M. le président. Je suis saisi, par M. Mélenchon et les membres du groupe socialiste et apparentés, d'une motion n° 37, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 61, 1996-1997). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Mélenchon, auteur de la motion.
M. Jean-Luc Mélenchon. Tout à l'heure, vous vous êtes exposés à un bien grand risque, mes chers collègues, en soutenant, certainement par affection pour ses efforts, M. le ministre, en l'applaudissant lorsqu'il répondait à une question que je ne lui avais pas posée. Il disait alors : « Vous avez affirmé, monsieur Mélenchon, que rien n'est comptable. » Or, je ne l'ai jamais dit. Je crois, comme toute personne sensée, que finalement la comptabilité vient établir ce qu'est la réalité.
Partant de là, M. le ministre m'a dit : « Quand on ne s'occupe pas des comptes, on finit par être rattrapé par eux. » Ah oui ! Mais cet argument-là n'est pas pour vous ; il est pour nous, et je me fais un devoir de rappeler ce que sont précisément les comptes.
Sous les gouvernements de gauche - ne vous en déplaise, monsieur le ministre - le déficit moyen était de 1 %. Depuis que vous et vos amis êtes revenus aux affaires en 1993, il a été multiplié par quatre pour l'ensemble des caisses, et par six pour la seule assurance maladie.
Le chambardement que vous avez organisé pour présenter un budget en déficit de 4 points, alors que celui que vous avez proposé aux assemblées pour la nation est, quant à lui, en déséquilibre de 20 points, ne fait pas de vous un docteur en comptes ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye. C'est la situation que nous a laissée la gauche !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce sont les faits, mes chers collègues ! Par conséquent, tant qu'à tenir les comptes, regardez plutôt les vôtres !
S'agissant de la période plus récente, on se retrouve avec 50 milliards de francs de déficit alors que le retour à l'équilibre avait été annoncé à cette tribune pour cette année, et on s'apprête à voter 30 milliards de francs de déficit alors qu'un excédent de 12 milliards de francs avait été prévu pour 1997 ! Alors, ne donnez pas de leçons de comptes à la gauche qui, elle, a bien fait son devoir, tandis que vous, vous le faites très mal !
M. Dominique Braye. Vous avez tout cassé pendant que vous étiez au pouvoir !
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le ministre, j'avais fait hier soir une démonstration sur laquelle vous n'êtes pas revenu - comme je vous comprends ! - concernant l'évolution prévisible de notre sécurité sociale, compte tenu des dispositions qui sont prises.
Je la rappellerai en quelques mots : dès lors que vous aurez fiscalisé l'ensemble des recettes, vous aurez fait reposer sur un mode de prélèvement unique l'alimentation des comptes, dont le montant équivaut - je le rappelle - au budget de la nation tout entière, lequel, lui, est alimenté par de nombreuses recettes. Or, les dépenses de santé vont croissant pour des raisons qui tiennent en partie, comme on le sait, à une certaine forme de gaspillage, même si personne, dans cette assemblée, n'osera dire qu'elles sont illégitimes, puisque, au bout du compte, nous en mesurons tous les effets positifs : allongement de la durée de la vie, réduction de la mortalité infantile, plus grand confort de vie tout au long de l'existence grâce aux soins qui sont dispensés.
Par conséquent, cette évolution, dont personne n'a pu prouver qu'elle était par elle-même néfaste aux progrès d'une société, conduira, par un effet de ciseaux facile à comprendre, à avoir, d'une part, des dépenses à l'évolution imprévisible, même si l'on cherche à les contenir dans des proportions raisonnables, et, d'autre part, une source unique de prélèvements qui, très rapidement, deviendra confiscatoire. Au bout du compte, le système paritaire sera remplacé par un système dans lequel l'Etat, devenu le maître complet de cette situation, garantira à tout un chacun un niveau d'assurance dit « universelle », au sens anglo-saxon du terme, c'est-à-dire minima, et renverra le quidam à l'assurance privée pour le reste.
C'est vrai pour l'assurance maladie, c'est également vrai pour la retraite.
Pour la retraite, il est quasiment impossible de démontrer le contraire puisque, d'ores et déjà, comme vous l'aviez annoncé, vous prévoyez un régime d'assurance surcomplémentaire par la création de fonds de pension. Ce sujet viendra d'ailleurs en discussion la semaine prochaine à l'Assemblée nationale.
