M. le président. « Art. 24 quater. - Il est institué, pour 1997, une contribution exceptionnelle au budget de l'État sur les excédents financiers des organismes paritaires collecteurs agréés pour recevoir les contributions des employeurs prévues à l'article 30 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984).
« A cet effet, le compte unique prévu par le I de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1986 (n° 86-1318 du 30 décembre 1986) est soumis à une contribution exceptionnelle au budget de l'État, égale à 40 % de sa trésorerie nette au 31 juillet 1997.
« La contribution est versée au comptable du Trésor du lieu du siège social de l'organisme gestionnaire du compte unique avant le 1er septembre 1997. Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et sanctions relatifs à cette contribution sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.
« Un décret en Conseil d'État déterminera, le cas échéant, les conditions d'application du présent article. »
Sur l'article, la parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, le Gouvernement a dit que, chaque fois qu'il aurait une décision à prendre, il l'examinerait en fonction de sa qualité au regard de l'emploi. Pour votre part, vous avez dit qu'il fallait réduire les charges des entreprises. Je veux vous faire toucher du doigt qu'il n'en est rien.
L'article 24 quater, introduit à l'Assemblée nationale par M. Jégou, institue un prélèvement exceptionnel de un milliard de francs sur les excédents financiers de l'Association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, excédents qui s'élèvent à 2,5 milliards de francs.
On a donc opéré - et vous l'avez accepté ! - un prélèvement sur les fonds d'insertion professionnelle des jeunes, provenant de la participation des entreprises au financement des contrats d'alternance.
C'est là mon retour à une méthode de gestion contestable ! Déjà, en 1991, un de vos prédécesseurs avait prélevé 6,4 milliards de francs sur le fonds de réserve de l'ORGANIC. A l'époque, j'avais qualifié ce procédé - je n'ai pas changé d'avis - de « racket de fonds tentant ».
Mieux vaut, à mon sens, abaisser le taux des cotisations que de faire ce type de prélèvements.
Cette fois-ci, la situation est bien plus grave puisqu'elle a une incidence sur l'insertion professionnelle des jeunes.
L'AGEFAL a été créée en 1986 pour recevoir les disponibilités excédentaires des organismes collecteurs et les redistribuer aux organismes déficitaires, principalement pour la formation des PME artisanales.
J'avais déjà mis l'accent, en 1994, sur les retards ou le gel des fonds résultant de ce système de collecte.
Nous sommes aujourd'hui en période transitoire puisque les nouveaux organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, continuent de financer des contrats de qualification sur la base d'engagements pris par les anciens organismes.
Cette phase dite de « dévolution » explique cet excédent de 2,5 milliards de francs.
Sur ces 2,5 milliards de francs, 2,1 milliards de francs sont déjà réservés pour répondre aux besoins des OPCA déficitaires, pour les actions de formation déjà engagées.
Quant aux 400 millions de francs restants, ils constituent effectivement une réserve pour financer les futurs engagements, pas encore réalisés mais attendus d'ici à décembre 1997.
Prélever 1 milliard de francs sur les fonds gérés par l'AGEFAL conduit les OPCA à réduire ou à arrêter purement et simplement la signature des contrats de formation en alternance dès qu'ils ont consommé leurs propres ressources.
Réduire les ressources financières de l'AGEFAL, c'est aussi pénaliser en premier lieu les entreprises de moins de dix salariés, qui sont pourtant celles qui ont le plus recours à ce type de contrat. Cela confirme bien que les excédents seraient employés. Si tel n'était pas le cas, en bonne gestion, il faudrait alors diminuer la charge des entreprises et rendre les cotisations.
Où est la difficulté ? Le nouveau système de collecte, qui est exclusivement géré par les OPCA, est pervers. Dans certains secteurs d'activité, en effet, les entreprises se plaignent d'essuyer des refus de financement de la part de l'organisme collecteur.
Il est vrai que les OPCA édictent leurs propres règles et décident unilatéralement d'accepter ou de refuser de financer les demandes de formation qui leur sont soumises. Je trouve cela scandaleux au regard de la délégation qui est donnée.
