M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'outre-mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits demandés au titre de l'outre-mer atteignent, pour 1997, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, 4,86 milliards de francs, soit un montant à peu près identique à celui qui était inscrit dans la loi de finances initiale pour 1996.
Le total des autorisations de programme subit, en revanche, une baisse sensible, de près de 9 %, et descend à 1,95 milliard de francs.
Cette stabilisation en valeur des crédits de l'outre-mer recouvre, en réalité, de fortes variations, essentiellement dues à trois facteurs : tout d'abord, la poursuite de la montée en régime du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, issu de la loi Perben de 1994 ; ensuite, l'étalement sur un exercice complémentaire du financement des engagements contractuels de l'Etat, dans le cadre des différents contrats de plan et de développement ; enfin, la disparition de la section décentralisée du fonds d'investissement des départements d'outre-mer.
Je vous renvoie à mon rapport pour le détail de l'ensemble des mesures nouvelles. Je me limiterai, dans la présentation orale, à développer, compte tenu de leur importance, les trois points que je viens de mentionner.
Premier point : la poursuite de la montée en puissance du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer.
Les crédits figurant à ce titre dans le projet de loi de finances initiale pour 1997 s'élèvent à 1 486,9 millions de francs ; ils sont en hausse de 43,5 % par rapport aux crédits inscrits en 1996. La progression n'est toutefois plus que de 10,7 % si l'on tient compte de l'enveloppe de 307 millions de francs ouverte sur le chapitre concerné par le décret d'avances du 26 septembre dernier.
Il faut bien sûr se féliciter de la poursuite d'une politique ambitieuse de soutien au développement économique et social des départements d'outre-mer.
Les rapporteurs pour avis ne manqueront pas de souligner la mise en place, parfois empreinte de difficultés, des agences départementales d'insertion, les ADI, ainsi que l'extension aux départements d'outre-mer de l'allocation parentale d'éducation et de l'allocation pour jeune enfant.
Pour ma part, j'exprimerai une légère réserve sur le mode de fonctionnement du FEDOM.
L'exercice 1996 aura vu, en effet, une demande forte en faveur des contrats emploi-solidarité. Il ne faudrait pas que la prolongation de cette tendance finisse par créer un effet d'éviction au détriment des formules d'insertion par le secteur privé, au moment où la Cour des comptes fustige, à juste titre, les dérives des CES.
Le chapitre des aides au logement dans les départements d'outre-mer, ou ligne budgétaire unique, la LBU, apparaît également comme relativement privilégié, puisque ses autorisations de programme sont maintenues à 1 150 millions de francs, soit au niveau atteint en loi de finances initiale pour 1996, conformément à la volonté du Président de la République.
Par ailleurs, la créance de proratisation du RMI permettra d'augmenter les moyens d'engagement de la LBU de 540 millions de francs supplémentaires, soit un montant équivalent à celui qui est constaté cette année.
Le ministère de l'outre-mer considère que les moyens dégagés permettront l'achèvement des réformes décidées lors des assises de l'égalité sociale de février 1996 et la poursuite de la politique ultramarine du logement social au même niveau que l'exercice en cours, soit environ 11 000 nouveaux logements construits par an, auxquels s'ajoutent 4 000 opérations de réhabilitation.
Monsieur le ministre, je désire que nos débats soient l'occasion de préciser l'état d'avancement des réflexions du Gouvernement sur la mise au point de nouveaux produits, notamment l'extension du prêt à taux zéro aux départements d'outre-mer.
J'en viens au deuxième sujet que je souhaitais développer dans mon intervention : hors LBU, le budget d'investissement du ministère de l'outre-mer est marqué par l'étalement sur une année supplémentaire des contrats de plan avec les départements d'outre-mer, des conventions avec Mayotte et Wallis-et-Futuna ainsi que du contrat de développement avec la Polynésie française. Seuls les contrats de développement signés avec les provinces de Nouvelle-Calédonie échappent à cette disposition.
L'étalement sur un exercice supplémentaire de la charge pour l'Etat de ses engagements contractuels à l'égard des collectivités d'outre-mer, excepté la Nouvelle-Calédonie, n'est que le pendant du même principe appliqué aux contrats de plan en métropole.
Cet aspect du budget de l'outre-mer me donne l'occasion de faire le point sur la situation en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.
Parallèlement au contrat de développement, la Polynésie bénéficie de la convention du 25 juillet dernier qui tire les conséquences de la fin des essais nucléaires et fixe les modalités du maintien d'un flux annuel de 990 millions de francs pendant dix ans au profit du territoire.
Je n'aurai qu'un souhait à ce sujet, monsieur le ministre : que le Gouvernement isole mieux ces flux qu'il ne le fait actuellement dans le « bleu » de la défense.
Pour ce qui est de la Nouvelle-Calédonie, de retour d'une mission qui m'a conduit sur place du 2 au 16 septembre dernier, je ne peux que me féliciter de la décision du Gouvernement de ne pas imposer à ce territoire le principe de l'étalement de ses engagements contractuels sur une année supplémentaire.
A dire vrai, cette solution était la seule qui soit acceptable compte tenu de l'échéance référendaire de 1998.
Au terme des entretiens que j'ai eus sur le territoire, je souhaite toutefois appeler votre attention, monsieur le ministre, sur trois points qui me semblent devoir faire l'objet d'une vigilance accrue alors que les pourparlers sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie entrent dans une phase décisive.
En premier lieu, il paraît indispensable de préserver la capacité d'action de l'agence de développement rural et d'aménagement foncier, l'ADRAF, dont l'action reste décisive et, de surcroît, appréciée par toutes les parties s'agissant de la redistribution des terres, essentiellement au profit des Mélanésiens.
En moyenne, les dépenses sur les années 1992 à 1995 au titre des achats de terres effectués par l'ADRAF ont été de 10 millions de francs par an. Ce rythme paraît raisonnable au regard des besoins recensés.
Or les montants délégués en 1996 ne s'élevaient au mois de septembre dernier qu'à 4,25 millions de francs et l'administration, compte tenu des moyens en diminution dont elle disposera en 1997 sur la section générale du FIDES, s'apprête à proposer au comité directeur du fonds l'inscription d'une enveloppe limitée à 6 millions de francs pour les achats de terre de l'ADRAF.
Une solution, strictement conjoncturelle, peut consister à solliciter le fonds de roulement dont dispose l'agence. Cette voie n'apparaît toutefois pas pérenne et met en danger l'action d'une institution indispensable à la paix civile en Nouvelle-Calédonie.
En deuxième lieu, il paraît également utile, dans le climat actuel, de préserver la capacité d'action du représentant de l'Etat sur le territoire pour le financement des opérations « jeunes stagiaires du développement ».
Les crédits nécessaires sont traditionnellement dégagés par prélèvement sur l'enveloppe « autres opérations » du chapitre 68-93, qui concentre les moyens destinés à la Nouvelle-Calédonie. Or, cette enveloppe a tendance à diminuer pour deux motifs concomitants : la stabilisation en valeur des crédits demandés sur le chapitre 68-93 et la progression constante de l'indemnité compensatrice versée à la province Sud au titre d'une partie de ses charges d'enseignement primaire et d'assistance médicale gratuite, en application de l'article 34 du statut de 1988.
De ce point de vue, il est heureux que le Gouvernement ait manifesté son intention a priori de maintenir cette indemnité, en 1997, au même niveau qu'en 1996, soit 58 millions de francs. Mais il faudra tenir cette ligne en gestion.
Enfin, l'une des clés du dialogue aujourd'hui en cours sur le territoire réside dans la garantie apportée par les pouvoirs publics à la province Nord d'un développement durable à travers la construction d'une usine de traitement du minerai de nickel. A ce sujet, l'accord récent intervenu entre ERAMET et la Société minière du Sud-Pacifique en vue de permettre l'accès des investisseurs à la ressource ne semble pas encore avoir porté tous ses fruits. Pouvez-vous faire le point sur ce sujet, monsieur le ministre ?
Le troisième et dernier axe de mon intervention concerne l'opération de suppression du FIDOM-section décentralisée.
Le chapitre en question était doté, en loi de finances initiale pour 1996, de 55 millions de francs en autorisations de programme. Celles-ci tombent à zéro pour 1997.
Le Gouvernement dispose d'un argument certes paradoxal, mais non dénué de tout fondement, pour justifier cette opération : les amputations importantes et régulières pratiquées depuis le début de la décennie sur le chapitre concerné ont conduit à minorer fortement la part de cette ressource dans les budgets des départements et des régions d'outre-mer. Le FIDOM-décentralisé ne représenterait plus qu'une très faible part des recettes de ces collectivités, même si, localement, et pour telle opération particulière, le taux de participation du fonds peut encore atteindre des niveaux significatifs.
Toutefois, les élus « domiens » ne manqueront pas de rappeler la politique conduite lors de la dernière décennie et au début des années quatre-vingt-dix, qui a consisté à maintenir un niveau d'autorisations de programme sur les dotations du FIDOM-décentralisé sans l'accompagner de la mise en place des crédits de paiement correspondants.
Le ministère de l'outre-mer a bien commencé à inverser la tendance à compter de 1994, en donnant la priorité aux crédits de paiement, en les faisant progresser plus rapidement que les autorisations de programme.
Il n'en demeure pas moins que cet effort de redressement n'est pas arrivé à son terme, même en tenant compte des crédits de paiement, soit 33,3 millions de francs, demandés au titre de 1997.
Dans une réponse à une question écrite de notre collègue M. Dominique Larifla, le ministère de l'outre-mer indiquait que la question des besoins en crédits de paiement sur le chapitre 68-03 serait examinée dans le cadre de la préparation du projet de budget pour 1997. Or celui-ci ne contient aucune amorce de solution. Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, si des progrès ont pu être accomplis afin que la totalité des crédits de paiement correspondant à des autorisations de programme engagées sur le FIDOM-décentralisé avant le 31 décembre 1996 soit reversée aux régions et aux départements concernés.
Par ailleurs, vous avez exprimé le souhait, monsieur le ministre, de pouvoir déposer sur le bureau de l'une ou de l'autre assemblée, avant la fin de l'année, un projet de loi relatif à l'aménagement du territoire ultramarin. Vous avez présenté ce texte comme une contrepartie consentie par le Gouvernement en échange de la suppression de la section décentralisée du FIDOM.
Selon vos propos, les objectifs seraient de deux ordres : d'abord, étendre à l'outre-mer le principe des zones de revitalisation rurale, prévu pour la métropole par la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, parallèlement au pacte de relance pour la ville, qui, lui, s'appliquera d'emblée dans les DOM ; ensuite, compléter les mécanismes d'aide aux entreprises exportatrices d'outre-mer en ajoutant aux primes à l'emploi des primes à l'investissement.
Il reste toutefois à préciser le contenu exact du texte et le montant des moyens budgétaires qui lui seront consacrés.
Quel sera le partage des responsabilités entre l'Etat et les régions d'outre-mer dans un domaine touchant au développement économique ?
Quels seront les flux financiers annuels consentis par l'Etat au titre de ce dispositif ?
Quelles seront, enfin, les modalités de transfert de ces flux vers les DOM ? J'ai cru comprendre qu'il était prévu une participation du fonds national de développement des entreprises, le FNDE. Or, ce fonds prévu par la loi Pasqua n'a jamais été mis en place.
Pouvez-vous, enfin, fixer le calendrier d'examen de ce texte ?
Avant de conclure, je voudrais rendre hommage, monsieur le ministre, à votre volonté de doter l'outre-mer des instruments qui lui permettront d'assurer son développement autrement que par des transferts effectués depuis la métropole.
Il y a urgence en ce domaine, comme l'ont prouvé les récents événements de Guyane. La visite que vous avez effectuée sur place avec le ministre de l'éducation nationale a permis de calmer les esprits. Je souhaite cependant que vous nous fassiez part, dans votre réponse, de votre sentiment sur l'évolution de ce département au cours des prochaines années.
En conclusion, je dirai, mes chers collègues, que les crédits demandés au titre de l'outre-mer participent à l'effort de maîtrise de la dépense publique, mais restent suffisants pour conserver au ministère une marge significative d'action.
Ce constat conduit la commission des finances à vous proposer, sous réserve des réponses que le ministre voudra bien faire à nos demandes de précisions, d'adopter le projet de budget de l'outre-mer pour 1997 ainsi que l'article 93 rattaché, qui proroge la taxe sur les transports au profit des régions d'outre-mer et ne pose pas de problème. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Désiré, rapporteur pour avis.
M. Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous exposer les observations de la commission des affaires économiques, j'aimerais brièvement attirer une fois de plus votre attention sur le fait que la discussion concernant le budget du ministère des départements et territoires d'outre-mer est frappé d'une ambiguïté regrettable : d'une part, ce budget ne correspond qu'à environ 10 % des sommes effectivement attribuées aux départements d'outre-mer et, d'autre part, on pourrait penser que nous traitons ici de l'ensemble des problèmes concernant l'outre-mer.
Pour permettre une meilleure lisibilité, nous disposons, c'est vrai, à travers le fascicule jaune annexé au projet de loi de finances, de statistiques concernant les crédits affectés par l'ensemble des ministères à l'outre-mer, mais ces chiffres arrivent tard et doivent être maniés avec beaucoup de précautions, parce qu'ils sont peu fiables.
De plus, la discussion est biaisée, car nous sommes contraints, à travers un exercice politique périlleux, de faire une synthèse en un seul fascicule de problèmes aussi vastes que ceux des différents départements et territoires d'outre-mer, sur lesquels on peut dire que le soleil ne se couche jamais, et cela avec un temps de parole encore plus réduit qu'il y a deux ans quand existaient un rapporteur pour les départements d'outre-mer et un rapporteur pour les territoires d'outre-mer, alors que, c'est un paradoxe, l'institution de la session unique était censée nous donner plus de temps pour travailler.
Monsieur le ministre, dans un contexte économique encore très fragile, une des priorités affirmées par votre ministère est la lutte pour l'emploi et l'insertion et, à ce titre, les crédits affectés au Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, le FEDOM, sont en hausse de 43,5 % par rapport à la loi de finances pour 1996, ce qui permettra de financer 55 000 nouvelles solutions d'insertion, notamment à travers les contrats d'accès à l'emploi et la mise en place des agences d'insertion.
Le soutien au logement social se traduit notamment par le maintien de la ligne budgétaire unique, la LBU, à son niveau de 1996, conformément à la volonté du président de la République. Cette mesure devrait permettre la mise en oeuvre des réformes décidées lors des Assises de l'égalité sociale de février 1996. Mais la diminution sensible des crédits de paiement par rapport à 1996 témoigne de la difficulté à réaliser effectivement les investissements prévus.
Malgré des réductions budgétaires importantes, le Gouvernement entend maintenir une politique contractuelle axée sur l'aménagement du territoire.
Force est cependant de constater que le montant global des subventions aux collectivités locales est en forte diminution, et cela résulte très largement de la suppression, à compter de 1997, de la section décentralisée du FIDOM.
De plus, les diminutions enregistrées tant sur le FIDOM que sur la section générale du FIDES imposent l'étalement sur une année supplémentaire des contrats de plan avec les départements d'outre-mer, mesure qui s'est d'ailleurs appliquée aux contrats de plan en métropole, mais qui est dangereuse parce qu'elle s'applique à des organismes financièrement faibles, alors même que les engagements au titre des contrats de plan constituent la contrepartie des programmes européens de développement qui devront être retardés.
Vous annoncez, monsieur le ministre, pour très prochainement, un projet de loi relatif à l'aménagement du territoire ultramarin. Il ne faudra pas tarder, et j'aimerais avoir, de votre part, des renseignements sur le contenu de ce texte.
Dans l'immédiat, au nom des élus domiens, je souhaite, monsieur le ministre, être assuré que la totalité des crédits de paiement correspondant à des autorisations de programme engagées sur le FIDOM décentralisé avant le 31 décembre 1996 sera reversée aux régions et aux départements concernés pour ne pas les handicaper encore plus.
Enfin, et compte tenu de la progression limitée des moyens budgétaires à destination de l'outre-mer, il paraît indispensable de privilégier les dispositions relatives à la défiscalisation, qui ne devrait pas être remise en cause chaque année, car il s'agit d'une dépense fiscale « neutre » pour les finances publiques comme le montre un rapport de la chambre de commerce et d'industrie de la Martinique, et qui favorise la création de ressources locales en stimulant le tissu des entreprises, permettant, à terme, de diminuer les transferts budgétaires qui ont placé les départements d'outre-mer dans une situation d'assistance budgétaire chronique très préjudiciable à leur véritable développement économique.
Les crédits consacrés aux territoires d'outre-mer regroupés autour de trois agrégats - développement social et économique, administration générale et collectivité - s'élèvent à un peu plus d'un milliard de francs et devraient permettre à l'Etat de respecter l'ensemble de ses engagements contractuels, notamment vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.
En matière d'aides communautaires concernant le VIIIe Fonds européen de développement, le Conseil européen de Cannes a décidé, en juin 1995, de son montant de 1996 à l'an 2000. Il est de 165 millions d'écus pour les pays et territoires d'outre-mer, les PTOM, dont 47,90 % pour la France.
Le contexte budgétaire globalement stable s'inscrit dans une évolution contrastée au niveau des différents territoires d'outre-mer et collectivités territoriales d'outre-mer. Si la Polynésie française s'est donnée les moyens de la stabilité grâce à une rénovation de son cadre institutionnel, la Nouvelle-Calédonie demeure dans l'incertitude dans l'attente du référendum sur l'autodétermination qui doit avoir lieu en 1998.
Par ailleurs, alors que le territoire de Wallis-et-Futuna se trouve dans une conjoncture économique stable, Saint-Pierre-et-Miquelon poursuit sa recherche d'une reconversion et d'une diversification de ses activités économiques. Enfin, l'analyse économique de la situation du territoire de Mayotte révèle une croissance économique marquée par une dépendance accrue.
Sous réserve de ces observations, je vous indique, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la majorité de la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits destinés à l'outre-mer pour 1997. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lagourgue, rapporteur pour avis.
M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette année qui marque le cinquantième anniversaire de la départementalisation de l'outre-mer, la commission des affaires sociales du Sénat a noté avec satisfaction que la politique d'égalité sociale avec la métropole s'est concrétisée avec l'alignement du SMIC et des diverses prestations sociales, à l'exception - et c'est regrettable - de l'allocation de parent isolé, l'API, dont le montant dans les DOM reste très inférieur à celui qui est versé en métropole.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, échappe au plan d'austérité général, puisqu'il est maintenu ; il enregistre même une très légère progression par rapport à l'an dernier. Si un effort particulier est consenti en direction des territoires d'outre-mer, les quatre cinquièmes des crédits restent affectés aux départements d'outre-mer.
J'évoquerai deux sujets qui sont au coeur du développement des DOM : le logement et l'emploi.
Le problème du logement social outre-mer se pose encore aujourd'hui en termes de pénurie, d'insalubrité et de précarité.
Pour répondre aux besoins, il faudrait pouvoir augmenter, dans de fortes proportions, le nombre de logements aidés par l'Etat construits chaque année.
Or, monsieur le ministre, force est de constater que les efforts financiers en la matière sont trop limités : la ligne budgétaire unique sera tout juste reconduite en 1997. Certes, une part de la créance de proratisation du RMI vient l'abonder, mais elle sera fixée à 540 millions de francs en 1997 alors qu'elle s'élevait à 570 millions de francs en 1996.
Dans ces conditions, nous nous interrogeons, monsieur le ministre, sur l'objectif ambitieux de la construction de 15 000 logements par an que vous nous avez annoncée lors de votre audition devant la commission.
En février dernier, à la suite des Assises de l'égalité sociale, vous aviez défini les grands axes en matière de politique du logement outre-mer. Mais il faudrait aussi que l'outre-mer bénéficie des nouvelles mesures applicables en métropole ; je pense notamment à celles qui ont été prises en faveur du logement des personnes les plus démunies. Les DOM se trouvent exclus des crédits destinés à financer, par exemple, les actions d'urgence ou bien encore le fonds de solidarité pour le logement, le FSL, et l'aide au logement temporaire, l'ALT, crédits qui ont doublé, voire triplé, alors que la ligne budgétaire unique stagne.
De même, le prêt à taux zéro, mis en place voilà un an en métropole, n'a toujours pas été étendu à l'outre-mer. Je vous renouvelle, monsieur le ministre, non seulement le souhait de voir ce prêt applicable dans les DOM au plus tôt, mais également l'opposition à ce qu'il soit financé par un prélèvement sur la ligne budgétaire unique. En effet, ce serait à la fois inéquitable, puisqu'il y aurait une baisse des aides affectées aux logements sociaux, et illogique, parce que contraire à la politique exprimée par le Gouvernement.
La situation de l'emploi et de l'insertion outre-mer, placée au premier rang des priorités lors des Assises du développement, demeure très préoccupante.
Les taux de chômage dans les départements d'outre-mer sont alarmant, variant entre 20 % pour la Guyane et près de 40 % pour la Réunion ! Paradoxalement, on assiste à des évolutions positives : baisse du nombre des demandeurs d'emploi en fin de mois, du pourcentage des chômeurs de moins de vingt-cinq ans, augmentation des offres d'emploi, ce qui prouve le dynamisme du marché du travail.
Cette contradiction apparente entre les chiffres est due à l'excédent démographique, lequel est cependant en voie de résorption.
L'année 1996 aura été marquée par l'adoption ou la mise en oeuvre de plusieurs actions en faveur de l'emploi. En 1997, le FEDOM, le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, verra ses crédits augmenter de 43 %, mais au détriment des subventions d'investissement versées par l'Etat, ce qui risque d'avoir des effets contraires sur l'emploi.
Par ailleurs, l'application dans les DOM du chèque emploi-service, annoncée depuis un an, est sans cesse repoussée.
Le bilan des mesures en faveur de l'insertion outre-mer n'est pas satisfaisant : les quatre agences départementales d'insertion n'ont été mises en place qu'il y a six mois. Elles ont notamment pour mission de conclure des contrats d'insertion par l'activité, les CIA, avec les RMIstes, qui sont au nombre de 109 000 dans les quatre départements d'outre-mer. Or l'objectif initial du Gouvernement, fixé à 10 400 CIA pour la fin de l'année 1996, est loin d'être atteint.
La réduction du temps de parole consécutive, ce qui est paradoxal, à l'adoption de la session unique de neuf mois ne me laissant que cinq minutes pour m'exprimer, je conclurai en indiquant que la commission des affaires sociales, considérant que les objectifs définis pour l'outre-mer par le Gouvernement sont pertinents, a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Blaizot, rapporteur pour avis.
M. François Blaizot, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les départements d'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen par la commission des lois du Sénat des crédits consacrés par le projet de loi de finances pour 1997 aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon a été, comme chaque année, l'occasion de dépasser les catégories budgétaires habituelles.
En effet, au-delà du budget du ministère de l'outre-mer, dont la dotation représentera, en 1997, 10,6 % des crédits consacrés par l'ensemble des ministères à ces six collectivités locales, l'avis écrit, auquel je me permets de vous renvoyer, analyse également les effets prévisibles des contributions des ministères de l'intérieur et de la décentralisation, d'une part, qui représentent 22,9 % du total des crédits affectés à ces mêmes collectivités, et de celle du ministère de la justice, d'autre part, qui en représente 1,7 %.
Nous avons parfaitement conscience, monsieur le ministre, de la complexité de votre tâche de coordination, eu égard à la dispersion des crédits entre plusieurs ministères, mais je dois souligner que vous avez remarquablement, au cours des deux ans écoulés, défendu votre pré carré et obtenu des moyens qui vous permettent d'exercer l'influence qui doit être la vôtre en la matière ; nous nous en réjouissons.
