M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Madame le ministre, vous allez me répondre, au nom de M. le ministre du travail et des affaires sociales, sur un problème particulièrement difficile.
Au mois de juillet dernier, M. le Président de la République a rendu publique la décision du Gouvernement d'interdire l'utilisation, dans les matériaux de construction, de produits à base d'amiante.
Cette décision est tout à fait salutaire : elle était attendue par de nombreux scientifiques à travers la France ; elle était aussi attendue, je crois, par les professionnels du bâtiment eux-mêmes qui considéraient qu'il y avait là une aventure difficile à continuer à vivre, celle des années soixante où tant de bâtiments ont connu le flocage à l'amiante.
Toutefois, l'application de cette décision à la fabrication, au commerce de l'amiante-ciment et même à l'industrie de l'automobile va poser d'importants et difficiles problèmes.
Ma question est en quelque sorte à choix multiple.
Tout d'abord, le choix, par le Gouvernement, des laboratoires destinés à donner des résultats fiables en ce qui concerne la teneur en fibres d'amiante par litre d'atmosphère a-t-il pu être réalisé dans de bonnes conditions et, si possible, combien de laboratoires, tout en étant fiables, ont-ils reçu l'agrément pour conduire ces expertises ?
Ensuite, le Gouvernement, compte tenu du choix des techniques de désamiantage, c'est-à-dire soit le déflocage, soit l'encapsulage des foyers d'amiante, a-t-il, là aussi, arrêté des modalités d'agrément et commencé à accorder son agrément aux entreprises qui auront à conduire ces opérations à hauts risques ?
M. François Trucy. Très bien !
M. Guy Cabanel. Enfin, quelle sera l'attitude du Gouvernement vis-à-vis de ceux qui produisent des matériaux à l'amiante ? Ils ont appris que la production de ceux-ci allait être interdite à partir du 1er janvier 1997, ce qui n'est pas sans difficulté et sans incidence sur l'emploi dans certaines régions. De surcroît, les grossistes et les commerçants en matériaux de construction qui incluent de l'amiante devront cesser leurs ventes et détruire leurs stocks. Comment vont-ils les détruire et qui va prendre en compte les incidences sur les bilans financiers des entreprises ? (Très bien ! Sur les travées des Républicains et Indépendants.)
A ces quatre questions, je voudrais en ajouter une cinquième, relative à l'industrie automobile.
M. le président. Monsieur Cabanel, cela fait beaucoup de questions.
M. Guy Cabanel. J'en termine, monsieur le président, soyez rassuré, en posant une dernière question : a-t-on vraiment l'intention d'interdire la vente de véhicules qui comporteraient, comme c'est le cas jusqu'à présent, des composants riches en amiante, ou même tout simplement, à terme, la revente des véhicules d'occasion, qui en comptent de grandes quantités ?
Telles sont les questions que je souhaitais poser. Madame le ministre, ce dossier constitue pour le ministre que vous représentez aujourd'hui une lourde charge. Les commerçants, les responsables de la conduite de chantiers et tous les professionnels concernés nous posent de nombreuses questions. Nous voudrions pouvoir leur apporter des réponses claires, et leur indiquer des méthodes de raisonnement, ainsi que les moyens d'accéder à des informations pratiques. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Comme vous venez de le rappeler, monsieur le sénateur, le Gouvernement s'est attaqué très rapidement, dès le mois de juin 1995, à ce fléau de l'amiante. Il a tout de suite confié à l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, une mission d'étude sur les dangers de l'amiante, et il a mis en place, en décembre 1995, un plan global d'action pour améliorer la prévention des risques et renforcer la sécurité des personnes.
Le lendemain de la publication, le 3 juillet 1996, du rapport de l'INSERM - vous faisiez état tout à l'heure de la déclaration de M. le Président de la République - le Gouvernement a décidé d'interdire, à compter du 1er janvier 1997, la fabrication et la mise sur le marché de tous les produits contenant de l'amiante.
M. Raymond Courrière. Et l'évacuation de Jussieu ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Le plan global d'action que j'ai évoqué doit évidemment prendre en compte l'ensemble des dangers que peut représenter l'amiante, mais son application concerne évidemment plusieurs ministères et différents organismes.
En ce qui concerne les conditions d'agrément des laboratoires d'expertise devant déterminer le nombre de fibres d'amiante par litre d'atmosphère et la certification des entreprises habilitées à intervenir, des procédures de contrôle, dès la publication des décrets, ont été mises en oeuvre. Donc, des procédures de contrôle seront certifiées par des organismes spécialisés. QUALIBAT est d'ores et déjà en mesure d'assurer cette certification ; d'autres organismes pourront être mis en place. J'ajoute qu'une garantie complémentaire sera offerte par une accréditation de ces organismes par la COFRAC.
Aujourd'hui, trente-trois entreprises ont déposé des dossiers : à titre d'information, deux sont déjà agréées et huit sont en cours d'agrément.
S'agissant des entreprises spécialisées, une liste de laboratoires agréés a été publiée, comme vous devez le savoir, par arrêté du 28 mai 1996. Je ne vous en donnerai pas la lecture, mais nous pourrons vous communiquer cette liste ou vous pourrez vous référer vous-même à cet arrêté pour en avoir le détail.
En ce qui concerne les déchets issus de l'amiante libre - ceux que vous évoquiez à l'instant, monsieur Cabanel - compte tenu des recommandations qui ont été faites à un certain nombre d'entreprises, nous disposons aujourd'hui de onze installations de stockage. A compter du 1er janvier 1997, tous les stocks d'amiante devront être retirés du marché et ne pourront être exportés. Ils seront orientés vers des filières de gestion des déchets.
Sur ce point, Mme le ministre de l'environnement précisera dans une circulaire qui devrait paraître avant la fin de l'année les mesures à prendre pour l'élimination des déchets d'amiante-ciment. Par ailleurs, une circulaire a déjà été publiée en août 1996 au sujet des déchets domestiques.
J'ajoute, pour répondre à votre préoccupation, monsieur Cabanel, que le ministère du travail a dûment mandaté les inspecteurs du travail pour qu'ils effectuent des opérations de contrôle sur le terrain. L'inspection du travail peut d'ailleurs prendre des mesures d'arrêt de chantier. Ainsi, vingt-six arrêts de chantier ont eu lieu en août et en septembre derniers.
Au fur et à mesure, nous essayons donc de prendre toutes les mesures nécessaires. Dès à présent, elles sont effectives et opérationnelles sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

NOËL DES ENFANTS DÉFAVORISÉS