M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget soumis à notre examen présente trois caractéristiques principales.
D'abord, il contient la traduction des engagements pris lors de la dernière conférence annuelle agricole, qu'il s'agisse de l'amélioration du niveau des retraites agricoles ou du perfectionnement du mécanisme de la déduction pour investissement.
Ensuite, il témoigne de l'importance constante attachée à ce secteur d'activité, puisque l'ensemble des concours publics à l'agriculture devrait être de l'ordre de 170 milliards de francs en 1997.
Enfin, il fournit l'occasion au Parlement de saisir directement le Gouvernement des dossiers de fond qu'il souhaite voir traiter dans le prochain projet de loi d'orientation agricole, qui, si mes informations sont exactes, pourrait être déposé dès le premier semestre de 1998.
C'est dans cette perspective que la commission des finances m'a chargé de faire le présent rapport, mes chers collègues. En effet, le débat qui a suivi la déclaration du Gouvernement sur l'agriculture, organisé au Sénat le 6 novembre dernier, nous a permis de dresser le bilan des mesures prises par le ministre tant dans la gestion des marchés que dans la mise en oeuvre des réformes de structures, décidées notamment dans le cadre de la loi de modernisation agricole.
S'agissant, en premier lieu, de l'installation des jeunes, la commission des finances se félicite qu'une priorité absolue ait été consacrée aux crédits correspondants. Afin de rendre ces crédits les plus efficaces possible, elle souhaiterait que le Gouvernement puisse être en mesure, lors du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, de présenter au Parlement : un document de synthèse regroupant et mesurant toutes les aides à l'installation des jeunes ; un premier bilan du fonds pour l'installation et le développement des initiatives locales, le FIDIL, qui n'est opérationnel que depuis la fin du printemps de cette année ; une analyse des synergies entre les aides nationales et les aides locales à l'installation, notamment en ce qui concerne les efforts respectifs en faveur des installations aidées et non aidées ; enfin, un bilan d'application de la charte d'installation des jeunes, du 6 novembre 1995.
Il n'est en effet de secret pour personne que l'avenir de notre agriculture est entre les mains des jeunes qui s'installent aujourd'hui. Rien ne doit être négligé pour leur permettre d'assurer la relève de leurs aînés.
Sans entrer dans le détail de l'analyse, qui sera présentée par M. Vecten, la commission des finances m'a toutefois chargé d'exprimer sa préoccupation quant à l'avenir de l'enseignement agricole, qui est peut être, paradoxalement, victime de son succès. Si elle ne peut que prendre acte sans déplaisir de la maîtrise des dépenses d'enseignement, elle se doit toutefois de s'interroger sur sa durabilité.
Les effectifs de l'enseignement technique agricole ont augmenté de 28 % entre 1991 et 1996, soit de 5 % en moyenne. Sur la même période, les crédits ont cru de 6 % par an en moyenne. Les crédits pour 1997 s'établissent à 5 956 millions de francs, en augmentation de 2,6 % « seulement », ce qui traduit une maîtrise de la dépense obtenue essentiellement par un calibrage sur la base d'un accroissement de 2 % des effectifs. En conséquence, et sauf ajustements, certains établissements devront gérer une situation assez délicate.
Cette rupture de tendance est un signal fort : la loi d'orientation agricole devra, à l'évidence, refonder la politique à moyen terme de l'enseignement agricole, qu'il s'agisse de la détermination des filières, des contraintes de l'aménagement rural ou de l'affirmation de sa spécificité. (Très bien ! sur les travées de l'Union centriste.)
La commission des finances est également, par tradition, soucieuse d'encourager la politique forestière de l'Etat, plus particulièrement en ce qui concerne le FFN, le Fonds forestier national. Les débats sur les articles de la première partie du présent projet de loi de finances ont clairement démontré son double souci de maintenir les ressources du fonds à un niveau élevé tout en abaissant le taux de la taxe sur les sciages. Il revient donc au Gouvernement de nous présenter des propositions dans le cadre du projet de loi d'orientation qui doit comprendre, vous l'avez déjà annoncé, monsieur le ministre, un important volet forestier.
L'augmentation de la dotation à l'ONF, l'Office national des forêts, et l'abaissement du taux de la TVA sur le bois de chauffage constituent déjà des encouragements certains à cette filière, mais la dégradation constante des ressources affectées au FFN doit être stoppée pour maintenir un niveau satisfaisant d'investissements.
Les dotations affectées au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, ont longuement retenu l'attention de la commission des finances. L'insuffisance des crédits avait déjà été signalée l'année dernière. Le ministre a d'ailleurs reconnu que, en exécution 1996, le défaut de crédits devrait s'établir à 150 millions de francs.
Cette somme devrait être en partie prélevée sur le FNDAE en étendant ses compétences à cet effet, mais uniquement à partir de 1997.
La profession estime, quant à elle, à 350 millions de francs l'insuffisance de ces crédits. Pour 1997, ceux-ci augmentent de 45 millions de francs, pour atteindre le niveau de 165 millions de francs en autorisations de programme.
D'une manière générale, le coût d'ensemble du programme semble avoir été sous-estimé, les délais de mise en oeuvre mal appréciés, les spécifications techniques retenues trop ambitieuses et la forte mobilisation des éleveurs en faveur de la protection de l'environnement insuffisamment prise en compte. La commission des finances estime qu'en cas d'insuffisance de crédits il faudra étaler le programme dans le temps et y adapter rapidement le système de pénalités correspondant.
M. Philippe de Bourgoing. Très bien !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Le défaut d'individualisation des crédits correspondants, qui avait été regretté l'année dernière par le Sénat, ne facilite pas l'analyse. Il demeure souhaitable de séparer en nomenclature les crédits PMPOA des dotations à la modernisation des bâtiments d'élevage en zone de montagne.
Mes chers collègues, le Sénat a voté la semaine dernière le principe d'une augmentation de 1 centime de la redevance FNDAE. Si ce vote est confirmé par l'Assemblée nationale, une faible partie du prélèvement de 150 millions de francs serait donc effacée. Il n'en demeure pas moins que des incertitudes subsistent sur le bon déroulement des plans départementaux pluriannuels d'adduction d'eau potable. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez les lever.
J'aborderai enfin un dernier dossier, celui du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
Avant l'examen du budget de l'agriculture par l'Assemblée nationale, le fonds n'était pas doté de crédits pour 1997. Après cet examen, le chapitre 44.83 a été doté à hauteur de 100 millions de francs. Avec les reports de crédits de 1996, les sommes disponibles en exécution pour 1997 pourraient donc être largement supérieures à 100 millions de francs, et atteindre près de 250 millions de francs.
Le FGER n'est pas encore parvenu à sa « vitesse de croisière » et la mobilisation des départements a été très inégale. La commission des finances, tout en reconnaissant le caractère novateur et encore expérimental de ce fonds, maintient sa position constante qui est de douter de la pertinence de cet outil financier spécifique. Est-il vraiment nécessaire de créer une commission ad hoc et d'élaborer une programmation pluriannuelle pour gérer quelques millions de francs de crédits par département ?
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Très bien !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Peut-on mesurer toutes les « intersections » avec le FIDIL pour l'entretien de l'espace, la DDR pour les actions en faveur des espaces naturels, l'ancienne DGE deuxième part des départements pour les travaux d'équipement rural, la partie déconcentrée du FNADT qui a repris les missions des anciens FIAM et FIDAR, les actions spécifiques des diverses collectivités territoriales, les multiples dispositifs agri-environnementaux, les OGAF, voire les actions diverses en faveur du patrimoine rural non protégé ? Trop d'instances, trop de fonds s'occupent exactement de la même chose.
Si le FGER est encore expérimental et si des doutes subsistent sur sa pertinence, force est de reconnaître que des variations erratiques de dotations budgétaires ne risquent pas de lui permettre de faire ses preuves dans les meilleurs délais. L'année 1997 devrait être une année test à cet égard.
Le budget pour 1997 du ministère de l'agriculture appelle des développements complémentaires sur la gestion de la crise de la filière bovine, sur les mesures agri-environnementales et sur les aides aux industries agroalimentaires : je pense plus particulièrement à la POA, la prime d'orientation agricole.
Conformément aux dispositions prévues dans le cadre de la rénovation de la discussion budgétaire, ces sujets seront traités par les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Au total, la commission des finances a porté un jugement très favorable sur le projet de budget qui lui était soumis. C'est un budget courageux qui respecte les contraintes de maîtrise de la dépense publique, un budget dynamique qui favorise l'installation des jeunes, l'enseignement et la politique de la qualité. C'est, enfin, un budget de solidarité qui relève les pensions agricoles les plus modestes. Il s'inscrit dans une politique plus générale de promotion d'une agriculture moderne, compétitive et soucieuse de l'environnement, dont les objectifs seront affirmés et précisés au printemps prochain.