Ainsi, la part dans l'effort total en faveur du ministère de l'outre-mer est stable, tandis que baissent légèrement celles des autres ministères mentionnés précédemment. Cela traduit notamment la poursuite de l'effort de modernisation et d'adaptation des administrations de l'Etat outre-mer, tant par la construction de bâtiments - et il y en aura eu beaucoup en 1996-1997, qu'il s'agisse d'une sous-préfecture à Saint-Pierre-et-Miquelon, d'établissements pénitentiaires dans les DOM et de centres de rétention à Mayotte et en Guyane ou du siège des juridictions en Martinique - que par le redéploiement ou le renforcement des effectifs. Ce dernier point, dont il faut souligner l'importance, concerne le personnel pénitentiaire, les magistrats, ainsi que les expériences de réorganisation des services de la préfecture en Martinique.
Pour formuler son avis, la commission des lois a examiné ces moyens à travers trois thèmes principaux : la consolidation des structures administratives, qui a été mise en valeur à l'occasion du cinquantenaire de la départementalisation, la poursuite du rattrapage en matière de sécurité et de justice et la situation toujours tendue en matière d'immigration.
Tels sont les trois points sur lesquels la commission des lois a estimé devoir insister avec le plus de force. Pour une analyse plus détaillée, je vous renvoie, mes chers collègues, à mon avis écrit.
Il ressort de l'examen auquel a ainsi procédé la commission des lois, et c'est ce qui justifie son avis favorable sur votre projet de budget, monsieur le ministre, une relative satisfaction quant au développement des efforts globalement consentis, efforts qui se sont d'ores et déjà traduits par un ralentissement de la croissance du taux de criminalité, après l'envol des quatre années précédentes, encore que la prudence doive toujours être de mise dans l'interprétation des statistiques, compte tenu de leurs modalités d'élaboration, souvent assez sommaires, et du caractère mouvant du phénomène de criminalité.
Autre motif de satisfaction : l'apport financier de l'Europe, notamment au titre de l'objectif n° 1. Les fonds structurels accordés pour la période 1994-1999 atteignent 11 milliards de francs, soit une contribution financière à peu près équivalente aux crédits nationaux. Si cet apport se maintient à cette hauteur, il contribuera de façon importante au développement de nos départements d'outre-mer.
Enfin, une satisfaction a été exprimée par la commission des lois en ce qui concerne la reconduction de la défiscalisation - le dispositif de la « loi Pons », comme on a coutume de dire - et la taxe sur les transports, qui continuent d'accroître les ressources des communes, des départements et des régions d'outre-mer dans des conditions importantes puisqu'on constate aujourd'hui que les finances des collectivités locales, qui étaient dans une situation véritablement préoccupante, vont nettement en s'améliorant grâce à ces ressources exceptionnelles qui leur ont été consenties.
Compte tenu des événements récents en Guyane, une inquiétude a été manifestée par la commission des lois quant au niveau des moyens affectés à ce département, où la présence juridictionnelle est peu développée et où les effectifs de police sont stables, en dépit d'un taux de criminalité qui reste le plus élevé de France.
Si votre ministère, celui de la justice et celui de la défense y prévoient quelques redéploiements d'effectifs, parfois prélevés dans d'autres DOM, d'ailleurs, en revanche, les effectifs du ministère de l'intérieur y restent stables. Or, en Guyane comme dans les autres DOM, c'est dans les zones de police, à Cayenne en l'occurrence, que la délinquance croît le plus rapidement, alors qu'elle recule en zone de gendarmerie.
La commission a également exprimé une préoccupation, qui rejoint celle de la commission des finances, sur le solde des arriérés du FIDOM, dont la suppression de la section décentralisée augure mal de la suite de l'action qui avait été entreprise dans ce cadre.
Je vous poserai, monsieur le ministre, trois questions au nom de la commission des lois.
M. le président. Je vous prierai de conclure, monsieur le rapporteur.
M. François Blaizot, rapporteur pour avis. Premièrement, le futur dispositif d'aménagement du territoire, auquel plusieurs collègues ont fait allusion, permettra-t-il de mieux utiliser les crédits prévus pour l'outre-mer, qui, nous avez-vous dit en commission, ne sont pas toujours mis en oeuvre effectivement.
Deuxièmement, dans l'attente des indispensables réponses sociales et économiques, les services de l'Etat en Guyane peuvent-ils parer à la situation en matière d'immigration, de sécurité et de traitement judiciaire ?
Troisièmement, les discussions ouvertes lors de la conférence intergouvernementale sur « l'ultrapériphicité » vous paraissent-elles bien orientées ? Les conditions d'exemption du Gouvernement français, d'une part, et des gouvernements espagnol et portugais, d'autre part, à cet égard, ont-elles pu converger ? Les perspectives de les voir aboutir vous paraissent-elles encourageantes ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les territoires d'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, le rendez-vous budgétaire est l'occasion pour la commission des lois de faire le point sur la situation de chaque territoire d'outre-mer.
L'année 1996 s'est caractérisée par une activité législative dense concernant les territoires d'outre-mer.
Deux lois ont tout d'abord consacré un nouveau statut d'autonomie de la Polynésie française, opérant un élargissement des compétences territoriales et un transfert, au bénéfice du territoire, d'un domaine public maritime. Cette nouvelle donne institutionnelle dote le territoire de nouveaux moyens pour poursuivre son développement économique, social et culturel.
En outre, l'arrêt définitif des essais nucléaires a abouti à la signature, le 25 juillet dernier, d'une convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française, qui prévoit le versement annuel au territoire, pendant les dix prochaines années, d'une somme de 990 millions de francs. Il faudra veiller à ce que cette enveloppe soit utilisée à la réalisation d'un développement harmonieux de la Polynésie française et que les communes des archipels éloignés ne soient pas oubliées.
La loi du 5 juillet 1996 portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer a permis d'étendre aux territoires d'outre-mer des dispositions issues de plus de trente-cinq lois, de cinq ordonnances et de dix codes. Deux ordonnances, dont la procédure de ratification est aujourd'hui en cours, ont actualisé la législation pénale applicable dans ces territoires.
Ces textes ont ainsi permis de moderniser, dans des secteurs très divers, le droit en vigueur outre-mer, par une harmonisation avec la législation métropolitaine, dans le respect des intérêts propres des territoires d'outre-mer.
Je me permets d'attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de veiller, quels que soient les progrès accomplis, à ce que les décrets d'application soient publiés dans des délais raisonnables et que, pour chaque projet de loi soumis au Parlement, les adaptations requises pour son extension aux territoires d'outre-mer soient prévues d'embée, afin d'éviter une législation à deux vitesses au détriment des ressortissants de l'outre-mer.
En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, l'échéance fixée par la loi référendaire du 9 novembre 1988 pour l'intervention du scrutin d'autodétermination est désormais très proche. Des négociations sur l'avenir du territoire sont en cours.
Le dernier point de blocage, relatif à la demande de cession du massif minier de Tiébaghi pour la construction d'une usine de traitement du nickel dans la province nord, semble en voie d'être levé.
Malgré ces péripéties, les partenaires des accords de Matignon ont constamment affirmé leur attachement à la recherche d'une solution consensuelle permettant d'éviter un référendum couperet. Vous pouvez être assuré, monsieur le ministre, que le Sénat les soutiendra dans cette voie.
La paix civile en Nouvelle-Calédonie doit impérativement être préservée, et la nécessité d'éviter toute interférence entre le scrutin d'autodétermination et les élections législatives de 1998 appelle un dénouement dans les meilleurs délais. Nous vous serions reconnaissant, monsieur le ministre, de nous donner quelques indications sur le calendrier envisagé.
Au nombre des réformes susceptibles d'être proposées en 1997 figure celle qui tend à moderniser l'institution communale en Polynésie française.
Vous le savez, à la suite d'une mission qu'elle avait effectuée au mois de janvier 1996, la commission des lois avait souligné, dans son rapport d'information, l'état de paralysie des communes polynésiennes, corroborant les conclusions du rapport de l'inspection générale de l'administration de décembre 1995. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer à quelle date le Gouvernement sera en mesure de saisir le Parlement de ce projet, primordial pour le développement du territoire, dont les communes constituent le cadre naturel dans un environnement géographique caractérisé par l'éparpillement des îles et l'isolement des archipels ?
Je vous serais également obligé de nous informer de l'état d'avancement de la procédure d'installation de la commission paritaire de concertation prévue par le nouveau statut de la Polynésie française.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois à émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : trente-cinq minutes ;
Groupe socialiste : trente minutes ;
Groupe de l'Union centriste : trente minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : quinze minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : quatorze minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : sept minutes.
J'invite les orateurs à respecter le temps de parole qui leur a été imparti au sein de leur groupe afin que nous puissions achever ce matin, à une heure raisonnable, l'examen de ce projet de budget. Je les informe que, pour les y aider, je ferai clignoter la petite lumière rouge qui se trouve sur la tribune une minute avant la fin du temps qui leur a été imparti.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, monsieur le ministre, je me réjouis que, sous votre impulsion et dans la ligne des recommandations de M. le Président de la République, la situation de l'outre-mer évolue dans un sens favorable, en dépit des difficultés et, surtout, d'une conjoncture difficile, à l'amélioration de laquelle chacun doit s'efforcer d'oeuvrer.
Comme en 1996, vous présentez un projet de budget en augmentation, que certains qualifieront de « limitée », puisque les plus gros efforts avaient déjà été engagés en 1996, notamment avec le transfert de la ligne budgétaire unique, la LBU, à votre ministère et la création du FEDOM.
Comme tout parlementaire proche des réalités du terrain - que vous avez pu constater lors de vos différentes missions en Guadeloupe - j'aurais souhaité que toutes les lignes budgétaires concernant nos régions d'outre-mer soient en augmentation. Mais, prenant en compte les difficultés financières actuelles, notre volonté demeure de bien mobiliser ces crédits en les associant aux dotations des ministères techniques.
Si je parle de meilleure coordination, c'est surtout pour rappeler que, au début de 1996, vous avez mobilisé toutes les énergies pour organiser les assises nationales du développement de l'outre-mer et vous avez su faire comprendre à vos collègues et à leurs services que, lorsqu'il était question de l'outre-mer, il ne fallait pas seulement considérer votre département ministériel.
Pour revenir au budget de 1997 et avant de vous dire à quel point je compte sur la mise en oeuvre concrète des mesures qui y sont inscrites, je souhaite évoquer un certain nombre de questions que se posent mes compatriotes.
La première concerne la disparition de la section décentralisée du FIDOM, sur laquelle je serai très brève, puisque les rapporteurs l'ont évoquée. Je tiens quand même à mentionner cette disparition car la dimension maritime de l'Europe à travers les départements d'outre-mer n'a nullement été prise en compte lors du programme MARIS évoqué en Irlande.
A cet égard, il faut être particulièrement attentif à ce que les efforts déployés pour obtenir sur la durée du XIe Plan le doublement des fonds structurels dans les départements d'outre-mer ne soient pas vains.
Ma deuxième question a trait à la réforme foncière, qui soulève des problèmes importants. Cette réforme a été engagée sur des fondements certes louables, mais elle a abouti à un éparpillement de petites propriétés agricoles dont les rendements et les conditions de mise en valeur sont pénalisants pour ceux qui ont bénéficié de ces attributions. Il vous appartient, monsieur le ministre, de prendre des initiatives pour que votre collègue de l'agriculture et ses services décentralisés engagent des procédures tendant, d'une part, à améliorer le rendement des surfaces cultivées et exploitées et, d'autre part, à donner les moyens correspondants aux agriculteurs.
A ce sujet, permettez-moi pas de vous faire part de notre incompréhension. En effet, il faut savoir qu'en Martinique a été créé un pool bancaire permettant d'accorder aux petits planteurs une avance financière de 3,20 francs par kilogramme. Ce dispositif est bloqué en Guadeloupe et, de ce fait, la Martinique produit, par semaine, 7 000 tonnes de bananes contre 1 200 à 1 500 tonnes pour la Guadeloupe.
Ma troisième question a trait au fonds de péréquation. Je dois vous signaler un certain nombre de blocages concernant ce fonds en matière de transports. On a invoqué, à ce titre, l'existence en Guadeloupe de transports maritimes. Le conseil régional de la Guadeloupe, que je préside, dans son projet de budget, qui sera examiné la semaine prochaine, a inscrit des sommes importantes au titre du fonds de péréquation. Nous ne pouvons pas accepter la suppression de la desserte aérienne de Marie-Galante, de La Désirade et des Saintes sous le prétexte qu'il existe des transports maritimes et que ces lignes aériennes, qui assurent un véritable transport de passagers, sont actuellement déficitaires.
Faut-il rappeler sans cesse, au risque de paraître radoter, que la Guadeloupe est un archipel et que, paradoxalement, la préfecture maritime est en Martinique ? Or, souvent, nous n'avons même pas d'hélicoptère pour nous rendre dans les îles. Vous avez pu apprécier les conséquences de cette situation lors du cyclone Luis. Vous avez vu quelle énergie il fallait déployer pour obtenir des avions afin d'aider les populations en détresse.
Je me réjouis, en revanche, de la récente décision prise par le Gouvernement tendant à créer, dès cette année, un rectorat de plein exercice sans pour autant faire éclater l'université Antilles-Guyane.
J'avais déjà souligné, l'année dernière, les inconvénients d'une centralisation des services de l'Etat sur un seul site régional ; ils sont en train de s'estomper.
Les délais de mandatement des personnels et des fournisseurs du conseil général en Guadeloupe, qui étaient de trois à quatre mois, viennent d'être ramenés à six ou dix jours. Vous comprenez bien, monsieur le ministre, que les chefs d'entreprise se réjouissent de cette réduction des délais. Je vous remercie de votre intervention sur ce dossier, qui nous préoccupait au plus haut point.
En outre, je tiens à souligner les efforts de notre collectivité en matière de fonctionnement des lycées. L'année dernière, la région Guadeloupe a voté plus de 106 millions de francs pour ses lycées. Nous sommes cependant confrontés, monsieur le ministre, à un gros problème, celui du lycée de Baimbridge que fréquentent plus de 6 000 élèves avec les conséquences qui en découlent. Il est urgent de faire éclater ce lycée en trois établissements.
Pour en revenir à votre budget, je soulignerai deux points.
Le premier concerne la politique de l'amélioration du logement social, la lutte contre l'exclusion et la politique en matière d'emploi.
S'agissant de la politique de l'habitat, vous avez maintenu au niveau de 1996 les autorisations de programme puisque les actions à entreprendre dans ce domaine sont évidentes. Il ne fait aucun doute que la volonté de consommer les crédits engagés est constante de la part de tous les élus qui multiplient les opérations de résorption de l'habitat insalubre, ainsi que celles de construction de logements sociaux neufs.
Je tiens à souligner ici que ces difficultés ne sont ni d'ordre technique ni même d'ordre financier. Elles ont pour origine les multiples arcanes administratives qui ralentissent les décisions de prise en compte des financements sollicitées par les opérateurs. En fait, en Guadeloupe il existe un seul opérateur - vous le connaissez - les autres traînent à monter des dossiers. Il a fallu plus de huit mois pour parvenir à améliorer le cadre de vie des agriculteurs, conformément à l'engagement pris par M. le Premier ministre.
Il ne faut donc pas décourager ceux à qui il est promis une aide en leur demandant d'effectuer un véritable parcours du combattant pour satisfaire aux questionnaires et aux formulaires adressés, souvent, sans explications suffisantes.
Je veux évoquer également devant vous la politique de l'emploi. Les crédits que vous avez inscrits pour 1997 à ce titre s'élèvent à près de 1 487 millions de francs, soit une progression de plus de 40 % par rapport à 1996. Je ne puis que manifester ma satisfaction, car il s'agit incontestablement de l'un des dossiers les plus sensibles dans l'ensemble de l'outre-mer.
Cette volonté correspond aux analyses que vous avez faites de la situation de l'emploi dans nos régions et aux différents rapports qui vous ont été adressés. Je m'en félicite.
Il me paraît toutefois nécessaire de vous mettre en garde, monsieur le ministre, contre la tendance à répartir ces crédits entre des structures administratives qui se livrent, entre elles, une petite « guerre des chefs ». Le demandeur d'emploi est déjà traumatisé d'être exclu de la société, mais lorsqu'il est balloté d'un organisme à un autre et qu'il succombe sous le poids des formulaires à remplir, votre annonce de 1 487 millions de francs consacrés à l'emploi est, pour lui, sans effet. Nous devons répondre de manière concrète à son attente.
Des expériences concluantes ont été menées par la collectivité que je préside. Nous devons utiliser plus largement les outils de développement de l'emploi tels que les plans locaux d'insertion par l'économique, encore peu mobilisés, les pactes territoriaux pour l'emploi, mais aussi et surtout les appels à projet lancés régulièrement par les services de la Communauté européenne.
La Guadeloupe vient de lancer le programme DELGRES. Que signifie ce mot ? Nous étions fatigués d'entendre prononcer des mots barbares et nous avons préféré retenir le nom de Delgrès qui est celui d'un glorieux personnage de l'histoire de la Guadeloupe. Le sigle ainsi créé signifie : développer, expérimenter, libérer, gérer, revitaliser l'économie sociale.
Ce projet pilote nous conduit à envisager la création de deux cents emplois directs et de deux cents emplois indirects, et ce par quatre nouveaux gisements d'emploi, qui sont les services liés à la personne, les nouvelles formes de tourisme, le traitement et le recyclage des déchets, et la prévention des catastrophes naturelles.
L'objectif premier du programme DELGRES lancé par la région Guadeloupe est de développer, à travers une démarche expérimentale et innovante, les outils d'exploitation de ces différents gisements. Cette nouvelle expérimentation que nous engageons, en synergie totale avec l'État, les chefs d'entreprise - aux plans industriel, artisanal et régional - et les socio-professionnels est une réponse positive, pragmatique et concrète au problème de l'emploi.
Avec la création, dans son budget pour 1997, d'un fonds pour l'emploi, la région s'apprête à apporter une première réponse au côté de l'Etat, dont c'est la compétence, à ce monde en mutation et veut engager un effort exemplaire afin de conduire à une multiplication d'emplois stables, notamment pour nos jeunes.
Cependant, le conseil régional devra intégrer son action dans l'important dispositif actuel de lutte contre le chômage.
Les indicateurs économiques de notre région mettent en exergue le retard structurel qu'il nous reste à combler par rapport à l'ensemble national et européen. En effet, les dernières statistiques concernant les aides européennes par habitant font apparaître l'urgence qu'il y a pour la Guadeloupe de rattraper son retard par rapport à celui des autres régions de l'objectif numéro un.
La Guadeloupe, en raison de son caractère « archipélagique » cumule un nombre important de handicaps.
Ramener le taux de chômage de notre région au niveau de la moyenne communautaire équivaut à créer au moins dix mille emplois. Nous en sommes loin !
Ainsi, dans notre région, le chômage représente plus de 26,8 % des jeunes générations : aujourd'hui, un jeune de moins de 25 ans sur deux est dépourvu d'emploi, contre quatre en métropole. Mais le pourcentage est plus apparent en ce qui concerne les jeunes étudiants : ils représentent 4,7 %, contre 9,3 % en métropole. Nous avons donc lancé l'opération « taux zéro » pour aider les étudiants en difficulté.
Nous devons mettre en place tous les moyens pour accomplir une véritable mutation économique sans exclure les populations les plus fragiles. Il y va du maintien de la cohésion économique et sociale à l'échelle de notre archipel, qui est seul garant de l'avenir et de la pérennité de notre développement.
Je ne peux donc que soutenir votre action au travers du FEDOM. Il faut être pragmatique et apporter des réponses positives.
Le clignotant rouge s'allume ; je suis donc contrainte de réduire mon intervention.
Je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le rôle que la région devra jouer compte tenu des difficultés que rencontre actuellement la collectivité départementale.
Nous avons la fierté de faire la preuve que l'outre-mer a la volonté de formuler des propositions constructives pour combler ses handicaps.
En Guadeloupe, nous avons su relever un certain nombre de défis. Notre collectivité régionale tient une place très honorable dans le rapport élaboré par le ministère de l'intérieur sur les budgets régionaux.
Par ailleurs, notre région est la première qui a su mettre en valeur les potentialités en matière d'énergie renouvelable : solaire, éolienne, hydraulique et surtout géothermique. Il fallait, en effet, un certain courage pour reprendre le dossier de la centrale de Bouillante abandonné depuis des années.
A Atlanta, sept médailles d'or ont couronné les efforts des athlètes guadeloupéens. Les turbulences qui se produisent de-ci, de-là ne doivent pas accaparer toute l'attention et occulter les actions positives de ceux qui travaillent pour le maintien de la cohésion sociale.
Je voterai donc votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année au moins, les choses sont claires ; il n'y aura pas à interpréter les chiffres : le budget de l'outre-mer connaît une évidente stagnation, c'est-à-dire, en réalité, une baisse en francs constants de près de 2 %.
Rassurez-vous, je ne m'attarderai pas sur cet aspect des choses, même si me reviennent en mémoire les critiques de certains lorsque, en 1989, le budget augmentait de 12 % ou, en 1993, de 6,3 %.
Que disent-ils aujourd'hui alors que, face à une situation qui s'est considérablement aggravée, on constate, pour le moins, une stagnation du budget de l'outre-mer, qui s'accompagne par ailleurs d'une baisse de la totalité de la masse budgétaire en provenance des différents départements ministériels ? Ils assurent que ce n'est pas bien grave ; ils sont satisfaits.
Mais, je le répète, je n'entends pas vous faire grief sur ce point, monsieur le ministre, d'autant que je devine que vous n'avez pas ménagé votre peine pour tenter d'obtenir un plus grand volume de crédits.
Ce qui me paraît beaucoup plus important à analyser et qui pose un sérieux problème, c'est le contenu du budget qui nous est présenté.
On y voit, tout comme dans le budget de 1996, opérer des réductions de crédits précisément dans les domaines où ils sont le plus nécessaires.
C'est notamment le cas pour tout ce qui touche à l'investissement : les crédits correspondants accusent une baisse de près de 400 millions de francs en crédits de paiement ! C'est considérable et on ne peut plus inquiétant.
En effet, en retenant un taux moyen d'intervention de 40 %, et compte tenu de l'effet d'entraînement sur les autres sources de subventions, on peut considérer que cela se traduira par une baisse de l'investissement en outre-mer de 1 milliard de francs.
On imagine les milliers d'emplois directs et induits mis en cause en 1997 !
Parmi les crédits ainsi touchés, certains retiennent tout particulièrement l'attention : il s'agit, bien entendu, de ceux qui concernent le FIDOM et la ligne budgétaire unique.
Le FIDOM avait déjà marqué un net recul dans le budget de 1996, qui portait essentiellement sur le FIDOM-décentralisé.
Intervenant ici même, je vous faisais valoir, monsieur le ministre, que cela revenait, après avoir mis en difficulté nos collectivités locales par des retards sans cesse croissants de délégations de crédits de paiement, à hypothéquer désormais les investissements de demain et, par conséquent, l'avenir.
Peine perdue ! De la pause que vous évoquiez alors, on est passé à l'arrêt définitif.
La section décentralisée du FIDOM avait été instaurée en 1989 sous le gouvernement Rocard ; elle est supprimée par le gouvernement Juppé : n'y a-t-il pas là tout un symbole ?
