 % pour les crédits de paiement. Mais il faut observer aussitôt que l'on inclut alors le fonds pour la restructuration de la défense, chargé de financer les mesures de reconversion, situation lourde s'il en est. Comment expliquer qu'un tel budget régresse l'année où l'exécutif prend des mesures aussi négatives pour l'économie d'un certain nombre de bassins d'emploi et de villes ?
Significatif est aussi le fait que les fonds européens suppléent de plus en plus le désengagement monétaire de l'Etat. Que se passera-t-il le jour où un élargissement de l'Union européenne tarira les fonds structurels pour un pays aussi « riche » que la France ?
Par ailleurs, on note une sous-consommation inquiétante de ces dotations alors que les besoins sont réels. Notre éminent collègue M. Genton, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, estime que la complexité des procédures nationales explique cette absence d'appétence.
Je me demande - en fait je sais, comme chacun d'entre nous - si la sous-consommation n'est pas aussi organisée d'en haut, de Bercy, pour économiser le budget national ?
Un autre fait illustre ces renoncements.
Le Parlement avait voté dans le cadre de la loi Pasqua, et malgré nos fortes résistances, la fusion de six fonds d'intervention, afin d'assurer, disait le ministre d'alors, souplesse et polyvalence au nouvel instrument.
Je ne résiste pas au plaisir de citer la liste des disparus, car elle est évocatrice : le GIRZOM, fonds de restructuration minière ; le FAD, pour la délocalisation des entreprises ; le FIAM, pour l'aide à la montagne ; le FIDAR, pour l'aide à l'aménagement rural ; enfin, le plus récent, qui était aussi le plus apprécié parce que complètement déconcentré ; le FRILE, pour les aides aux initiatives locales pour l'emploi.
Ils furent regroupés en un seul : le fonds d'aménagement et de développement du territoire. Hélas ! dès le départ, son budget a été rogné au point que les crédits mis à disposition du préfet étaient tout juste suffisants pour honorer les engagements de l'Etat en matière de contrat de plan avec les régions.
C'était encore trop beau pour le Gouvernement sans doute !
Pour 1997, la perspective est encore plus sombre. Depuis 1996, les crédits du FNADT sont en chute : moins 8,40 % pour les crédits de paiement et moins 16,5 % pour les autorisations de programme.
Pour illustrer cette régression, remarquons que, l'an prochain, les crédits de paiement auront le même niveau qu'en 1993 et que les autorisations de programme seront nettement inférieures. Et encore ! c'est sans tenir compte des éventuels collectifs !
Comme nous l'avions dit en son temps, cette fusion des fonds a été le prétexte à une diminution sévère des crédits d'intervention en région. D'ailleurs, l'Etat officialise sa position en décidant unilatéralement le report d'un an de l'échéance des contrats de plan Etat-région sans que le Parlement proteste.
On vous a connus, mes chers collègues, plus sourcilleux dans la défense des élus locaux et le respect des engagements pris par l'Etat ! Je vois des sourires qui sont sans doute des sourires d'approbation...
S'agissant de la prime d'aménagement du territoire, la sous-dotation est confondante : moins 53 % ! L'argument avancé par les services - la sous-consommation - est irrecevable. Justement, le bilan du premier trimestre 1996 montre une remontée nette du nombre des dossiers.
Cette situation s'éclaire quand on constate que le fonds national de développement des entreprises, l'un des mécanismes originaux de la loi Pasqua, n'a toujours pas été mis en place. Est-ce acceptable pour le Parlement ? Et comment comprendre cette désinvolture alors qu'il s'agit d'aider la création d'entreprise ?
Dans le même ordre d'idée, où en est, monsieur le ministre, la préparation du schéma national d'aménagement du territoire deux ans après le vote de la loi ? Comment expliquer cette sage lenteur ? En écoutant M. Puech tout à l'heure, et en approuvant, au moins sur ce point, la façon qu'il avait de fustiger le déséquilibre créé par la croissance non maîtrisée de l'Ile-de-France, je me disais : « Nous parlons et ils décident ».
Où en est, si je prends un autre exemple, la publication du décret d'application de l'article 29 de la même loi Pasqua, qui institue une procédure de consultation avant de décider l'éventuelle fermeture d'un service public ? Alors que beaucoup d'établissements publics ont sous le coude des plans de restructuration, qu'allez-vous dire à M. Trichet, gouverneur de la Banque de France, quand il va annoncer la suppression de la plupart des succursales provinciales, qui sont autant d'appuis nécessaires au tissu économique ?
Qu'allez-vous dire à la direction de La Poste quand, affaiblie par la pression européenne et par celle des banques commerciales, elle voudra sortir du moratoire et fermer, notamment en milieu rural, ses équipements qui sont au-dessous du seuil de rentabilité ?
Tels sont - et la liste n'est pas limitative ! - quelques-uns des points sur lesquels ce projet de loi marque une nette et brutale régression.