La commission des finances vous demande donc, mes chers collègues, de voter ce budget tel qu'il a été amélioré par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pluchet, rapporteur pour avis.
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits du ministère de l'agriculture par la commission des affaires économiques est l'occasion chaque année de présenter la situation de ce secteur. Au demeurant, je n'aurai que peu de choses à ajouter après l'excellent rapport de notre collègue M. Bourdin.
On peut tout d'abord, monsieur le ministre, se féliciter d'une augmentation du revenu agricole, en 1995, de plus de 10 %, et ce pour la deuxième année consécutive. Cependant, des nuances doivent être apportées, selon les secteurs d'activité : les filières particulièrement en difficulté sont celles des fruits et légumes et de la viande bovine. En outre, il est regrettable que le nombre d'exploitations agricoles continue à baisser. Le chiffre de 500 000 exploitations au début de l'an 2000 cédera-t-il peu à peu la place à celui de 200 000 au fil du temps ?
Si l'année 1996 a été marquée par le séisme de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'EBS, que vous avez, monsieur le ministre, négociée avec courage et intelligence, elle a été aussi celle de la poursuite de la mise en oeuvre de la loi de modernisation.
Je note avec satisfaction, monsieur le ministre, que le Gouvernement a tenu les engagements pris lors de la conférence agricole et qu'il a mené à bien la réforme de l'ordonnance de 1986.
Sur le plan international et communautaire, si le bilan de la PAC est aujourd'hui globalement positif, doit-on, au vu des récentes déclarations du groupe de Cairns, en conclure que le processus de révision de l'organisation mondiale du commerce en matière agricole est enclenché ? Ce serait une grave erreur que de vouloir devancer les échéances.
Par ailleurs, monsieur le ministre, qu'en est-il de la position du Gouvernement français sur l'interdiction des hormones et sur le dossier des produits génétiquement modifiés ?
M. Charles Revet. Bonne question !
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis. Il est important que l'Europe prenne en compte à la fois les nécessaires impératifs économiques et, surtout, l'exigence de qualité toujours plus grande chez les consommateurs.
Concernant les crédits consacrés au ministère de l'agriculture, qui s'élèvent, pour 1997, hors budget annexe des prestations sociales agricoles, à 27 370 millions de francs, soit une baisse de 3,88 %, la commission, bien que comprenant parfaitement la nécessaire rigueur budgétaire, regrette certaines économies.
Comment peut-on, en effet, négliger les programmes agri-environnementaux, notamment en zone de montagne, alors que ces régions, plus que d'autres, ont besoin d'une aide financière ?
Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole est-il voué à devenir l'Arlésienne de la politique agricole ? Que peut-on faire, monsieur le ministre, avec un peu plus d'une centaine de millions de francs, lorsque les besoins se chiffrent en milliards ?
A ce propos, je considère, mes chers collègues, que, à la lecture de récentes publications scientifiques, il serait opportun de poursuivre les recherches sur les effets réels des nitrates sur la santé humaine.
Enfin, la commission des affaires économiques s'interroge sur les objectifs réels du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, ce qui se passe avec le fonds de gestion de l'espace rural est regrettable. Les faibles moyens affectés à l'aménagement rural doivent être mis en parallèle avec les sommes considérables consacrées par l'Etat au désendettement d'établissements bancaires tels que le Crédit Lyonnais : une revalorisation à hauteur d'environ 1 milliard de francs des crédits d'aménagement du territoire pourrait avoir un effet démultiplicateur considérable sur le développement rural, alors que l'impact de la diminution à due concurrence des sommes versées au consortium de réalisation serait négligeable.
Si l'année 1996 a été riche en événements, les prochains mois s'annoncent particulièrement intenses sur le plan législatif. La commission des affaires économiques examinera très prochainement votre projet de loi sur l'équarrissage. Nous espérons tous qu'il permettra de définir un cadre d'action viable pour cette activité trop méconnue du public et qui, pourtant, remplit une mission essentielle de salubrité publique.
Outre ce texte, monsieur le ministre, nous attendons avec impatience trois projets de loi importants : le premier porte sur l'hygiène et la qualité alimentaire, afin de doter la France d'un véritable arsenal législatif pour promouvoir et préserver la qualité de nos produits végétaux et animaux - vous avez récemment publié dans un grand journal des informations intéressantes sur ce sujet - tandis que le deuxième est relatif à l'espace rural, pour redonner un nouveau souffle à notre monde rural, qui en a tant besoin, et que le troisième et dernier - mais non des moindres - est le projet de loi d'orientation agricole.
Monsieur le ministre, nous attendons un texte ambitieux, porteur de mesures concrètes en faveur de notre agriculture, qui devra, à nouveau, dans les années futures, affronter des bouleversements importants.
Monsieur le ministre, nous comptons sur votre détermination pour mener à bien cette politique agricole ambitieuse à laquelle vous nous avez habitués.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 au titre du ministère de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Rohan, rapporteur pour avis.
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'avis que consacre la commission des affaires économiques et du Plan, pour la deuxième année consécutive, aux crédits de la pêche maritime et des cultures marines est l'occasion, d'une part, d'examiner l'evironnement du secteur de la pêche maritime et des cultures marines et, d'autre part, d'examiner l'évolution des crédits qui y sont consacrés.
Sur le premier point, cet avis intervient dans un contexte particulier, tant sur le plan national que sur le plan communautaire.
Ainsi, sur le plan national, bien que le nombre de navires et de pêcheurs poursuive son mouvement de baisse amorcé au début des années quatre-vingt-dix, on peut constater une certaine relance de la production. Cette reprise paraît toutefois fragile, la crise du marché ayant accru la pression sur les stocks pêchés et exacerbé le poids des contraintes inhérentes à l'exploitation des ressources.
Selon les prévisions disponibles pour 1996, le suivi journalier des ventes en criées montre un redressement des différents indicateurs. Une comparaison sur les neuf premiers mois des années 1996 et 1995 indique une augmentation de 3,5 % des apports et de 5,65 % du chiffre d'affaires, avec des prix moyens en légère hausse.
Par ailleurs, le déficit commercial enregistré en 1995 - 10,7 milliards de francs - est l'un des plus mauvais chiffres enregistrés depuis 1990 et est dû en partie à une augmentation du flux d'importations.
Sur le plan communautaire, alors qu'à l'heure actuelle la France est en mesure de respecter les objectifs définis par le POP III - puisqu 'il ne manque que 20 000 kilowatts-heure pour atteindre le chiffre prévu au niveau communautaire - les ministres chargés de la pêche, lors du dernier Conseil en date du 14 octobre, ont fait front contre les propositions de la Commission européenne de réduction des flottes pour la période 1997-2002, renvoyant le problème à des entretiens bilatéraux entre chaque Etat et la Commission.
C'est dans un tel contexte que s'inscrit l'action des pouvoirs publics, caractérisée par la poursuite de la mise en place d'une politique ambitieuse dans le secteur de la pêche maritime et des cultures marines.
L'année 1996 a tout d'abord été celle de la poursuite du plan de restructuration financière de la pêche artisanale.
Sur 645 dossiers examinés par le comité interministériel de restructuration de la pêche artisanale, 642 ont reçu une proposition au 30 septembre 1996, 407 ont été retenus à la fin du mois de septembre 1996, 35 pêcheurs ayant refusé les propositions du comité. Ce sont donc 372 décisions qui sont mises en oeuvre, dont 124 en allongement de prêt, 98 en désendettement et 150 en apurement du passif.
L'exécution du plan suit son cours puisque 85 % des décisions d'allongement de prêt ont été notifiées aux patrons concernés, et 60 % des décisions de désendettement exécutées et payées pour un montant de 29 millions de francs. L'essentiel de la procédure sera achevé dans les trois premiers mois de 1997.
En outre, le projet de loi sur la pêche maritime et les cultures marines, adopté par votre Haute Assemblée à l'unanimité des suffrages exprimés, a pour ambition de préparer ce secteur à la prochaine décennie, en offrant aux hommes et aux entreprises un cadre juridique, économique et social rénové, pour accompagner une mutation engagée déjà depuis plus de trois ans.