Bien entendu, sur cette malheureuse affaire, je connais l'explication officielle. Comme d'habitude, elle tend à culpabiliser les élus locaux d'outre-mer et je m'étonne, monsieur le ministre, que vous acceptiez de la cautionner.
Tout proviendrait, paraît-il, du fait que nous ne sommes pas capables de consommer les crédits que l'on nous délègue.
Comme c'est commode et injuste !
Comment voulez-vous réaliser des opérations, aux montages financiers toujours complexes, au profit de communes aux ressources propres généralement très insuffisantes, lorsque les dotations du FIDOM vous sont le plus souvent notifiées de façon très tardive ?
Je citerai deux exemples : le président du conseil général de la Martinique reçoit, le 13 septembre 1994, la notification d'une autorisation de programme de 9,2 millions de francs au titre de l'exercice 1994 ; le 8 février 1995, il reçoit la notification d'une dotation complémentaire de 3 millions de francs pour 1994 et on lui annonce, en même temps, que l'on vient de procéder au versement d'un crédit de paiement de 1 million de francs, toujours au titre de 1994 !
Franchement qui, dans ces conditions, devrait se frapper la poitrine ?
Je pourrais multiplier les illustrations concernant tant le FIDOM départemental que le FIDOM régional. Et pourtant, depuis 1989, le taux moyen de consommation du FIDOM départemental en Martinique s'élève à 69 %.
Il demeure néanmoins que, pour le FIDOM départemental, plus de 40 millions de francs d'arriérés restent à recouvrer.
En ce qui concerne maintenant la ligne budgétaire unique, nous assistons, là aussi, à un effondrement des crédits de paiement en 1997 : le logement social disposera de 25 % de crédits de moins qu'en 1996. Et, là encore, on nous sert le même argument - la sous-consommation des crédits - qui ne résiste pas non plus à un examen sérieux.
Il faut, en effet, savoir de quoi l'on parle.
En matière d'engagement, se traduisant par des arrêtés préfectoraux, je peux affirmer que la Martinique a toujours consommé la totalité des crédits mis à sa disposition.
En matière de paiement, il en va bien sûr tout autrement. Seuls ceux qui ne sont pas confrontés aux problèmes que posent le montage et la réalisation effective d'une opération de construction de logements sociaux peuvent s'en étonner.
Alors, pour eux, mais pas pour l'élu local expérimenté que vous êtes, monsieur le ministre, je voudrais donner un exemple type de calendrier de déroulement d'une opération de construction de logement locatif social ; un LLS : premièrement, parution des arrêtés définissant les prix plafonds : février-mars ; deuxièmement, définition du programme définitif : mars-avril ; troisièmement, lancement des consultations : mai-juin ; quatrièmement, nouvelles consultations pour cause de marchés infructueux - c'est de plus en plus fréquent chez nous comme ici : juillet-août ; cinquièmement, engagement des entreprises : septembre-octobre ; sixièmement, dépôt de demande d'autorisation de prêt à la Direction départementale de l'équipement : octobre-novembre ; septièmement, arrêtés préfectoraux : novembre-décembre ; huitièmement, démarrage des travaux : janvier-février-mars ; enfin, neuvièmement, émission du prêt de la Caisse des dépôts et consignations : février.
On constate donc, au mieux, un décalage d'une année civile entre l'engagement de l'Etat et le paiement de la subvention à la Caisse des dépôts et consignations pour la bonification du prêt qu'elle versera au bailleur social.
Voilà pour les LLS. Je ne prends pas la peine de vous rappeler les procédures pour les LES.
Le vrai problème réside donc, là comme dans beaucoup d'autres domaines, dans la lourdeur, la rigidité et l'inadaptation des procédures.
Les élus locaux n'en sont évidemment pas responsables ; ils ne cessent de vous proposer des solutions.
Il serait préférable de les écouter plutôt que de céder à la facilité de les mettre en cause.
L'autre chapitre sur lequel on a, cette année encore, opéré des réductions malheureuses de crédits est celui qui concerne l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT.
Je ne peux que remercier M. le rapporteur spécial de la commission des finances d'avoir compris et souligné que cela n'était pas sans conséquences pour la communauté d'outre-mer résidant en métropole.
Face à toutes ces réductions de crédits que je viens de dénoncer, on nous fait miroiter, il est vrai, une augmentation du fonds pour l'emploi dans les DOM de 43,5 %. M. le rapporteur spécial, auquel il n'a pas échappé qu'il fallait tenir compte d'un crédit d'avances de 307 millions de francs, apporte opportunément une rectification en citant le chiffre de 10,7 %.
Mais là n'est pas l'essentiel ! En effet, en quoi une centaine de millions de francs de plus au bénéfice du FEDOM pourrait-elle ne serait-ce que compenser les emplois compromis par les quelque 400 millions de francs perdus sur les lignes d'investissement du projet de budget ?
D'autant que, d'un côté, il s'agit surtout de financer des emplois précaires et des contrats d'insertion, alors que, de l'autre, il s'agit de maintenir ou de créer des emplois réels en entretenant l'activité économique normale.
Je comprends donc difficilement l'importance, démesurée à mon sens, qui est accordée par certains à ce FEDOM, qui ne représente après tout qu'un instrument de traitement social du chômage.
Cet instrument atteindrait d'ailleurs bien mieux les objectifs qu'on lui a fixés s'il ne s'appuyait localement sur ces fameuses agences d'insertion, dont on admettra probablement que beaucoup trop tard, après avoir usé de tous les artifices possibles pour ne pas accepter une réalité dérangeante, qu'elles sont, dans leur conception même, très mal adaptées à leurs missions.
Quoi qu'il en soit, le chômage a depuis longtemps atteint de tels niveaux dans les DOM que, à l'évidence, bien plus encore qu'en métropole, la question de son traitement social est complètement dépassée.
En Martinique, ce chômage touche actuellement près de 30 % de la population active, avec un nombre de demandes d'emploi non satisfaites qui a augmenté de près de 2,5 % depuis le début de l'année ; 18 % de ces demandes d'emploi concernent des jeunes de moins de vingt-cinq ans !
La proportion de chômeurs de longue durée avoisine les 55 %. Triste record de France !
Par ailleurs, le nombre des RMIstes a repris sa progression, dépassant maintenant les 22 000, soit une augmentation de 25 % en un an.
A l'évidence, tous les dispositifs sur lesquels on a tablé jusqu'ici ont montré leurs limites, qu'il s'agisse des fonds structurels européens, du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer, le POSEIDOM, des primes à l'emploi et de la défiscalisation, même si cette dernière a incontestablement permis de créer un nombre significatif d'emplois.
Face à une demande qui croît, l'offre d'embauche, même quand elle progresse, ne parvient pas à suivre, ni quantitativement ni qualitativement, 50 % des offres concernant des emplois précaires.
Alors, on voudrait se dire que l'on a atteint le sommet d'une courbe qui, désormais, ne pourrait plus que décroître ! Malheureusement, rien de ce qu'il est possible de constater à l'heure actuelle ne permet de le croire.
En effet, le nombre d'entreprises en difficulté augmente sans cesse et pratiquement tous les secteurs sont concernés : commerce, services, artisanat, bâtiment et travaux publics, industrie, pêche, agriculture...
Ce dernier secteur voit ces temps-ci se développer, vous le savez, une crise touchant l'une de ses productions les plus importantes pour nos exportations ; je veux parler de la banane, bien sûr, dont les cours se sont littéralement effondrés du fait du surapprovisionnement global du marché européen et de l'existence d'un système de fraude généralisée.
Les conséquences en sont si graves que je ne pouvais pas ne pas manifester ici ma vive inquiétude, en demandant au Gouvernement de se montrer particulièrement ferme et déterminé quant aux mesures à prendre.
La situation, de préoccupante qu'elle était déjà, devient véritablement inquiétante en Martinique, comme d'ailleurs dans les trois autres DOM. Il devient urgent d'apporter les réponses appropriées.
Pour cela, il faut que les responsables concernés de la haute administration et du Gouvernement aient à coeur d'aborder les problèmes qui se posent dans ces départements, à bien des égards tout à fait singuliers, avec la conviction que l'on ne peut comprendre leurs réalités à travers des prismes conceptuels standards, inévitablement et terriblement déformants.
Il faut qu'ils se décident à écouter et, autant que possible, à entendre ce que les acteurs politiques, économiques et sociaux ont à dire sur des questions qu'ils connaissent mieux que quiconque pour les vivre au quotidien.
Il faut aussi qu'ils se décident à écouter la voix de notre jeunesse, qui ne demande que les moyens de maîtriser son avenir.
Il faut qu'ils acceptent de concevoir avec eux, dans un partenariat réel, de véritables plans cohérents de développement.
Il faut, enfin, qu'ils acquièrent la conviction que rien ne pourra fondamentalement changer si l'on ne met pas fin à notre absurde système de deux assemblées coexistant sur un même territoire, système générateur de surcoûts et d'inefficacité dans la conduite des politiques locales, et si on ne répond pas positivement aux revendications allant dans le sens d'un accroissement de la responsabilité locale.
Toutes ces questions ont été abordées sans complexes voilà quelques jours par le Conseil économique et social régional de la Martinique.
Mais je m'aperçois que je suis en train de proposer une démarche qui va à l'encontre de toute une culture jacobine qui, il faut bien le dire, demeure en France la culture dominante dans le monde administratif et politique, celle-là même qui sous-tend les choix opérés dans le projet de budget qui nous est présenté aujourd'hui et sur lesquels je ne peux faire autrement que marquer très clairement mon désaccord, une culture dont les tenants ne parviennent jamais à se dégager qu'à l'occasion de crises aiguës qui les surprennent toujours et qu'ils traitent alors à chaud par des réformes hâtives, qui suscitent toujours beaucoup plus de problèmes qu'elles n'en résolvent. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les orateurs qui dépassent le temps de parole qui leur a été accordé par leur groupe - je dis bien « par leur groupe » - amputent celui des intervenants de leur propre groupe qui sont inscrits après eux.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun s'accorde à le reconnaître, notamment MM. les rapporteurs, le projet de budget des départements et territoires d'outre-mer pour 1997 ne fait que reconduire les crédits votés l'an dernier.
Cette stagnation de l'action de l'Etat dans les départements et territoires d'outre-mer s'inscrit pleinement dans la stratégie de réduction des dépenses publiques qui domine l'ensemble du présent projet de loi de finances, s'agissant de l'objectif de la réalisation de la monnaie unique.
Ainsi les populations de ces collectivités territoriales particulièment défavorisées se retrouvent-elles prises dans le piège de l'Europe de Maastricht et de la loi de l'argent qui la régit.
Le projet de budget que nous examinons est donc en stagnation. En revanche, la situation économique et sociale des départements d'outre-mer se dégrade.
Quelques chiffres, qu'il est nécessaire de rappeler, l'attestent.
En Martinique, la part de la population au chômage est passée de 26,7 % en janvier 1995 à 27,9 % en janvier 1996. Les allocataires du RMI ont crû de 13 % en un an et les bénéficiaires de prestations de la caisse d'allocations familiales de 9 %. Ce sont là autant de signes d'une dégradation rapide et inquiétante de la situation sociale dans cette île. Peut-on accepter, face à ce constat, le discours d'austérité budgétaire affichée froidement par le Gouvernement ?
En Guadeloupe, le chômage atteint 25 % de la population active et des phénomènes sociaux tels que le trafic de drogue et sa consommation se développent dans des proportions inquiétantes, au sein de la jeunesse.
Comment accepter l'idée d'une stagnation de l'intervention budgétaire dans un département comme celui de la Réunion où 37 % de la population est au chômage et où 20 % de celle-ci est concerné directement ou indirectement par le RMI ?
En Guyane, où un habitant sur deux est âgé de moins de vingt-cinq ans, le chômage a nettement augmenté puisque 20 % de la population était sans emploi au 1er janvier 1996, contre 18,2 % à la fin de 1994.
J'ai été frappé, mes chers collègues, de ne trouver, dans le rapport écrit de M. de Luart, aucune référence aux récents événements qui se sont déroulés à Cayenne.
Cela n'est peut-être pas étonnant car, de toute évidence, il est difficile de concilier la réalité guyanaise et l'explosion de violence qui l'a rappelée à la métropole parfois si lointaine avec les données chiffrées du projet de budget.
Comment ne pas revenir, à l'occasion de la discussion d'aujourd'hui, sur la mobilisation des élèves du lycée Félix-Eboué qui demandaient et qui demandent toujours des professeurs supplémentaires et du matériel informatique ? Il est urgent de les écouter pour prendre la mesure du désarroi de la jeunesse des départements d'outre-mer.
Le rapport de l'Institut national d'émission des départements d'outre-mer évoquant le taux de réussite marquant les sorties d'enseignement en Guyane confirme la dégradation de la situation. Ce taux est passé de 61 % en 1992 à 56,3 % en 1994.
Nous le savons tous, c'est à partir de la question scolaire qu'un vaste mouvement a émergé, entraînant des rassemblements de plusieurs milliers de personnes. Il n'est, bien entendu, pas question pour nous d'accepter les violences et les pillages qui se sont déroulés en marge de ces manifestations. Nous ne pouvons que constater, à travers cette crise, la profondeur de malaise symbolisé par les slogans des jeunes manifestants.
Je souhaiterais d'ailleurs indiquer, comme l'a fait M. Désiré lors de son audition par la commission des finances, que le budget de l'outre-mer ne représente qu'une partie mineure de l'intervention de l'Etat qui se fait par le biais de crédits émanants d'autres ministères, comme l'éducation nationale, la santé, l'agriculture, les affaires sociales, la culture, la fonction publique, la ville ou l'emploi.
Quelle est l'évolution de l'effort de ces derniers en direction des départements et territoires d'outre-mer ? Dans le cadre de l'austérité globale, je crains qu'elle ne soit négative, voire fortement négative.
Je ne peux qu'approuver les propos de M. Ernest Moutoussamy, député de la Guadeloupe, qui s'interrogeait en ces termes : « Que peut le 0,08 % d'augmentation de votre budget face à l'industrie sucrière qui agonise, au rhum qui tangue, au BTP qui a perdu 1 200 emplois cette année, à la pêche qui se saborde, au chômage qui monte et à l'espoir des jeunes qui s'effiloche ? ».
Les sénateurs de mon groupe estiment qu'il faut, aujourd'hui, changer de logique dans la nature et dans l'objet des transferts financiers de l'Etat aux départements d'outre-mer. Maintenir de manière artificielle la consommation des ménages ne suffit pas. Afin d'atteindre l'égalité économique entre la métropole et les départements et territoires d'outre-mer, il faut diriger l'investissement vers les productions locales pour permettre un réel développement économique.
Les orientations budgétaires qui nous sont proposées aujourd'hui tournent le dos à cette autre politique pour les départements et territoires d'outre-mer.
Nous ne pouvons accepter que l'une des innovations majeures de ces dernières années ait été la loi de défiscalisation qui, au nom de l'installation d'entreprises, crée des avantages inacceptables au profit des grosses fortunes en quête de paradis fiscaux.
Les départements et territoires d'outre-mer n'ont pas besoin de ce type de mesure. En revanche, ils ont besoin, je le répète, de véritables réformes de structures.
Force est de constater également que la loi dite Perben, votée en 1994, qui se fondait sur les exonérations massives de charges sociales, ne produit pas les effets attendus en matière d'emploi.
Nous assistons, au contraire, non seulement à une augmentation du chômage, mais aussi - cela a été rappelé tout à l'heure - à un développement de la précarité.
En revanche, les habitants des départements d'outre-mer attendent toujours des mesures de dévelopement de la filière canne-rhum-sucre. Quelle disposition le Gouvernement entend-il prendre pour lutter efficacement contre la concurrence de la banane en provenance d'Amérique latine, concurrence qui est fondée, on le sait, sur un véritable dumping social ?
La situation de la Réunion nécessite aussi des réponses à la hauteur des difficultés. Le soutien au secteur du bâtiment peut-il être une source de création d'emplois massive ? Nous le pensons. De même, à la Réunion, nous a-t-on alerté sur un déficit en fonctionnaires, notamment en enseignants.
J'aurais pu développer également les graves déséquilibres qui existent en Nouvelle-Calédonie. Il est nécessaire, aujourd'hui, de changer de braquet. Je souhaiterais d'ailleurs, comme l'avait fait mon amie Mme Danielle Bidard-Reydet ici même l'an dernier, vous proposer, monsieur le ministre, un moyen pour soustraire la population des départements et territoires d'outre-mer à la rigueur du traité de Maastricht.
Pourquoi ne pas exiger l'application de la « déclaration relative aux régions ultrapériphériques de la Communauté », publiée en annexe du traité et qui prévoit « qu'il reste possible d'adopter des mesures spécifiques en faveur de ces régions » ?
Pourquoi ne pas avoir saisi l'occasion de la Conférence intergouvernementale pour introduire la notion de spécificité des départements et territoires d'outre-mer au regard de l'Union européenne non plus en annexe, mais dans le corps même du traité ? Il est encore temps, même si nous approchons du terme de cette conférence. J'espère, cette année, obtenir une véritable réponse de votre part, monsieur le ministre.
Avant de conclure, je souhaiterais attirer votre attention sur les grandes difficultés que connaissent les personnes originaires des départements et territoires d'outre-mer qui résident et travaillent en métropole. Elles font le plus souvent partie de la population qui est frappée de plein fouet par la crise et par le chômage.
Cela est d'autant plus insupportable que, bien souvent, nos compatriotes peuvent être victimes de l'intolérance et de la haine raciale, au même titre que les Africains.
Le Gouvernement ne peut-il faire un geste en développant les congés bonifiés - j'insiste sur ce point - qui permettent à ces femmes, à ces hommes et à ces enfants de ne pas oublier leurs racines ?
En l'état, le présent projet de budget suscite trop d'interrogations et d'appréhensions. Aussi, nous ne pourrons pas le voter.
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en célébrant cette année le cinquantenaire de la loi d'assimilation du 19 mars 1946, je crains que nous ne fêtions un bien triste anniversaire. Comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises - et je sais que vous partagez mon avis, monsieur le ministre - cette loi, si elle a contribué à l'amélioration, en tout cas en Guyane, de la santé et de la situation sanitaire, est le point de départ de la fracture économique de l'outer-mer.
L'emploi même du terme « assimilation » prouve combien nous sommes loin de toute réalité. Il s'agit, d'après la définition qu'en donne le Petit Robert , d'un acte de l'esprit qui considère une chose comme semblable à une autre.
S'agissant des départements d'outre-mer, on peut réellement parler d'acte de l'esprit ! J'aurais préféré qu'il fût parlé de rapprochement ou d'adaptation plutôt que d'assimilation, car nous sommes un département depuis la Constitution de l'an VIII.
Comment considérer que la situation économique et sociale du département de la Guyane est semblable à celle de la France métropolitaine lorsqu'un grand quotidien parisien nous apprend que le taux d'enseignants guyanais est inférieur de près de 50 % à celui de la métropole ?
Comment parler d'intégration ou d'assimilation lorsque, pour 1 000 habitants, 469 métropolitains bénéficient d'un logement, contre seulement 292 Guyanais ?
Comment comparer des départements dans lesquels le taux moyen de chômage atteint 27 % et la métropole où celui-ci n'est que de 12 %, ce dernier taux étant déjà largement trop élevé ?
Comment parler, enfin, d'assimilation lorsque l'on sait qu'il est commis quatre fois plus de crimes et de délits sur le sol guyanais qu'en France métropolitaine ?
Mes chers collègues, je crois que tant que la Guyane sera située à des milliers de kilomètres de Paris - ce qui ne semble pas près de changer ! - les problèmes qui sont les nôtres aujourd'hui demeureront.
Rien ne sert de vouloir effacer cette distance. Mieux vaut essayer de composer avec, ainsi que vous le faites, monsieur le ministre.
Cinq heures de décalage horaire séparent la Guyane de Paris et je suis affligé de constater que seules des images d'émeutes dignes d'une guerre civile aient été en mesure de réduire ces cinq heures à zéro, faisant ainsi connaître les préoccupations de Guyanais à leurs concitoyens métropolitains.
A la suite des violences et des affrontements auxquels a pris part la jeunesse guyanaise, vous vous êtes déplacé, en compagnie de M. le ministre de l'éducation nationale, afin d'entendre les doléances de la population.
Je sais que tel n'est pas le cas, mais vous devez comprendre, monsieur le ministre, que les habitants de Cayenne ont eu l'impression que seule la tournure dramatique empruntée par l'actualité avait provoqué le déplacement de deux membres du Gouvernement.
Monsieur le ministre, le Gouvernement auquel vous appartenez a reconnu la particularité, au sein de l'outre-mer, du département de la Guyane. Dans cette région, la décentralisation et la départementalisation qu'elle véhicule ont atteint leurs limites. J'avais naguère dénoncé les effets pervers d'un système qui ne me semblait pas approprié au département de la Guyane.
M. Léon Bertrand, député RPR de la Guyane, lors du débat sur ce même budget à l'Assemblée nationale, a démontré que le système départemental a atteint ses limites et ne permet plus de résoudre nos difficultés. Aujourd'hui, les défauts de cette méthode apparaissent en plein jour et je crois que c'est désormais à l'article 72 de la Constitution de 1958 qu'il nous faut faire appel pour poser le principe d'une modification du cadre politico-administratif de la Guyane.
Cela nous permet de réitérer le souhait appuyé du général de Gaulle, qui, en 1962, lors de son passage en Guyane s'était écrié sur la place des Palmistes : « Il est dans la nature des choses qu'un pays comme le vôtre puisse disposer d'une certaine autonomie proportionnée compte tenu de ses spécificités. »
Monsieur le ministre, compte tenu de la gravité de la situation économique et sociale, la reconduite des crédits d'une année sur l'autre ne résoudra pas les problèmes que connaît la région Guyane, d'où l'urgence des mesures à prendre, pour réduire notre sous-développement et notre sous-équipement.
Pour atteindre cet objectif, il aurait fallu un doublement des crédits de votre ministère pour connaître une nouvelle ère de développement.
Mais au-delà des chiffres, la discussion du projet de budget pour 1997 nous donne l'occasion de débattre de la politique du Gouvernement à l'égard de l'outre-mer.
Monsieur le ministre, la lecture attentive de votre projet de budget ainsi que les questions débattues par nos collègues de l'Assemblée nationale montrent que le Gouvernement est attaché à financer trois objectifs prioritaires : l'emploi, l'insertion et le soutien au logement social.
C'est dans cet ordre que j'entamerai mon propos, après avoir toutefois rappelé que, pour prioritaires que soient ces objectifs, ils ne sont pas les seuls à atteindre. En effet, des efforts considérables doivent être effectués en matière d'éducation - j'y reviendrai en présence de M. Bayrou - ainsi qu'en matière d'aménagement du territoire, de santé publique et dans bien d'autres domaines encore.
En ce qui concerne l'emploi, je suis satisfait d'avoir pu constater les prémices d'un succès dû, en 1996, à l'attribution de moyens supplémentaires aux fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer.
Aussi la poursuite de ce programme et l'accroissement des crédits accordés me semblent-ils constituer un élément indispensable en vue d'une meilleure maîtrise d'un chômage qui, je le rappelle, s'élève à 27 % en moyenne dans les départements d'outre-mer, et jusqu'à 38 % sur l'île de la Réunion !