Je voudrais, au-delà des chiffres, évoquer un dernier sujet, celui de la laborieuse, mais nécessaire, mise en place des « pays ».
Vous savez, monsieur le ministre, que je suis personnellement engagé dans la réalisation d'une aspiration qui remonte à quelque trente ans. N'en déplaise à certains collègues, la naissance des pays devrait donner une nouvelle impulsion à la démocratie locale, une démocratie locale certes fondée sur les élus et le système représentatif - c'est la charpente de la République - mais enrichie aussi par la prise en compte des acteurs de terrain que sont les chefs d'entreprise, les syndicalistes ou les militants associatifs.
Courageusement, monsieur le ministre, malgré les réticences - et elles étaient fortes - vous avez réaffirmé votre attachement à un aspect important pour nous de la loi d'orientation dite « loi Pasqua ». Sur ce point au moins, nous nous rejoignons.
Mais, sur tout le reste, comme vous l'avez vu au fil de mes observations, nous ne pouvons soutenir un projet qu'au fond, et c'est le paradoxe, personne ne soutient vraiment.
Mes chers collègues de la majorité, puisque vous avez égrené à la tribune ou dans les rapports tant de critiques, certes assorties des réserves ou des prudences d'usage, faut-il vraiment que vous votiez ce budget ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Vous avez la réponse !
M. Gérard Delfau. Si vous le votez, vous prendrez alors l'entière responsabilité d'une année 1997 qui restera - je pèse mes mots - l'une des plus sombres en matière d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Rigaudière.
M. Roger Rigaudière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon propos en remerciant les rapporteurs de ce budget de l'aménagement du territoire pour les exposés de qualité qu'ils nous ont présentés.
S'il est un budget, mes chers collègues, auquel les membres de la Haute Assemblée sont particulièrement attentifs, c'est bien celui de l'aménagement du territoire. En effet, la Constitution fait de nous les représentants privilégiés des collectivités territoriales.
Les crédits sur lesquels nous devons nous prononcer constituent une partie seulement de la politique d'aménagement du territoire, puisque les fonds créés par la loi de 1995 ainsi que les fonds structurels européens viennent s'y ajouter.
Mais, surtout, l'aménagement du territoire ne saurait se restreindre à un seul ministère : c'est une ambition politique majeure qui nécessite l'engagement de l'ensemble des départements ministériels.
Alors que ce sujet si fondamental pour l'avenir de notre pays était demeuré en jachère pendant de nombreuses années, il est enfin devenu une véritable priorité gouvernementale : la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 vient en témoigner.
Le Président de la République déclarait que l'aménagement du territoire était « un acte de foi, car c'est de la vie des hommes et de la vie de notre nation qu'il s'agit ». C'est là une preuve supplémentaire, s'il en était besoin, que notre majorité et le Gouvernement considèrent cette question comme primordiale.
En l'espèce, de multiples dispositions législatives et réglementaires ont déjà été prises ; d'autres nous ont été annoncées.
Cependant, au-delà de la volonté politique, à l'instar de M. le rapporteur spécial de la commission des finances, notre collègue et ami Roger Besse, connaisseur averti de ces questions, je constate une diminution régulière des moyens affectés. Mais les dérives passées, sanctionnées par les Français, attestent que ce n'est pas parce que l'Etat dépense toujours plus et tous azimuts que la politique menée est utile et efficace pour notre pays. Dépenser moins pour dépenser mieux est une impérieuse nécessité économique à laquelle nous adhérons sans réserve.
L'examen du projet de budget de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration met en lumière une forte impulsion donnée au budget de la ville.
Nous comprenons parfaitement l'urgence qu'il y a à intervenir en faveur des quartiers urbains au bord de l'explosion sociale. Mais le territoire national n'y gagnera pas pour autant en cohésion si les zones rurales venaient à passer au second plan.
Dès lors, je tiens à attirer votre attention sur quatre points essentiels : la question de la péréquation, le fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, les contrats de plan Etat-région et les zones de revitalisation rurale, les ZRR.
Chacun reconnaîtra ici que la péréquation représentait un élément majeur de la loi de 1995. Dans la période de difficultés économiques et de rigueur budgétaire que nous connaissons, son entrée en vigueur est plus que jamais nécessaire pour diminuer les différences entre les zones sur lesquelles pèsent des contraintes naturelles importantes et le reste du territoire. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer où en sont les études sur sa mise en oeuvre ?
Tout autant que ce principe de la péréquation, le fonds de gestion de l'espace rural est une dotation primordiale pour le monde rural. Si je ne puis que me réjouir qu'il ait été sauvé et abondé par l'Assemblée nationale, je souhaite que le Gouvernement fasse un effort supplémentaire substantiel.