Le Sénat a renforcé le dispositif, tout d'abord en développant les actions en faveur des jeunes marins pêcheurs, puis en accentuant son caractère prospectif et, enfin, en assurant l'équilibre entre la non-patrimonialisation des droits de pêche et les impératifs économiques de la profession.
S'agissant du budget proprement dit, on peut constater que le budget de la pêche maritime et des cultures marines est quasiment identique à celui de l'année précédente, qui avait augmenté de 30 %, témoignant du réel effort de l'Etat dans ce secteur.
Ainsi, les dotations pour 1997 sont maintenues au niveau de 1996, tant en dépenses ordinaires - 147 millions de francs, dont 125 millions de francs de subventions du FIOM et 22 millions de francs pour la restructuration des entreprises - qu'en crédits d'équipement - 40,2 millions de francs en autorisations de programme - ce qui permettra de poursuivre la modernisation de ce secteur.
La dotation du chapitre 44-36 permet de poursuivre l'adaptation de la filière pêche, d'une part, et la poursuite du plan de sortie de flotte permettant le réajustement de la flotte française par rapport au programme communautaire d'orientation pluriannuel de la flotte de pêche, d'autre part.
S'agissant du chapitre 64-36, priorité est donnée à la modernisation de la flottille, ainsi qu'à la mise aux normes sanitaires et à l'équipement des ports de pêche dans le cadre des contrats de plan Etat-région. La pérennité des actions les plus structurantes engagées par l'Etat pour le secteur est ainsi préservée, les priorités établies étant respectivement la réorganisation de la filière et de la flotte ainsi que les crédits de l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER.
Puisque l'occasion m'en est donnée, permettez-moi, monsieur le ministre, de féliciter le Gouvernement, et en particulier vous-même, de la fermeté dont vous faites preuve dans la défense de nos intérêts à propos de Guernesey. Nous espérons que cette fermeté ne se démentira pas ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Charles Revet. Il ne faut pas lâcher !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques vous demande, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la pêche inscrits au budget du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation pour 1997. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Revol, rapporteur pour avis.
M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aménagement rural. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, l'avis consacré à l'aménagement rural est l'occasion, par-delà l'examen des crédits, de porter une appréciation sur la politique conduite en la matière.
L'année 1996 peut être considérée comme une année de transition puisqu'elle a été consacrée à la mise en oeuvre des dispositions de trois lois importantes votées en 1995. Il s'agit de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, de la loi portant modernisation de l'agriculture et de la loi sur la protection de l'environnement.
Il est, à cet égard, significatif, monsieur le ministre, que l'aménagement et le développement de l'espace rural aient pu ainsi être considérés à la fois comme le plan rural d'une politique globale de l'aménagement du territoire, comme l'un des aspects naturels de la politique agricole et comme l'un des objets possibles de prescriptions environnementales.
Ce début de mise en oeuvre des principales dispositions de ces textes législatifs précède, nous l'espérons tous, monsieur le ministre, la présentation par le Gouvernement du projet de loi sur l'espace rural, prévu à l'article 61 de la loi du 2 février 1995, présentation qui pourrait avoir lieu durant l'année 1997, à l'instar de celle du schéma d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, vous pourrez certainement me confirmer, monsieur le ministre, qu'un comité interministériel d'aménagement du territoire consacré au développement rural doit se tenir dans les prochains mois.
A l'examen du suivi des lois concernant l'aménagement rural, une constatation s'impose : l'aménagement rural ne paraît plus pouvoir, aujourd'hui, être considéré comme de la seule compétence du ministère qui en avait traditionnellement la responsabilité. Le caractère transversal de la politique d'aménagement rural conduit à penser qu'il s'agit de la politique spécifique conduite en faveur du monde rural, mais dans le cadre général de la politique d'aménagement du territoire.
Cette indécision sur le contenu, évolutif, de la notion d'aménagement rural s'accompagne d'une opacité corollaire dans la nature des crédits qui peuvent lui être attribués.
Si l'on retient les seuls crédits explicitement considérés comme d'aménagement rural dans le « bleu » budgétaire, les dotations représenteraient 46,2 millions de francs, soit une baisse d'environ 30 %.
L'absence de dotation pour le fonds de gestion de l'espace rural dans le projet de loi de finances pour 1997 ou sa faible dotation - 100 millions de francs - à l'issue du débat budgétaire à l'Assemblée nationale contribue à accentuer cette baisse, et ce d'une manière qui ne manque pas de nous inquiéter.
Par ailleurs, si le volume des crédits reportés pour 1997 sur cet article pourrait permettre - si vous me le confirmez, monsieur le ministre - de financer l'essentiel des actions à entreprendre, la commission des affaires économiques s'inquiète des pratiques administrtives consistant à tarder dans l'instruction des dossiers, ce qui conduit inexorablement à affirmer, en fin d'année budgétaire, que tous les crédits n'ont pas été utilisés.
Une autre approche conduit à considérer comme des crédits d'aménagement rural les crédits gérés par les services en charge de ce volet de la politique au ministère de l'agriculture.
Il faut ajouter aux crédits budgétairement considérés comme des crédits d'aménagement rural les crédits d'aménagement foncier et d'hydraulique et ceux des grands aménagements régionaux. Ces crédits sont, eux aussi, en baisse.
Le bilan est identique si l'on prend en compte les crédits destinés à la compensation des handicaps ou de contraintes spécifiques.
Ce sont ainsi environ 2,5 milliards de francs que le budget de l'agriculture consacrera à la compensation de contraintes particulières, soit une baisse de 6 %, sous l'effet de la forte réduction des crédits aux mesures agri-environnementales.
Si l'on retient la nouvelle nomenclature des aides publiques, ce sont environ 7 milliards de francs qui seraient consacrés à l'aménagement rural, avec une participation communautaire de l'ordre de 40 %.
Une dernière approche des crédits consacrés par le ministère de l'agriculture à l'aménagement rural peut être tentée ; c'est celle qui est retenue dans le « jaune » budgétaire, état récapitulatif des crédits affectés à l'aménagement du territoire.
Si l'on veut bien admettre que les crédits en provenance du ministère de l'agriculture recensés dans ce document budgétaire comme concourant à l'aménagement du territoire peuvent être considérés comme des crédits d'aménagement rural, il apparaît alors que l'aménagement rural mobiliserait plus de 11 milliards de francs sur le budget de l'agriculture, deuxième contributeur, en moyens de paiement, à la politique d'aménagement du territoire, après celui des transports terrestres.
La commission des affaires économiques ne peut que rappeler, sur ce point, son souhait de voir mieux distinguer, dans le « jaune » budgétaire, les crédits profitant au développement rural.
Dans ce contexte budgétaire très restrictif pour l'aménagement rural, les mois à venir seront importants en raison de la tenue d'un CIAT rural, du dépôt au Parlement du schéma national d'aménagement et de développement du territoire, le SNADT, et de l'élaboration du projet de loi sur l'espace rural et du projet de loi d'orientation en matière agricole.
En premier lieu, le comité interministériel d'aménagement du territoire rural, qui doit se tenir dans les prochains mois, pourrait, à cette occasion, proposer de nouvelles mesures s'intégrant dans le plan de développement rural. Qu'en est-il, monsieur le ministre ?
L'examen par le Parlement, dans les prochains mois, du SNADT devrait constituer un temps fort en matière d'aménagement de l'espace rural.
Enfin, la future loi sur l'espace rural comme la loi d'orientation en matière agricole devraient contribuer à assurer aux habitants des zones de revitalisation rurale des conditions de vie équivalentes à celles qui ont cours sur les autres parties du territoire.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires économiques émet un avis favorable sur les crédits d'aménagement rural inscrits au budget de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Garcia, rapporteur pour avis.
M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, l'avis consacré par la commission des affaires économiques aux industries agroalimentaires est l'occasion à la fois d'examiner l'évolution des dotations budgétaires que l'Etat leur consacre, mais aussi de dresser le bilan de l'année écoulée pour ce secteur, qui est - faut-il le rappeler ? - le premier secteur industriel français.
Sur le premier point, la commission des affaires économiques a constaté que le projet de budget poursuit la tendance, tout en l'accentuant gravement cette année, au désengagement de l'Etat du financement direct du secteur agroalimentaire. En effet, les crédits d'investissement spécifiquement consacrés aux industries agroalimentaires, les crédits de politique industrielle, sont globalement sacrifiés. Les crédits de paiement passent de 192,8 millions de francs à 150 millions de francs et les autorisations de programmes, avec 135 millions de francs, baissent de 34,9 %.