Leurs décisions répondent non pas aux besoins de formation des entreprises mais à leurs propres critères de branche. Ils vont même jusqu'à favoriser, contrairement au principe de la loi quinquennale qui impose la séparation des fonctions de collecteur et de formateur, leurs propres organismes de formation.
Face à ces refus de financement, les entreprises sont sans recours. Cela étant, il n'y a pas que les OPCA, il y a aussi le Gouvernement, les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnellle qui, malgré les ajustements prévus par la circulaire de mars 1996, continuent de refuser d'habiliter certains contrats de qualification ou bien les enregistrent dans des délais bien trop longs.
Les organismes de formation hésitent ou renoncent.
Quelle complexité ! Et l'on s'étonne que l'entreprise abandonne et ne s'implique pas assez dans la formation de nos jeunes ! L'image du contrat de qualification se dégrade, alors que c'est là le seul vrai moyen pour un jeune de découvrir l'entreprise et de parfaire tout à la fois ses études et sa formation. J'en veux pour preuve le taux de réussite à la fin de ces contrats, qui atteint 90 %.
Monsieur le ministre, vous devez prendre des mesures pour utiliser les crédits disponibles et mettre en place un droit de regard sur les règles de fonctionnement de ces organismes collecteurs, car le bilan est catastrophique. Jugez-en plutôt : 20 000 contrats de qualification n'ont pas trouvé de financement en 1996. Ces 20 000 jeunes, où sont-ils, monsieur le ministre ? A l'ANPE ! Est-ce bon pour l'emploi ?
M. Jean-Louis Carrère. Non !
M. Jean-Jacques Robert. Le nombre de ces contrats n'a cessé de décliner, passant de 175 000 en 1994 à 140 000 en 1995 et à 120 000 en 1996, soit donc une dernière baisse de 14 %. De plus, 19 600 contrats n'ont pas trouvé de financement alors que les parties étaient intéressées. D'où cet amendement, qui tend à supprimer l'article 24 quater.
M. le président. Sur l'article 24 quater , je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-71 est présenté par M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° I-209 est déposé par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-244 est présenté par M. Jean-Jacques Robert.
Tous trois tendent à supprimer l'article 24 quater.
Par amendement n° I-85 rectifié, MM. Madelain et Souvet, au nom de la commission des affaires sociales, proposent :
« I. - A la fin du deuxième alinéa de l'article 24 quater, de remplacer la date : "31 juillet 1997" par la date : "31 mars 1997" ;
« II. - En conséquence, dans la première phrase du troisième alinéa, de remplacer la date : "1er septembre 1997" par la date : "1er mai 1997". »
La parole est à M. Masseret, pour présenter l'amendement n° I-71.
M. Jean-Pierre Masseret. Je devais en quelque sorte « ouvrir le feu », mais mon collègue M. Jean-Jacques Robert vient de s'en charger, monsieur le président ! (Sourires.)
L'amendement n° I-71 vise à supprimer l'article 24 quater. Nous n'acceptons pas la ponction de 1,2 milliard de francs sur les fonds de l'AGEFAL qui est proposée dans cet article, et ce d'abord pour des raisons de principe.
En effet, il est tout à fait anormal d'opérer un prélèvement sur les fonds de la formation en alternance alors que les besoins en formation professionnelle des jeunes sont importants et que le chômage qui touche ces derniers atteint 25 %.
Il est donc incohérent de ressasser des incantations sur le nécessaire développement de la formation professionnelle initiale en alternance et d'opérer, dans le même temps, un prélèvement d'un tel montant sur les fonds qui lui sont destinés.
Ensuite, nous sommes opposés à cet article parce que sa motivation est fondée sur une appréciation erronée des ressources de l'AGEFAL.