Le fonds de gestion de l'espace rural doit bénéficier d'une enveloppe suffisante et certaine. Ne serait-il pas, dès lors, envisageable, comme cela vous a été proposé, de créer un compte d'affectation spéciale ? Il pourrait être alimenté par une taxe sur le changement de nature des sols. Prélevée sur la transformation annuelle de 45 000 hectares de terrains agricoles en terres constructibles, elle permettrait d'aider de manière importante le monde rural.
Les lois de décentralisation ont confié aux conseils régionaux une mission toute particulière en matière d'aménagement du territoire : c'est dans ce cadre que s'inscrivent les contrats de plan Etat-région. Vous avez justifié le report d'une année de l'échéance pour des raisons institutionnelles et politiques. Si nous pouvons les comprendre, il n'en reste pas moins vrai que le principe selon lequel les régions pourraient procéder à des avances remboursables est inquiétant. Le risque de voir l'exécution de certains volets de ces contrats se ralentir est réel et ne sera pas sans conséquences.
Ainsi, des régions au budget restreint telles que l'Auvergne - que je connais bien - ne pourront pas se substituer à l'Etat, ce qui engendrera des retards importants pour leur développement.
Je ne saurais terminer sans dire un mot des zones de revitalisation rurale. Ces dispositions, présentées en février dernier, vont naturellement dans le sens d'un développement solide et harmonieux du territoire ; mais elles devraient encore être améliorées.
Je me réjouis donc à l'idée que l'exonération de cotisations patronales pour les entreprises créant des emplois doive finalement s'appliquer dès l'embauche du premier salarié, ce qui est réaliste, étant donné la taille des PME en milieu rural.
Je pense surtout au seuil qui conditionne la mise en oeuvre de ce dispositif : exclure du classement en zone de revitalisation rurale des cantons dont la densité est supérieure à trente habitants au kilomètre carré alors que celle du département dans lequel ils sont inclus est inférieure ne me semble ni justifié ni même juste.
Je soutiens donc sans réserve, à l'instar de mon collègue Roger Besse, la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par notre ami le député Yves Coussain.
Monsieur le ministre, nous connaissons l'énergie que le Gouvernement en général et vous en particulier déployez en faveur de l'aménagement du territoire. Nous savons que tout ne peut se faire en un jour et vous pouvez compter sur notre soutien.
Au demeurant, j'espère que vous voudrez bien nous rassurer quant aux mesures prévues en faveur du monde rural, si cher au coeur du Président de la République. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous dois la vérité. Au demeurant, c'est toujours avec l'honnêteté la plus totale que je me suis exprimé lors des auditions auxquelles les commissions de la Haute Assemblée ont bien voulu me convier.
Je ne vous l'ai donc pas caché : le budget de l'aménagement du territoire est en baisse pour la deuxième année consécutive. J'ai expliqué aux commissions les détails de cette évolution, et les conclusions des rapporteurs montrent que mes arguments ont été entendus. Je n'y reviendrai donc pas.
Permettez-moi, à cette occasion, de remercier les rapporteurs, MM. Roger Besse pour la commission des finances, Jean Pépin et Henri Revol pour la commission des affaires économiques et du Plan, pour la qualité et l'importance de leur travail et pour la pertinence de leurs observations.
C'est sur l'initiative de la Haute Assemblée, notamment de son président, René Monory, du président de la commission des finances, Christian Poncelet, du rapporteur général du budget, Alain Lambert, et du président de la commission des affaires économiques et du Plan, Jean François-Poncet, que le Premier ministre a décidé de dégeler 70 millions de francs de crédits sur 1996 et d'augmenter de 70 millions de francs supplémentaires les crédits du FNADT en 1997. Un amendement gouvernemental sera soumis à votre approbation à cet effet.
A ces 140 millions de francs, s'ajoutent plusieurs autres contributions importantes qui n'apparaissent pas dans le budget qui vous est présenté.
S'agissant de la PAT, je dispose de 700 millions de francs de réserves qui proviennent de crédits ouverts dans le passé mais non dépensés à ce jour et qui s'ajoutent aux 250 millions de francs inscrits en 1997. Aurait-il été raisonnable de continuer à ouvrir des crédits nouveaux alors même que je peux utiliser cette épargne de 700 millions de francs ?
S'ajoutent également 800 millions de francs de crédits européens annuels que j'ai obtenus de Bruxelles pour les trois années à venir. Plusieurs programmes européens disposeront en effet de crédits en forte augmentation pour la période 1997-1999. Les crédits consacrés aux restructurations militaires bénéficieront de 100 millions de francs supplémentaires et les fonds européens destinés aux reconversions industrielles ont été augmentés de 1,9 milliard de francs et portés à 13 milliards de francs, soit une augmentation de 17 %.
Le programme communautaire Leader, qui permet de soutenir des projets locaux innovants en matière de développement rural, bénéficiera de 230 millions de francs supplémentaires. Comme plusieurs d'entre vous l'ont souligné avec un peu d'ironie, j'ai obtenu, je le reconnais, plus à Bruxelles qu'à Bercy. Il doit s'agir d'une forme de politique nouvelle. (Sourires.)