Si la dotation de la part régionale de la prime d'orientation agricole, la POA, et celle des fonds régionaux d'aide aux investissements immatériels, les FRAI, baissent d'environ 34 %, la part nationale de la POA est réduite à la portion congrue : elle tomberait de 76,7 millions de francs à 24 millions de francs en autorisations de programme, mettant en péril l'obtention des crédits communautaires. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ?
Les industries agroalimentaires apparaissent de nouveau comme le parent pauvre de l'effort budgétaire pour l'agriculture, et ce malgré les 20 millions de francs acquis, je le concède, lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale.
S'agissant de l'évolution du secteur au cours de l'année écoulée, les résultats pour 1995 attestent d'un bilan très positif, la reprise de l'activité dans le secteur agroalimentaire s'étant confirmée. Après une nette accélération dans les années quatre-vingt, la production a stagné, en particulier en 1992, puis augmenté de plus en plus nettement. En 1995, la production a progressé de 1,8 % en volume, un rythme sensiblement supérieur à celui de 1994.
Cependant, dans le fil de l'évolution des années précédentes, la situation de l'emploi continue de se détériorer, même si c'est sur un rythme nettement moins accentué que dans le reste de l'industrie, nous dit-on !
L'événement le plus marquant pour l'année 1995 reste le net redressement de l'excédent agroalimentaire. En hausse de 6,4 milliards de francs par rapport à 1994, l'excédent du commerce extérieur agroalimentaire s'élève à 51,1 milliards de francs. En outre, si le poids des pays européens n'est pas contestable, il peut être relativisé, cette année, du fait d'une nette amélioration de notre excédent avec les pays tiers.
Cette reprise de l'excédent annuel semble se confirmer pour le premier semestre de 1996 : en effet, le commerce extérieur des produits des industries agroalimentaires conserve une évolution positive et se solde par un excédent de 22,6 milliards de francs.
Dans ce contexte, l'année 1996 paraît être une année charnière pour ce secteur, dont l'avenir sera largement conditionné par la réponse apportée face à quatre grands défis.
Le défi le plus important à relever est celui du développement de la politique de la qualité, la crise de l'ESB s'étant propagée comme une véritable onde de choc de la sécurité.
Il est difficile de mesurer l'impact de l'epizootie de la « vache folle » sur les habitudes alimentaires des Européens. Si la baisse de la consommation de boeuf a pu être constatée ces derniers mois, ce mouvement temporaire s'inscrit dans une tendance plus lourde, le goût pour la viande rouge ayant diminué pour des raisons culturelles. Cela dit, la crise de l'ESB va avoir des répercussions sur l'ensemble de la filière agroalimentaire.
Il est cependant important de réaffirmer, monsieur le ministre, que la France reste l'un des pays d'Europe où les contrôles publics sont les plus stricts.
Mais, surtout, des arbitrages délicats doivent être rendus, au sein même de la profession, entre les tenants d'une logique purement économique et ceux d'une politique de qualité étroitement liée à des préoccupations d'aménagement rural.
La réforme de l'ordonnance de 1986 sur les relations avec la grande distribution par la loi du 1er juillet 1996 a permis de rééquilibrer les relations entre production et distribution, dominées jusque là par la puissance d'achat de cette dernière. Cette nouvelle loi sur la concurrence a eu déjà un effet positif sur les prix abusivement bas, mais elle déplace la bataille sur le terrain de la qualité. Tel est le deuxième défi à relever.
Le troisième défi, c'est l'adaptation aux contraintes du GATT et aux nouvelles évolutions internationales, comme le Farm bill américain, et le dossier des organes génétiquement modifiés.
Pour « tirer tous les bénéfices du développement du marché mondial », l'Europe doit se doter d'urgence d'une « stratégie d'exportation volontariste » pour son industrie alimentaire « à l'instar des Etats-Unis, avec le nouveau Farm bill ».
Par ailleurs, Bruxelles a trop souvent « pris prétexte » de l'accord agricole de l'Uruguay round, qui s'est « traduit notamment par un contingentement des restitutions payées et des volumes de produits exportés avec restitution », pour mettre en place « une gestion très comptable et budgétaire » de ces restitutions et de la politique d'exportation.
Le quatrième et dernier défi pour le secteur des industries agroalimentaires consiste à intégrer au mieux les préoccupations environnementales dans leur stratégie d'entreprise.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires économiques a décidé, monsieur le ministre, pour vous signifier qu'elle attend de vous un geste supplémentaire pour la POA, de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour les crédits des industries agroalimentaires inscrits au budget du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vecten, rapporteur pour avis.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole. En cinq minutes, monsieur le ministre, je n'aurai que le temps de vous poser quelques questions. Or j'en ai beaucoup à vous poser, car le projet de budget de l'enseignement agricole a suscité, au sein de notre commission, bien des interrogations.
Je ne m'étendrai pas sur les crédits, dont l'analyse figure dans mon rapport écrit et qui ont été d'ailleurs très bien rappelés tout à l'heure par notre rapporteur spécial, M. Bourdin.
Pour l'enseignement, nous constatons que les crédits augmentent de 2,26 % et les effectifs de 5,9 %. Cela pose avec une acuité nouvelle la question de la différence de traitement entre l'enseignement relevant de l'éducation nationale et l'enseignement agricole, dont vous avez la charge, mais qui fait, lui, aussi partie du service public de l'éducation.
Nous avons aussi relevé la baisse des crédits affectés à la formation et à l'animation en milieu rural, soit près de 11 %, en dépit de petites rallonges, de 400 000 francs, obtenues par l'Assemblée nationale.
Mais, au-delà des chiffres et du budget, ce qui nous inquiète surtout, monsieur le ministre, c'est le régime de quota que vous avez décidé d'imposer à l'enseignement agricole.
La méthode en elle-même est surprenante et inédite. Mais nous nous interrogeons aussi sur la justification et le réalisme de ce quota de 2 %.
D'abord, nous notons que l'augmentation des effectifs, qui semble tant vous inquiéter, a résulté uniquement, entre les rentrées 1985 et 1995, de l'allongement de la scolarité, et donc de l'élévation des niveaux de qualification.
Est-ce là, monsieur le ministre, une évolution qu'il faut combattre, et faut-il revenir au temps où 75 % des « sorties » de l'enseignement agricole se faisaient au niveau V ?
Mais, surtout, comment comptez-vous imposer le respect de ce quota ? Cette année, il s'est révélé intenable, en dépit de nombreux refus d'inscription, en raison des poursuites d'études et des poursuites de filières.
Et il nous paraît peu concevable d'instaurer une sélection à l'entrée en quatrième technologique ou d'interdire aux élèves de poursuivre leurs études.
Enfin, nous nous sommes beaucoup inquiétés, monsieur le ministre, de la distinction que vous avez semblé faire, lors de notre débat du mois dernier, entre l'« enseignement agricole » et l'« enseignement rural ».
Il y avait encore, en 1985, 1 057 000 exploitations. Il n'y en avait plus, en 1995, que 734 000. Etant agriculteur moi-même, je le constate avec tristesse. Mais il faut bien nous rendre à l'évidence : les activités de production et de transformation ne suffiront pas à repeupler et à revitaliser le milieu rural.
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis. Par ailleurs, la désertification est aussi un frein à la reprise des installations, que vous vous employez à relancer, ce dont nous nous félicitons.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, si le ministre de l'agriculture peut et compte vraiment se désintéresser de l'« enseignement rural », qu'il s'agisse des nouvelles formations orientées vers l'aménagement de l'espace rural et la protection de l'environnement, ou des services indispensables au maintien du tissu social.
Enfin, je voudrais souligner que nous souhaitons, comme vous, adapter le mieux possible les « nouvelles formations » à leurs débouchés. Mais nous préférons nous en remettre, pour cela, à l'observatoire des formations plutôt qu'au cadrage des effectifs.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, nous nous posons beaucoup de questions sur l'avenir de l'enseignement agricole. Nous sommes sensibles, aussi, à l'inquiétude manifestée par toutes les composantes de cet eneignement, qui, depuis plus de dix ans, n'ont pas ménagé leurs efforts pour sa réussite. Nous vous demandons donc de nous rassurer, et de les rassurer.
Dans l'attente de réponses à ces inquiétudes, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles s'en remettra à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de l'enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 33 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 24 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, je tiens d'abord à saluer la célérité et la détermination dont vous avez fait preuve pour défendre les intérêts de la profession agricole.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Alain Vasselle. Avec la crise majeure et sans précédent de l'encéphalopathie spongiforme bovine à laquelle doit faire face l'une de nos plus grandes filières agricoles, ce n'était pas tâche facile. Nous devons tous reconnaître l'efficacité et la rapidité avec laquelle vous avez fait face : d'abord, par l'adoption de mesures sanitaires visant à préserver la santé publique,...