En effet, il est prévu que le prélèvement sera effectué au 31 juillet. Or cette date correspond précisément au moment où la trésorerie de l'AGEFAL est excédentaire de façon structurelle, puisque c'est la période charnière entre la collecte des fonds, qui sont centralisés en février, et les engagements de l'automne. Cela n'empêche pas l'AGEFAL de connaître, à chaque fin d'exercice, un déficit. C'est ainsi qu'en 1996, pour une collecte de 5,8 milliards de francs, la dépense sera de 6,97 milliards de francs, soit un déficit de plus de 1 milliard de francs.
Voilà ce qui rend inopérant tout argument fondé sur une supposée trésorerie dormante et pléthorique de l'AGEFAL. En fait, cette trésorerie correspond à des engagements de dépenses courantes.
En fait, cette trésorerie correspond à des engagements de dépenses courantes.
Mais, au-delà de ces deux arguments de principe et des constatations pratiques que nous pouvons faire, nous craignons que cette mesure ne reflète un abandon de la formation en alternance telle qu'elle existe aujourd'hui, et ce au profit du seul apprentissage.
En effet, si l'apprentissage se maintient, grâce à un effort budgétaire de 9,5 milliards de francs, au même niveau que l'année dernière, il n'en est pas de même pour les contrats de formation en alternance, notamment les contrats de qualification, dont le nombre atteindra péniblement les 100 000. L'embauche est au point mort, et personne ne peut l'ignorer dans notre pays aujourd'hui.
Dans ces conditions, malgré l'objectif affiché de 130 000 nouveaux contrats de qualification pour 1997, nous craignons que le Gouvernement ne se fonde sur une diminution du nombre des contrats de formation en alternance pour parvenir à boucler son budget dans ce secteur.
Etant partisans tout à la fois de la formation professionnelle en alternance des jeunes et de la clarté budgétaire, nous demandons la suppression de l'article 24 quater .
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° I-209.
M. Paul Loridant. L'Essonne révolutionnaire a parlé hier par la voix de mon collègue M. Mélenchon ; elle s'est encore exprimée tout à l'heure dans les propos plein de bon sens de mon collègue M. Jean-Jacques Robert ; oserai-je dire qu'elle va encore s'exprimer par ma voix ?...
En effet, par cet amendement n° I-209, nous proposons également la suppression de l'article 24 quater , qui a été introduit, mes chers collègues, par un amendement de notre collègue M. Jegou, à l'Assemblée nationale.
Cet amendement constitue, en quelque sorte, la continuation en 1997 de l'article 29 de la loi de finances pour 1996, qui avait institué une contribution exceptionnelle au budget de l'Etat, égale à 60 % des crédits nets des organismes paritaires au titre du congé individuel de formation, les OPACIF.
Le versement effectué le 31 août 1996 atteint 1,465 milliard de francs.
Mes chers collègues, nous connaissons bien ce type de prélèvement, qui s'apparente à celui qui est opéré sur la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
L'Etat prend de mauvaises habitudes et il faut faire cesser cette façon qu'il a, usant de son statut de personne publique, de ponctionner les caisses de retraite et les fonds de formation dont il n'est pas réellement propriétaire.
L'article 24 quater a pour objet d'étendre le champ de cette contribution exceptionnelle aux organismes agréés au titre de l'alternance, dont les excédents nets s'élevaient, selon les auteurs de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, à 1,7 milliard de francs en 1995, ainsi qu'aux organismes agréés au titre du plan de formation des entreprises, dont les excédents étaient estimés à 1,2 milliard de francs en 1995.
Nous en convenons tous, compte tenu de la situation de l'emploi, la formation en alternance est importante, d'autant plus importante qu'elle s'adresse aux jeunes, à ceux qui souhaitent progresser dans leur carrière professionnelle. Nous ne pouvons pas nier non plus que des excédents existent. Faut-il pour autant prélever sur ces excédents ? Là est la question. En effet, s'il y a un véritable scandale, c'est bien celui de l'existence de ces excédents. Alors que la révolution scientifique et technologique exige un effort sans précédent de formation des salariés, que de telles sommes restent inutilisées est scandaleux.