Quant à l'assurance maladie, j'ai entendu plus d'une fois l'un ou l'autre des collègues bien intentionnés qui me font l'amitié de bien vouloir prolonger nos discussions au-delà de l'hémicycle me dire que j'anticipe, et ce d'une manière qui dramatise sans qu'il y ait de véritable raison à cela. Sauf que l'actualité est venue au renfort de ma thèse, et de quelle manière !
Nous avons appris hier, ce qui est une bonne nouvelle pour notre pays, la fusion des deux groupes UAP et AXA. Je dis « bonne nouvelle », car nous devons nous réjouir chaque fois que, ici ou là, notre pays se voit doté d'un instrument performant. Ici, c'est le cas, puisque cela place la France parmi les tout premiers pays du monde en matière d'assurance. Cependant, avec cette annonce en est venue une autre de la bouche de M. Bébéar lui-même, annonce que nous trouvons dans les dépêches de l'Agence France Presse. L'une d'elles est ainsi titrée : « Claude Bébéar a proposé d'ouvrir la sécurité sociale au secteur privé. » Dans le corps de cette dépêche, M. Bébéar affirme qu'« il peut y avoir, au côté de la sécurité sociale publique, des sécurités sociales privées ». Il est inutile, je pense, de développer davantage ce point et de commenter l'énormité de cette déclaration !
Toujours dans la même dépêche de l'AFP, M. Barrot répond que « la réforme en cours n'a rien à voir avec l'instauration de sécurités sociales concurrentes ». Mais la question de savoir ce que pense M. Barrot n'est pas posée, et, après tout, je n'ai a priori aucune raison d'imaginer qu'il pense autre chose que ce qu'il dit !
J'affirme, monsieur le ministre - j'en ai déjà fait trois fois la démonstration sans obtenir de votre part une réponse qui, au moins, puisse nous rassurer et faire date pour l'avenir, et vous devinez pourtant l'importance que nous attachons à vos réponses sur ce point - que c'est la pente sur laquelle nous sommes engagés. On en viendra nécessairement là, parce que tout est prévu pour cela.
Je termine la lecture de la citation de M. le ministre : « Le projet du Gouvernement, c'est l'assurance maladie universelle, c'est-à-dire une expression de la solidarité de tous au sein de la nation. » Or j'ai dit hier que nous ne savons toujours rien de ce que sera cette assurance maladie universelle.
Je ne reprendrai pas la démonstration que j'ai faite hier, ni les questions que j'ai posées, sans obtenir d'ailleurs de réponse de M. le ministre. Permettez-moi cependant d'en rappeler quelques-unes : en quoi consiste cette assurance maladie universelle ? Qui en bénéficiera ? Le critère de la résidence, qui a été évoqué par la presse, sera-t-il retenu ? Quid alors des non-résidents ? Qui sera considéré comme résident ? Que se passera-t-il pour les régimes spéciaux ? Etc. Toutes questions restées, parmi d'autres, sans réponse !
Au demeurant, cette assurance maladie universelle renvoie de si près au système d'une assurance universelle minima que j'ai décrit tout à l'heure que je ne peux que remarquer de nouveau ce mot et dire, monsieur le ministre, qu'il ne constitue pas une parade aux risques mortels pour la sécurité sociale que j'énonçais tout à l'heure.
Cependant, lorsque vous concluez votre déclaration par les mots dont je vais vous donner lecture, vous allez comprendre que l'inquiétude ne fait que croître : « En revanche, les assureurs tout comme les mutuelles ont un rôle majeur à jouer dans la couverture complémentaire des assurés sociaux. » Voilà qui est, semble-t-il, parfaitement clair !
Je conçois tout à fait qu'une partie de nos collègues partisans de ce système - certains se sont d'ailleurs exprimés très clairement sur ce point à l'Assemblée nationale - se réjouissent de tels propos. Pour notre part, c'est le contraire : nous nous inquiétons et nous demandons des éclaircissements sur ce point, tout en sachant bien que la mécanique étant d'ores et déjà lancée, le risque est que l'on en vienne plus tôt que prévu - maintenant, avec la fusion des deux grands groupes d'assurances, l'instrument est disponible - aux formules que j'énonçais tout à l'heure, c'est-à-dire, d'un côté, une assurance universelle minima garantie à tous par un mode de prélèvements fiscalisés et, de l'autre côté, les assurances privées. Voilà ! Le puzzle est en train de s'assembler ! On voit enfin le tableau se dessiner dans son ensemble.