M. Charles Revet. Très bien !
M. Alain Vasselle. ... ensuite, par l'adoption de mesures de soutien au marché d'accompagnement financier et social des producteurs, de versement d'aides complémentaires et, enfin, par la mise en place d'aides sectorielles en aval de la filière.
Sans revenir en détail sur votre action, je souhaiterais évoquer la question des perspectives d'avenir de la filière bovine.
En effet, selon la dernière étude de la SECODIP, la société d'études de la consommation, distribution et publicité, la consommation de viande bovine a chuté de 16 % au deuxième semestre de 1996, alors que les marchés se sont effondrés de 30 % à 40 %.
Ainsi, un broutard charolais vendu dix-neuf francs le kilogramme en 1994 ne vaut plus que onze à treize francs, et il est négocié le plus souvent entre dix et onze francs, ce qui entraîne pour les éleveurs une perte nette de l'ordre de 1 500 à 2 000 francs, laquelle n'est que partiellement compensée par l'ensemble des mesures d'origine tant européenne que nationale que vous avez fait adopter, monsieur le ministre.
Les mesures d'urgence significatives que vous avez prises depuis le début de cette crise ont été certes vitales pour la profession, mais les blessures restent très profondes, et nul ne sait combien de temps il faudra pour nous en remettre, si nous nous en remettons un jour, car le lien de confiance entre le consommateur et le producteur est brisé.
Chacun se souvient des effets négatifs de la campagne sur le veau aux hormones : jamais le niveau de consommation antérieur à cette campagne n'a été retrouvé. En sera-t-il de même pour la viande rouge ? Je ne le souhaite pas, mais la question se pose.
Certes, la mise en place du logo VBF - viande bovine française - a contribué à une certaine sécurisation des consommateurs grâce à une meilleure information sur l'origine des viandes. Toutefois, il faudra, pour rétablir cette confiance, affiner les règles de la « traçabilité » et les critères d'identification des origines, afin de garantir l'origine de l'animal et ses conditions d'alimentation : il conviendrait de connaître le pays d'origine de l'animal - où est-il né ? Où a-t-il été élevé et abattu ? -, le type d'animal - s'agit-il d'une bête laitière, à viande ou mixte ? -, sa catégorie - jeune bovin, boeuf, génisse, jeune vache ou vache adulte -, enfin la date d'abattage. Mais il conviendrait également et surtout de se préoccuper de l'alimentation de l'animal.
Il faudra « labelliser » la viande produite dans des conditions naturelles. Il faudra également veiller à la qualité des produits végétaux destinés à la consommation animale, notamment de ceux qui sont produits avec des éléments fertilisants organiques provenant des boues des stations d'épuration ou des déchets ménagers et des effluents en provenance de la consommation humaine.
On en parle peu, mais, d'ores et déjà, les producteurs de légumes, de petits pois ou de haricots verts sont confrontés aux exigences des transformateurs, qui ne veulent plus de produits obtenus avec des apports fertilisants de cette nature. Il conviendra de prendre en considération cet élément.
Les consommateurs ont besoin d'être rassurés, d'être informés, comme l'indique un sondage de la SOFRES selon lequel 92 % d'entre eux veulent connaître l'origine des viandes. Le consommateur veut des produits de qualité facilement identifiables.
La confiance ne reviendra que si la santé et la sécurité du consommateur est véritablement assurée.
Si votre politique s'est déjà engagée sur cette voie, monsieur le ministre, il est indispensable que les mesures que vous avez prises soient étendues au niveau européen, avec un véritable contrôle sur le respect des mesures dans chaque Etat membre. Ainsi faudra-t-il être rigoureux dans le contrôle de l'entrée des viandes afin d'éviter des faits divers graves, comme celui que nous avons connu voilà quelque temps avec le Hard Rock Café , et désastreux en termes d'image.
La libre circulation des biens et des personnes, nous nous en apercevons aujourd'hui, n'est pas sans risque et a ses propres limites. Rendre la filière bovine plus transparente en améliorant à chaque stade les supports d'information, les moyens de contrôle, les modes de communication est le seul moyen qui nous permettra de sortir le moins mal possible de cette grave crise.
De plus, une restructuration de cette filière devrait conduire à un marché plus stable et plus favorable, lui permettant de retrouver son équilibre par rapport aux autres filières agricoles.
Je terminerai mon propos sur la crise de l'ESB en évoquant l'important problème de l'équarrissage.
Il convient de se féliciter de l'examen prochain par le Parlement d'un projet de loi visant à créer un service public déconcentré de l'équarrissage. Ce texte devrait permettre de définir les principes nécessaires à une organisation pérenne de ce secteur.
En effet, la loi de 1975 sur l'équarrissage se fondait sur un équilibre entre les coûts liés à la collecte des cadavres et leur valorisation, ainsi que celle des sous-produits d'abattoirs. Concrètement, les sociétés d'équarrissage se rémunèrent sur le « cinquième quartier de viande » et sur la farine animale.
L'exclusion des cadavres et des saisies de la fabrication des farines destinées à l'alimentation animale remet en question l'application de la loi. C'est pourquoi, face au surcoût très important que cela représente, les sociétés d'équarrissage refusent d'assumer une dépense pour un service n'apportant aucune recette.
L'équarrissage posant de graves problèmes de salubrité et de financement, l'Etat s'est engagé sur votre proposition, monsieur le ministre, à prendre en charge 50 % du coût total de leur destruction. En revanche, pour les 50 % restant, il a été envisagé qu'ils soient pris en charge par les partenaires locaux. Les éleveurs et les communes ont reçu de vous l'assurance qu'ils ne seraient pas sollicités.
L'Assemblée nationale a adopté un article créant une taxe prélevée sur la vente de détail assise sur la valeur des achats des distributeurs de viande et de produits de viande. Cette initiative me paraît être une bonne solution dans la mesure où des garde-fous ont été prévus.
En effet, deux dispositifs ont été adoptés afin de ne pas pénaliser le petit commerce : d'une part, les entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 2 millions de francs seront exonérées de cette taxe ; d'autre part, cette taxe sera plafonnée à 0,6 % pour les achats de viande inférieurs à 120 000 francs par mois, et à 1 % au-delà.
A l'occasion de l'examen du texte par le Sénat, peut-être faudra-t-il d'ailleurs que nous procédions à quelques améliorations de ce dispositif. En effet, à mon sens, c'est plutôt sur la grande distribution qu'il faudra peser afin de véritablement protéger l'ensemble du petit commerce.
En outre, monsieur le ministre, il faudra mesurer les effets du texte après une année d'application afin de s'assurer que les mesures prises n'ont véritablement pas de conséquences nocives sur les producteurs et les éleveurs. Nous devons éviter que le dispositif ne se retourne en définitive contre eux par une baisse du prix d'achat du fait de l'augmentation du prix à la consommation.
Nous aurons très prochainement à examiner ces nouveaux dispositifs, je ne m'attarde donc pas plus longtemps sur ce sujet.
Je voudrais maintenant formuler quelques observations sur le budget, dans son ensemble.
Dans un contexte budgétaire très difficile de redressement et d'assainissement des finances publiques, vous avez malgré tout réussi, monsieur le ministre, à « sauver les meubles », en obtenant une quasi-stabilisation globale du budget de l'agriculture. Avec une baisse qui n'est de l'ordre de 0,8 %, que l'enveloppe budgétaire atteint 35,22 milliards de francs pour 1997. Hors subvention d'équilibre du BAPSA, cela représente un budget de 27,37 milliards de francs.
Avec cette enveloppe, le budget de l'agriculture est l'un de ceux qui régressent le moins. Sachons nous contenter de ce que nous avons !
Monsieur le ministre, vous avez pu apprécier la pertinence des avis et des propos de mes collègues rapporteurs. Ils ont évoqué, avec l'éloquence que nous leur connaissons et moult détails, l'évolution des crédits de votre ministère je me contenterai donc de quelques observations.
D'un point de vue général, ce budget suit la politique engagée depuis 1993. A ce titre, il traduit essentiellement les positions retenues lors de la conférence annuelle agricole et de la signature de la charte d'installation. Ainsi se concentre-t-il essentiellement sur les dépenses d'aide sociale, puisque la subvention du BAPSA représente 20 % du budget du ministère, contre 18 % l'année dernière, et sur les dépenses d'enseignement et de formation dont notre collègue M. Albert Vecten vient de parler avec enthousiasme et pertinence. Il est indéniable que c'est sur ces domaines que nous devons faire porter l'effort pour améliorer la professionnalisation de l'agriculture.