La responsabilité des gestionnaires est sans doute importante, mais celle de l'Etat n'est pas moindre quand on sait la faiblesse de la formation professionnelle en alternance, qui relève largement de sa compétence.
Peut-on accepter cette nouvelle ponction sur les crédits de la formation ? C'est là une question essentielle. Ces fonds proviennent des cotisations assises sur la masse salariale. Il s'agit donc d'un salaire différé ; il ne s'agit en aucun cas d'argent de l'Etat.
Le Gouvernement en est donc réduit à des expédients pour boucler son projet de budget pour 1997, sans doute sous la pression, contraint par la nécessité de se conformer aux critères de convergence.
En outre, avec ce subterfuge financier, on ne règle rien pour la formation et le nombre des salariés formés, alors que les besoins sont immenses en la matière.
Si l'on consacrait vraiment 10 % du temps de travail à la formation, comme vous le proposez, il n'y aurait sans doute plus de « réserves » dans lesquelles l'Etat pourrait puiser.
En outre, cette contribution aura pour conséquence de réduire à nouveau les moyens destinés aux congés individuels de formation au financement du plan de formation dans les entreprises.
Nous ne pouvons l'accepter. Au demeurant, je note avec satisfaction que la commission des affaires sociales propose elle aussi de supprimer cet article, et je constate avec la même satisfaction la présence de son président dans notre hémicycle au moment où s'ouvre cette discussion.
Voter notre amendement, c'est la voix de la sagesse. Je ne saurais trop y inviter la majorité sénatoriale. Si elle ne veut pas écouter les propositions du groupe communiste républicain et citoyen, peut-être peut-elle écouter la voix de la commission des affaires sociales ? Pour que chacun vote en toute connaissance de cause, nous vous proposons de le faire par scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert, pour défendre l'amendement n° I-244.
M. Jean-Jacques Robert. Je me suis déjà expliqué, mais je veux rappeler ici qu'il en va de l'avenir des jeunes. En effet, faute de pouvoir accéder à un contrat de qualification en alternance, ils rejoignent les rangs des chômeurs et restent sans qualification professionnelle.
Ce prélèvement de un milliard de francs avait pour objet de compenser partiellement la perte de recettes résultant de la suppression de l'article 20, relatif à l'aménagement du mécanisme de compensation de la réduction pour embauche et investissement.
En conséquence, je propose que la suppression de cet article 24 quater soit compensée par un amendement tendant à réintroduire l'article 20 du projet de loi de finances initial.
Je sais bien que cette réintroduction suscite divers états d'âme, mais je pense que nous avons là une cause sacrée, celle de la place des jeunes dans l'entreprise.
Je voudrais être convaincant. A vous, monsieur le ministre, de revenir sur une mesure détestable pour la qualification et la formation en alternance de nos jeunes.
M. Paul Loridant. Très bien ! Vive l'Essonne révolutionnaire !
M. le président. La parole est à M. Souvet, pour défendre l'amendement n° I-85 rectifié.
M. Louis Souvet, vice-président de la commission des affaires sociales. Vous l'avez sans doute constaté, même si cela a échappé à notre collègue M. Loridant, la commission a rectifié son amendement.
A l'origine elle avait également adopté un amendement tendant à la suppression de l'article, mais elle l'a ensuite rectifié au profit d'une modification de la date du prélèvement.
Est-ce à dire qu'elle a changé de position ? Non, son attitude est seulement dictée par un souci de réalisme. L'article 24 quater ayant fait l'objet d'un arbitrage entre le Gouvernement et ceux, à l'Assemblée nationale - mais ils sont aussi nombreux ici - qui veillent à l'équilibre des finances locales, il lui a semblé plus sage de prévoir une position de repli.
Pourquoi la commission s'est-elle prononcée au départ pour la suppression de l'article 24 quater ? Tout simplement parce que nous discutons ici, mes chers collègues - les orateurs qui m'ont précédé viennent de le dire - du problème de l'insertion des jeunes sur le marché du travail.