Je suis plus circonspect quant aux méthodes du FEDOM, notamment en ce qu'elles ressemblent fort à celles qui sont utilisées en métropole. Je n'entends aucunement remettre en cause l'utilité d'outils tels que les contrats d'accès à l'emploi ou les contrats emploi-solidarité. Toutefois, je ne suis pas sûr que ces mesures soient réellement adaptées à la situation de régions par trop éloignées de la France métropolitaine. La lutte contre le chômage est d'abord une affaire d'audace, monsieur le ministre.
Quant aux mesures mises en place grâce au FEDOM - particulièrement les CIA - j'attire votre attention sur le fait qu'elles ne doivent pas être uniquement réservées à l'utilité sociale, mais qu'elles doivent aussi pouvoir profiter aux entreprises privées, afin de favoriser la création et le maintien de l'emploi.
Toutefois, la lutte contre le chômage ne saurait être menée efficacement sans que, parallèlement, soit affirmée une réelle volonté de relance de l'activité économique.
Je voudrais ouvrir ici une parenthèse afin de m'attarder sur la loi de défiscalisation dite « loi Pons ». Des études sérieuses effectuées à la demande des chambres de commerce et d'industrie des Antilles et de la Guyane ainsi qu'à l'instigation du préfet Vochel montrent que cette loi constitue un dispositif justifié qui permet de mieux adapter l'offre à la demande tout en étant globalement neutre pour les finances de la nation.
Toutefois, ces mêmes études indiquent aujourd'hui que le dispositif doit être maintenu, mais aussi et surtout élargi afin de favoriser durablement le développement des départements d'outre-mer.
Aussi, pourriez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, si le Gouvernement entend prochainement prendre de nouvelles mesures en ce sens, répondant ainsi à l'attente de l'ensemble des acteurs économiques des départements d'outre-mer ?
Si de telles mesures étaient adoptées, nous serions heureux de compter parmi elles des dispositions relatives à la défiscalisation des opérations de restauration du patrimoine bâti guyanais, ce qui permettrait de redynamiser le secteur de l'artisanat du bâtiment par la création d'emplois.
J'aborderai plus longuement ce point lors de la discussion du budget de la culture, mais je souhaite d'ores et déjà vous indiquer que, si elles étaient adoptées, de telles mesures seraient inévitablement créatrices d'emplois.
Afin de relancer la machine économique qui conduira à la création d'emplois, plusieurs mesures de première urgence me paraissent devoir être adoptées en priorité.
Le Gouvernement doit, par la voie d'un décret, asseoir un dispositif qui permettra le redémarrage des entreprises par le biais d'un fonds spécifique de développement.
C'est également par l'augmentation des commandes publiques que l'on parviendra à la mise en place d'une relance du développement économique, notamment dans des secteurs profondément sinistrés tels que le BTP. J'avoue à ce sujet n'avoir aucun mérite à souligner que, jusqu'en 1990, alors que j'étais président de la région, la commande publique atteignait 2 milliards de francs, alors qu'aujourd'hui elle stagne à 250 millions de francs.
Cette relance du secteur du BTP est d'autant plus nécessaire qu'elle permettrait de répondre favorablement à l'accroissement des demandes de logements sociaux, secteur qui, je le sais, est également une des priorités du Gouvernement.
Les mesures que vous proposez pour provoquer cette relance tant attendue sont louables. Mais, si je suis convaincu qu'elles conviendront aux entreprises saines, je crains, en revanche, qu'elles n'incitent pas à la création de sociétés nouvelles. En effet, les méthodes que vous proposez font essentiellement appel à l'épargne et à la confiance des investisseurs. Or le contexte économique actuel n'est pas de nature à attirer cette confiance.
Toujours est-il que ces dispositions, pour imparfaites qu'elles puissent paraître, constituent néanmoins une avancée certaine que je voudrais ici saluer. Il faut donc les améliorer pour être efficace.
Pour conclure sur l'emploi, j'indiquerai que les efforts consentis et la prise en compte, parfois, de certaines particularités locales pour remédier au chômage me semblent aller dans le bon sens, même s'il faudrait faire plus encore.
Une autre priorité du Gouvernement concerne le soutien, pour les habitants des départements d'outre-mer, au logement social.
En 1996, les constructions ont, par rapport à 1995, progressé de 7 %. Il y a toujours lieu de se réjouir d'un tel type d'augmentation, qui plus est lorsqu'une telle mesure est maintenue, ce qui est le cas pour 1997.
J'ai appris en lisant l'opuscule qui m'a été adressé par vos services que la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les départements d'outre-mer permettrait d'assurer le financement de plus de 15 000 logements pour 1997.
Je souhaite sincèrement qu'il puisse être donné suite aux engagements courageux que vous avez pris. Sachez, en effet, que, pour le seul département de la Guyane, la demande de logements sociaux s'élève à 3 000 habitations par an. Vous comprendrez ainsi que les Guyanais, mais aussi l'ensemble des habitants de l'outre-mer, attendent avec hâte de voir aboutir cette mesure.
J'achèverai enfin l'ensemble de mon propos en abordant le domaine de la santé, et notamment le problème des agences régionales d'hospitalisation.
La création d'une telle agence vient d'être décidée, et je m'en suis réjoui. Mais cette satisfaction n'a été que de courte durée : l'agence est établie en Guadeloupe, c'est-à-dire à plus de 2 000 kilomètres de Cayenne ! C'est donc de la Guadeloupe que seront administrées les affaires concernant les hôpitaux de Guyane ! C'est n'avoir aucune considération pour les acteurs socio-sanitaires guyanais. De grâce, monsieur le ministre, une exigence normale appelle la création d'une agence d'hospitalisation en Guyane !
Pourquoi ? Dans ses récentes déclarations, le secrétaire d'Etat à l'action humanitaire, M. Xavier Emmanuelli, reconnaissait que la consommation médicale moyenne en Guyane est inférieure de 50 % à la moyenne nationale. Il faut donc une politique adaptée à la réalité de notre région. Eu égard à nos besoins et aux engagements qui en découleraient, il est indispensable que les financements affectés à l'agence d'hospitalisation soient garantis. La réalité de la situation pathologique, démographique et géographique exige une politique de l'hospitalisation adaptée à la Guyane.
Monsieur le ministre, je vous demande, en conséquence, de bien vouloir prendre les mesures nécessaires afin que la Guyane soit dotée de sa propre agence d'hospitalisation.
Comment ne pas s'étonner, également, de voir que ce sont les notaires de la Martinique qui vont décider de la validité et de l'évaluation des titres de propriété des terres guyanaises ? Ce serait là ne pas considérer les notaires guyanais ! De grâce, monsieur le ministre, acceptez l'amendement que je vous ai suggéré afin de supprimer cette disposition et de faire figurer dans la loi la création d'une véritable commission d'évaluation des titres en Guyane, avec des notaires guyanais.
En conclusion, monsieur le ministre, je ne vous apprendrai rien en vous disant que quinze minutes ne suffisent pas pour envisager l'ensemble des problèmes auxquels les départements d'outre-mer doivent faire face.
La situation dans laquelle se trouve la Guyane commande que soient prises sans délai des dispositions exceptionnelles. Il nous faut alors abandonner la logique strictement comptable et agir positivement sur l'avenir de cette région, intégrée dans l'ensemble latino-américain et caraïbe, en concertation étroite avec ses élus et les socioprofessionnels.
C'est pourquoi l'action doit tenir compte des contraintes naturelles, les examiner sans complaisance pour nous permettre de rattraper au cours de la prochaine décennie le retard qu'a pris notre développement économique.
Je sais, monsieur le ministre, que vous déployez beaucoup d'efforts pour y parvenir, et je vous invite en tout cas à poursuivre cette action pour mettre en place dans notre région de Guyane une politique qui nous rassemble pour une région qui nous ressemble. Vous pourrez compter sur mon soutien et sur celui de la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. En donnant la parole à M. Vergès, je salue sa première prise de parole dans notre assemblée.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère de l'outre-mer, comme ceux que tous les autres ministères consacrent à l'outre-mer, seront, en 1997, presque au même niveau qu'en 1996.
Compte tenu de l'inflation et de la forte progression démographique outre-mer, le décalage entre nos besoins et les moyens financiers prévus va encore s'accroître. Aucune illusion n'est donc permise à ce sujet.
Cela se vérifiera, à la Réunion, dans les trois secteurs prioritaires de l'emploi, du logement et de la formation.
La barre des 100 000 chômeurs est franchie et le taux de chômage y avoisine désormais les 40 %.
Dans le secteur marchand, on note, certes, une augmentation du nombre des emplois créés, mais celle-ci est nettement insuffisante face à l'augmentation de la population active. Or, à la lecture du bilan que le Gouvernement a établi de la loi Perben, on peut légitimement s'interroger sur l'efficacité du dispositif des exonérations financées par le relèvement des taux de TVA. En effet, la majorité des emplois créés l'ont été dans des secteurs non exonérés : services, commerces, immobilier.
Dans ce contexte, le Gouvernement annonce un effort dans le secteur non marchand du fait des solutions d'insertion financées par le FEDOM, dont les crédit augmenteraient, en 1997, de 43 %.
Rappelons que les crédits mobilisés en cours d'année ont porté le FEDOM de 1996 à 1 535 millions de francs en fin d'exercice. Or la dotation du FEDOM en 1997 est de 1 487 millions de francs ! Sans éléments nouveaux, la situation de l'emploi devrait donc continuer à se dégrader, et la frustration, chez les jeunes notamment, à s'aggraver : rappelons que 6 000 jeunes munis de diplômes équivalants à bac + 2, et même à bac + 5, cherchent vainement actuellement un emploi.
Dans le secteur du logement, les crédits prévus pour 1997 sont au même niveau que ceux de 1996. Les Assises du logement avaient évalué les besoins, voilà plusieurs années, à 12 000 logements par an, dont 9 000 logements aidés. On n'a construit que la moitié de ces derniers. Ainsi, d'année en année, les retards s'accumulent et les besoins augmentent du fait de la progression démographique.
Enfin, la troisième priorité - la formation - va connaître un arrêt du plan de rattrapage.
En ce qui concerne l'éducation nationale, par exemple, les besoins en postes sont évalués entre 400 et 500 par an, et ce durant cinq ans, selon l'académie ou selon les syndicats et les parents d'élèves.
Or le projet de budget ne prévoit que 55 créations de postes. Cela entraîne une situation de plus en plus tendue, surtout après l'annonce par le Gouvernement d'une programmation budgétaire pluriannuelle pour un plan de rattrapage en Guyane. Ce qui est possible dans un département d'outre-mer doit l'être dans les autres !
Des foyers de plus en plus nombreux connaissent des situations combinées de chômage, de mauvaises conditions de logement et d'échec scolaire. Nous devons être conscients du fait que l'absence persistante de solutions crédibles aux problèmes fondamentaux de l'emploi, du logement et de la formation crée une situation potentiellement explosive qui peut s'exprimer à n'importe quel moment.
Chacun a noté la très grande diversité des facteurs déclenchants au Chaudron, à la Réunion, à Papeete ou à Cayenne ; partout, les manifestations ont très vite tourné à l'émeute. Cela révèle que les problèmes sous-jacents dépassaient largement les motifs initiaux de ces manifestations !
C'est pourquoi - nous ne le répéterons jamais assez - la seule solution consiste à définir et appliquer une politique de développement durable anticipant sur plusieurs décennies et tenant compte de la progression démographique.
Ce problème démographique nous semble nettement sous-estimé à Paris. Dans une période de mutation générale des situations de crise et de difficultés budgétaires à travers le monde, la Réunion va passer en trente ans de 600 000 habitants à 1 million d'habitants.
Un million d'habitants, c'est la Réunion de 1996 à laquelle on « ajouterait », si l'on peut dire, toute la population de la Réunion de 1970, ou encore toute la population de la Guadeloupe d'aujourd'hui. Si la population de la France devait passer de 60 millions d'habitants aujourd'hui à 100 millions d'habitants en 2025, tous les problèmes débattus, toutes les solutions proposées seraient-ils les mêmes ?
Nous devons sortir de la vision statique et comptable - quels que soient les gouvernements ! - de certains ministères parisiens. Il coûterait, en définitive, beaucoup moins à l'Etat de consentir, dès maintenant et chaque année, des efforts soutenus fondés sur une politique globale et pluriannuelle que d'avoir à faire face aux conséquences d'une explosion sociale ou aux coûts accumulés de plusieurs années de mal-développement. Nous ne pourrons sortir de la situation actuelle, qui alimente des sentiments de frustration, d'impasse ou d'abandon, que par la mise en route d'un véritable plan de développement appréhendant aussi bien les problèmes économiques et sociaux que ceux de l'aménagement du territoire.
Cette politique globale exige un véritable partenariat entre l'Europe, l'Etat et les collectivités locales.
Après l'égalité sociale individuelle enfin obtenue aujourd'hui, sauf en ce qui concerne - faut-il le souligner ? - l'allocation de parent isolé et surtout le RMI, l'égalité des niveaux de développement des collectivités locales d'outre-mer et de celles de métropole reste un problème majeur pour l'outre-mer.
L'aménagement du territoire est un enjeu vital de la politique de développement. Où devront s'installer les 400 000 habitants supplémentaires de la Réunion dans les trois décennies à venir et comment résoudre tous les problèmes posés par cette installation ?
A un autre niveau, l'aménagement du territoire doit, dès maintenant, tenir compte de ce qui, après la conférence de Rio, a été caractérisé par les pays du G7, lors de la conférence qui s'est tenue en France cette année, comme le plus grand changement climatique de la planète depuis 10 000 ans. Au cours des prochaines décennies, en effet, le réchauffement de la planète provoquera notamment une remontée du niveau des océans et, dans les régions tropicales et subtropicales, une fréquence et une intensité accrue des cyclones. Or les départements et les territoires d'outre-mer sont pratiquement tous situés dans cette zone.
Cette nécessaire vision anticipatrice du développement et de l'aménagement du territoire oblige à projeter l'avenir de cette île dans son environnement géographique. Comment, en effet, relever les trois défis globaux actuels posés à ce département de l'océan Indien ?
Qu'en sera-t-il des relations de la Réunion avec l'Union européenne, qui garantissent à terme son développement durable ? Qu'en sera-t-il de l'insertion de la Réunion dans son environnement géographique, composé de pays tous membres de la convention de Lomé ? Comment, enfin, insérer la Réunion et lui éviter d'être marginalisée sur le grand axe d'échanges qui marquera le prochain siècle entre les pays d'Afrique australe et ceux de l'Asie du Sud-Est et de l'Extrême-Orient ?
C'est faire preuve non pas de pessimisme mais simplement de lucidité que de dire que les portes ouvrant la voie au développement risquent de se fermer définitivement si les problèmes immédiats de l'emploi, du logement et de la formation ne connaissent pas un début de solution durable.
Près de dix mois après les Assises de l'égalité et du développement à Paris, force est de constater que les crédits budgétaires mobilisés pour les départements d'outre-mer sont loin de correspondre aux enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Pierre Lagourgue applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord féliciter les différents rapporteurs ; ils ont fait preuve d'autant plus de talent que le budget de l'outre-mer est un tout petit budget, qui ne représente que 10 % des projets de dépenses de l'Etat dans les collectivités françaises ultra-marines.
Et, je tiens à le dire au début de mon propos, mes collègues m'ont convaincu de voter votre tout petit budget, monsieur le ministre. (Sourires.) Néanmoins, et sans abuser du temps consacré à sa discussion, qui est proportionnel à son montant, je m'autoriserai quelques observations.
Tout d'abord, malgré leur nouvelle présentation, les documents budgétaires qui m'intéressent, le « bleu » et le « jaune » notamment, n'ont pas encore acquis une totale lisibilité car, « en raison des difficultés d'établissement de ce document, des incertitudes qui pèsent parfois sur les chiffres communiqués par les différents ministères et de l'existence d'un volume de crédits non répartis entre territoires d'outre-mer, la comparaison entre 1996 et 1997, et la comparaison entre territoires doivent être maniées avec beaucoup de précautions. » C'est là un extrait de la page 2 du « jaune ».
Cette opacité a du reste été critiquée par la Cour des comptes dans son rapport public de 1995 à propos des crédits d'investissement pour les routes, qui firent l'objet d'une dotation globale.
Ainsi, nous avons confirmation de ce que nous savions déjà par expérience, à savoir que les ministères techniques ont une connaissance très relative de l'outre-mer.
Compte tenu des difficultés actuelles et de la rigueur dogmatique qui présiderait à la gestion budgétaire, des crédits ont donc bien été gelés. D'autres n'apparaissent pas dans le projet de loi de finances pour 1997 ; je pense en particulier à ceux qui sont prévus par la « convention pour le développement économique de la Polynésie française », signée le 25 juillet dernier par le Premier ministre, M. Alain Juppé, et le président du gouvernement du territoire, M. Gaston Flosse, laquelle prévoit la mise en place, par le territoire, d'un « programme stratégique pour l'après-CEP ».
La convention précitée engage l'Etat à maintenir, pendant dix ans, les flux financiers engendrés par la présence du CEP, le centre d'expérimentations du Pacifique, avant l'arrêt des expériences nucléaires et dont le montant a été minimisé à hauteur de 990 millions de francs français par an. Or le budget de la défense ne ferait apparaître à ce titre que 220 millions de francs français de crédits.
Je sais que les discussions relatives à cette convention ont été très rudes avec les ministères et n'ont pu aboutir que grâce à l'acharnement du président du gouvernement de la Polynésie française et, sans doute, à l'amitié que lui porte le Président de la République.
Mais je crains pour ma part - et j'attends un démenti - qu'une grande partie du montant des interventions des différents ministères ne soit incorporée d'office dans ces 990 millions de francs français. Je pense notamment aux crédits affectés au service militaire adapté, dont vous gérez en principe les crédits, monsieur le ministre, et dont l'augmentation avait déjà été prévue par une convention antérieure. Je pense également aux employés civils polynésiens du CEP, qui avaient reçu l'assurance, pour les plus vieux, d'être dédommagés ou, pour les plus jeunes, d'avoir un travail, engagement qui n'a pas été tenu.
Pourtant, il faut absolument que mon territoire passe d'une économie déséquilibrée, imposée par le CEP à ses débuts, à une croissance reposant sur les possibilités étudiées dans la charte du développement, dans le pacte de progrès, et confortées par la loi d'orientation.
Or, l'assemblée territoriale de Polynésie française vient d'approuver le « programme stratégique pour l'après-CEP » qui lui a été soumis par le gouvernement local
C'est un programme sans doute ambitieux, qui a été critiqué par l'opposition - c'est son droit - et dont les éléments développent plusieurs secteurs déjà sensibles, tels que le tourisme, en utilisant la loi Pons, la pêche industrielle, avec le marché japonais, l'agroalimentaire, avec le monoï et d'autres produits aromatiques, la perliculture bien sûr, qui vise les marchés japonais, américains et européen, l'amélioration de l'environnement, par exemple face au problème des ordures ménagères, les communes et les archipels bénéficiant d'importants investissements, sans oublier l'habitat social. L'ensemble de ces actions - la liste n'est pas limitative - accompagné par une formation professionnelle adaptée, permettra de résoudre en partie le problème de l'emploi et de prévenir le risque d'une fracture sociale définitive.
Mais je voudrais que mes compatriotes comprennent que, pour assurer le succès et la pérennité de ces mesures, il faut que celles-ci soient accompagnées par une politique de maîtrise de la démographie, qui est prévue du reste par la loi d'orientation. Il faut également que se mette en place une balance des paiements valable.
Par ailleurs, il semble que se fasse jour, chez de nombreux agents économiques, le souhait que le franc Pacifique - c'est le franc des comptoirs français du Pacifique, souvenez-vous, mes chers collègues - soit remplacé par le franc français. Cette mesure faciliterait sans nul doute les opérations d'investissement et tempérerait les ardeurs de certaines banques françaises, qui prennent des commissions extravagantes - pouvant aller jusqu'à plus de 40 % ! - sur des chèques émis en francs Pacifique.
Bien entendu, pour que ce programme stratégique réussisse, il faut absolument que les dispositions statutaires de la Polynésie française soient intégralement respectées par les différents ministères. Je pense particulièrement à l'exploitation de notre zone économique exclusive, de notre mer territoriale et même de nos lagons, qui font l'objet de convoitises.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de rappeler à votre collègue des affaires étrangères ces compétences particulières.
Il en est de même de l'ouverture de nos frontières dans le cadre du GATT, alors que la Nouvelle-Calédonie a bénéficié de dispositions protectrices. Tant mieux pour elle ! Mais pourquoi cette discrimination ? Est-ce au nom de l'indivisibilité de la République ? Sans doute !
Il convient également de rétablir l'exigence du billet de retour. On m'a en effet signalé plusieurs cas de SDF qui prennent des petits boulots aux indigènes que nous sommes.
Bien entendu, les conditions de l'association de la Polynésie française à l'Union européenne doivent être adaptées à l'autonomie de mon territoire. Il faut sortir de l'ambiguïté actuelle, monsieur le ministre, et je sais que vous en êtes d'accord. Mais il faut reconnaître que, si nous nous trouvons dans une telle situation, c'est bien sûr parce que les représentants de la France ont signé des textes sans connaître les conditions géographiques, économiques, politiques de nos territoires d'outre-mer. Du reste, à l'époque, en 1957, n'avait-on pas annexé Wallis-et-Futuna aux établissements français de l'Océanie ?
Pour toutes ces raisons, que l'on trouve exprimées sous d'autres formes à la fois dans les départements et les collectivités d'outre-mer, il est nécessaire de donner à notre ministère l'autorité qui lui revient. Pour cela, un seul moyen : la gestion de tous les crédits destinés à l'outre-mer doit revenir au ministère de l'outre-mer. C'est le voeu que je forme, car c'est la seule solution si nous voulons que soit respectée la politique définie par le Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Monsieur le ministre, malgré la conjoncture difficile qui a présidé à l'élaboration de la loi de finances, vous nous présentez, ce jour, un budget qui reconduit les crédits de 1996.
Les lignes principales sont maintenues ou en augmentation. Ainsi, les crédits affectés à l'emploi augmentent de 43 %, le budget du FEDOM passant de 1 036 millions de francs à 1 487 millions de francs.
Ces deux raisons font que je voterai votre budget, notre budget, en vous remerciant de votre détermination et de votre engagement en faveur de l'outre-mer français.
Monsieur le ministre, l'examen annuel de vos propositions budgétaires est l'occasion, pour les parlementaires d'outre-mer, d'attirer l'attention sur les dossiers les plus épineux qui bloquent le plein épanouissement des territoires ultramarins.
J'aurais donc pu, aujourd'hui, vous parler longuement des dossiers suivants : le chômage des jeunes, qui est trois fois plus important à la Réunion qu'en métropole ; la formation ; la mobilité ; la relance de l'agriculture traditionnelle - production à forte valeur ajoutée et créatrice d'emplois - qui doit être d'urgence réactivée ; les fonctionnaires, qui ne doivent pas être les boucs émissaires de la réforme ; la décentralisation, qui passe autant par une intercommunalité cohérente que par un redécoupage de nos communes, redécoupage qui permettra de corriger le déficit démocratique que nous vivons à la Réunion, où n'existent que vingt-quatre communes pour 650 000 habitants ; l'insertion, car je ne suis pas satisfait de certaines mesures du plan Perben, l'ADI, par exemple, ne fonctionnant pas bien à la Réunion, et, enfin, les 2 % de TVA collectés qui, à la Réunion, sont supérieurs aux exonérations de charges accordées aux entreprises, exonérations qui, de plus, ne créent pas tous les emplois escomptés.