Au total, la diminution de 300 millions de francs de mon budget est plus que compensée par les 800 millions de francs de crédits européens nouveaux, auxquels s'ajoutent des réserves sur la PAT et les 140 millions de francs obtenus grâce à votre aide, et je vous en remercie.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Grâce aussi à votre action, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je vous précise également que les engagements au titre des contrats de plan seront honorés pour les dépenses de fonctionnement sur le FNADT et que les investissements tiennent compte du report d'un an de l'échéance de ces contrats.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur les contrats de plan. Ne soyons pas hypocrites !
Monsieur Delfau, ils n'ont été réalisés qu'en partie. Parfois, l'Etat n'a pas manifesté beaucoup d'empressement, parfois les régions et les départements ont vu trop grand et ont été conduits à abaisser leurs prétentions.
Monsieur Delfau, estimeriez-vous normal que ce soient les majorités sortantes, les conseils régionaux en fin de mandat, qui « ficellent » les projets des cinq années à venir, alors que des changements de majorité peuvent intervenir ?
Il faut également tenir compte du fait que, en 1999, il sera procédé à une remise à plat des fonds structurels européens.
Nous avons donc estimé qu'il serait préférable pour nos régions et nos départements de faire coïncider ces fonds avec la mise en oeuvre sur cinq ans des contrats de plan.
J'ai également prélevé sur le FNADT, ce que je n'avais pu faire en 1996, quelque 100 millions de francs au titre des crédits d'investissement libres d'emploi délégués au préfet, afin de pouvoir engager de nouvelles actions décidées et gérées directement à l'échelon local.
Dans ces conditions, les moyens consacrés à l'aménagement du territoire en 1997, loin de baisser, sont en augmentation et, même si l'on pourrait souhaiter qu'ils soient encore supérieurs, ils me permettront d'engager une politique vigoureuse en faveur de l'aménagement du territoire.
Ainsi, 1997 sera une année importante pour l'aménagement du territoire et ni les moyens ni la volonté politique du Gouvernement ne feront défaut.
J'ai, en effet, engagé deux chantiers qui, bien qu'ils n'aient pas actuellement de traduction budgétaire, n'en restent pas moins des projets majeurs et attendus.
Tout d'abord, j'ai préparé un plan en faveur du monde rural...
MM. Alphonse Arzel et Marcel Deneux. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... qui est actuellement soumis à la concertation interministérielle et qui constitue, après le pacte de relance pour la ville et le dossier de la zone franche corse, que j'ai défendu voilà quelques heures devant l'Assemblée nationale, le troisième volet de mon action en faveur des zones les plus défavorisées de notre territoire. J'ai d'ailleurs fait part aujourd'hui à M. le Premier ministre de l'importance que ce plan revêtait.
Par souci d'équité, j'ai fait de ce plan pour le monde rural une priorité.
MM. Alphonse Arzel et Jaques de Menou. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. L'effort important engagé par l'Etat en faveur des quartiers en difficulté et de la Corse doit en effet être équilibré par une action d'ampleur comparable en faveur des campagnes, car les Français ne comprendraient pas que nos campagnes, qui couvrent l'essentiel de notre territoire et participent à la définition de notre identité nationale, ne fassent pas l'objet de la même sollicitude.
Les propositions contenues dans ce plan pour le monde rural, qu'il s'agisse du soutien aux entreprises, de l'habitat ou des services publics collectifs, ne pourront bien évidemment pas être toutes retenues à l'issue de la concertation interministérielle en cours.
Il n'en demeure pas moins que ce plan permettra de mieux organiser la mise en oeuvre des politiques publiques et de mobiliser, en faveur des zones rurales, des moyens supplémentaires qui ne figurent pas encore dans mon budget. Mais puis-je vous faire remarquer une nouvelle fois que je ne disposais pas non plus de crédits dans le budget de 1996 de mon ministère pour mettre en oeuvre le pacte de relance pour la ville ? Cela ne m'a pourtant pas empêché de faire progresser la politique de la ville de manière satisfaisante.
Le deuxième grand chantier en 1997 concerne la présentation au Parlement du schéma national d'aménagement et de développement du territoire, dont je me suis entretenu, aujourd'hui même, avec M. le Premier ministre.
Ce schéma, qui vise à construire une France mieux équilibrée et plus compétitive, sera soumis au Parlement au printemps prochain, après une large consultation qui concernera les régions, les départements, les associations représentatives de communes, le Conseil économique et social ainsi que le Conseil national de l'aménagement et de développement du territoire.
Ce schéma constituera un acte majeur pour l'aménagement du territoire puisqu'il dictera les orientations que devront respecter toutes les politiques publiques, sans exception, qui ont une incidence territoriale.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, 1997 sera une année très importante pour l'aménagement du territoire et elle verra mûrir les fruits d'une année de travail de fond que je viens d'accomplir.