Or à quoi tend cet article ? Il prévoit l'utilisation, pour un autre usage, des crédits de la formation des jeunes. En effet, le fonds de mutualisation concerné par le prélèvement sert au financement des contrats de qualification et des contrats d'adaptation. Il est constitué des excédents disponibles versés par les branches professionnelles riches pour financer la formation dans les branches déficitaires, comme l'agriculture, l'artisanat ou le secteur de la santé privée. C'est toute l'insertion des jeunes dans les petites entreprises qui est ici concernée.
En adoptant cet article, nous prenons le risque d'avoir à répondre aux jeunes venant réclamer une formation : « Désolé, nous n'avons plus d'argent pour financer vos contrats de qualification. Revenez dans un an ou dans deux ans. »
Faut-il que je rappelle les chiffres du chômage des jeunes ? Un taux de presque 25 % - il est d'ailleurs de nouveau en hausse depuis deux mois - ce qui correspond à plus de 600 000 jeunes au chômage, dont 110 000 depuis plus d'un an.
Bien sûr, on peut dire que tout n'est pas parfait dans le système de financement de la formation professionnelle, qu'il y a des lenteurs dans la distribution des fonds ; c'est sans doute vrai. Mais peut-être y a-t-il d'autres façons d'améliorer les choses que de prélever cet argent.
De plus, je ne crois pas que l'on puisse faire ce type de reproche à l'AGEFAL. En effet, si cet organisme de mutualisation enregistre aujourd'hui des excédents, c'est pour deux raisons.
La première raison, c'est que le législateur a voulu remettre de l'ordre dans le système de collecte. Cela a eu pour conséquence de retarder - mais non de supprimer - les actions de formation et les engagements de dépenses. Autrement dit, la plus grande partie des crédits de l'AGEFAL correspond à des actions déjà engagées et devra être transférée vers les organismes déficitaires ayant pris l'initiative de ces actions.
La seconde raison de ces excédents, c'est la mise en place par les partenaires sociaux d'une gestion beaucoup plus rigoureuse des fonds affectés à la formation en alternance afin de dégager des crédits pour être en mesure de financer un plus grand nombre de contrats, notamment des contrats de qualification. Or, nous savons bien que certaines branches éprouvent déjà des difficultés à les financer. Ne parle-t-on pas de 20 000 contrats non financés ou en attente d'un financement ? Les orateurs précédents l'ont également souligné.
Mais surtout, mes chers collègues, le mécanisme voté par l'Assemblée nationale aboutira non pas à un prélèvement de un milliard de francs, mais de 1,6 milliard de francs, chiffre qui nous a été confirmé par le Gouvernement. Autant dire qu'en adoptant cet article nous assécherions les fonds de la formation en alternance pour un certain temps et que nous prendrions le risque de décourager les différents acteurs qui verraient ainsi taxer leurs efforts de rigueur.
Cela me conduit à préciser l'objet de notre amendement de repli. Si le Sénat ne devait pas se rallier aux amendements de suppression qui viennent d'être proposés et que la commission avait elle-même souhaité voir adoptés, du moins importe-t-il de modifier la date à laquelle devrait avoir lieu le prélèvement prévu par l'article 24 quater.
En effet, la date du 31 juillet correspond à la période où les fonds excédentaires des organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, sont « remontés » à l'AGEFAL, alors que les financements des actions des organismes déficitaires n'ont pas encore été transférés. Dans ces conditions, le prélévement de 40 % portera non seulement sur les crédits non encore utilisés - bien qu'engagés - de l'année précédente, mais également sur la collecte de l'année en cours. Le prélèvement serait donc de 1,6 milliard de francs. Soustraire une telle somme du fonds de péréquation gênerait gravement le financement de formations en alternance des OPCA déficitaires.