Ma première observation concernera le fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
Vous avez accédé, monsieur le ministre, à une demande de l'Assemblée nationale qui a permis l'inscription d'un crédit de 100 millions de francs. Avec les reports de crédits d'un exercice sur l'autre, nous disposerons donc, pour l'année 1997, d'une enveloppe de l'ordre de 200 millions de francs. Peu de temps après l'adoption de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dite « loi Pasqua », il aurait été regrettable qu'il y eût un recul et que l'on n'inscrive pas un seul centime à ce budget, qui mobilise l'ensemble de la profession, plus particulièrement les jeunes agriculteurs. Nous vous remercions donc d'avoir accédé à la demande du Parlement.
Le deuxième point concerne la forêt.
Cette question est, à mon sens, trop souvent oubliée, mais toujours ardemment défendue par notre collègue Delong. Ce budget correspond à un aspect fondamental de notre agriculture, qui représente, je le rappelle, 100 000 entreprises et 550 000 emplois. Ce secteur est essentiel pour notre économie.
Je regrette simplement que la progression de ce budget, même si celui-ci s'élève à 1,33 milliard de francs, s'explique uniquement par le relèvement de 170 millions de francs de la contribution de l'Etat aux frais de garderie des forêts, donc destinée à l'Office national des forêts, l'ONF. Mais les crédits destinés aux actions qui sont menées directement en faveur de la forêt sont en diminution par rapport à l'année précédente, plus particulièrement ceux que nous avions l'habitude de consacrer au boisement et au reboisement. Je pense, en ce qui me concerne, qu'il s'agit d'une fausse économie, parce qu'on retarde d'autant la période de production de la forêt et par conséquent les recettes qu'on peut en attendre.
Enfin, j'en viens à la fameuse taxe que supportent les entreprises de première transformation, de 1,3 %, qui a certes été ramenée à 1,2 %.
Nous avions déposé un amendement avec quelques-uns de nos collègues pour ramener ce taux à 1 %, mais M. Lamassoure n'a pas souhaité accéder à notre demande. J'espère, monsieur le ministre, que nous arriverons avec vous à convaincre Bercy de l'intérêt d'une taxe plus supportable pour les usines de transformation.
Je terminerai mon propos par une réflexion sur le financement du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
Nous avons vu, quand nous avons examiné le budget du fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, que 150 millions de francs étaient distraits de ce fonds pour financer les mesures qui sont destinées à la mise aux normes des bâtiments d'élevage. C'est une nécessité puisque cette mise aux normes est prévue par la réglementation et les textes en vigueur. Mais, en fait, on puise dans un budget qui était destiné à financer des travaux non seulement d'adduction d'eau, mais également d'assainissement dans les communes !
Je crains donc que ce prélèvement n'ait des conséquences sur le prix de l'eau, car les collectivités locales ne pourront pas s'empêcher de répercuter le poids de plus en plus élevé que représentent de tels travaux.
Je ne pense pas que ce soit un bon calcul que d'avoir réalisé une opération de ce type. Certes, le budget de l'agriculture se trouve allégé d'autant, mais il aurait fallu, je crois, prévoir un crédit spécifique pour cette dépense. La preuve en est d'ailleurs que plusieurs de nos collègues, dont M. Oudin, ont déposé un amendement destiné à augmenter d'un centime la taxe FNDAE, afin que l'évolution du budget de ce fonds soit suffisante pour faire face à l'ensemble des dépenses qu'auront à supporter les collectivités locales en matière d'assainissement et d'adduction d'eau.
Cela étant, monsieur le ministre, ces quelques remarques ne doivent pas vous inquiéter, car c'est sans aucune difficulté que j'apporterai mon soutien... (Ah ! sur les travées socialistes)... au budget que vous nous présentez. Je serai suivi en cela par l'ensemble des membres du groupe du RPR ; mais ils vous le confirmeront eux-mêmes lors de leur intervention.
Monsieur le ministre, je vous adresse tous mes compliments pour votre action en faveur de notre profession ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Il ne reste plus que trente-quatre minutes de temps de parole au groupe du RPR, dont cinq membres sont encore inscrits.
La parole est à M. Fernand Tardy.
M. Fernand Tardy. Monsieur le ministre, avant de m'intéresser au budget de l'agriculture, je voudrais faire, au nom du groupe socialiste du Sénat, une réflexion générale sur la manière nouvelle dont les législateurs, sous l'impulsion de l'exécutif, abordent la discussion budgétaire.
Le vote du budget est l'acte le plus important que le législateur ait à accomplir. Ce vote, les discussions et les explications qui le précèdent vont tracer le cadre, pour une année, des activités de notre pays.
Or, depuis deux ans déjà, certains budgets, dont celui de l'agriculture, sont précédés, un mois ou deux avant la discussion budgétaire, d'un débat général sur les problèmes concernant le secteur considéré. Ce débat traite de tout, mais les sénateurs n'ont pas, au moment où il a lieu, la connaissance des dispositions budgétaires leur permettant de discerner quels seront les problèmes débattus qui trouveront une réponse budgétaire. Autrement dit, on discute pour rien, ou simplement pour exprimer des souhaits ou des espérances, dont beaucoup seront déçus.
On peut se demander l'intérêt d'un tel débat, par exemple, sur les problèmes agricoles, alors qu'un projet de loi d'orientation sur le sujet est en préparation et sera discuté au printemps prochain.
Cela ne serait pas grave si, au moment du vote du budget, nous avions la faculté de nous exprimer normalement, cette fois-ci en connaissant les données budgétaires étayant nos discussions.
Mais, prenant prétexte de ce débat préalable stérile et fondé sur aucune donnée chiffrée, le temps de parole de chaque groupe se voit amputé d'une façon importante. Par exemple, le groupe socialiste, qui disposait d'environ une heure de discussion pour le budget de l'agriculture, n'a cette année que vingt-huit minutes.
Nous élevons une protestation formelle contre cette façon de procéder.
Le pouvoir exécutif a, du fait de notre Constitution, des prérogatives exorbitantes par rapport au pouvoir législatif. Mais on veut, par différents procédés, restreindre encore les pouvoirs que le législatif a conservés.
Au nom du groupe socialiste, nous demandons instamment au Gouvernement et au Sénat de rétablir les règles habituelles de la discussion budgétaire et de permettre à tous de s'exprimer après avoir eu connaissance des propositions chiffrées du Gouvernement. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Vous comprendrez, mes chers collègues, après cette déclaration et dans les dix minutes qui me sont imparties, que je ne puisse traiter au fond du budget de l'agriculture. Je me contenterai de donner un éclairage général sur ce budget.
« L'agriculture n'échappe pas à la rigueur », titrait L'Information agricole. En effet, le budget nous est présenté comme étant inférieur de 0,8 % à celui de 1996. Et encore l'enveloppe du ministère intègre-t-elle une subvention d'équilibre du BAPSA, qui, par nature, relèverait plus des comptes sociaux. Sans cette intégration, le budget du ministère de l'agriculture serait en diminution de 3,8 % par rapport à celui de 1996.
Je ne citerai que pour mémoire les différents chapitres en diminution : le fonds de gestion de l'espace rural, qui n'était pas doté et qui, après la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, se retrouve avec une dotation de 100 millions de francs pour 1997, contre 388 millions de francs en 1996, et de 1 milliard de francs prévu dans la loi initiale pour 1998 dont nous sommes bien loin ; les crédits des bâtiments d'élevage, insuffisants pour rattraper le retard ; les crédits des offices, amputés sérieusement, ainsi que ceux des opérations groupées d'aménagement foncier - les OGAF - et des programmes agri-environnementaux, qui accusent une diminution de 57 % ; les crédits sur la maîtrise des pollutions, qui sont nettement insuffisants ; enfin, les crédits hydrauliques, qui régressent de 30 %.
Je pourrais continuer l'énumération, mais j'arrêterai là mes réflexions sur le budget, préférant citer ces considérations de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, qui écrit : « Budget sans priorités affirmées, qui représente maintenant 1,7 % du budget général de l'Etat contre 2,5 % en 1985 », et celles de la fédération nationale des exploitants agricoles, selon laquelle « le budget de l'agriculture, sur la plupart de ses grands chapitres, demeure largement en deçà de ce qui serait nécessaire ».