Divers motifs avaient été avancés pour un tel chambardement : la gravité des déficits dont on s'est déjà expliqué cinq fois, je crois, depuis le 16 novembre 1995, et dont on n'a jamais pu faire la preuve qu'elle était, à elle seule, à l'origine de la réforme ; la volonté d'une assurance universelle ; enfin, le contrôle du Parlement, dont vous voyez ce qu'il est à présent, mes chers collègues. En effet, vous avez défilé à cette tribune les uns après les autres pour vous féliciter d'une réforme que vous n'avez adoptée que parce qu'elle vous garantissait le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale,...
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Même pas !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... moyen par lequel, selon vous tous, elle serait sauvée ; or, à l'instant même où vous constatez qu'il n'en sera pas ainsi, car le déficit continue, vous continuez à soutenir un processus qui nous conduit au système des assurances privées !
Et c'est bien ce que nous avait dit dès le 16 novembre 1995, ici même, M. le Premier ministre : « Nous allons faire ce que l'on n'a pas osé faire, ce dont on a rêvé depuis trente ans sans jamais oser le faire. »
Nous avions fait remarquer que, voilà trente ans, il n'y avait pas de déficit, et qu'il était donc question de bien autre chose, c'est-à-dire d'une vision différente de l'organisation de notre protection sociale, de l'idée selon laquelle la santé serait une marchandise comme les autres ; nous avions indiqué que les systèmes de répartition empêchent les effets de capitalisation massifs qui sont nécessaires à notre époque de compétition entre les différents capitalismes sur notre planète. C'est de cela, et de rien d'autre, dont il est question !
Les déficits continuent à s'accumuler, et vous ne dites pas comment ils seront financés. Mais, de toute façon, on marche vers cet objectif du démantèlement de la protection sociale.
Alors, monsieur le ministre, peut-être me ferez-vous cette fois-ci la grâce d'une réponse un peu plus complète ?
Puis-je baliser le terrain ? Le Sénat, à qui je propose de renvoyer à la commission l'examen plus attentif de ces questions, saisi de ces éléments nouveaux et de quelques autres que je vais évoquer, sur lesquels je n'ai d'ailleurs pas eu de réponse après mon intervention d'hier, le Sénat, dis-je, doit pouvoir vous interroger.
Monsieur le ministre, quelles garanties avons-nous que l'assurance maladie universelle ne sera pas une assurance a minima ?
Comment pensez-vous régler le problème suivant : lorsque l'on compte alimenter un budget de 1 700 milliards de francs, équivalent à celui de la nation, avec un mode unique de prélèvement, on en vient très rapidement à un prélèvement confiscatoire si le montant des dépenses de santé continue à s'accroître, même si l'accroissement - et il est inéluctable - doit demeurer raisonnable ? Qui, dans notre assemblée, oserait prétendre qu'il faudrait faire décroître ces dépenses, avec tout ce que cela impliquerait du point de vue de notre façon de vivre dans ce pays et des conquêtes que nous avons faites pour la santé publique ?
Alors, qui bénéficiera de cette assurance maladie universelle ? Comment garantit-on que le système ne s'écroulera pas ? Quelle place imaginez-vous que les assureurs tout comme les mutuelles auront à occuper dans la couverture complémentaire des assurés sociaux ? De quelle couverture complémentaire voulez-vous nous parler, notamment en matière d'assurance maladie, car ce dont nous parle M. Bébéar, c'est de l'assurance maladie, et non pas des retraites ?
Après cela, que puis-je faire d'autre que d'essayer une fois de plus de forcer le mur de votre indifférence aux questions que je vous pose depuis hier ? Ces questions ont valu à mon ami Julien Dray, à l'Assemblée nationale, la réponse lapidaire dont je vous ai déjà entretenu hier ; certes, les éléments de réponse que vous m'avez apportés étaient un peu plus complets, mais ils n'étaient pas à la hauteur des talents de polémiste que l'on vous prête, monsieur le ministre, et qu'il m'arrive parfois de vérifier lorsque nous sommes réunis autour d'une table, dans un studio de radio.