Contrairement à ce que certains prétendent, 1996 a été non pas une année de pause, mais une année de travail intense, mené sans effets d'annonce, sans déclarations tonitruantes, mais avec sérieux, conviction et efficacité.
En effet, 1996 a été la première année de la mise en oeuvre effective de la loi d'orientation votée en février 1995, et mon ministère a accompli un travail considérable : des dizaines de décrets et de circulaires ont été pris. Et croyez bien qu'on ne m'avait pas laissé les décrets les plus faciles ! Ceux-là avaient été pris immédiatement.
Non, nous avons dû prendre ceux qui étaient les plus complexes ! Ainsi, mes collaborateurs et moi-même avons dû rédiger en un an vingt-huit décrets, dont dix ont été soumis au Conseil d'état. Ne me dites pas que nous avons perdu du temps, que nous n'avons rien fait ou que nous avons mis sous le coude l'aménagement du territoire !
Il est, par exemple, plus facile de prendre un décret pour préciser les modalités de gestion d'un fonds prévu par la loi que de défendre, l'année suivante, les crédits correspondants, surtout quand ce fonds est inscrit sur le budget d'un autre ministère.
A cet égard, M. Delfau et mon ami Jean Puech ont formulé un certain nombre de remarques.
Monsieur Delfau, vous vous êtes adressé à moi en parlant de « l'infortuné ministre de l'aménagement du territoire ». L'infortuné roi de France, c'était Philippe VI de Valois, à quoi son fils Jean II le Bon disait : « Père, gardez-vous à droite, père, gardez-vous à gauche. » (Sourires.) M. Gérard Delfau. C'est ce que j'ai dit ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Oui, mais je souhaiterais que vous le disiez aussi aux autres ministres. Ne choisissez pas le budget de l'aménagement du territoire comme exutoire. Le fonds de développement de l'espace rural est inscrit dans le budget du ministre de l'agriculture. C'est à M. Vasseur qu'il faut vous adresser !
M. Marcel Deneux. Il n'a pas un sou !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Pourquoi, alors dois-je défendre les crédits de ce fonds ?
Mais soyons prudents, car la Haute Assemblée a largement participé à l'élaboration de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Or, pour toutes sortes de fonds tels que le fonds d'investissement des transports terrestres et voies navigables, le FITTVN, ou le fonds de péréquation des transports aériens, le FTPA,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ils n'ont pas de fonds !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... on s'adresse au ministre de l'aménagement du territoire alors que leurs crédits figurent dans le budget d'autres ministères. Et, croyez-moi, ce n'est pas facile de demander aux autres ministres leur contribution.
En réponse à M. Rigaudière, je précise que la création d'une taxe pour alimenter le fonds de gestion de l'espace rural est examinée dans le cadre du plan pour le monde rural que j'ai proposé ; mais je dois avouer que cette idée se heurte à quelques réticences interministérielles.
M. Vasseur m'a dit qu'il faisait déjà beaucoup pour les agriculteurs et les jeunes agriculteurs, mais il a accepté d'abonder le fonds de 100 millions de francs au moins. Peut-être parviendrez-vous à le convaincre de fournir un effort supplémentaire.
Plusieurs d'entre vous ont rappelé l'absence de dotations du Fonds national de développement des entreprises, le FNDE. Je vous rappellerai simplement que le Gouvernement a pris d'autres mesures qui répondent en partie aux objectifs assignés au FNDE, telle la création d'une banque des petites et moyennes entreprises.
Vous avez attiré mon attention, monsieur Besse, sur les seuils nécessaires pour bénéficier de la PAT. Je partage largement votre analyse selon laquelle les créations d'activités dans les départements et vous avez bien entendu pris l'exemple du Cantal - sont et seront vraisemblablement le fait des petites entreprises.
Divers dispositifs ont été mis en place à cet effet, telle la création du fonds de développement des PME dans les contrats de plan, fonds destiné à accompagner les projets d'investissement de taille modeste, ou encore les mesures prévues par la loi d'orientation en faveur des entreprises qui se développent dans les zones rurales, telle l'exonération d'impôt pour les sociétés qui se créent, ou bien la réduction des droits de mutation et des charges sociales.
Ces dispositifs s'adressent plus particulièrement aux petites entreprises et sont complémentaires de la PAT, qui est destinée à des projets plus importants.
Toutefois, si, pour un projet précis, cette complémentarité n'était pas satisfaisante, je serais prêt à l'examiner.
Certains disent aussi que je me suis beaucoup occupé de la ville. C'est pourtant moi qui ai publié le décret qui délimite les zones de revitalisation rurale, les ZRR, pour lesquelles j'ai débloqué, deux mois seulement après ma prise de fonctions, l'accord qui était en attente depuis un an à Bruxelles. Là encore, on ne m'avait pas laissé le plus facile !