Sur tous ces sujets que j'ai cités pour prendre date, monsieur le ministre, il faut que nous acceptions, que vos services acceptent, de rouvrir les dossiers pour voir si les idées des parlementaires sont inacceptables ou si, au contraire, on peut faire mieux en matière d'emplois, en matière de véritable insertion et en matière de démocratie locale.
Monsieur le ministre, je préfère, ce jour, insister auprès de vous et de mes collègues sur le dossier le plus préoccupant de cette fin d'année à la Réunion, un dossier qu'il faut régler en tout extrême urgence, celui de l'assurance décennale des artisans en bâtiment.
Monsieur le ministre, la crise économique qui sévit dans les départements d'outre-mer est encore plus sévère qu'en métropole. Nous en sommes, à la Réunion, à un taux de chômage qui atteint presque 40 %, triste record national, et cela pour de multiples raisons : insuffisance du secteur productif local, incapacité à exporter et, surtout, démographie non encore maîtrisée.
Le seul secteur où des emplois peuvent être créés immédiatement et en quantité importante est celui du bâtiment, si toutefois on réactive les entreprises artisanales qui ferment aujourd'hui les unes après les autres.
Mais, ce monde des artisans, très compétent à la Réunion et capable de créer tout de suite des milliers d'emplois, est littéralement pris en otage par les compagnies d'assurance qui soit refusent d'assurer les risques liés à l'assurance décennale - ce qui est contraire à la loi - soit, dans de rares cas, pratiquent des tarifs dissuasifs. Dans tous les cas, la fermeture de l'entreprise est inévitable car, sans assurance, l'entreprise ne peut obtenir de marchés.
J'ajoute qu'à ce jour je n'ai pas pu, malgré mes démarches, obtenir de chiffres sur la responsabilité réelle des artisans réunionnais dans les sinistres indemnisés. Pourquoi ces chiffres ne sont-ils pas disponibles ?
Le bilan est déjà très lourd : l'énorme majorité des artisans n'est plus assurée et, qui plus est, il n'y a plus de création d'emplois ou les emplois qui existent sont menacés.
Si nous ne réagissons pas fortement tout de suite, une dizaine de milliers d'emplois disparaîtront encore dans le bâtiment dans les six mois à venir.
Bien évidemment, cette situation fait le jeu des grosses entreprises, efficaces, certes, mais moins créatrices d'emplois, et cela entraînera ultérieurement, si l'on n'y prend pas garde, par effet de concentration, une hausse des coûts du bâtiment, donc une diminution du nombre des logements construits.
Monsieur le ministre, je sais que vous connaissez la situation que je viens de décrire. Je sais que le Gouvernement a demandé à une commission ad hoc d'étudier les solutions possibles, mais je suis très sceptique quant aux solutions préconisées par cette commission. Pour être franc, je n'y crois pas du tout !
En effet, ce n'est pas en regroupant les compagnies d'assurances en GIE qu'on favorisera la nécessaire concurrence, ce n'est pas en déconcentrant le Bureau central de tarification dans les DOM qu'on permettra à nos artisans d'être assurés convenablement. En effet, à mon sens, le BCT est un organe de régulation des conflits entre assureurs et assurés. Son intervention doit demeurer exceptionnelle et non être systématique.
Selon moi, la solution à ce difficile dossier réside dans l'application de la loi : l'assureur doit assurer - c'est son métier - et le Gouvernement dispose de moyens pour faire appliquer la loi.
Dans le cas contraire, le marché local de l'assurance - je parle pour mon département, la Réunion - doit être occupé par une ou plusieurs mutuelles, à créer, qui pourront équilibrer leurs comptes.
Monsieur le ministre, je vous demande d'excuser mon insistance sur ce problème, mais votre implication personnelle est nécessaire, car les blocages sont nombreux, tant à Paris que localement. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dit qu'« un problème bien posé est à moitié résolu ».
J'ai souvent affirmé, monsieur le ministre, que les difficultés de l'outre-mer ne se résoudront pas à coups de milliards de francs. C'est pourquoi je ne peux guère imaginer que même une forte augmentation de votre budget aurait permis de résoudre les divers problèmes qui se posent de manière aiguë à ces territoires.
Ces quinze dernières années, nous avons connu des réformes très importantes : décentralisation et régionalisation, défiscalisation, loi de programme, POSEIDOM, contrats de plan, loi Perben, doublement des crédits du FEDER. Vous pouvez proclamer aujourd'hui que l'égalité sociale est atteinte. Pourtant, la situation de l'outre-mer est dramatique. Je rappelle qu'après tant d'années d'efforts le taux de chômage est de 20 % en Guyane, de 35 % à la Réunion, et que le PIB outre-mer est la moitié de celui de la métropole.
On peut s'attendre à tout moment à des explosions en Guadeloupe, à la Réunion ou en Martinique, comme cela vient de se produire en Guyane à Cayenne. Je ne crois pas que la simple révolte de lycéens puisse expliquer qu'un pays soit mis à feu et à sang et que la seule création d'un rectorat soit susceptible d'apporter une solution durable. Les causes du malaise sont beaucoup plus profondes.
Monsieur le ministre, tout cela veut dire qu'en réalité les problèmes des départements d'outre-mer n'ont jamais été véritablement bien posés, j'entends par là mis à plat.
Il s'agit d'anciennes colonies où les complexes et les comportements à connotation colonialiste disparaissent lentement, ce qui rend les rapports humains difficiles. Il s'agit de territoires ultrapériphériques et, en général, de pays insulaires qui ont leur mentalité propre et dont on s'imagine à tort qu'ils peuvent devenir un jour à l'image des départements continentaux. Il s'agit de pays dont les économies sont encore balbutiantes et confrontées à de nombreux handicaps, dont le coût des transports, qui supportent des taux d'intérêt bancaires plus élevés qu'en métropole et dont les économies ne sont pas concurrentielles dans leur environnement géographique. C'est pour cela que, sans remise à plat de tous ces problèmes, dans le cadre d'un plan de développement économique à long terme, sur vingt ans, un plan de développement global comme l'a dit M. Vergès, il est vain de penser que nous trouverons des solutions en nous contentant de débats ayant un caractère strictement budgétaire.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, plutôt que de parler de chiffres, j'aimerais aujourd'hui vous parler de deux problèmes concrets qui, à mon avis, peuvent trouver remède rapidement et sans coût excessif.
Le premier point est le rôle des services extérieurs de l'Etat depuis la décentralisation.
Dès 1988, j'indiquais dans une question écrite à M. Michel Rocard, alors Premier ministre, que « l'une des causes "insuffisamment mise en valeur" de l'échec des politiques définies pour l'outre-mer réside, malgré les moyens financiers dégagés, malgré la volonté des gouvernements successifs, dans le comportement de certains fonctionnaires d'Etat : l'absence de certitude dans leur mission, le manque de productivité, la persistance de préjugés coloniaux, l'incapacité d'établir des relations de respect mutuel dans la pratique quotidienne de leurs rapports avec les élus et les populations ». Je suggérais que l'on « envoie outre-mer des fonctionnaires qui soient de véritables missionnaires du développement ». On ne peut pas dire que les choses aient beaucoup changé depuis.
A ce propos, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu envoyer une mission d'inspection générale dans ma commune Le Marin, afin de faire la lumière sur les conditions dans lesquelles un immeuble a été classé, sur la demande d'un particulier, à l'inventaire des sites et monuments historiques, cela sans consultation, voire sans information des élus, et alors qu'un tel classement hypothèque définitivement l'aménagement et le développement économique de la commune. Il y avait, en l'occurrence, non-respect des prescriptions communales légales antérieures et mépris des compétences des élus locaux.
Monsieur le ministre, je tiens à vous le dire : après des recherches effectuées auprès des archives de la Martinique, je viens de découvrir que si cette maison avait été classée sur la base d'événements historiques bien réels, ceux-ci s'étaient déroulés non pas au Marin, mais dans la commune voisine, à Sainte-Anne. Autrement dit, on n'a pas classé la bonne maison ! (Sourires.)
Cet exemple montre qu'il faut que soit abordé de manière définitive le problème de la déconcentration et de la simplification de l'action des services extérieurs de l'Etat. Il y en a trente-deux à la Martinique, dont le principal rôle semble être de compliquer les procédures, de contrecarrer la politique du Gouvernement, l'action des collectivités locales et celle du préfet.
Monsieur le ministre, ma commune, Le Marin, a un projet de construction de 400 mètres de route qui traîne depuis dix ans. Tous les préfets, quel que soit le gouvernement, y ont été favorables. Ce projet est actuellement financé par le FEDER, le département et la région, mais systématiquement contrecarré par les services du ministère de la culture ou de l'environnement.
Comme je le disais, vous le voyez, on peut avoir la volonté et les moyens sans pour autant pouvoir investir et développer le pays ; c'est là que le bât blesse !
Dans le même ordre d'idées, monsieur le ministre, j'ai appris récemment que, dans la circonscription du sud de la Martinique, une quarantaine d'importants projets d'investissements privés, dont le coût d'élève à 4 milliards de francs, sont bloqués depuis deux ans par toutes sortes de freins, parmi lesquels les réticences de nombreuses municipalités à se lancer dans des projets quand elles savent qu'elles seront faiblement soutenues par les services extérieurs de l'Etat et que se dresseront devant elles des difficultés de tous ordres, en particulier des tracas administratifs. Il est temps que cela cesse si l'on veut éviter des lendemains qui ne chantent pas.
Pour terminer sur ce point, je crois qu'il est urgent, monsieur le ministre, non seulement de simplifier l'administration en renforçant par la déconcentration le rôle des préfets, qui devraient être les seuls interlocuteurs représentant l'Etat face aux collectivités locales, mais aussi de poursuivre et de renforcer la décentralisation et le pouvoir local, notamment en mettant un terme à la balkanisation des exécutifs qui, tous les jours, diminue l'efficacité de l'action des politiques locales.
Le second point dont je veux vous parler, monsieur le ministre, est celui de la coopération régionale.
Il est vrai que deux rencontres importantes se sont déroulées sur ce thème : la première en 1990, sous l'égide de M. Michel Rocard à Cayenne, la seconde en novembre de cette année, sous votre égide, en Guadeloupe. Il s'agit là, à mon avis, de réunions intéressantes certes, mais surtout de grand-messes dont les incidences seront forcément limitées. Mais je m'avance peut-être...
Si l'on veut être efficace dans ce domaine, je crois qu'il faut s'engager dans des actions beaucoup plus concrètes.
Ainsi, il est étonnant que l'ambassade de France en Haïti n'emploie pas de conseiller commercial, ni même de responsable pour la coopération économique avec les départements français d'Amérique, les DFA, alors qu'il s'agit d'un pays de 7 millions d'habitants, d'un intérêt majeur pour nos investissements futurs.
Concernant Cuba, où nous nous sommes rencontrés récemment à la foire internationale de la Havane, je suis partisan, comme vous, d'aider ce pays, qui connaît de graves difficultés économiques, à s'insérer à nouveau dans l'économie mondiale grâce à l'aide de l'Europe. Je me dois toutefois de signaler que Cuba représente à terme une menace mortelle pour le tourisme de la Martinique et de la Guadeloupe.
Il est par ailleurs étonnant que les collectivités locales des DFA ne soient jamais associées ni même informées quand des conventions de coopération commerciale sont signées avec les différents pays de la Caraïbe. De plus, il est notoire qu'il n'y a pratiquement pas d'Antillo-Guyanais dans les ambassades et les consulats de la région, ce qui est regrettable.
La France n'a signé que quatre ou cinq conventions fiscales avec nos voisins, ce qui limite énormément nos investissements en direction de ces pays. J'ai proposé plusieurs fois qu'on mette à l'étude un traité entre la France et les pays de l'organisation des Etats de la Caraïbe Sud, l'OECS, en matière de police, de sécurité, de lutte contre la drogue et de coopération économique. Je n'ai pas été entendu, ma proposition n'a même pas été prise en considération.
L'un des freins les plus graves à la coopération régionale est la difficulté pour les hommes d'affaires, les personnalités et les touristes venant de la région Caraïbe d'obtenir un visa. J'ai proposé que leur soit appliqué le système en vigueur aux Etats-Unis, à savoir le visa à entrées multiples, mais en vain. Cela aurait pourtant facilité nos relations avec les pays voisins et évité une certaine acrimonie, voire une hostilité à notre égard.
Pour terminer, je ne suis pas opposé à ce qu'une mission soit confiée à Mme Michaux-Chevry, avec qui j'entretiens d'excellentes relations. Mais encore faudrait-il que nous ayons connaissance du contenu de la mission et des moyens humains et financiers qui seront mis à sa disposition, et que chaque région et département y soient associés.
Monsieur le ministre, pour conclure, j'emprunterai une phrase à M. Gérard Belorgey, directeur de RFO, que j'ai relevée dans la brochure que vous avez préfacée et diffusée à l'occasion du cinquantenaire de la départementalisation : « En tous domaines, il n'y a qu'un avenir pour les DOM, celui de l'imagination (...), mais mettre l'imagination en oeuvre, c'est aussi heurter les habitudes de pensée et les modes de conduite liant ceux qui, outre-mer, se considèrent comme des créanciers de l'histoire et ceux qui, en métropole, sont sceptiques à l'égard de l'outre-mer ». (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget de l'outre-mer pour 1997 révèle une quasi-stagnation des crédits en francs constants par rapport à 1996. A l'heure où le budget général de l'Etat se caractérise par une volonté de réduction des dépenses, le maintien des moyens financiers de votre ministère traduit, monsieur le ministre, l'intérêt du Gouvernement pour la France de l'outre-mer.
Certes, votre budget ne représente qu'une faible part des interventions de l'Etat outre-mer, mais tout le monde reconnaît son importance pour chacune de nos collectivités, en raison de son rôle d'impulsion et d'entraînement des autres ministères, qui sont soumis à des évolutions budgétaires très différentes.
En d'autres termes, vous demeurez, monsieur le ministre, notre interlocuteur privilégié, et je m'en réjouis.
On pourrait penser que, à Mayotte, nos sommes épargnés par ces variations en raison de la contractualisation des transferts financiers publics résultant de la convention de développement du 5 avril 1995 et du contrat de plan qui couvre la période 1994-1998. Mais nous savons par expérience que les crédits de paiement correspondant à des autorisations formellement programmées ne sont débloqués qu'avec d'importants retards, quand ils ne sont pas purement et simplement annulés : d'où les constantes inquiétudes des administrations locales comme des acteurs économiques, encore très dépendants de ces flux financiers.
C'est pourquoi je remercie le Gouvernement d'avoir bien voulu réunir, à la demande de M. Henry Jean-Baptiste, député de Mayotte, la commission interministérielle de coordination des investissements publics pour faire le point sur l'état d'avancement des investissements de l'Etat prévus à Mayotte. La présence d'un représentant du ministère du budget à cette réunion nous apparaît comme une garantie pour l'avenir, et je souhaite que tous les engagements pris en cette occasion soient tenus, notamment ceux qui sont inscrits dans la convention de 1995, afin que soient préservés totalement le sens, la logique et la portée des programmations définies d'un commun accord par l'Etat et notre collectivité territoriale.
Il faut rappeler, en effet, que cette convention de développement économique et social procède de notre commune volonté de rattrapage, tant nos handicaps et nos retards sont importants. Un tel programme doit être réalisé - faut-il le rappeler ? - avant l'organisation de la consultation sur l'avenir institutionnel de Mayotte au sein de la République.
C'est dire tous les intérêts qui dépendent du respect scrupuleux aussi bien des objectifs financiers que des termes annuels et pluriannuels de ces conventions Etat-Mayotte. Je vous demande donc, monsieur le ministre, d'y veiller personnellement, d'autant que la croissance démographique mahoraise risque de remettre en cause certaines prévisions.
Le démarrage, grâce à la contribution de l'Etat - longtemps attendue -, de la campagne en vue de la limitation des naissances permet, certes, d'espérer à terme une stabilisation, puis une inflexion des courbes démographiques, eu égard, notamment, aux réactions favorables de la population.
Toutefois, il est à craindre que l'immigration clandestine, en provenance de la République des Comores, pour l'essentiel, ne vienne annihiler tous nos efforts.
Il faut d'abord souligner que ces flux migratoires, en augmentation continue, représentent environ le tiers de notre taux de croissance annuelle de population, qui avoisine 6 %.
Les Mahorais constatent et déplorent que la maison d'arrêt de Majicavo, déjà surchargée, soit remplie à près de 50 % de détenus comoriens.
On estime, par ailleurs, que les deux tiers des nouveau-nés de l'île sont des enfants d'immigrés ; cela fait dire à certains qu'à ce rythme les Mahorais vont, à terme, devenir minoritaires dans leur île.
Autre indice préoccupant : d'après les informations recueillies auprès de la représentation du Gouvernement à Mayotte, le coût annuel de cette immigration s'élève à environ 100 millions de francs, dont 40 millions de francs pour l'hôpital - 40 % des malades sont des Comoriens clandestins -, 10 millions de francs pour les évacuations sanitaires, principalement vers La Réunion, 30 millions à 40 millions de francs pour les établissements scolaires - 30 à 40 % des effectifs sont des Comoriens clandestins - 2 millions de francs pour la « reconduite » des Comoriens, sans oublier le manque à gagner que cause à la population mahoraise le travail clandestin.
Aujourd'hui, les élus de Mayotte, devant ces charges indues, ressentent de plus en plus mal les conséquences de cette présence irrégulière. Chacun est conscient qu'il s'agit d'un grave problème d'ordre public, dont le traitement rapide et efficace incombe à l'Etat, et pour un coût bien plus modique.
Face à cette situation, le préfet, représentant du Gouvernement, est conduit à refouler vers leur pays d'origine, les immigrés en situation irrégulière. Mais tout le monde sait à Mayotte que les étrangers refoulés le matin par bateau reviennent, quasiment tous les soirs, sur des embarcations légères, d'ailleurs dépourvues de tout moyen de sécurité en mer.
Dans ces conditions, il ne fait plus de doute que l'ensemble du dispositif législatif et réglementaire de lutte contre l'immigration clandestine ne produira pleinement ses effets que s'il est accompagné de mesures dissuasives de surveillance de l'espace maritime et des côtes mahoraises.
C'est pourquoi, je demande instamment au Gouvernement de créer rapidement à Mayotte un détachement de gendarmerie maritime, doté d'une vedette rapide et d'un équipement radar, apte à surveiller efficacement les rivages de l'île et de mettre fin à ces incessantes violations de la loi.
On constate, en outre, que ces afflux massifs de Comoriens en situation irrégulière portent gravement atteinte à l'équilibre économique, social et culturel de l'île.
A cet égard, je citerai une affaire qui défraie la chronique locale et qui concerne ceux qu'on appelle à Mayotte les « enfants de la honte ». Livrés à eux-mêmes, ces enfants envahissent à longueur de journées la barge reliant la Petite-Terre à la Grande-Terre pour y faire, en fraude, commerce de tout et de rien.
Ainsi, il apparaît que, au-delà des troubles à l'ordre public qu'elle entraîne et de ses conséquences économiques, cette immigration clandestine des Comores vers Mayotte doit être contrôlée aussi pour répondre à un double souci de préservation de la vie et de respect de la dignité humaine, car les risques insensés pris pour traverser le bras de mer séparant ces deux entités, ainsi que les déplorables conditions de séjour des clandestins dans notre île, sont manifestement contraires aux droits élémentaires de la personne.
Je suggère, en conséquence, que le Gouvernement invite les autorités comoriennes à édicter, dans l'intérêt bien compris de leurs ressortissants, toutes les mesures susceptibles de décourager cette émigration tout en assurant l'application des règles de sécurité et de contrôle aux frontières.
Il faut répéter qu'en dépit de ces graves difficultés la collectivité territoriale de Mayotte souhaite, plus que jamais, dans le cadre des actions de coopération régionale, tisser des relations de bon voisinage avec tous les pays de l'océan Indien, dès lors que sera prise en compte et respectée sa libre volonté d'intégration à part entière dans la République française.
C'est pourquoi je souhaiterais, par votre intermédiaire, monsieur le ministre, rappeler au ministre de l'équipement et des transports les engagements pris vis-à-vis de Mayotte quant à l'allongement de la piste aéroportuaire jusqu'à 2 400 mètres ainsi que l'intérêt, pour nos échanges maritimes dans la région, du deuxième quai du port de Longoni.
Les moyens du désenclavement seraient, en quelque sorte, prolongés par les instruments d'une coopération régionale plus active.
S'agissant de l'avenir institutionnel de Mayotte, nous préparons avec confiance la consultation sur le statut définitif de notre collectivité territoriale, en participant à Paris et à Dzaoudzi aux deux groupes de réflexion créés à cet effet.
Nous avons particulièrement apprécié, monsieur le ministre, que votre message à l'instance parisienne, lors de son installation, à la fin du mois de septembre, ait rappelé qu'une évolution statutaire, au sein de la République, dans le sens de la départementalisation était ardemment souhaitée par les Mahorais. Cette intégration plus étroite doit être néanmoins opérée dans le respect de notre identité. A cet égard, la création à Mayotte d'un organisme comparable à l'institut de droit local alsacien-mosellan pourrait permettre de proposer au Gouvernement toutes dispositions susceptibles de faire évoluer le droit mahorais de la tradition à la modernité.
Enfin, nous attachons le plus grand prix aux progrès de l'éducation et de la formation des jeunes afin de leur assurer les meilleures chances d'emploi et d'insertion professionnelle. Or il apparaît qu'en matière d'enseignement les engagements de l'Etat sont loin d'être respectés, si bien que d'importants projets de construction d'établissements d'enseignement secondaire risquent d'être compromis.
Ainsi, l'examen du contrat de plan révèle que le collège de Mamoudzou-centre n'a toujours pas commencé. Au collège de Bandrelé, les travaux viennent de démarrer, avec beaucoup de retard. Pour ce qui concerne les collèges de Kani-Kéli et de Labattoir, ainsi que le lycée professionnel de Kahani, il est à craindre que, contrairement à ce qui était prévu, leur achèvement ne soit pas réalisé cette année.
De même, toutes les opérations programmées en 1996 par la convention de développement économique et social - les collèges de Sada et de Pamandzi, le lycée d'enseignement général à Sada et le lycée d'enseignement professionnel à Dzoumogne - ne pourront être exécutées.
En définitive, sur un engagement de 180 millions de francs d'ici à la fin de 1998, l'Etat n'a finalement délégué, au titre de la convention de développement, que 35,7 millions de francs d'autorisations de programme, soit, en trois ans, seulement le cinquième des crédits prévus sur cinq ans.
S'agissant des établissements d'enseignement secondaire déjà mis en service, les conditions de fonctionnement sont médiocres en raison de l'insuffisance chronique des effectifs. A la rentrée de septembre 1996, 153 postes d'agents de l'Etat, dont 135 emplois d'enseignants, sont déclarés manquants. Pour l'année prochaine, ce déficit en personnels enseignants, de direction et d'éducation et ATOS - administratifs, techniques, ouvriers et des services - sera considérablement aggravé, avec un besoin total estimé à 432 agents supplémentaires pour un coût de 4 272 000 francs. Dès lors, la prochaine rentrée scolaire risque d'être difficile si des dispositions ne sont pas rapidement prises pour assurer un plus strict respect des engagements contractuels de l'Etat.
Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que, malgré mon soutien de principe à votre politique, mes appréhensions demeurent particulièrement vives. En tout état de cause, ces manquements, retards et autres insuffisances dans l'exécution des engagements de l'Etat appellent d'urgentes décisions de rattrapage.