Faites-moi la grâce d'en faire au moins autant la moitié ici (Rires.), pour que nos collègues n'aillent pas penser que vous méprisez mes arguments (M. le ministre fait un signe de dénégation.) et qu'ils ne méritent pas la même attention que les auditeurs !
Monsieur le ministre, la Haute Assemblée ne serait-elle pas fondée à renvoyer le projet de loi à la commission, après avoir constaté que le rapport de la conférence nationale de santé sur lequel devait s'appuyer la rédaction du projet de loi de financement est paru après la rédaction de ce dernier, c'est-à-dire que les questions de santé publique ne correspondent à aucun des impératifs qui ont guidé cette loi ? Et d'ailleurs, pourquoi en serait-il autrement, puisque le chiffre d'évolution des dépenses est « pile poil », comme on le dirait dans un spectacle bien connu, celui de l'inflation, et nous permet donc de rester dans les critères de Maastricht ? Qu'est-ce que les critères de Maastricht ont à voir avec la santé publique ? C'est le mystère que nous voudrions percer !
De plus, cette conférence nationale de santé, convoquée en toute hâte, a travaillé sur la base d'un rapport du Haut comité de la santé publique qui a été expurgé de tous les passages dubitatifs sur les effets de la réforme Juppé. Contesterez-vous ce point, monsieur le ministre ? Non, car il vous en cuirait ! (Murmures amusés.) Il vous en cuirait dans la polémique, mes chers collègues, pas plus !
M. Henri de Raincourt. Pas plus !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je note que la commission des affaires sociales, dans son rapport, partage sur ces questions mon point de vue ; on peut lire en effet, dans le rapport, que « cette conférence de la santé s'est tenue dans des conditions » - doux langage sénatorial ! - « particulièrement précipitées ». M. le rapporteur ajoute qu'à l'avenir, il espère - et nous espérons avec lui ! - que la conférence de santé sera mieux articulée avec le calendrier de la préparation de ce texte. C'est un euphémisme dont nous apprécions toute la saveur !
De nombreuses lacunes et approximations, selon moi, empêchent la Haute Assemblée de se prononcer en l'état. La dette accumulée, selon vos propres prévisions, sera de 34,5 milliards de francs en 1996 - 17,5 milliards de francs sont d'ores et déjà pris en charge par la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale, abondée par le RDS - et d'au moins 30 milliards de francs en 1997. Il y aura donc au minimum 65 milliards de francs de dette à la fin de l'année 1997. La Haute Assemblée pourrait-elle pousser la curiosité jusqu'à demander qui les paiera, ce qui pourrait peut-être éclairer son travail en cet instant ? Vous l'avez d'ailleurs reconnu vous-même dans votre présentation, hier, pour conclure qu'il serait temps d'y penser lorsque la courbe du déficit s'inverserait, autant dire aux calendes grecques !
Pour 1997, le déficit affiché est de 47 milliards de francs, que vous prévoyez de réduire à 30 milliards de francs, ce qui est tout de même beaucoup par rapport aux 12 milliards de francs d'excédent qu'on nous avait annoncés !
M. le président. Monsieur Mélenchon, vous êtes emporté par votre talent, et, bien que sous le charme de vos propos, je me vois contraint de vous demander de conclure.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, c'est ce que je me préparais à faire ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt. Quelle convergence !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ne dites pas que cela vous insupporte à ce point, mes chers collègues !
M. Henri de Raincourt. Pas du tout !
M. Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, ces 47 milliards de francs prévus par la commission des comptes de la sécurité sociale intègrent d'ores et déjà - j'attire votre attention sur ce point - l'élargissement de l'assiette de la CSG que nous n'avons pas encore voté. Alors, si la Haute Assemblée se contente d'une telle comptabilité, c'est à désespérer de tout !
Plus grave, il semble que le déficit prévisionnel pour 1997 s'élève plutôt à 55 milliards de francs. Une note de la direction du budget, rédigée début septembre, tablait même sur 57 milliards de francs !