Mon rôle ne s'est d'ailleurs pas limité à la mise en oeuvre des ZRR telles qu'elles ressortaient de la loi d'orientation. J'ai en effet constaté que le dispositif devait être amélioré car il comportait des lacunes. MM. Besse et Pépin avaient d'ailleurs attiré en commission mon attention sur ce point. Je les ai entendus.
Dans le projet de loi mettant en oeuvre le pacte de relance pour la ville, j'ai amélioré le dispositif des ZRR. D'une part, j'ai ajouté l'exonération des cotisations sociales patronales pour les deuxième et troisième salariés, alors que la loi d'orientation ne prévoyait des exonérations qu'à compter du quatrième salarié, et, d'autre part, j'ai considérablement élargi le champ des entreprises éligibles à ces exonérations.
Au total, vous avez eu la courtoisie de le reconnaître, le coût des ZRR est évalué à 1,2 milliard de francs. Cette somme, même si elle ne figure pas dans mon budget, n'en profite pas moins à l'aménagement du territoire.
Je compte apporter, à votre demande, d'autres améliorations encore aux ZRR dans le plan en faveur du monde rural.
En ce qui concerne les critères de classement en ZRR, M. Besse, rapporteur spécial, a souligné les inévitables imperfections que ceux-ci pouvaient entraîner ça et là, en laissant quelques « trous » dans le zonage.
Vous avez raison, il faut veiller à la plus grande homogénéité possible dans les zonages, car cela renforce l'efficacité des mesures qui y sont associées.
Pour autant, vous savez que toute batterie de critères a nécessairement ses avantages et ses limites, et nous nous souvenons tous des débats passionnés auxquels cela a donné lieu lors du vote de la loi d'orientation.
Toutefois, la coexistence de ces nouveaux zonages ZRR avec les autres zonages nationaux, éligibles à la PAT, aux fonds européens a conduit le Gouvernement à engager une réflexion visant à simplifier le dispositif pour en améliorer la lisibilité et l'efficacité, notamment dans la perspective de l'échéance des fonds européens au 31 décembre 1999, que j'évoquais tout à l'heure.
A ce travail de fond, se sont ajoutées aussi beaucoup de vigilance et de persuasion, comme cela a été le cas, par exemple, monsieur Delfau, avec la Banque de France ...
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. J'ai en effet obtenu du gouverneur de la Banque de France que celle-ci renonce à son programme brutal de fermeture de ses succursales de province. Il faut bien que ces hauts fonctionnaires s'habituent à ce que ce soient les élus du peuple, ceux qui portent l'écharpe tricolore qui gouvernent et qui commandent !
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. Gérard Delfau. Nous sommes d'accord sur ce point !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Oui, mais quand c'est un ministre qui le dit, on le regarde un peu de travers, j'aime autant vous le dire ! On ne se fait pas beaucoup d'amis alors !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Mais non !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. En tout cas, telle est ma conception ! Comme j'ai été dix-huit ans parlementaire avant d'accéder - il était temps d'ailleurs ! (Rires) - à des fonctions ministérielles, j'ai encore le langage direct des parlementaires !
Ainsi, en 1996, j'ai mis en application et apporté des améliorations à la loi d'orientation. Sachez que je continuerai ce lourd travail en 1997 et soyez assurés que ni les moyens ni la volonté politique ne manqueront !
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que j'avais prévu de vous dire.
Toutefois, plusieurs questions m'ont été posées, auxquelles je répondrai maintenant brièvement.
M. Pépin, rapporteur spécial, a parlé du maintien du service public en milieu rural. A cet égard, je tiens à dire que le moratoire mis en place en 1993 et suspendant la fermeture des services publics en milieu rural est toujours en vigueur.
En outre, la politique de développement des services publics en milieu rural constitue l'un des axes du plan pour le monde rural que je suis en train de préparer. Tant qu'un accord n'aura pas été conclu avec les entreprises publiques pour fixer leurs obligations sur le territoire, le moratoire actuel sera maintenu.
Je tiens à attirer l'attention de M. Pépin - mais je crois qu'il le sait - sur le fait que les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics ont été mises en place dans tous les départements.
Le décret d'application de l'article 29 de la loi d'orientation fait l'objet d'ultimes arbitrages interministériels ; il sera publié au cours des prochaines semaines.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. M. Besse, rapporteur spécial, et M. Puech ont évoqué le GIP.
La loi d'orientation a prévu la création d'un groupe d'intérêt public d'observation et d'évaluation de l'aménagement du territoire.
Cette structure est sans aucun doute très utile pour assurer une meilleure évaluation des politiques d'aménagement du territoire et le recueil de l'ensemble des informations dans ce domaine. J'y suis très favorable.
La section des travaux publics du Conseil d'Etat, que j'ai saisie, examinera ce dossier au tout début du mois de janvier. Toutefois, je vous précise d'ores et déjà qu'il se confirme qu'il y aura quelques difficultés.