C'est pour toutes ces raisons, mes chers collègues, que la commission des affaires sociales vous demande, à défaut de supprimer l'article, d'adopter le présent amendement, qui ramène le gage au niveau souhaité par nous tous : 1 milliard de francs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-71, I-209, I-244 et I-85 rectifié ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a, bien sûr, compris l'inquiétude des différents orateurs au sujet de ce prélèvement. La formation des jeunes est en effet l'un des objectifs prioritaires de la politique de l'emploi. Et nous avons pu nous rendre compte en commission que tel était bien le cas, puisque le projet de budget du travail pour 1997 apporte très largement sa contribution.
Toutefois, l'importance des excédents qui ont été constatés doit permettre la mise en place d'un programme de formation sans compromettre le soutien aux contrats d'alternance.
C'est le sentiment que la commission des finances m'a prié d'exprimer. Le Gouvernement, j'en suis persuadé, va apaiser les dernières craintes que nous pourrions encore avoir sur ce sujet. C'est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendements dans la mesure où, d'une part, l'économie proposée, qui est d'origine parlementaire, paraît justifiée et où, d'autre part, pour financer nos priorités budgétaires, notamment celles que souhaite le Sénat, nous avons besoin de la ressource qui pourrait provenir de cette économie.
M. Jean-Jacques Robert. Sur le dos des jeunes !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Pas du tout sur le dos des jeunes, monsieur le sénateur !
M. Jean-Jacques Robert. Mais si !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. L'un des intervenants a indiqué que tout n'était pas parfait dans la gestion de l'AGEFAL. En fait, un certain nombre d'organismes sociaux, en dépit de leurs objectifs, dégagent des excédents tels que cela révèle une certaine difficulté à mettre en oeuvre les politiques pour lesquelles ils bénéficient de ressources publiques.
L'AGEFAL n'est pas le seul organisme qui se trouve dans cette situation. Je peux citer également l'UNEDIC qui, après avoir connu une crise de trésorerie très dure il y a trois ou quatre ans, va dégager, en 1996, un excédent de plus de 13 milliards de francs. A l'heure actuelle, ceux qui gèrent l'UNEDIC, les partenaires sociaux - l'Etat n'en fait pas partie - se posent d'ailleurs la question de savoir ce qu'ils vont faire de cet excédent.
Il existe plusieurs solutions. La première, écartée par tous les partenaires sociaux, serait de maintenir ces excédents. La deuxième solution serait d'augmenter les allocations chômage. La troisième solution consisterait à essayer d'« activer » les dépenses, c'est-à-dire de consacrer plus d'argent à l'aide à l'embauche ou à l'emploi plutôt qu'à la la pure et simple indemnisation du chômage.
La quatrième solution enfin serait de réduire les cotisations pour alléger les charges des entreprises et, indirectement, l'emploi.
C'est un débat qui existe à l'heure actuelle entre les partenaires sociaux au sujet de l'UNEDIC. Nous avons aujourd'hui le même débat en ce qui concerne les excédents de l'AGEFAL.
Ces excédents sont structurels, ce qui conduit l'AGEFAL, d'une certaine manière, à « thésauriser des fonds », selon la formule employée, tant par l'inspection générale des finances qui s'est livrée à un contrôle de cet organisme en 1992, que par l'inspection générale des affaires sociales, qui s'est livrée à un contrôle de même nature en 1994.
Ces deux instances de contrôle différentes et indépendantes ont critiqué cette situation et sont arrivées à la conclusion qu'il y avait, pour cet organisme, une mauvaise utilisation des ressources.
J'en viens maintenant à l'évaluation de la recette qu'apporterait la mesure prévue par l'article 24 quater. Il est exact que cette recette, telle que nous l'évaluons aujourd'hui, serait de 1,6 milliard de francs.
Ce chiffre doit être apprécié en fonction de deux paramètres.
Le premier, c'est la trésorerie prévisionnelle de l'AGEFAL au 1er juillet 1996, qui serait de 4 milliards de francs, ce qui signifie que l'article 24 quater aboutirait à utiliser pour d'autres emplois publics, y compris la politique de l'emploi, 35 % à 40 % des excédents que l'AGEFAL continuera à dégager.