L'intervention que j'avais préparée comptait encore deux pages, monsieur le président. Mais je propose que M. le ministre consulte les propos que j'ai tenus hier : il y verra tous ces motifs déjà exposés par le détail, et peut-être nous fera-t-il l'amitié d'une réponse ? Si notre conviction est certes déjà faite, la Haute Assemblée pourrait néanmoins vouloir délibérer sur des chiffres sûrs. Sinon, qu'elle réunisse à nouveau sa commission ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais d'abord donner acte à M. Mélenchon de la considération qu'il a pour la commission des affaires sociales : cette considération est telle qu'il souhaite lui renvoyer le texte. Je l'en remercie ! (Sourires.) Mais, si M. Mélenchon allait un peu plus loin dans son raisonnement et venait lui-même siéger à la commission des affaires sociales,...
M. Charles Descours, rapporteur. Ce qu'à Dieu ne plaise !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis à la disposition de la commission !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... il comprendrait de quoi nous parlons, il verrait quelle est la caractéristique de nos travaux et il ne dirait plus à la tribune un certain nombre de contrevérités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Tout d'abord, monsieur Mélenchon, vous nous dites qu'il faut renvoyer le texte à la commission. Mais, lorsque vous avez rédigé votre motion, M. Bébéar n'avait pas encore parlé. Vous avez donc ajouté - je vais y revenir - cette référence en nous disant que la conférence nationale de santé n'a pas rempli son office.
Je m'inscris en faux contre cette affirmation. Il est vrai que cette conférence - nous l'avons dit et le Gouvernement l'a confirmé - a été réunie très rapidement. Elle a cependant travaillé et a dégagé un certain nombre de priorités de santé. Je me permets, à cet égard, de vous renvoyer au rapport de Charles Descours, dans lequel vous trouverez les dix priorités qui ont été retenues.
C'est à partir de ces priorités qu'ont été élaborés et le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances pour 1997, que nous examinerons dans quelques jours au sein de cette assemblée.
Si l'on peut regretter - et je le fais avec vous - que la conférence nationale ait travaillé un peu vite, le fait d'avoir réuni soixante-douze professionnels et d'avoir dégagé une dizaine de priorités en matière de politique de santé me paraît constituer un événement heureux, en tout cas un élément nouveau qui me semble important.
Tel est donc notre premier motif de rejet de la motion tendant au renvoi à la commission.
Par ailleurs, vous nous avez fait une démonstration chiffrée s'agissant des comptes. Mon cher collègue, que n'avez-vous commencé plus tôt ! Permettez-moi à ce sujet de vous rappeler deux faits.
Premièrement, c'est sous les gouvernements socialistes, à partir de 1981, que le remboursement de l'ensemble des frais et opérations médicaux a été réduit de 78 % à 74 %. On n'avait jamais assisté à un tel déremboursement, à une telle diminution de la prise en charge des frais d'assurance médicale dans notre pays depuis une quarantaine d'années.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Eh oui, hélas !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Voilà le championnat dont vous êtes le héros. Je crois qu'il faut le rappeler afin que tout soit remis à sa place. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
Présidant la commission des affaires sociales depuis treize ans, j'ai quelques souvenirs en tête, mes chers collègues !
Permettez-moi donc de vous rappeler - c'est mon deuxième point - que, pendant les années 1990 et 1991, le gouvernement que vous souteniez, monsieur Mélenchon, n'a pas voulu réunir la commission des comptes de la sécurité sociale afin que n'apparaisse pas aux yeux du Parlement et de l'opinion publique la réalité des chiffres. On a donc continué, au sein du ministère, à faire des petites opérations sans transparence et sans publicité.
Là encore, je vous en supplie, ne donnez pas de leçons à ceux qui essaient aujourd'hui de présenter tous les chiffres et de faire débattre la représentation nationale sur les perspectives de retour à l'équilibre de notre régime de protection sociale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Voilà qui est incontestable !
Enfin, il est vrai, monsieur Mélenchon, je vous l'accorde,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ah !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... que nombreux sont ceux, dans ce pays, qui estiment que la lourdeur du fonctionnement de nos 144 régimes de protection sociale - oui, il y a effectivement 144 régimes distincts, mes chers collègues, entre le régime de base, les régimes complémentaires et les régimes spéciaux - justifie l'introduction d'un peu de concurrence dans cet ensemble, afin de pouvoir diminuer les frais généraux, conserver le même niveau de protection sociale et faire évoluer un peu le système.