M. Pépin a également évoqué l'allègement des charges sociales en faveur des entreprises situées en zone de revitalisation rurale. Les mesures d'allègement des charges concernant les allocations familiales ont été appliquées dès que les zones de revitalisation rurale ont été définies, c'est-à-dire pour tous les salaires versés depuis le 17 février 1996. Les URSSAF ont reçu des instructions précises en ce sens.
Néanmoins, je sais que des problèmes d'interprétation des textes ont pu apparaître et que, dans certaines régions, les exonérations ont été appliquées prématurément alors que ces instructions n'avaient pas encore été diffusées.
A bon droit, les entreprises qui ont bénéficié de cet avantage devraient être tenues au versement des cotisations non acquittées. Toutefois, compte tenu de leur bonne foi et de celle de leurs interlocuteurs, le ministre en charge de ces questions, M Jacques Barrot, m'a confié qu'il avait demandé aux URSSAF de ne pas réclamer les cotisations que les entreprises n'auraient pas versées.
M. Pépin a également évoqué l'aide des collectivités locales à l'immobilier d'entreprise mise en place par un décret de 1982. Je lui confirme que ce décret sera modifié à très brève échéance. Le Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire, le CNADT, a donné, ce matin même, un avis favorable à cette modification ; elle sera donc applicable en 1997. Je suis heureux, encore une fois, de tenir le plus grand compte des avis de la Haute Assemblée.
Plusieurs d'entre vous, notamment MM. Leyzour, Deneux et Delfau, ont évoqué la politique des pays.
Monsieur Leyzour, le pays constitue non pas un nouvel échelon administratif, mais un cadre pertinent pour l'élaboration d'un projet commun de développement.
M. Hilaire Flandre. Heureusement !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Oui ! Mais c'est la loi d'orientation qui a prévu le pays, avec assentiment quasi unanime de la Haute Assemblée. Encore une fois, je ne fais qu'appliquer ce que vous appelez communément la loi Pasqua !
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Et j'essaie de mettre en oeuvre cette loi de la manière la plus intelligente possible.
M. Gérard Delfau. Et là, vous avez besoin de notre aide !
M. Jean-Claude Gaudin ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le pays doit reposer sur une démarche consensuelle, souple et pragmatique. C'est l'adhésion qui doit caractériser la mise en place des pays !
Les collectivités locales jouent un rôle de chef de file : ce sont elles qui déterminent l'opportunité de la démarche et la pertinence du périmètre envisagé. Ce sont là les propos que je tiens devant les préfets lors de tous mes déplacements dans les départements ; je l'ai dit notamment à Rosières-en-Santerre, où M. Deneux m'avait invité.
Les préfets ne sont pas chargés d'élaborer les pays ! Ce rôle revient aux forces économiques, et aux élus ! Le préfet a pour mission de donner les renseignements, pour éventuellement inciter les services publics à mettre en place une organisation plus efficace et plus rationnelle. (Marques d'approbation sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Il faut, de temps à autre, bouger un peu les choses ! Il faut bousculer les conservatismes, qui, aujourd'hui, soit dit en passant, ne sont pas toujours de ce côté ! (M. le ministre désigne la droite de l'hémicycle.) On les trouve quelquefois dans la vie syndicale ou ailleurs. Alors, qu'on ne nous donne pas de leçons en cette matière !
Le pays ne constitue pas, je le répète, un échelon administratif supplémentaire. Il revient aux élus du peuple de décider s'ils veulent ou non un pays !
Vous allez me demander, monsieur Leyzour, quel est l'intérêt du pays. Je vais vous répondre ! L'intérêt, c'est que lorsque les pays seront bien organisés, ils formeront une sorte de résistance à l'attrait des villes. En effet, d'après les renseignements dont nous disposons - tous ces observatoires sont bien utiles ! - jusqu'en 2015, la ville représentera un attrait. Il faut donc que la France rurale ait une armature suffisamment forte, suffisamment établie, suffisamment attractive, elle aussi, pour que nos compatriotes ne veuillent pas tous aller habiter dans les grandes cités urbaines, mais trouvent un attrait à la France rurale.
M. Alphonse Arzel. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. M. Puech a fait allusion au schéma national. Celui-ci constituera un acte majeur de l'aménagement du territoire, puisqu'il dictera les orientations que devront respecter toutes les politiques publiques, sans exception, qui auront une incidence territoriale ; M. Puech l'a dit lui-même.
Il a également fait part de nombreuses inquiétudes, et, sur certains points, je partage un peu son sentiment.
La région d'Ile-de-France peut continuer à jouer son rôle à l'échelon international sans se développer davantage. C'est même son intérêt ! L'une des principales orientations du schéma national sera donc de ménager, de façon volontariste, des alternatives à la croissance de la région d'Ile-de-France.
M. Puech a également parlé de politique « curative ». Ce n'est pas parce qu'elle est curative qu'il ne faut pas la mettre en oeuvre ! Nous héritons d'une situation difficile dans les banlieues. Faudrait-il ne rien faire parce que cette politique pourrait être qualifiée, de façon un peu brutale, de curative ?