J'en arrive à une réflexion sur les aides européennes, que je renouvelle chaque année : ces aides, absolument nécessaires pour les agriculteurs familiaux en difficulté et occupant le terrain dans des régions difficiles, deviennent de plus en plus scandaleuses faute d'être différenciées.
Ce sont 4 470 des plus gros producteurs qui perçoivent 3,3 milliards de francs d'aide compensatoire, soit une moyenne de 750 000 francs par exploitation.
Le montant des aides aux surfaces de céréales, 23 milliards de francs, est presque égal à la valeur de la production exportée : 24 milliards de francs.
Pendant ce temps, la France et l'Union européenne ont eu les plus grandes difficultés à mobiliser les sommes pour venir en aide à plus de 100 000 producteurs de viande bovine victimes de la « vache folle ».
Il faudra bien un jour débattre sur la fiscalité et la justification des soutiens publics à l'agriculture. En tout cas, les socialistes, qui considèrent comme indispensable ce soutien, ne peuvent se satisfaire de la situation actuelle et la dénonceront en toute circonstance.
Je voudrais, pour terminer, revenir sur deux questions qui me paraissent primordiales : l'installation des jeunes et l'enseignement.
La charte d'installation avait fait naître de grands espoirs. Le groupe socialiste avait seulement souligné la faiblesse du volet foncier de cette charte.
Après un an de fonctionnement, où en est-on, monsieur le ministre ? Les crédits relatifs à la dotation des jeunes agriculteurs ont été seulement reconduits, ce qui laisse mal augurer de l'augmentation du nombre des installations.
Aucune mesure concrète sur l'appréhension du foncier et sur les droits à produire n'ont été prises, à notre connaissance. Peut-être serons-nous plus informés lors de la discussion du projet de loi d'orientation ? Il ne faudrait pas que l'espoir qu'avait fait naître cette charte soit déçu car, malgré les efforts de tous, on constate toujours un déficit très important des remplacements des jeunes agriculteurs par rapport aux départs.
Monsieur le ministre, je veux bien admettre, compte tenu des difficultés multiples rencontrées par le Gouvernement dans la grisaille et l'inefficacité d'une politique qui ne peut en aucun cas entraîner notre adhésion, que vous tirez votre épingle du jeu.
Cela rend encore plus incompréhensible votre position sur l'enseignement agricole. J'ai cru comprendre que, sur les bancs de la majorité du Sénat, beaucoup pensent comme l'opposition sur ce sujet.
Vous vous plaignez du succès de l'enseignement agricole, vous dites que cela constitue un danger, que la diversification de nos établissements pourrait être le prélude à leur intégration à l'éducation nationale, position invraisemblable et qui sert seulement à masquer la faiblesse des crédits attribués à cet enseignement par rapport à son succès.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la dernière guerre, j'ai vécu toutes les péripéties de l'enseignement agricole public, mais je pense qu'il en est de même dans le privé.
J'ai vécu le temps des « instituteurs agricoles », où, faute d'établissements spécialisés, l'éducation nationale donnait des cours d'agriculture.
J'ai vécu le temps des écoles d'agriculture d'hiver, rattachées aussi à l'éducation nationale.
J'ai vécu le temps des premiers collèges et lycées agricoles ; j'ai même eu l'honneur d'en faire construire un dans mon département lorsque j'étais président de la chambre d'agriculture.
L'enseignement agricole d'alors était le parent pauvre non seulement sur le plan des crédits, mais aussi sur le niveau de nos élèves. On avait coutume de dire à l'époque : « le fils ou la fille ne veulent pas travailler, on va les mettre au lycée agricole ».
Après bien des efforts de l'Etat, des collectivités territoriales, des enseignants, voilà que tout a changé. Nos établissements publics ou privés sont prisés. Notre taux de réussite au baccalauréat est voisin de celui de l'éducation nationale, beaucoup d'élèves demandent à bénéficier de notre enseignement agricole. Et nous nous en plaindrions ? Et l'on fixerait un « quota » de 2 % du nombre d'élèves en plus à ne pas dépasser d'une année sur l'autre ?
Dans les seuls établissements publics, 3 000 élèves ont été refoulés à la rentrée dernière, vraisemblablement 10 000 en tout sur le public et le privé.
Vous êtes-vous demandé, monsieur le ministre, où sont allés ces élèves ? Car il a bien fallu les recevoir quelque part. On estime qu'un tiers au moins se sont fait inscrire à l'ANPE directement et sans poursuivre leurs études.
Cette proposition de quota est intenable, et il vous appartient non pas de proportionner les entrées aux crédits qui vous sont alloués, mais d'obtenir les crédits nécessaires pour recevoir le maximum d'élèves dans nos établissements agricoles. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
A ce sujet, je rappelle que 30 % des enseignants agricoles ne sont pas titulaires, que les vacataires assurent 25 % de l'enseignement, qu'il manque 500 emplois de personnels ATOSS, ce qui ne vous empêche pas d'en supprimer cinquante-sept cette année, et que toutes ces carences sont compensées par 2 500 à 4 000 postes attribués à des titulaires de CES, dont beaucoup ne sont pas formés, et cela seulement dans l'enseignement public.
Mais une autre de vos propositions sur l'enseignement agricole nous inquiète, monsieur le ministre, celle du recentrage de cet enseignement. Si nous avons bien compris, il s'agirait de supprimer la diversité de cet enseignement pour le circonscrire uniquement aux matières concernant la production agricole.
Outre que la diversité a été l'un des facteurs majeurs du succès de l'enseignement agricole, elle correspond à une nécessité.
L'ancien élu politique du Nord que vous êtes, monsieur le ministre, peut en effet concevoir que l'enseignement agricole doit former uniquement des exploitants capables de produire, dans les meilleures conditions du marché, les denrées agricoles indispensables à notre consommation nationale et à nos exportations, parce qu'il s'agit de régions où les productions agricoles suffisent à assurer la pérennité des exploitations.
Mais, pour la majorité des régions françaises et pour les plus difficiles, il est absolument nécessaire de former des agriculteurs qui soient ouverts à des tâches complémentaires à la stricte production. Le tourisme rural, les métiers de l'environnement, les élevages de gibier, l'équitation, la formation des guides de pays, pour ne citer que quelques pistes, sont indispensables à la survie des exploitations en zones difficiles par les compléments de revenus qu'ils peuvent apporter aux exploitants.
Il est nécessaire, il est même indispensable de conserver un enseignement agricole diversifié. C'est, en tout cas, la position du groupe socialiste du Sénat.
Je vous prie, une fois encore, de m'excuser de n'avoir pas traité de toutes les questions que soulève la présentation de votre budget, monsieur le ministre.
Vous aurez néanmoins compris que les sénateurs du groupe socialiste jugent ce budget insuffisant, car il n'apporte pas de solution aux nombreux problèmes que rencontrent nos agriculteurs, et qu'ils estiment inacceptables les propositions relatives à l'enseignement agricole. Dès lors, le groupe socialiste votera contre le projet de budget de l'agriculture tel qu'il est présenté à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Minetti, qui dispose de quatorze minutes et à qui je demande de respecter scrupuleusement son temps de parole, de manière que nous puissions suspendre la séance effectivement à treize heures.
M. Louis Minetti. Je m'y efforcerai, monsieur le président !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à souligner la grande qualité des différents rapports qui nous ont été présentés sur ce projet de budget pour l'agriculture. Bien entendu, cette appréciation ne préjuge en rien mon opinion quant au projet de budget lui-même. (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure quelques mots des fruits et légumes, à propos du BAPSA, mais le problème dépasse largement ces questions de cotisations.
Permettez-moi de vous rappeler les termes de la lettre que le maire d'une commune de la Drôme vous a adressée et qu'il m'a communiquée :
« Monsieur le ministre,
« Je suis maire d'une petite commune de 2 100 habitants, Buis-les-Baronnies, dans le sud de la Drôme, dont les principales ressources agricoles sont l'abricot, la cerise, l'olive et le tilleul.
« Je vous crie mon désarroi. Vous savez bien sûr que le cours des fruits s'est littéralement effondré cet été.
« Les agriculteurs sont abattus. Ils n'arrivent pas à s'organiser et sentent sur eux cette menace diffuse de disparaître de la vie économique à tour de rôle.
« Monsieur le ministre, ne pouvez-vous pas intervenir auprès des centrales d'achat qui, payant pratiquement sans intermédiaire l'abricot à un prix dérisoire, le revendent à des tarifs insensés, et souvent vert, ceci expliquant en partie la mévente de ce produit ?