Le second paramètre, ce sont nos besoins, nos besoins communs, messieurs les sénateurs !
A l'occasion des travaux de la commission des finances et des autres commissions du Sénat et depuis le commencement de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, un certain consensus s'est dégagé pour que le projet de budget, tel qu'il est issu des délibérations de l'Assemblée nationale, soit amélioré sur un certain nombre de chapitres.
Je rappelle d'abord que nous avons à financer l'application des dispositions prévues par un amendement important, dont le Sénat souhaitait l'adoption mais que l'Assemblée nationale a voté avant qu'il ne puisse s'en saisir : je veux parler de la suppression de l'économie que le Gouvernement avait envisagé de réaliser sur la compensation de la réduction de la taxe professionnelle pour embauche et investissement, la REI. En effet, un amendement, voté par l'Assemblée nationale, a dégradé l'équilibre budgétaire à hauteur de 1,6 milliard de francs, l'économie proposée ici étant du même ordre de grandeur.
Mais, indépendamment de la question de la REI, nous avons constaté, depuis le début de la discussion, que, sur certains chapitres, le Sénat souhaitait - et le Gouvernement n'y était pas hostile - aller un peu plus loin. Cette volonté concernait d'abord divers chapitres relatifs à l'aménagement du territoire, le fonds de gestion de l'espace rural, les crédits prévus au titre de la loi de programmation de l'entretien du patrimoine, ainsi que l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. Je pourrais d'ailleurs évoquer d'autres exemples.
Or si nous ne réalisons pas d'économies afin de dégager les moyens de financement nécessaires, je crains que nous ne soyons obligés de renoncer à la mise en oeuvre de ces politiques, dont chacun ici m'a paru pour reconnaître l'importance.
Enfin, en ce qui concerne les moyens de formation des jeunes, je voudrais rassurer le Sénat. Vous aurez l'occasion, bien entendu, d'en débattre et, ensuite, d'en décider par votre vote lors de l'examen du budget des affaires sociales.
Les moyens financiers prévus dans ce projet de budget en ce qui concerne la formation des jeunes, tant l'apprentissage proprement dit, la formation professionnelle, qui dépend de l'éducation nationale, que la formation par alternance, en particulier par les contrats de qualification, permettront, garantiront, le développement de ces actions de formation en 1997.
Tous les orateurs ont eu raison de souligner que la grande carence, je dirais la honte du marché du travail en France, c'est le chômage des jeunes. Mais, ce problème, on ne peut espérer le régler qu'en améliorant la formation et la qualification des jeunes. Les moyens nécessaires vous sont proposés dans ce projet de budget pour 1997.
C'est pourquoi, monsieur le président, le Gouvernement est hostile, certes, aux amendements de suppression de l'article 24 quater mais également à l'amendement n° I-85 rectifié qui, j'en conviens, est un peu différent, mais qui ne nous permettrait pas d'aboutir aux économies dont nous avons besoin.
Dans ces conditions et compte tenu des apaisements et des précisions que je crois avoir donnés, je serais reconnaissant aux auteurs de l'amendement n° I-85 rectifié de bien vouloir le retirer.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-71, I-209 et I-244.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, vous ne m'avez qu'imparfaitement rassuré.
Il est clair que le fait d'introduire dans le projet de loi de finances une économie de 1,6 milliard de francs sur les dotations de péréquation de la taxe professionnelle est une atteinte au pacte de stabilité passé l'année dernière entre les collectivités territoriales et l'Etat.
Le Sénat était donc décidé à supprimer cette disposition. L'Assemblée nationale l'a fait. Très bien, on n'y revient pas. Le seul ennui est que les recettes qu'elle prévoit en contrepartie nous gênent tous. Les orateurs qui viennent de s'exprimer en ont témoigné. En effet, au lieu de faire des économies de gestion sur certains services inutiles, par exemple, de retarder la mise en service de grands équipements dont le besoin n'est pas absolu - mais il paraît qu'en France on ne revient jamais sur rien ! - on utilise la réserve d'un fonds excédentaire.