J'ai répondu à la volonté du Président de la République et à celle du Premier ministre. Ce dernier m'a demandé d'essayer de réduire la fracture sociale. C'était ce qui importait le plus ! Nous avions le feu dans les banlieues, nous avions une situation invraisemblable ! Nous nous en sommes occupés, et en moins de dix mois, six textes ont été promulgués et le pacte de relance pour la ville, qui globalise l'ensemble, sera publié dans quelques jours, puisque l'Assemblée nationale comme le Sénat l'ont approuvé.
Maintenant qu'un effort a été consenti en faveur des banlieues - je m'adresse en particulier à MM. Deneux et Flandre - nous voulons accomplir un effort similaire en faveur de la France rurale. Je souhaite que la Haute Assemblée ait bien conscience de la volonté qui est la mienne.
Monsieur Delfau, durant ma vie politique, j'en ai lu des articles, j'en ai livré des batailles ! Quand on s'est battu à la fois contre Tapie et contre Le Pen, on n'a plus grand chose à apprendre ! Par conséquent, ce n'est pas un article de journal qui va m'impressionner !
L'article auquel vous avez fait allusion m'aurait rendu service voilà un mois et demi ! Peut-être aurait-il pu alors impressionner Bercy ! Sans doute un membre du cabinet du Premier ministre l'aurait-il lu ! Effectivement, un peu plus d'argent nous aurait été nécessaire pour conduire la politique d'aménagement du territoire !
Toutefois, on ne peut pas dire que nous n'avons pas consenti l'effort nécessaire ! Cet article me paraît injuste, car il ne reflète pas la réalité de la situation, que je me suis efforcé de vous décrire ce soir.
Pour autant, ce n'est pas cela qui entamera ma détermination et qui m'empêchera de dormir tout à l'heure ! (Sourires.) Je continuerai à aller de l'avant, et ce n'est pas les réactions de ce parisianisme, de cette France médiatique, de ces journalistes - on ne va pas trembler devant les journalistes ! - qui m'en empêcheront.
Nous déterminons une politique et nous la conduisons sur les instructions, premièrement, du Président de la République - c'est quand même lui qui a été élu ! -, deuxièmement, du Premier ministre qu'il a choisi.
Monsieur Delfau, depuis un an, le Premier ministre, n'est pas à la fête !
M. Gérard Delfau. On s'en est aperçu !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Il est courageux, il est intelligent et il fait face.
Sur les plateaux de télévision, M. Jospin tient des propos pour le moins surprenants : « Si nous arrivons demain au pouvoir, nous créerons 700 000 emplois pour les jeunes ! Sans aucune difficulté ! » (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) Pour ma part je m'efforce de créer 100 000 emplois pour les jeunes de dix-huit à vingt-six ans, et j'aimerais bien rencontrer de temps à autre l'approbation et le soutien - non seulement en paroles mais également en monnaie sonnante et trébuchante - des présidents des conseils généraux socialistes ou même communistes (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) qui pourraient financer en partie les emplois de ville et nous aider ainsi à lutter contre le chômage.
M. Hilaire Flandre. C'est vrai !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur Flandre, je suis, bien entendu, sensible à la situation économique des Ardennes, et je ne méconnais pas le problème de la sucrerie d'Attigny. C'est sur des crédits de mon ministère qu'a été réalisée l'étude sur l'avenir économique des Ardennes. Elle révèle des possibilités de développement, et j'ai créé un commissariat à l'industrialisation sur les régions Champagne-Ardenne et Picardie pour accompagner ce développement. Je me rendrai d'ailleurs dans quelques jours dans les Ardennes, où nous nous rencontrerons donc.
Je voudrais, pour conclure, vous faire part de mon sentiment personnel, mesdames et messieurs les sénateurs. Avant d'être nommé ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, je n'avais jamais exercé de responsabilités ministérielles. Depuis un an, j'ai donc appris le métier de ministre. Ce n'est pas aussi simple que cela ! J'hérite en effet du monument législatif très important qu'est la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 5 février 1995. Même si nous n'avons pas perdu de temps, cela ne va pas assez vite, et des choses restent à faire. Il est encore nécessaire que la DATAR « phosphore » davantage et ait plus de contacts avec les élus, afin de mieux connaître la vue des élus du peuple, sur le terrain.
Voilà ce que je voudrais faire avec vous au cours de la prochaine année, mesdames, messieus les sénateurs,...
M. Jean Puech. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... et je vous remercie de bien vouloir m'apporter votre aide.
Ce projet de budget n'a pas été facile à élaborer ; je vous promets donc que nous veillerons au caractère judicieux des dépenses. Tel est l'engagement que je prends devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'aménagement du territoire, inscrits à la ligne « Aménagement du territoire, ville et intégration », seront mis aux voix samedi 7 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la ville et à l'intégration.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 25 991 412 francs. »