C'est dans cette attente et avec cet espoir que je voterai votre projet de budget. Ne décevez pas les Mahorais ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, le vote du projet de budget de l'outre-mer est une occasion choisie pour évoquer les points essentiels de l'état des lieux des DOM-TOM et des collectivités territoriales d'outre-mer.
En ce qui concerne la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, que j'ai l'honneur de représenter, le taux de couverture de la balance commerciale a enregistré ces dernières années une chute vertigineuse, se maintenant nettement en dessous de 5 %, 4,25 % exactement, alors qu'il évoluait aux environs de 50 % lorsque nous avions une industrie de pêche en bonne santé. Nous sommes donc bien toujours dans le « rouge ». Cette stagnation s'explique dès lors qu'il n'y a pas eu de véritable reprise d'une activité économique productrice et que les transferts de l'Etat ont atteint des records.
Ainsi, nous vivons encore dans une forme de dépendance et d'assistance. Mais, compte tenu des effets de l'arrêt des activités traditionnelles de pêche dans toute la région géographique où se situe l'archipel, il ne pouvait en être autrement.
Cependant, depuis 1992, l'aide de l'Etat a permis à notre collectivité de survivre. En outre, à partir de 1994, mais surtout en 1995 et en 1996, nous avons vu se dessiner les prémices d'une relance de l'activité.
La qualité du partenariat qui s'est instauré avec la collectivité territoriale a créé une dynamique qui se fait sentir dans divers secteurs.
La réalisation d'un nouveau complexe aéroportuaire, instrument indispensable à son désenclavement économique, notamment dans le domaine touristique, est bien avancée.
Le soutien sans faille apporté au maintien en activité de l'usine de traitement de poissons importés à Saint-Pierre ainsi que la mise sur pied d'une usine moderne de traitement du pétoncle à Miquelon ont permis de lutter contre le chômage.
Mais le soutien de l'Etat, sous forme notamment d'une importante subvention, et le déficit d'exploitation d'Interpêche nous indiquent que ce secteur est loin d'être en bonne santé.
Ainsi, force nous est de constater que le bilan de l'activité du coquillier Avel Mad , à Miquelon, est finalement décevant puisqu'il n'a moissonné que 250 tonnes, sur un quota alloué de plus de 2 000 tonnes. Cela ne peut pas inciter à l'optimisme pour la campagne 1997, même si l'on considère que, à l'automne, ce navire semblait mieux adapté à sa mission.
Puisque, dans ce domaine, vous faites l'appoint à un niveau élevé, monsieur le ministre, pourriez-vous me dire si l' Avel Mad continuera seul à approvisionner l'usine de Miquelon ? N'y a-t-il pas là un champ d'action où la coopération franco-canadienne pourrait se fixer des objectifs ?
D'autres projets prometteurs pour l'avenir viennent d'être annoncés, par exemple le projet de transbordement douanier, pour la réalisation duquel s'implique énergiquement l'agence de développement de la collectivité territoriale, ou le projet de l'armement Medafret - particulièrement épaulé par le Premier ministre - et celui de l'armement d'un navire de croisière, qui ont reçu votre appui, grâce à l'agrément du ministère de l'économie et des finances.
La concrétisation de ces projets se soldera par la création d'un nombre non négliageable d'emplois à terre et d'un nombre bien plus important encore d'emplois dans le domaine maritime. Nous pouvons alors espérer un certain regain de l'activité portuaire dans l'archipel d'ici à quelques années, mais cela pose d'ores et déjà la question d'une formation professionnelle orientée vers les besoins prévisibles.
Dans un domaine adjacent, monsieur le ministre, je dois dire que je me réjouis de constater qu'au ministère des transports on semble enfin disposé à faire avancer le dossier du registre d'immatriculation des navires à Saint-Pierre-et-Miquelon, que le conseil général et les deux parlementaires n'ont cessé de soutenir.
Je sais l'intérêt que vous avez manifesté à ce sujet, et j'en profite pour souligner que, en matière de modification limitée et spécifique du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, il me paraît très indiqué qu'un projet de loi soit soumis au Parlement, afin que la collectivité territoriale puisse se voir transférer les prérogatives dont elle a besoin en matière d'immatriculation des navires.
Ainsi, l'Etat, fidèle à la politique qu'il a engagée depuis mai 1995, agit conjointement avec la collectivité en faveur de l'emploi, afin que puissent se développer des activités pérennes.
Je tiens maintenant à souligner, monsieur le ministre, la manière particulièrement responsable avec laquelle la collectivité territoriale s'investit, elle aussi, pour atteindre cet objectif et les difficultés qu'elle rencontre.
Elle a procédé, depuis 1994, à une augmentation sans précédent de la pression fiscale. Ainsi, pour ne citer que quelques chiffres, la taxe spéciale à l'importation a crû de 85,7 %, les taxes sur le fioul et le gazole de 1 350 %, celles sur le tabac de 100 % et l'impôt sur les bénéfices des sociétés de 10 %.
De plus, elle a réduit de 10 % les dépenses de ses services ; mais, en dépit de ces efforts rigoureux, ses recettes de fonctionnement en 1996 demeurent inférieures de 5 millions de francs à ce qu'elles étaient en 1991 : elles atteignent, en effet, 125 millions de francs, contre 130 millions de francs à l'époque. Il en sera de même en 1997.
En parallèle, afin de prendre sa part dans la construction de la nouvelle piste d'atterrissage, elle a dû emprunter plus de 42 millions de francs, ce qui représente quatre fois plus que le montant moyen annuel de ses emprunts au cours des années précédentes. Le montant total de l'emprunt, en 1995, s'élève à 70 millions de francs, soit sept fois plus que le taux moyen d'emprunt avant 1994.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous comprendrez que je déplore, moi aussi, la suppression des crédits du FIDOM, qui, avant 1994, représentaient, pour nous, 12 millions de francs, c'était important, dont environ 6 millions de francs déconcentrés.
Il importe donc que cette disparition des crédits du FIDOM soit compensée par une augmentation des dotations globalisées ou par de nouvelles subventions d'investissement, surtout au moment où, pour le budget primitif de 1997, nous voyons apparaître un besoin de financement supplémentaire de 40 millions de francs.
En effet, la part des recette fiscales nouvelles au bénéfice de la collectivité servira en bonne partie à assurer la charge de son endettement, qui, d'ailleurs, va probablement s'accroître, car elle devra s'investir, comme pour l'aéroport, dans les futurs chantiers de travaux publics.
La collectivité territoriale joue donc bien sa partition, avec sérieux et dynamisme. Mais nous savons, et nous le prouvons par nos engagements budgétaires, que tout ne peut pas provenir de l'Etat et que nous devons fournir des efforts. Nous le faisons, mais, à l'évidence, nous avons encore grand besoin de l'aide de l'Etat.
Comment pourrions-nous, par nos propres moyens, entreprendre et mener à bien les grands et indispensables travaux d'assainissement et d'adduction d'eau potable qui, en matière d'emploi, et c'est important, tiendront, pour quelques années, le rôle salvateur assuré par le chantier de l'aéroport ?
Monsieur le ministre, dans un autre registre, j'avais, l'an dernier, attiré votre attention sur l'intérêt pour Saint-Pierre-et-Miquelon de pouvoir bénéficier plus largement des avantages de la loi Pons.
Vous m'avez fait savoir que les laboratoires n'étaient pas éligibles aux dispositions de ladite loi. Or, le cas qui nous intéresse consiste en la création d'un laboratoire de fabrication d'un produit à très forte valeur ajoutée susceptible de créer plusieurs emplois.
Ne pourriez-vous pas revenir à la charge auprès de votre collègue de Bercy pour que ce type d'entreprise puisse bénéficier de la procédure d'agrément ?
J'avais également, à cette tribune l'an passé, attiré votre attention sur certains dysfonctionnements dans le domaine de la justice à Saint-Pierre au sujet des prérogatives dévolues au magistrat instructeur qui se trouvait en même temps juge de première instance et, le cas échéant, juge du tribunal supérieur d'appel.
Votre ministère m'a fait savoir que le projet de loi portant réforme de la procédure criminelle contiendra des mesures qui assureront, enfin, la séparation entre les dossiers d'instruction et ceux de jugement, et prévoira l'incompatibilité des fonctions de jugement au niveau des deux juridictions.
Il s'agit d'une bonne mesure, et il reste à souhaiter qu'elle se traduise par une justice plus humaine, rendant des sentences mesurées, dans un climat de grande impartialité.
Enfin, je ne terminerai pas, monsieur le ministre, sans dire un mot de la santé dans nos îles à la suite de l'incident qui a frappé l'un des médecins du centre hospitalier public de l'archipel et qui a suscité une grande inquiétude au sein de la population.
Nous sommes parfois très isolés et, par conséquent, des garanties absolues doivent être apportées à tous les malades, sans exception, en matière de diagnostic et de soins, que ce soit sur place ou lors des évacuations sanitaires, qui interviennent souvent dans un très petit avion, de nuit comme de jour.
Il importe donc au plus haut point que toute la lumière soit faite sur les compétences des médecins en service dans le centre hospitalier en question. La promesse m'en a été faite par votre collègue le ministre de la santé, et je pense que vous tenez également à ne pas laisser subsister de zones d'ombre dans ce domaine.
Monsieur le ministre, dans la difficile situation budgétaire que connaît notre pays, vous avez fait en sorte que le budget de votre ministère se maintienne bien. C'est déjà beaucoup, même s'il ne représente qu'un dixième de la globalité des actions de l'État outre-mer. Les crédits en faveur du logement social et de l'emploi, notamment, y tiennent une part importante.
Vous apportez à notre archipel un soutien vigoureux afin de créer les conditions d'un renouveau économique durable en dépit de nos handicaps que vous connaissez bien et dont les causes ne dépendent pas de nous.
En parallèle ou en réponse à ce soutien, des initiatives locales se sont développées de façon prometteuse, notamment dans le domaine de la diversification de la pêche.
La réouverture annoncée, bien que très limitée, de la pêche à la morue en 1997 dans les eaux canadiennes proches de l'archipel, ainsi que l'exploitation probable des quotas de crevettes OPANO ravivent les espoirs, même si chacun de nous est bien conscient que rien ne sera facile dans ce domaine où notre expérience nous a appris à ne pas rêver.
La coopération avec les provinces atlantiques canadiennes n'est pas du tout un vain mot grâce au partenariat instauré entre votre ministère et la collectivité territoriale. Elle donne des résultats concrets et, à travers elle, nous pouvons mieux participer activement au rayonnement culturel de la France.
Certes, il nous reste du chemin à parcourir, mais je crois que nous sommes sur une voie porteuse d'avenir et que nous parviendrons à passer le cap difficile où nous nous trouvons si, comme je l'espère, l'État continue à s'engager, ainsi qu'il l'a fait toutes ces dernières années, pour nous aider à relever les défis auxquels nous sommes confrontés.
Monsieur le ministre, je vous apporterai donc mon soutien et voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de mars dernier, les populations de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion étaient invitées à commémorer le cinquantenaire de l'érection de leur territoire en département français.
De l'avis unanime, le statut départemental s'est accompagné de progrès social, même s'il a fallu attendre cinquante ans après le vote de la loi pour parler d'égalité sociale entre les Français des départements d'outre-mer et ceux de l'hexagone.
Malheureusement, à l'évidence, au terme de ce demi-siècle il n'a pas été possible de déclencher un réel développement économique nécessaire à l'épanouissement des hommes et des femmes originaires de nos contrées. A quatre ans de l'an 2 000, nos pays souffrent d'un « mal-développement » qui est générateur d'exclusion, porte ouverte à des déviances de tous ordres et de violence.
L'Etat a en charge le développement économique et nous attendions de votre ministère un projet de budget à la hauteur de l'enjeu.
Grande est notre déception, pour ne pas dire notre désarroi, face à la modicité des moyens proposés d'autant que les documents mis à notre disposition n'ont pas une lisibilité suffisante pour déterminer la répartition des dotations destinées à chaque département ou à chaque territoire d'outre-mer.
Avec une augmentation affichée de 0,1 % par rapport à la loi de finances pour 1996, le budget de votre ministère, sacrifié sur l'autel de la rigueur, illustre le manque d'ambition du Gouvernement pour le développement de l'outre-mer et son peu d'empressement à répondre aux attentes pesantes et pressantes de nos départements et de nos territoires.
Les dotations aux collectivités locales sont en baisse ; les crédits du FIDOM centralisé chutent de 40,6 % ; la section décentralisée du FIDOM est purement et simplement supprimée à compter de 1997 ; la ligne budgétaire unique est mollement reconduite à son niveau de 1996 ; les autorisations de programme chutent lourdement de 6,2 %.
Ces restrictions s'abattront au moment où les dépenses des collectivités locales augmenteront de manière exponentielle du fait de la crise.
En Guadeloupe, nous comptons 22 811 RMIstes, 47 000 chômeurs, soit un taux trois fois supérieur à celui de l'hexagone, 45 000 ménages surendettés et 40 % d'entreprises en difficulté.
Ainsi, le département voit ses ressources réelles se tarir alors que ses dépenses explosent sous le poids de l'aide sociale. Depuis 1994, on constate une propension naturelle au désengagement de l'Etat.
Dans ce projet de budget, je ne retrouve aucune mesure forte en vue d'endiguer l'exclusion, ce fléau qui ronge notre région monodépartementale. Les aides à l'emploi et les subventions en faveur du logement social sont en baisse. Tout se passe comme si, après avoir atteint le niveau déclaré de l'égalité sociale, on abordait le mouvement inverse vers une régression sociale. Je demande bien évidemment à être rassuré sur ce point.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien l'étendue des besoins en logements de l'outre-mer : plus de 50 000 logements sont à construire d'ici à l'an 2000 et plus de 13 000 logements à réhabiliter. Comme vous le savez, une population trop nombreuse vit aujourd'hui, à la fin de ce siècle, dans des conditions inacceptables : 40 % de nos compatriotes habitent dans des logements insalubres, sans eau, sans électricité et sans sanitaires. Leurs logements sont inondés à la moindre pluie et emportés lorsque des vents violents soufflent. Ces personnes voient leur santé menacée, et leur sécurité n'est pas assurée.
Ce sont ces mêmes compatriotes qui sont frappés par le chômage et qui subissent la dure loi du travail clandestin. Leurs enfants sont menacés par l'échec scolaire.
Ces tragédies humaines ne sont pas, hélas ! des scories d'une autre époque. Elles concernent des femmes et des hommes français qui vivent dans l'outre-mer français.
Ces hommes et ces femmes vous écoutent avec ferveur lorsque vous déclarez faire de l'emploi et de l'insertion votre priorité dans l'outre-mer. Ils savent, tout comme nous, qu'il s'agit d'une réelle compétence de l'Etat. Vos déclarations suscitent en nous d'immenses espérances.
Alors, monsieur le ministre, il faut aller au-delà des mots et traduire vos intentions par des actes budgétaires importants. En l'occurrence, vos intentions se traduisent par une réduction globale des dotations, que votre présentation en masse budgétaire stable ne parvient pas à masquer. Il est à craindre que cette réduction n'entraîne une dégradation lourde de menaces pour la paix sociale. Il est clair que, compte tenu des crédits proposés pour le logement, la politique de la réhabilitation de l'habitat stagnera et que l'insalubrité perdurera encore longtemps.
Comment lutter efficacement contre le chômage lorsque vous n'affectez aucun moyen nouveau susceptible d'encourager la création d'emplois durables ? En cette année de célébration du cinquantenaire de la départementalisation, le chômage, qui mine en particulier les jeunes, ne doit plus être uniquement traité par l'expédient de l'emploi précaire.
Nos compatriotes revendiquent l'égalité des droits économiques par le travail stable. L'Etat possède la compétence en matière de politique d'incitation à l'emploi. Le Gouvernement a le devoir de donner des moyens d'impulser une véritable politique de l'emploi dans nos départements, en Guadeloupe, en particulier. Il vous faut obtenir les moyens de cette politique ; le Gouvernement doit vous les fournir.
Ces moyens vous sont indispensables pour corriger la fracture sociale et rester fidèle aux promesses de M. le Président de la République. En effet, comment pourrez-vous aider les communes à assurer la prévention contre l'insécurité et la violence si vous vous contentez d'inscrire dans votre budget une enveloppe symbolique au fonds social urbain ?
Les restrictions budgétaires qui caractérisent votre budget vont influencer lourdement nos économies déjà fragiles.
En Guadeloupe, les entreprises continueront d'être handicapées du fait des restrictions d'aides à l'emploi. Les deux piliers de notre agriculture, canne à sucre et banane, resteront en mauvais état. La production bananière devra continuer à se battre à armes inégales contre la concurrence de la banane latino-américaine.
Les options autoritaires prises par l'Etat au sujet de la restructuration de la filière canne-sucre-rhum montrent déjà leurs limites et leur incohérence : mauvais choix du site industriel, construction en plein centre de Grande-Terre d'une usine de charbon, dont les travaux ont débuté avant toute enquête publique et sans savoir par quel moyen cette centrale sera alimentée en eau.
On veut détourner l'eau du barrage d'irrigation en forçant la main du conseil général. On envisage, avec le concours de l'Etat, d'effectuer des forages dans la nappe phréatique, sans se soucier du déséquilibre de notre écosystème.
Le peuple de la Guadeloupe suit cette affaire avec beaucoup d'attention. Je réitère, dans l'intérêt collectif, le souhait que soient reprises les discussions de la filière canne-sucre-rhum.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Larifla.
M. Dominique Larifla. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que la procédure d'aide aux agriculteurs en difficulté mise en place par la circulaire du 10 octobre 1988 dans le cadre de la loi dite « loi Nallet » n'a pas été appliquée en Guadeloupe.
Faut-il vous rappeler le problème épineux de la délimitation des zones de pêche des marins-pêcheurs de la Guadeloupe où rien n'est encore réglé ?
Faut-il vous rappeler la forte diminution des moyens mis à disposition de l'ANT au moment même où l'insertion des hommes fait figure de priorité à l'échelon national ?
Je terminerai en abordant un sujet qui réclame des éclaircissements et, surtout, des applications immédiales : l'éducation.
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à la demande expresse des lycéens et des étudiants guyanais, a pris la décision de créer en Guyane une académie de plein exercice. C'était une décision juste, que nous saluons.
Bien sûr, tirant les conséquences logiques de cette situation nouvelle, M. Bayrou a déclaré dans la foulée la transformation de l'inspection de la Guadeloupe en véritable académie dotée de son rectorat.
Monsieur le ministre, il s'agit de la réponse appropriée à une très ancienne revendication des organisations syndicales guadeloupéennes relayée par les élus de progrès. Cette mesure doit se concrétiser rapidement avec la mise en place de moyens appropriés qui tiennent compte de notre situation d'archipel. Il serait inconcevable, en effet, que l'on se contente d'un simple redéploiement des moyens, déjà insuffisants, de l'actuelle académie Antilles-Guyane. L'université Antilles-Guyane devrait bénéficier des bonnes dispositions qu'affiche le Gouvernement dans ce domaine particulier.
Enfin, le moment est également venu de réinstaller en Guadeloupe le traitement de la paie des fonctionnaires. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur quelques problèmes qui touchent plus particulièrement le département que je représente, la Réunion, et que je n'ai pu développer tout à l'heure.
Ainsi, en matière de logement, les besoins annuels sont estimés à 12 000 logements, dont 9 000 logements aidés. Or seulement 5 000 logements sont construits, alors qu'on évalue à environ 50 000 le nombre de demandes de logement qui s'accumulent dans les vingt-quatre communes de l'île.
D'ailleurs, dans le cadre de la préparation des assises de l'égalité sociale et du développement de l'outre-mer, parmi les dix priorités retenues pour la Réunion, les trois premières étaient consacrées au logement : doublement sur cinq ans des crédits inscrits à la LBU ; réforme de l'allocation logement par le classement de la Réunion en zone prioritaire ; enfin, diminution des taux d'intérêt et introduction du prêt à taux zéro.
La crise du logement dans les DOM s'est aussi manifestée à la Réunion au travers des actions parfois violentes menées par les artisans du secteur du BTP. Lorsqu'on sait que, à la Réunion, le BTP a perdu plus de mille emplois depuis le début de l'année, on comprend l'angoisse de ces salariés et entrepreneurs, qui voient leur avenir gravement menacé.
Toujours au sujet du BTP, outre le problème de l'assurance décennale déjà évoqué par mon collègue M. Lauret, le mécanisme de préretraite - il s'applique en contrepartie du recrutement d'un nombre équivalent de jeunes sous contrat à durée indéterminée - n'a toujours pas vu le jour, bien qu'il ait été annoncé lors des assises. Or ce dispositif, qui devrait concerner plus de 400 personnes à la Réunion, préfigure l'action à mener en faveur de l'emploi et de l'insertion.
Comme je le disais tout à l'heure, le bilan de l'insertion n'est pas satisfaisant.
Lorsqu'on sait que 16 % de la population des quatre départements d'outre-mer sont concernés par le RMI - en comptant les bénéficiaires et leurs familles ; le plus fort pourcentage se trouve, me semble-t-il, à la Réunion - lorsqu'on voit cette partie de la population, jeune surtout, oisive, sans occupation, ne sachant comment passer le temps - elle est donc tentée de plus en plus par la délinquance - on ne peut que s'interroger sur l'efficacité du dispositif et se demander s'il n'est pas temps de repenser le RMI pour en faire un véritable outil d'insertion, pour passer d'une logique d'assistance à une logique de remise au travail.
Ce débat a déjà été ouvert, notamment à l'occasion des assises de l'égalité sociale et, à l'Assemblée nationale, par certains collègues. M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, que j'interpellais la semaine dernière à cette même tribune, a reconnu qu'il y avait sans doute là une expérience à tenter après une réflexion concertée.
S'agissant des aides à l'emploi et au développement, j'avais attiré votre attention l'année dernière, monsieur le ministre, sur les insuffisances de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dite « loi Pasqua », au regard de la spécificité des DOM. En effet, les entrepreneurs d'outre-mer n'ont pu bénéficier des exonérations fiscales prévues en raison de critères inadaptés.
Vous nous annoncez qu'un projet de loi est à l'étude, qui devrait corriger les imperfections constatées. Je saisis cette occasion, monsieur le ministre, pour exprimer le voeu que le statut d'entreprise franche - et les avantages qui peuvent y être attachés - soit accordé à tous les établissements économiques productifs des DOM. Cette solution m'apparaît en effet indispensable pour réaliser le désenclavement économique, en particulier de l'île que je représente, qui souffre cruellement de son « ultra-périphéricité » et dont le PIB par habitant s'élève seulement, je le rappelle, à 43 % de celui de la métropole.
J'aborderai enfin brièvement trois problèmes qui nécessitent votre soutien, monsieur le ministre, auprès de vos collègues du Gouvernement.
Le premier problème concerne l'alignement des tarifs téléphoniques sur ceux de la métropole.
Au nom de l'égalité et de la solidarité nationale, la quasi-totalité des prestations sociales outre-mer ont été, cette année, alignées sur celles de métropole. Pourquoi en serait-il autrement pour les communications téléphoniques ?
Je sais que l'action du Gouvernement, en particulier celle de M. Fillon, a permis d'obtenir une baisse de ces coûts. J'aurais aimé cependant que le processus d'alignement entre les tarifs d'outre-mer et ceux de la métropole soit achevé cette année, comme l'avait décidé le Président de la République.