Il est clair, monsieur le ministre, que je vous suis sur le fait que nous n'avons aucun intérêt à majorer la fiscalité ou à accroître le déficit pour permettre à des organismes seconds d'avoir des excédents de trésorerie : il vaut mieux utiliser les excédents de trésorerie de tous les succédanés de la puissance publique avant de se décider à majorer l'impôt ou à accroître les déficits.
Donc, de ce point de vue, vous avez raison.
L'ennui est que nous ne sommes pas sûrs qu'avec la ponction opérée sur l'AGEFAL pour 1997 on puisse obtenir le résultat quantitatif chiffré qui est inscrit dans le projet de loi de finances, qui prévoit 220 000 contrats d'apprentissage en 1997, ce qui marque un effort d'amélioration important, et 180 000 ou 190 000 contrats de qualification.
La question que je voudrais vous poser avant de nous déterminer est simple : s'il apparaît, dans le courant de l'année 1997, que les disponibilités du ministère du travail et de l'emploi ne permettent pas de réaliser ces objectifs quantitatifs de 220 000 contrats d'apprentissage d'un côté et de 190 000 contrats de qualification de l'autre, prendrez-vous les dispositions nécessaires pour trouver d'autres moyens de trésorerie, afin que cet objectif auquel nous sommes tous attachés soit effectivement tenu.
Si vous pouvez prendre cet engagement ici même, il est clair que nous vous suivrons sur cette affaire de « pompage » des excédents d'un fonds dont chacun sait qu'il n'est pas caractérisé par une gestion mirobolante !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Pour répondre à la question précise et tout à fait pertinente du président de la commision des affaires sociales, je confirme effectivement que le projet de budget pour 1997 a d'abord été bâti à partir d'une très forte augmentation des moyens de l'Etat en faveur de la formation professionnelle des jeunes.
Les crédits, qui sont inscrits au budget des charges communes ou au budget des charges sociales, progresseront en effet de 30 % et atteindront 12,5 milliards de francs en 1997, dont 9,5 milliards de francs pour l'apprentissage. Cela correspond, pour le seul apprentissage, à une augmentation de moitié par rapport à l'année 1996 ! Ces crédits devraient nous permettre de financer 220 000 entrées en contrat d'apprentissage en 1997 par rapport aux 200 000 entrées de 1996. Ils devraient également nous permettre - je rectifie les chiffres que vous nous avez donnés - de passer de 120 000 contrats de qualification cette année à 130 000 l'année prochaine.
A cela s'ajouteront les autres actions destinées à donner des emplois aux jeunes : outre le maintien de 50 000 contrats emploi-solidarité, la création des emplois de ville, qui a démarré dès l'année 1996 avec 25 000 emplois et qui se poursuivra en 1997 avec 25 000 emplois supplémentaires et 50 000 emplois au cours des deux années suivantes.
Enfin, monsieur Fourcade, sur ce sujet très important de l'emploi des jeunes, je considère que le Gouvernement a, non pas une obligation de moyen consistant à employer ces crédits, mais une obligation de résultat. En conséquence, s'il apparaît en cours d'année que les moyens financiers sont insuffisants pour parvenir à ces objectifs de placement de jeunes en contrat d'apprentissage ou en contrat de qualification, le Gouvernement proposera de les augmenter, soit en faisant des économies, soit dans le cadre d'un collectif. Je puis ici en prendre l'engagement solennel.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Très bien ! Je vous en remercie, monsieur le ministre.
M. Roland du Luart. Alors, il n'y a pas de problèmes !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-71, I-209 et I-244, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 41:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 95
Contre 220

Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-85 rectifié.
M. Louis Souvet, vice-président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet, vice-président de la commission des affaires sociales. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-85 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 24 quater.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Jean-Pierre Masseret. Le groupe socialiste également.
(L'article 24 quater est adopté.)

Articles additionnels après l'article 24 quater