« Je vous écris en désespoir de cause, car je sens véritablement que toute notre région est menacée et que si des solutions ne sont pas proposées, tous nos agriculteurs risquent d'être rayés de la carte à plus ou moins long terme.
« Veuillez recevoir, monsieur le ministre, l'expression de ma considération distinguée. »
C'est édifiant !
Ce maire n'est pas de mon département, il n'est même pas de ma région, mais il fait comme de nombreuses personnalités dans la France entière, qui m'envoient des lettres, des fax, me téléphonent parce qu'elles ont cru à la mission d'information du Sénat sur les fruits et légumes que j'avais l'honneur de présider.
Tous ces témoignages montrent, hélas ! que, malgré la qualité du travail que nous avions effectué, et qui avait reçu l'approbation du Sénat, aucune suite n'a été donnée aux propositions que nous avions formulées.
Monsieur le ministre, vous-même et l'ensemble du Gouvernement approuvez et appliquez les décisions prises à Bruxelles qui, dans le secteur des fruits et légumes comme dans d'autres secteurs, introduisent toujours plus de libéralisme et toujours moins de préférence communautaire. Or l'Europe ne produit que 40 % de sa consommation en fruits et légumes. La marge est donc grande pour produire plus dans cette région du monde.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, au-delà des aides ponctuelles, pour aider les producteurs français de fruits et légumes ?
Un drame se joue actuellement en Provence-Alpes-Côte d'Azur : les syndicats professionnels ont chiffré à 1,8 milliard de francs - ils vous l'ont d'ailleurs indiqué par courrier - la perte en 1996, tous produits confondus.
Vous allez certainement me répondre que vous avez pris en compte ce marasme puisque 5,25 millions de francs ont été attribués, à ce titre, aux producteurs pour le département des Bouches-du-Rhône.
Permettez-moi, alors, d'attirer votre attention sur un point particulier mais très important. Seuls 342 dossiers de producteurs de fruits des Bouches-du-Rhône ont été retenus en 1995, ce qui tend à éliminer de l'aide la plupart des 6 000 agriculteurs concernés.
On procède à des classifications incroyablement compliquées, distinguant les producteurs de fruits, les producteurs de légumes, les producteurs de fruits et de légumes, les producteurs en serres, les producteurs de plein champ, etc. Tout cela est à ce point ventilé que, finalement, il n'y a que 342 dossiers retenus sur 6 000 ! Et on retrouve la même situation dans la France entière !
Je rappelle que le secteur des fruits et légumes en France, ce sont près de 6 millions d'emplois directs et indirects, un chiffre d'affaires de 70 milliards de francs.
Il est indispensable de trouver des solutions au niveau de la commercialisation et de l'exportation des fruits et légumes produits en France.
Pourquoi signez-vous - pourquoi accumulez-vous ? devrais-je dire - et appliquez-vous des accords qui ôtent toute chance aux producteurs français et sont autant de machines de guerre contre la production nationale ?
Dans tous les bassins de production français, les agriculteurs sont confrontés à la même situation : une pression insoutenable sur les prix, due aux importations, parce que les centrales d'achats et la grande distribution s'approvisionnent d'abord en produits importés ! Ces gros acheteurs ne s'intéressent pas à la qualité : seul le prix les intéresse. Ils pourraient ne poser qu'une question, celle qui venait systématiquement aux lèvres d'un célèbre dirigeant du football italien : « Quanto costa ? » (Sourires.)
Vous venez, monsieur le ministre, de charger l'observatoire français des conjonctures économiques d'analyser les conditions de formation des prix dans le secteur des fruits et légumes. Je suis très étonné du caractère tardif de cette décision, car la mission sénatoriale que j'ai déjà évoquée, dès 1993, avait mis en évidence l'ensemble des problèmes que vous paraissez découvrir aujourd'hui et avait déjà proposé des solutions. Je vous invite donc à vous reporter à ce rapport et aux quarante-quatre propositions par lesquelles il se concluait.
Selon la fédération nationale des producteurs de fruits, le mode de calcul des seuils de déclenchement des clauses est irréaliste et inefficace.
Je prendrai un seul exemple, celui de la production de pommes, qui connaît, il est vrai, une certaine embellie depuis le mois de septembre.
Pour déterminer le volume du seuil de déclenchement, la Commission de Bruxelles a choisi de s'appuyer sur la consommation en Europe au cours des années de référence : 1990, 1991 et 1992. La consommation est calculée en faisant la somme de la production et des importations, desquelles on déduit les exportations et les retraits. Ainsi calculée, la consommation de pommes aurait été de 19 kilogrammes par habitant en 1991 et de 30 kilogrammes en 1992 ! Ubu est vraiment roi à Bruxelles !
A partir de là, sur la période du 1er avril au 30 juin, il faudrait que les importations de pommes dépassent 1,55 million de tonnes, alors que les 850 000 tonnes entrées en 1995 pendant la même période avaient très fortement déstabilisé le marché. Il est donc évident que ce système n'est plus acceptable !
Tandis que les pays de l'Union européenne corsètent leur agriculture, les dirigeants américains conçoivent la nouvelle « organisation mondiale du commerce » comme un instrument de leur politique commerciale et maintiennent leur arsenal protectionniste. Pendant ce temps là, nous poursuivonss notre politique de mise en jachère !
On peut, dès lors, s'interroger sur la validité de la notion de « prix mondial », sur laquelle est bâtie toute la réglementation de la nouvelle OMC, issue des accords du GATT, qui sert à culpabiliser les agriculteurs français.
Faute de temps, je ne peux présenter tous les commentaires que ce projet de budget m'inspire.
En fait, ce que je lui reproche le plus, c'est le manque d'ambition qu'il trahit.
Je prépare en ce moment une série de textes, que je rendrai publics le moment venu, sur deux thèmes liés : le développement agricole et la sécurité alimentaire.
Pour ne rien vous cacher, les idées que je développe se déclinent autour de deux ambitions : le développement de notre production nationale - sans oublier la place qu'y tiennent les fruits et légumes, bien sûr - et la satisfaction des nouveaux besoins alimentaires de la planète, en particulier en Extrême-Orient. En bref, il s'agit de définir les conditions de la sécurité alimentaire, et j'en distingue essentiellement trois.
La première est la renégociation de l'OMC, assortie d'une réforme de la PAC.
La deuxième est l'installation, en France, d'un plus grand nombre de jeunes agriculteurs. Une installation pour un départ est une bonne idée, à condition d'avoir un bon chiffre de référence. Or, selon moi, le bon chiffre tourne autour de un million d'exploitations agricoles, et non pas 500 000. J'avais déjà formulé le même jugement lors de la discussion relative à la charte d'installation. Si l'on ne prend pas ce chiffre de un million d'exploitations pour référence, on donnera satisfaction à ceux qui, depuis plusieurs années, préconisent de « naviguer » aux alentours des 250 000 exploitants agricoles, et cela voudra dire que nous baissons la garde, que nous renonçons à nos ambitions.
La troisième condition est l'occupation de tout le territoire national.
La réunion de ces trois conditions favoriserait une agriculture économe en intrants, non productiviste et donc respectueuse de l'environnement.
En outre, au regard de la santé humaine, cette démarche garantit la qualité des produits.
Qu'ils soient cultivateurs, éleveurs, viticulteurs, horticulteurs, maraîchers, pêcheurs, les agriculteurs français sont aujourd'hui confrontés à un cadre trop rigide qui ne sert, en fait, qu'à gérer la pénurie des productions organisée depuis Bruxelles.
Il ne peut y avoir de réel changement positif pour les agriculteurs de nos pays sans que soit promu un nouveau type de développement agricole, fondé sur l'exploitation familiale à taille humaine, valorisant la diversité des territoires et respectant les équilibres écologiques. L'Europe agricole doit donc repartir sur d'autres bases, et elle le peut.
Cela implique une organisation commune des marchés qui permette de relever et de garantir des prix minimum à la production, d'établir une juste répartition et la gratuité des droits à produire, des mesures de soutien en faveur des régions défavorisées et des agriculteurs en difficulté, une politique favorisant la qualité des produits, sans oublier la lutte contre les importations abusives.
Les orientations budgétaires qui nous sont proposées ne vont, hélas ! pas dans ce sens. Vous comprendrez que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne puissent les approuver.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. C'est une surprise !
M. Louis Minetti. Vous observerez, monsieur le président, que je n'ai même pas utilisé les quatorze minutes auxquelles j'avais droit !
M. le président. Le Sénat vous en est reconnaissant, monsieur Minetti.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, avec les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. René Monory.)