Le deuxième problème a trait au prix du carburant destiné au transport aérien. Il n'est pas normal que le coût du carburéacteur - il représente environ 20 % du prix d'un billet Paris-la Réunion et 40 % des tarifs les plus bas, dits « promotionnels » - soit, à la Réunion, de 20 % à 40 % supérieur à celui qui est en vigueur dans l'environnement immédiat, à l'île Maurice, par exemple.
Cette situation pénalise les compagnies aériennes dans leur politique de recherche de réductions tarifaires et freine, par conséquent, le développement touristique de l'île.
Le troisième problème, enfin, est celui de la pêche dans les terres australes et antarctiques françaises, les TAAF.
L'armement réunionnais, donc français, ne peut se développer si l'on augmente le nombre des opérateurs étrangers autorisés à pêcher dans les mers australes, car les ressources ne sont pas extensibles. On constate déjà une raréfaction de celles-ci !
A cela s'ajoute la question de la surveillance et de la pêche illégale : tout récemment, des bateaux de pêche étrangers ont été surpris quittant les eaux internationales pour entrer dans la zone française de Crozet ! Monsieur le ministre, l'avenir de la pêche industrielle française dans les TAFF est en danger.
En conclusion, je dirai que les récents événements qui se sont déroulés en Guyane sont révélateurs de la situation explosive qui prévaut dans les DOM. La Réunion souffre, comme les autres départements d'outre-mer, notamment la Guyane, d'un déficit cruel en enseignants. Je vous demanderai de bien vouloir y être attentif, monsieur le ministre, pour ne pas risquer de voir se répéter à la Réunion les émeutes survenues en Guyane et dont nous avons connu, hélas ! des précédents voilà quelques années.
Mais je sais, monsieur le ministre, que les départements d'outre-mer peuvent compter sur votre action et c'est pourquoi, à la fois à titre personnel et au nom du groupe de l'Union centriste, j'approuverai votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier l'ensemble des intervenants, notamment MM. les rapporteurs, à la fois pour la qualité et la pertinence de leurs observations et le ton relativement consensuel des prises de position, quelle que soit la sensibilité des uns et des autres.
Il a fallu attendre le 1er janvier 1996, c'est exact, pour que, après l'instauration de l'égalité institutionnelle des départements d'outre-mer avec la métropole, soit enfin achevée l'égalité sociale, conformément aux engagements du Président de la République.
Cinquante ans, c'est long ! Evitons de mettre encore cinquante ans pour réaliser l'égalité des chances en termes de développement.
L'élément le plus important à souligner est notre volonté à tous, y compris le Gouvernement, de mettre fin à une logique de rattrapage au profit d'une logique d'égalité des chances et de développement. Les départements d'outre-mer bénéficient désormais, avec les adaptations nécessaires à leurs spécificités, des grandes politiques lancées en métropole. C'est l'un des points les plus importants auxquels je m'attache : dès qu'intervient une mesure nationale, elle doit être appliquée à l'outre-mer, même si des adaptations sont nécessaires.
Certains d'entre vous, notamment M. Lagourgue, ont souligné toute la difficulté que nous éprouvons à mettre en oeuvre ces mesures en temps réel. C'est sans doute sur cet aspect qu'il importe de travailler.
Les crédits qui sont aujourd'hui soumis à votre examen représentent environ 11 % de l'effort global que l'Etat consacre à l'outre-mer. Ces crédits permettent au ministère de jouer son rôle de coordination et d'impulsion de l'action de l'Etat outre-mer ; ce sont ces crédits qui, depuis 1995 et, surtout, 1996, permettent à mon ministère de piloter directement les actions conduites en faveur de l'emploi, de l'insertion et du logement social, sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement.

Pratiquement tous orateurs - mais notamment M. du Luart, rapporteur spécial, et MM. Désiré, Blaizot et Lagourgue, rapporteur pour avis - ont souligné le fait que les crédits inscrits au budget du ministère de l'outre-mer ne représentaient pas tous les crédits concernant l'outre-mer. Comme vous, je le déplore. A l'exception des crédits relatifs au logement social, à l'emploi et à l'insertion professionnelle, il s'agit de crédits qui répondent à des situations données. Je souhaiterais, bien sûr, disposer de beaucoup plus de crédits disons « d'impulsion », orientés vers le développement et la création de richesses. L'an dernier, nous avons commencé à rapatrier au sein du budget du ministère de l'outre-mer un certain nombre de crédits. Il faut poursuivre dans cette voie.
Bien entendu, je souhaite vivement bénéficier de tous les soutiens nécessaires à cet effet. Ce n'est pas moi qui m'en plaindrai ! Je vous recommande vivement, mesdames, messieurs les sénateurs, d'intervenir sur ce sujet. Je sais que cela se fait : j'ai pu constater de telles interventions s'agissant du ministère de l'équipement ou du ministère de l'éducation nationale. En effet, par les temps qui courent, notre rôle est aussi de surveiller la gestion de ces crédits. L'outre-mer ne peut se confiner à moins de 5 milliards de francs, puisque 42 milliards de francs sont inscrits dans les autres ministères. Ce sont, bien sûr, ces enveloppes très importantes qu'il nous appartient aujourd'hui de surveiller.
Le projet de budget fixe les crédits à 4,86 milliards de francs, soit une progression de 0,1 % par rapport à 1996. Je ne m'étendrai pas sur le fait de savoir s'il s'agit d'une diminution en francs constants. Je ne me battrai pas sur le fait de savoir si ces crédits correspondent à une exacte reconduction ou non. Chacun a souligné l'exercice difficile de la contrainte budgétaire. Je dirai simplement à l'un des intervenants que ce qui a guidé l'élaboration de ce projet de budget, ce n'est pas Maastricht et le problème de la monnaie unique, mais un exercice budgétaire particulièrement difficile. Je ne rappellerai pas combien de budgets ont progressé ou diminué. Je préciserai simplement que nous sommes parmi ceux qui ont pu préserver une masse budgétaire tout de même importante.
Pour bien orienter les moyens de notre politique, il a fallu faire des choix. J'ai fait celui de l'emploi, priorité des priorités, avec la préservation des moyens qui y sont consacrés dans les départements d'outre-mer. C'est vers un véritable pacte de développement avec tout l'outre-mer que nous essayons aujourd'hui de nous engager.
La priorité est à l'insertion par l'emploi et le logement. Si je me suis engagé - nous nous sommes tous engagés - à donner la priorité absolue à l'insertion sociale, en outre-mer encore plus qu'en métropole, on ne peut pas séparer le problème du logement de celui de l'emploi.
Tous nos crédits pour l'emploi, vous le savez, sont regroupés au sein du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, le FEDOM. Ils s'élèvent à 1,5 milliard de francs et augmentent de plus de 43 %.
MM. Désiré et du Luart ont précisé que, compte tenu de l'exécution de la loi de finances, l'augmentation est en réalité de 11 %. C'est vrai, mais si on compare le présent projet de budget à la loi de finances initiale de 1996, on doit constater que l'augmentation est de 43 % ; en effet, je ne sais pas ce qui se passera en cours d'exercice.
Nous bénéficions des mêmes outils qu'en métropole, à savoir les contrats d'accès à l'emploi, très proches des contrats initiative-emploi - désormais ils sont meilleurs puisque nous ne les avons pas réorientés uniquement vers les chômeurs de longue durée, nous les avons maintenus tels qu'ils avaient été créés à l'origine et les contrats emploi-solidarité.
Nous disposons en plus des dispositifs spécifiques des contrats d'insertion par l'activité, les CIA, et des primes à l'emploi. Je reviendrai tout à l'heure sur les CIA.
La réunion en janvier prochain, du comité directeur du FEDOM me permettra de procéder à une répartition des crédits et de déterminer le niveau des solutions d'insertion. J'envisage, à l'heure actuelle, de proposer de retenir le chiffre de 15 000 contrats d'insertion par l'activité en 1997, contre 10 370 en 1996.
Je dirai à M. Lagourgue que ces contrats d'insertion par l'activité enregistrent une montée en puissance qui est réelle. Ils constituent peut-être déjà une manière de parvenir à une activation des dépenses du RMI puisqu'il s'agit de contrats réels d'insertion par l'activité, même si les dispositifs ne sont pas encore tout à fait satisfaisants.
Le nombre total de nouvelles solutions d'insertion financées par le FEDOM, c'est-à-dire le nombre de solutions qui vont venir s'ajouter aux contrats engagés au cours de l'année 1996 et qui l'année prochaine se poursuivront, sera de plus de 55 000 en 1997.
Je sais bien qu'il n'y en a jamais assez, mais, si l'on y ajoute le dispositif qui a déjà produit ses effets au cours de l'année 1996, on disposera d'un nombre non négligeable de solutions d'insertion.
M. Lagourgue a également évoqué le bilan peu satisfaisant des différentes dispositions que nous avions annoncées et les lenteurs dans leur mise en oeuvre. Il a notamment cité le chèque emploi-service. Je déplore, comme lui, qu'il en soit ainsi. Le problème du chèque emploi-service tient au fait que le dispositif d'exonération de cotisations sociales était plus avantageux en métropole pour les emplois à domicile. Par conséquent, il était plus difficile de mettre en place ce dispositif dans les départements d'outre-mer.
En l'occurrence, un certain nombre de réunions et de concertations ont été nécessaires, notamment avec le ministère des affaires sociales. Le problème me semble résolu et le dispositif pourra entrer en vigueur à compter du 1er janvier 1997.
Par ailleurs, les agences départementales d'insertion que nous avons mises en place en 1996 sont aujourd'hui totalement opérationnelles.
Plusieurs orateurs, notamment MM. du Luart et Lise, ont fait part de leurs réserves sur le fonctionnement de ces agences. Rien n'est jamais parfait, mais ce n'est pas aujourd'hui qu'il faut remettre en cause ce dispositif. En effet, le projet de loi sur la cohésion sociale, qui sera soumis prochainement au Sénat, prévoit pour la métropole un dispositif qui est inspiré de celui de l'outre-mer. Ce sera l'occasion pour nous, peut-être dès le début de l'année, d'établir un premier bilan avec les exécutifs départementaux, afin que les correctifs éventuellement nécessaires au bon fonctionnement des agences d'insertion soient mis en oeuvre.
Je l'ai dit d'emblée, nous voulions éviter la mise en place de ce qui aurait pu constituer une véritable usine à gaz. Il s'agit donc de regrouper au sein des agences l'ensemble des dispositifs d'insertion, de manière à être le plus proche possible du terrain. La qualité du fonctionnement de ces agences dépend pour beaucoup de la qualité des hommes qui sont mis en place et de la coopération entre les services de l'Etat et les services départementaux. Si nous sommes tous animés par la même volonté, nous n'aurons pas de problème. Puisque nous sommes vraiment disposés à corriger éventuellement le fonctionnement de ce dispositif, je n'ai aucune raison de penser que nous nous prendrons, si vous me permettez cette expression, les pieds dans le tapis.
En Nouvelle-Calédonie - M. du Luart l'a souligné - le dispositif « jeunes stagiaires pour le développement » sera, bien sûr, maintenu : 30 millions de francs lui seront consacrés, sur une enveloppe dont le montant total atteint, si ma mémoire est bonne, quelque 58 millions de francs. Il s'agit, vous avez pu le constater, d'une action qui donne de bons résultats sur le terrain...
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. ... et il faudra essayer de la renforcer. Toutefois, pour l'instant, j'ai reconduit les crédits.
A travers ce projet de budget pour 1997, le Gouvernement maintient son effort au profit de l'insertion professionnelle des personnes en grande difficulté, notamment des jeunes.
L'insertion des jeunes de l'outre-mer, c'est aussi la formation dispensée par le biais du service militaire adapté. Malgré la réduction prévue du format des armées, le Gouvernement a décidé de maintenir le service militaire adapté. Il sera même renforcé en Polynésie française, avec la création de 42 emplois supplémentaires qui viendront compléter l'unité de Papeete, et ce sans incidence sur les crédits prévus par la convention après-CEP, monsieur Millaud.
Enfin, l'insertion par le logement sera poursuivie. Les moyens affectés à la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte sont maintenus, en capacité d'engagement, à leur niveau de 1996, soit 1 150 millions de francs.
Cette dotation est gérée directement par le ministère de l'outre-mer. Par ailleurs, nous vérifions si quelques autres crédits répartis dans les autres ministères ne pourraient pas venir renforcer son montant. Cependant - je réponds ici à la fois à MM. Désiré, Lagourgue et du Luart - un certain nombre de dispositifs, que je finirai par énumérer dans un document, se mettent en place, dont le financement est indépendant des crédits inscrits dans la ligne budgétaire unique. La baisse des taux d'intérêt et le maintien, en francs courants, des moyens représentent un accroissement de capacité d'intervention de l'ordre de 100 millions de francs. Je sais bien que ce n'est pas encore suffisant,...
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Ce n'est pas négligeable !
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. ... mais ces crédits ont le mérite d'exister, il faut le souligner.
Au total, 15 000 opérations seront financées, puisque 11 000 logements seront construits et 4 000 réhabilités.
Par ailleurs, si la créance de proratisation - je m'adresse notamment à M. Lagourgue - est un peu plus faible que ce qu'elle devrait être, c'est parce que nous ne savons pas aujourd'hui avec précision quel sera le nombre des bénéficiaires du RMI. Le montant final sera vraisemblablement supérieur à celui qui a été fixé.
J'ai bien reçu le message à propos du logement des personnes les plus démunies. Nous avons fait un certain nombre de choses à ce propos et je me permettrai de répondre plus précisément sur ce point tout à l'heure.
En tout cas, en ce qui concerne les logements d'urgence, dont l'exécution a été décidée par le Gouvernement, un quota a été attribué aux départements d'outre-mer. Reste à savoir maintenant si, sur le terrain, l'exécution de ces logements d'urgence a suivi. Je sais que, dans un ou deux départements, il y a eu quelques problèmes, mais je crois que l'exécution a suivi en Guadeloupe.
La mise en oeuvre d'une « charte de l'habitat » dans une programmation concertée avec l'Etat permettra d'associer élus, opérateurs du logement et professionnels du bâtiment.
J'ajoute, en réponse à M. du Luart et aux autres orateurs qui ont soulevé cette question, que nous mettrons en place le prêt à taux zéro au début de l'année 1997. Le seul problème de son adaptation à l'outre-mer tient au fait que les mécanismes des prêts spéciaux immédiats subventionnés sont plus avantageux dans les départements d'outre-mer que les mécanismes du prêt à taux zéro tel qu'il est pratiqué en métropole. Pour instituer un véritable prêt à taux zéro outre-mer, nous étions donc obligés de trouver un autre système, notamment peut-être la suppression du PSI non subventionné qui ne fonctionnait pas très bien. Je m'en excuse, monsieur Lagourgue, mais il faut bien trouver l'argent quelque part et, pour l'instant, nous serons obligés de voir avec a LBU ce que nous pourrons faire. Cependant, il faut tout de même bien voir que cela a un effet d'entraînement. En effet, derrière la petite somme complémentaire pour réaliser ce prêt à taux zéro, il y a tout un mécanisme qui se met en place, notamment en termes de construction.
Je rappelle qu'en métropole le prêt à taux zéro a été financé par la suppression des PAP. Il a donc été financé dans le cadre d'une enveloppe budgétaire.
Il faudra, bien entendu, surveiller la manière dont cela se fera. Pour ma part, je ne suis pas opposé à ce que l'on recherche d'autres solutions.
Dans ces domaines, je le répète car c'est vraiment la pierre philosophale, la pierre angulaire de toute la politique outre-mer, il faut prendre réellement en compte les spécificités de chaque département, territoire ou collectivité territoriale. En effet, on ne résout pas les problèmes de la même manière à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou en Guyane.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. La collaboration avec les collectivités d'outre-mer sera accentuée dans cet objectif de progrès économique et social.
Après l'égalité sociale, il faut bien sûr, et vous l'avez tous compris, mettre en oeuvre une égalité des chances pour le développement. C'est un objectif commun à l'ensemble de l'outre-mer.
Cet objectif ne peut pas être mené unilatéralement de Paris. Il doit associer Etat et collectivités territoriales, dans le respect, bien sûr, des compétences de chacun.
Nous poursuivrons notre effort d'accompagnement des collectivités d'outre-mer malgré un aménagement national dans la programmation des contrats de plan. Je sais bien que, dans son rapport, M. Désiré a émis quelques réserves. Dans le contexte actuel, j'essaie au moins de faire en sorte que l'exécution des engagements contractuels de l'Etat soit la priorité des priorités. J'ai, sur ce point, l'appui de M. le Premier ministre et de M. le Président de la République. Je demande que les engagements contractuels pris par l'Etat soient respectés. Si nous y parvenons dans les prochains mois, ce sera déjà un grand pas de fait vers plus d'activité et plus de moyens financiers.
La semaine dernière, j'ai fait part aux responsables de Wallis-et-Futuna de mon souci que les engagements budgétaires prévus au titre du contrat de plan et de la convention de développement soient tenus.
Je réunirai une commission de coordination des investissements pour ce territoire. Une délégation était présente la semaine dernière. J'ai agi dans le même esprit, voilà quelques semaines, pour Mayotte. M. Henry l'a souligné. La procédure qui consiste à réunir département par département, territoire par territoire ou collectivité par collectivité un comité sur les problèmes d'investissement avec l'ensemble des responsables ministériels, notamment ceux du budget, est certainement la meilleure manière de faire avancer les choses.
En 1997, les fonds d'investissement pour les départements d'outre-mer et pour le développement économique des territoires d'outre-mer bénéficient d'une dotation de 374 millions de francs en autorisations de programme et de 394 millions de francs en crédits de paiement, ce qui permettra à l'Etat de jouer son rôle de partenaire économique des collectivités territoriales et de l'Union européenne.
La réforme du fonds d'investissement des départements d'outre-mer permettra, comme certains d'entre vous l'ont souligné, de financer des mesures spécifiques d'aménagement du territoire. Certes, la section décentralisée du FIDOM, à laquelle vous étiez attachés - je le suis d'ailleurs moi aussi, ainsi que l'ensemble des ministres de l'outre-mer qui se sont succédé - est en diminution. Ce n'est pas faute d'avoir mené le combat et les batailles successives, mais nous devons bien constater que ces crédits n'ont cessé de diminuer, pour atteindre aujourd'hui 50 millions de francs. In cauda venenum ! Il fallait cependant commencer dès le début à crever l'abcès et bien dire que nous étions extrêmement attachés à cette section.
En revanche, ce sur quoi il faut se battre plus que jamais aujourd'hui - et je réponds là à un certain nombre d'intervenants - c'est sur les crédits de paiement en matière de FIDOM à la fois global et décentralisé. Nous connaissons en effet ces retards en la matière et, pour l'instant, nous en sommes au point mort. Nous avons mené une expertise contradictoire avec le ministère de l'économie et des finances et, selon les instructions du Premier ministre, le chiffre définitif devrait être fixé avant la fin de cette année entre le ministère de l'outre-mer et le ministère de l'économie et des finances. Je ne peux donc pas donner de chiffre aujourd'hui, mais celui-ci devrait être de l'ordre de plusieurs centaines de millions de francs. M. le Premier ministre devra ensuite arbitrer entre le ministère extrêmement dépensier qu'est le ministère de l'outre-mer et le ministère extrêmement protecteur de nos finances publiques - mais tel est bien son rôle légitime - qu'est le ministère de l'économie et des finances.
C'est en tout cas un engagement que je prends, et je me battrai sur cette question parce que j'ai bien conscience qu'un certain nombre de collectivités locales ont engagé, à la suite de l'ouverture d'autorisations de programme, des crédits de paiement pour préfinancer des opérations et se trouvent donc dans une situation extrêmement difficile. Vous pouvez compter sur moi, d'autant que ce n'est pas le seul ministre qui se battra, mais aussi et surtout l'élu local.
A la décharge du Gouvernement, il faut souligner que nous avons essayé d'entamer une certaine remontée des crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme. Je ne veux faire de procès politique à aucun de mes prédécesseurs, mais je dois bien constater que, ces dernières années, on a ouvert des autorisations de programme d'une manière extraordinaire sans prévoir aucun crédit de paiement. Lorsque ce gouvernement a pris ses fonctions en 1993, il a donc dû résoudre ce problème. Or, à l'époque où les autorisations de programme avaient été ouvertes, la croissance était un peu plus soutenue qu'aujourd'hui ; actuellement, nous traversons une période très difficile. Cependant, avec la conjonction de tous nos efforts, je ne désespère pas de commencer, en 1997 et en 1998, un rattrapage des crédits de paiement.
En contrepartie de la suppression du FIDOM décentralisé, j'ai obtenu une enveloppe de 27 millions de francs pour engager une politique d'aménagement du territoire dans les départements d'outre-mer.
Monsieur Désiré, vous avez souligné dans votre rapport la nécessité de bien veiller à ce que les crédits nécessaires à cette politique soient engagés. Je ne puis vous donner une estimation sur ce que seront les crédits nécessaires à la politique d'aménagement du territoire, mais les 27 milions de francs auxquels j'ai fait allusion nous permettront d'engager cette politique au cours de l'année 1997. Quoi qu'il en soit, cette ligne budgétaire devra être dotée de 80 millions à 100 millions de francs pour être efficace.
M. Blaizot m'a posé la question du calendrier.
Je présenterai dans les prochains mois au Parlement - tout au début de l'année prochaine, je l'espère - un projet de loi d'aménagement du territoire adapté aux DOM. L'objet de ce texte sera de favoriser par des incitations fortes l'implantation dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon d'activités nouvelles tournées vers l'exportation. Il visera à reconnaître un zonage ultra-périphérique puisque la loi Pasqua n'y produisait pas tous ses effets.
Nous poursuivrons également la politique de coopération avec les territoires d'outre-mer, qui sont véritablement, avec leur statut propre, les acteurs de leur développement.
La Nouvelle-Calédonie bénéficiera d'une dotation d'investissement de 390 millions de francs, ce qui représente, par rapport à 1996, une hausse de 3 % des moyens de paiement. Ainsi, les engagements de l'Etat pris lors des accords de Matignon seront intégralement respectés.
Il faut préserver les crédits de l'ADRAF, et je ne vous cache pas qu'ils avaient failli être gelés ou gagés. Mais nous sommes immédiatement montés au créneau et leur montant a été préservé, pour 1997, à 6 millions de francs, c'est-à-dire qu'ils ont retrouvé leur niveau de 1995.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Il va falloir repasser à 10 millions de francs !
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Oui, vous avez raison, mais, selon les estimations qui sont faites aujourd'hui, ces crédits sont bien consommés à concurrence de 5,5 millions à 6 millions de francs. Il faudra en tout cas revenir sur ce dossier.
S'agissant du nickel et de l'usine du Nord, nous avons repris le dialogue avec chacun des partenaires calédoniens.
Vous noterez qu'en Nouvelle-Calédonie les contrats de développement ne subissent pas l'incidence de l'étalement sur une année supplémentaire, comme la participation à l'effort budgétaire national l'impose dans les autres départements et territoires.
Une nouvelle étape des relations entre l'Etat et les territoires d'outre-mer a été marquée, cette année, par la loi organique du 12 avil 1996, qui élargit l'autonomie de la Polynésie française au sein de la République. Le Premier ministre et le président du gouvernement de la Polynésie française ont signé, le 25 juillet 1996, une convention pour le renforcement de l'autonomie économique du territoire.
Par cette convention, l'Etat s'est engagé, pour une durée de dix ans, à maintenir au bénéfice de l'économie de la Polynésie les flux financiers qui résultaient du Centre d'expérimentation du Pacifique. Le montant de référence est fixé à 990 millions de francs par an, et je suis partisan comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, d'isoler ces flux du budget du ministère de la défense, afin des rendre plus visibles.
Je rappelle à M. Jean-Marie Girault que nous proposerons au Parlement une modernisation de la loi sur les communes de Polynésie française à la suite du rapport qui a été présenté récemment au Gouvernement.
La commission paritaire sera mise en place dans les tout prochains jours, ainsi que le prévoit la convention, et associera l'Etat, les communes et le territoire. Un droit d'entrée des communes est d'ailleurs prévu pour la présentation de projets, et elles devront l'utiliser dans le cadre du fonds créé par la convention.
Enfin, l'effort de collaboration sera renforcé à l'égard des collectivités locales en difficulté, dont la situation financière est globalement plus dégradée qu'en métropole alors même que leur influence sur l'activité économique est relativement supérieure à celle des collectivités de métropole.
Je sais que les crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 1997 sont insuffisants - ils l'étaient également en 1996 - mais, dans le projet de loi de finances rectificative dont vous débattrez bientôt, j'ai pu obtenir une enveloppe de 10 millions de francs pour la ville de Cayenne.
Ce geste important de la part de l'Etat a permis la signature, il y a quinze jours, d'un protocole d'accord.
Venant d'évoquer la ville de Cayenne, j'en viens tout naturellement à m'arrêter quelques instants sur les mesures annoncées à l'occasion du déplacement que j'ai effectué en Guyane.
A l'issue des entretiens que nous avons eus sur place avec l'ensemble des interlocuteurs qu'il convenait d'entendre et d'écouter - le représentant de l'Etat, mais aussi les parlementaires, les élus de la région, du département, des communes, les représentants syndicaux, le collectif des lycéens, des enseignants, des parents d'élèves, ou encore les milieux socioprofessionnels - le ministre de l'éducation nationale a annoncé des décisions importantes.
La première est la création, dans ce département, d'un rectorat de plein exercice. Il s'agit d'ailleurs d'une demande ancienne puisque je me souviens que, en 1987, lors d'un premier déplacement que j'avais effectué en Guyane avec M. Jacques Chirac, alors Premier ministre, ce dernier avait insisté sur la nécessité de mettre en place ce rectorat. Nous avons certainement un peu tardé, car on ne peut pas gérer à 2 000 kilomètres de distance les problèmes guyanais, qui sont totalement différents de ceux des Antilles.
Je le dis cependant ici - et j'anticipe de ce fait sur la réponse que j'apporterai tout à l'heure à M. Vergès - il s'agit, pour la Guyane, d'un rattrapage par rapport aux Antilles. La technique qui consiste à regarder ce qui est fait chez les autres et à le demander pour soi n'est donc pas bonne, il faut prendre en considération ce que l'on a déjà chez soi. En l'occurrence, un rattrapage était nécessaire en Guyane par rapport aux Antilles et c'est dans ce cadre que nous nous sommes engagés.
La deuxième décision est la mise en oeuvre d'un plan de rattrapage devant permettre, sur deux rentrées scolaires, l'entrée dans l'enseignement primaire et préélémentaire des effectifs non scolarisés à ce jour, soit l'équivalent d'environ 3 000 enfants. Plusieurs dizaines de classes - entre 60 et 100 selon des estimations qu'il convient désormais d'affiner en liaison avec les communes d'accueil - devront être ouvertes à cette fin.
Pour l'enseignement secondaire, des crédits exceptionnels, notamment en matière de sécurité, seront dévolus à la prise en charge des besoins les plus urgents des collèges et des lycées, en liaison avec le département et la région de Guyane.
Il existe, bien sûr, des crédits pour remplir ces engagements, notamment en matière de travaux de sécurité. Pourquoi ne peut-on pas débloquer ces crédits ? Parce que, face à la contribution de l'Etat, qui intervient pour 50 %, il n'y a pas de contribution des collectivés locales. La démarche de bon sens serait tout simplement, dans ces conditions, d'éviter de demander à des collectivités une compensation qu'elles ne peuvent pas assumer et d'utiliser au moins les crédits disponibles. Il faut, en effet, mettre en oeuvre immédiatement les différentes mesures qui ont été annoncées.
Par ailleurs, le soutien aux partenaires économiques est renforcé.
Le développement économique passe par la dynamisation des secteurs traditionnels, qui représentent un potentiel d'activité et d'emploi irremplaçable.
Là aussi, l'Etat, qui ne peut pas se substituer aux producteurs et aux entreprises, jouera pleinement son rôle de partenaire actif. Nous veillerons à ce que les intérêts des producteurs outre-mer - je pense en particulier aux secteurs de la banane et du sucre - soient en permanence pris en compte aux niveaux européen et mondial.
A ce sujet, je rappelle que les Assises de l'égalité et du développement, que j'ai réunies en février à Paris, ont donné lieu à des mesures d'amélioration de l'accès au financement des entreprises. Je réponds, à cet égard, aux questions soulevées par M. du Luart dans son rapport et je pense plus particulièrement à l'abaissement du taux de réescompte et à la conclusion d'une convention SOFODOM-SOFARIS. Ce sont des petites mesures techniques, mais elles peuvent libérer beaucoup d'énergie.
Le fonds de participation aux PME, destiné à renforcer la structure même des entreprises, c'est-à-dire leurs fonds propres, a été étendu à la Guadeloupe.
Ces mesures seront prolongées et amplifiées en 1997 par la mise au point d'une inflexion des actions du groupe de la Caisse française de développement dans le sens d'une plus grande adaptation à la situation des entreprises et du réseau bancaire de chaque département.
Ces actions en faveur du développement économique ne peuvent être menées en faisant abstraction de la dimension internationale de l'outre-mer. Nous avons ainsi créé, au sein même du ministre de l'outre-mer, un bureau des affaires internationales pour suivre toutes les actions de coopération régionale, ce qui complète l'action menée sur les grands dossiers européens, qu'il s'agisse des actions de défense de l'OCM banane ou de celle qui est menée dans le cadre de la conférence intergouvernementale.
Dans cet état d'esprit, j'ai demandé et obtenu que le prochain comité interministériel de la mer, qui se tiendra en 1997, soit consacré à l'outre-mer.
Je souhaite que les représentants des collectivités d'outre-mer deviennent de véritables acteurs de la coopération régionale et contribuent à l'action diplomatique française. Il en va du progrès économique de l'outre-mer et du rayonnement de la France.
Voilà trois semaines, je réunissais en Guadeloupe, avec mon collègue Jacques Godfrain, les élus de nos trois départements français d'Amérique. Il me paraît, en effet, essentiel de mieux coordonner, en liaison avec mes collègues des affaires étrangères et de la coopération, nos différentes initiatives dans nos zones outre-mer, de mettre en synergie les actions des préfets, des ambassadeurs, des commandants supérieurs des forces armées et des élus.
Je tiens particulièrement ici à remercier Mme Lucette Michaux-Chevry, que le Président de la République a nommée auprès de lui pour développer cette coopération régionale dans les Caraïbes. Son rôle, identique à celui de M. Gaston Flosse pour le Pacifique-Sud, est essentiel pour l'intégration de nos collectivités et l'expansion de nos entreprises dans leur environnement régional.
Dans l'océan Indien, nous avons également la volonté d'intégrer l'ensemble des collectivités - et notamment Mayotte - ainsi que les entreprises au développement économique de la zone.
Dans l'Atlantique-Nord, la coopération entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada est en marche. Comme vous l'avez souligné, l'accord franco-canadien du 2 décembre 1994 se traduit désormais par des avancées concrètes, qu'il s'agisse des projets avec les provinces atlantiques et canadiennes ou de la pêche, avec la levée progressive du moratoire sur la morue.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget se maintient à 0,31 % des dépenses de l'Etat. Il doit s'analyser comme un compromis entre la maîtrise des dépenses publiques, qui s'impose à tous les budgets ministériels, et les besoins prioritaires des départements et des territoires d'outre-mer.
Comme vous l'avez vu, il met l'accent sur la politique contractuelle, qui est plus spécifiquement axée sur l'aménagement du territoire et sur l'insertion sociale et professionnelle. C'est la mise en oeuvre des grandes orientations fixées par les assises de l'égalité sociale. C'est le premier pas d'un pacte pour le développement de tout l'outre-mer.
Monsieur le président, il me reste à répondre aux questions des différents intervenants. Puis-je le faire maintenant ou dois-je attendre la reprise de la séance, à quinze heures ?
M. le président. Monsieur le ministre, le Gouvernement dispose d'autant de temps qu'il le souhaite. C'est à vous d'apprécier si vous ne risquez pas de mécontenter vos collègues ministres en retardant l'heure de passage de leur budget.
S'il vous est possible de répondre aux orateurs dans les quinze minutes qui viennent, pourquoi pas ? Sinon, sans doute serait-il plus prudent de suspendre maintenant nos travaux et de les reprendre à quinze heures.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Je vais m'efforcer de répondre aux questions dans les quinze minutes qui viennent ; mais cela me conduira à écourter mon intervention alors qu'il m'avait été indiqué que je disposais de quarante-cinq à cinquante minutes et que nous achèverions la discussion du budget de l'outre-mer cet après-midi. En tout état de cause, je n'empiéterai donc pas sur le temps de mes collègues ministres.
Je remercie Mme Michaux-Chevry d'avoir souligné l'ampleur des efforts, ainsi que la nécessité d'une meilleure coordination.
Mon souhait essentiel est que chaque département d'outre-mer soit représenté aux assises du développement et qu'y viennent même ceux qui considèrent qu'il ne s'agirait que d'une sorte de grand-messe à laquelle il ne faudrait pas s'associer.
En effet, ce qui m'inquiète bien souvent, c'est le nombre des demandes que les uns et les autres qualifient toutes de prioritaires et qu'il faut mettre en cohérence, car il n'est pas possible de tout faire seul. On a besoin à la fois de l'Etat, de la région, du département, des mairies, et même de l'Europe. Il nous faut tous nous asseoir autour d'une table pour essayer de définir des priorités, même si elles ne doivent pas toutes être satisfaites.
Madame le sénateur, vous avez posé une question qui me paraît importante sur le fonds de péréquation des transports aériens. Il ne s'agit nullement de supprimer les transports aériens de chaque région, et le fait que la Guadeloupe fasse partie d'un archipel - vous m'en avez bien souvent vanté les mérites, mais cela présente aussi des inconvénients - sera pris en compte.
J'ai récemment demandé à M. Dominique Bussereau, député, qui a été nommé chargé de mission, de me remettre un rapport sur ces problèmes de transport. C'est aujourd'hui chose faite.
Bien sûr, nous tiendrons compte de l'état respectif d'Air Martinique, d'Air Guadeloupe et d'Air Guyane. Sans aller immédiatement, ce qui serait très difficile, jusqu'à créer une compagnie régionale unique, je pense que chacun pourra garder sa spécificité, tout en coordonnant mieux ses actions. Chacun pourra ainsi bénéficier pleinement du soutien que peut apporter le fonds de péréquation des transports aériens à ce que je considère, pour ma part, comme une activité régionale. Sinon, que voudrait dire les expressions « région Antilles-Guyane », ou « marché unique régional » ?
Je vous remercie également, madame le sénateur, pour l'aide que vous avez apportée, notamment dans l'amélioration du logement social et la mise en cohérence avec les actions engagées par le Gouvernement.
Vous avez souligné le problème des délais de mandatement. Le travail que fait la région, l'Etat aussi s'efforce de le faire.
Je rappelle d'ailleurs qu'une disposition extrêmement importante édictée par M. le Premier ministre vient d'être mise en oeuvre dans les départements d'outre-mer : elle consiste à considérer que, si l'Etat ne remplit pas ses engagements vis-à-vis de telle ou telle entreprise, celle-ci ne peut plus être poursuivie pour ses dettes fiscales ou sociales. Voilà qui s'imposera à tous et qui obligera nos administrations à faire preuve de plus de diligence.
J'ai bien noté la mise en place du projet DELGRES qui, si mon souvenir est exact, est aussi le nom du fort de Basse-Terre. Ce projet pilote est d'une extraordinaire ampleur et d'un tel dynamisme que je puis vous assurer du soutien du ministère de l'outre-mer, dans la mesure de ses possibilités et de ses moyens. Mais je crois nous ne pourrons avancer qu'en mettant en synergie l'ensemble de nos moyens.
J'en viens à la réforme foncière en Guadeloupe. La SAFER de Guadeloupe est actuellement au point mort et il faut sûrement la revitaliser. Je viens d'ailleurs de saisir le ministre de l'agriculture de cette question.
Je reviens sur le problème du pool bancaire et des groupements de producteurs de bananes, qui sont chargés de recevoir l'aide compensatoire et de la reverser aux planteurs.
Les groupements guadeloupéens, mais aussi martiniquais, sont aujourd'hui confrontés à des difficultés de financement en raison de la faiblesse des cours de la banane. Lorsqu'ils versent des avances aux planteurs, ils doivent faire face à leurs besoins de trésorerie, qui sont d'autant plus importants que les cours sont bas.
Le préfet de Guadeloupe doit incessamment rencontrer les banquiers locaux, et j'ai donné la consigne de faire preuve d'une grande efficacité dans le déblocage de ce dispositif.
Monsieur Lise, je ne reviendrai pas sur l'importance du budget, car j'en ai déjà parlé.
Vous avez souligné, en une ou deux phrases, la réduction des crédits, ce que je ne pense pas être la réalité.
Ainsi, en ce qui concerne la LBU, vous avez prétendu que certains crédits de paiement risquaient de manquer. Or, au moment de l'arbitrage budgétaire, puisque nous avons maintenu à niveau les autorisations de programme, M. le Premier ministre a pris l'engagement de prévoir les crédits de paiement qui seraient nécessaires sur la LBU en cours d'année, si le besoin s'en faisait sentir.
Au sujet de la LBU, vous avez utilisé le terme d'« effondrement » ; c'est terme un peu fort à mon sens. Même si nous n'arrivons pas à répondre aux énormes besoins qu'il faudrait couvrir, j'estime qu'il ne s'agit pas tout à fait d'un effondrement.
Lourdeur, rigidité et inadaptation des procédures, j'en suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le sénateur. Mais il ne faut pas oublier - sans vouloir les mettre en cause - le rôle des élus.
Je prends la part de responsabilité de l'Etat car, bien souvent, nous parlons globalement des crédits, notamment des dotations de la LBU, plutôt que concrètement. Nous oublions trop souvent qu'il s'agit de projets particuliers, portant sur un lycée ou un collège, par exemple, et que, s'il faut penser globalement à une politique pour l'outre-mer, il faut surtout agir localement pour essayer de répondre aux besoins.
A propos du FEDOM, notamment des agences départementales d'insertion, qui sont mal adaptées à leur mission, voyons ensemble comment nous pourrions non pas remettre en cause l'ensemble du dispositif, mais revoir certaines des procédures.
Vous avez conclu en évoquant le problème des deux assemblées départementales et votre souhait d'aller vers une assemblée unique. Je pense que nous devrions bien réfléchir avant de modifier le système en vigueur. En effet, d'abord, la période actuelle n'est peut-être pas propice aux réformes institutionnelles. Ensuite, l'on s'engagerait ainsi sur un chantier extrêmement lourd.
Par ailleurs, mon expérience des deux assemblées m'a prouvé qu'elles représentaient deux fois plus de décentralisation et permettaient d'équilibrer le jeu des pouvoirs. Imaginez une assemblée unique, avec un seul président, un seul bureau... quelle que soit la majorité. Que dirait-on ?
Je suis tout à fait ouvert à une telle réflexion. Mais il faudrait, si tout le monde en était ainsi d'accord, modifier en conséquence la Constitution.
Je voudrais également souligner qu'à la suite de la réunion sur la LBU à la Martinique nous avons décidé, avec les services du conseil général, de passer à une gestion pré-opérationnelle, c'est-à-dire pluriannuelle de la LBU, de manière à essayer de résoudre un certain nombre de cas.
Mais les élus locaux ne sont pas, eux non plus, totalement indemnes de reproches. Ainsi, des réseaux d'assainissement sont nécessaires pour réaliser des constructions, et ce sont normalement les communes qui doivent en assumer la charge. Or les travaux nécessaires ne sont pas toujours réalisés, et de nombreuses opérations doivent être reportées, retardées. Et c'est avec la LBU que sont financés non seulement le logement social, mais aussi les réseaux d'assainissement, afin que certaines opérations soient réalisées.
Je ne sais que répondre à M. Bécart après avoir entendu son discours. J'ai simplement envie de vous poser une question, monsieur le sénateur : êtes-vous déjà allé en outre-mer ? Avez-vous visité les départements d'outre-mer, notamment la Guyane ? A vous entendre, je n'en suis pas certain.
Vous nous avez reproché d'organiser la consommation artificielle des ménages, alors qu'il s'agit pour nous de promouvoir l'égalité sociale. Vos propos m'ont inquiété parce que, me semble-t-il, le parti que vous représentez demande de relever le pouvoir d'achat de l'ensemble des Français et qu'il serait inconvenant de traiter différemment les Français de métropole et ceux de l'outre-mer.
Vous m'avez demandé pourquoi le Gouvernement n'avait pas saisi l'occasion de la conférence intergouvernementale pour faire figurer au coeur du traité la fameuse annexe. Croyez bien qu'on ne vous a pas attendu !
L'ensemble des parlementaires de l'outre-mer se sont réunis à Strasbourg. Et depuis trois ans, nous travaillons d'arrache-pied. Nous sommes d'ailleurs parvenus à un texte qui, parce qu'il est un peu différent de celui de nos homologues portuguais et espagnols, va être soumis à arbitrage, sous la présidence irlandaise.
Nous n'avons donc pas attendu aujourd'hui pour agir. Si tel avait été le cas, nous porterions effectivement une réelle responsabilité.
Je crois qu'il vous faut étudier plus attentivement les rapports, notamment ceux de vos collègues qui sont plus proches de votre sensibilité et qui connaissent bien les départements et territoires d'outre-mer : je suis certain que vous y apprendriez bien des choses.
Monsieur Othily, « le système départemental a atteint ses limites », m'avez-vous dit. Je ne vais pas vous répondre à cette tribune que je pense comme vous : cela créerait un événement ! Je dois reconnaître toutefois que la citation que vous avez faite du général de Gaulle ne m'est pas du tout indifférente.
Cela étant, il s'agit d'une affaire dont la Guyane doit se saisir et pour laquelle elle doit trouver un consensus global.
Il faut bien comprendre que, si nous sommes attachés au département de la Guyane, l'organisation même et la mise en place de toutes les structures départementales, qui sont, il faut bien le dire, en décalage total avec la progression démographique, ne permettent pas de résoudre les problèmes.
Quand on me demande, comme vous l'avez fait, monsieur du Luart, comment les choses se passent et si elles sont réglées, je réponds qu'elles le sont peut-être, pour un temps, en matière d'éducation, mais que le problème fondamental de la Guyane est bien celui de l'immigration ! La Guyane est en effet passée de 80 000 habitants en 1983, à 160 000 habitants, voire plus, en 1996. Tant que l'on n'aura pas une politique d'immigration, conforme à nos valeurs républicaines et au pacte républicain - car il ne s'agit pas de mettre dehors n'importe qui n'importe comment - les problèmes demeureront !
J'ai 1 250 kilomètres de frontières à protéger et, sur le Maroni, je ne dispose que de trois pirogues ! Même si, demain, j'en avais cinq avec deux gendarmes et un guide à bord, cela ne résoudrait rien ! Je travaille depuis six mois sur une véritable politique de l'immigration pour la Guyane et un plan devrait être mis en place qui passe aussi par la coopération avec le Suriname et le Brésil. Mais cela se fait petit à petit.
Vous m'avez demandé d'élargir la défiscalisation aux opérations de restauration du patrimoine bâti guyanais. Nous l'avons fait pour le logement intermédiaire. Mais je retiens votre idée. Il n'y a pas, à ma connaissance, de secteur sauvegardé aujourd'hui en Guyane. Parmi les dispositions de notre arsenal législatif relatif au patrimoine - Dieu sait si je les connais compte tenu de ma qualité de maire de Sarlat - il faut voir si l'une d'elle ne pourrait pas être adaptée à la Guyane pour permettre des opérations de restauration du patrimoine : je pense notamment à la ville de Cayenne, où il existe de très beaux bâtiments.
S'agissant de l'agence régionale de l'hospitalisation qui vient d'être créée, il s'agit d'une toute petite structure comprenant une dizaine de personnes. Elle ne va donc pas mettre en place à elle seule toute la politique hospitalière, mais elle va gérer et définir les missions de chaque hôpital.
Si elle avait été créée en Martinique, on m'aurait demandé pourquoi je ne l'avais pas créée en Guadeloupe, et si elle l'avait été en Guadeloupe on m'aurait dit l'inverse ! Même si son site principal est en Guadeloupe, j'ai demandé que les réunions se tiennent à tour de rôle dans chacun des départements, et M. Jacques Barrot m'a donné son accord. Les choses se régleront donc sur place, c'est bien clair !
M. le président. Monsieur le ministre, compte tenu du fait qu'il vous reste à répondre à huit orateurs et que cela vous amènerait au-delà de treize heures trente, je vous propose d'interrompre maintenant votre réponse et de la poursuivre à quinze heures quinze.
Cela étant, je suis à la disposition du Gouvernement, moi qui présiderai les travaux du Sénat cet après-midi et ce soir.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Je termine ma réponse à M. Othily, si vous le permettez, monsieur le président. A la reprise, je poursuivrai avec la réponse à M. Vergès.
Monsieur Othily, nous allons déposer un amendement permettant la création d'une commission de validation des titres dans le cadre du projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géographiques dans les DOM. Je retiens votre demande pour la Guyane.
S'agissant de l'évolution des crédits du ministère, vous avez posé des questions sur ceux qui sont consacrés à l'investissement. Ce que nous cherchons à faire - et ce que nous avons fait, je crois qu'on peut le dire - c'est à respecter les engagements du contrat de plan.
Ainsi, le chapitre est entièrement contractualisé, ce qui représente au total 102 millions de francs de crédits, soit 20,2 millions de francs par an sur cinq ans. L'étalement sur six ans de la mise en oeuvre du contrat de plan, qui a été décidé par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997, entraîne une légère baisse de montant des crédits inscrits à ce chapitre. Toutefois, l'intervention du FEDER en 1996, qui atteint 16 millions de francs en autorisations de programme et 12 millions de francs en crédits de paiement, permet de les maintenir à un niveau constant.
S'agissant de la route reliant Régina à Saint-Georges, les crédits de l'Etat augmentent en effet de 10 millions de francs par an à partir de 1997, conformément à un engagement pris par M. le Premier ministre.
S'agissant des mines, le projet de loi relatif au code minier qui a été déposé au Parlement à l'automne devrait être examiné au début de l'année prochaine.
Enfin, pour ce qui concerne la pêche, le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines s'applique pleinement aux départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et aux îles Eparses, partiellement à Mayotte et aux terres Australes et Antarctiques françaises, mais il ne concerne ni Wallis-et-Futuna, ni la Nouvelle-Calédonie.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais apporter, un peu rapidement j'en conviens, aux premiers orateurs. Je poursuivrai cet après-midi, monsieur le président, car il reste encore des points importants, que je m'en voudrais de ne pas évoquer. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze, avec la suite de la réponse de M. le ministre.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à quinze heures quinze.)