Si un certain nombre de personnes ont manifesté cette tendance, ce n'est toutefois pas notre cas et, dans sa majorité, la commission des affaires sociales n'est pas de cet avis : elle considère qu'il ne faut pas désarticuler, démanteler l'ensemble d'un système qui date de 1945, mais qu'il faut simplement l'adapter en fusionnant, par exemple, ce qui peut être fusionné.
A cet égard, le Gouvernement va dans le bon sens puisqu'il nous propose dans le projet de loi de financement la fusion de deux ou trois régimes, notamment du régime des militaires avec celui des civils. Nous allons donc dans la bonne direction. D'autre part, j'ai moi-même proposé dans mon exposé d'hier - mais je regrette que vous ne l'ayez pas entendu - la suppression d'un certain nombre de petits régimes, de manière à économiser des frais de gestion et à retrouver des mécanismes de protection sociale à base de régimes obligatoires ou de régimes complémentaires susceptibles de fusionner dans de meilleures conditions de rentabilité et d'efficacité.
Par conséquent, ne nous adressez pas le reproche d'être favorables à la privatisation : nous sommes favorables à la survie du régime. Les travaux de la commission n'ont d'autre objet que de chercher à savoir comment revenir à l'équilibre sans augmenter les prélèvements obligatoires et sans réduire la couverture sociale en matière de maladie, de vieillesse, de famille ou d'accidents du travail pour l'ensemble de nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, il me paraît inutile, mes chers collègues, de renvoyer ce texte à la commission. M. Mélenchon a déposé une motion de procédure pour pouvoir développer l'ensemble de ses idées, mais, à partir du moment où la conférence nationale de santé a dégagé les priorités nécessaires, à partir du moment où M. Mélenchon me paraît peu qualifié pour nous donner des directives ou des orientations sur ce qu'il faudrait faire, à partir du moment où nous avons examiné le texte qui nous est soumis de manière très précise, au travers de plusieurs réunions de commission et de nombreuses auditions - nous avons ainsi entendu M. Ménard, président de la conférence nationale de santé, et nous envisageons de faire procéder l'année prochaine à des auditions par le Sénat tout entier pour que soient bien précisés les objectifs de la politique de santé - ...
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... à partir du moment, enfin, où je peux donner l'assurance, au nom de la commission, que notre objectif est bien de rééquilibrer le dispositif sans rechercher trop de ressources nouvelles et sans diminuer l'ensemble des couvertures, il ne me paraît pas utile de renvoyer le présent projet de loi à la commission.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de rejeter la motion n° 37 - qu'a défendue M. Mélenchon. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Quand M. Mélenchon pose des questions précises qui sortent de la simple polémique, je m'efforce - c'est d'ailleurs mon devoir - d'y répondre.
Monsieur Mélenchon, l'assurance maladie universelle fait actuellement l'objet d'un dernier travail de mise au point et un document sera prochainement soumis à la concertation. Je vais vous en donner quelques éléments en avant-première, même si, les consultations n'ayant pas été engagées, il m'est impossible de vous en livrer la totalité.
Il sera ainsi prévu un « droit personnel à l'assurance maladie ouvert sous condition de résidence ». Cela signifie que toute personne résidant en France va pouvoir être rattachée directement à un régime afin de bénéficier de l'assurance maladie. Il n'y aura plus lieu de rechercher une adhésion à un régime à travers un rattachement professionnel, au risque de ne pas être assuré pendant quelques mois.
M. Jean-Luc Mélenchon. Toute personne, monsieur le ministre ? Vous avez bien dit toute personne ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Oui, toute personne résidant en France.
Le travail dont j'ai fait état portera également sur le devenir de l'assurance personnelle, sur le problème de la compensation entre régimes - sujet difficile qu'il faudra bien aborder - ainsi que sur la question de l'harmonisation des prestations et des contributions.
Pour faire avancer le dossier, nous avons demandé à M. Bacquet, président de la section sociale du Conseil d'Etat, d'ouvrir un atelier où tous les partenaires sociaux et toutes les personnes intéressées pourront venir apporter leurs idées sur les différents aspects juridiques de l'assurance maladie universelle.
Nous avons également demandé à M. Bertrand Fragonard de s'intéresser à tous les problèmes financiers, notamment en matière de compensation, domaine dont il faut réduire l'opacité.
Dans ces conditions, monsieur Mélenchon, l'assurance maladie universelle, ce n'est pas l'Arlésienne. C'est un dossier difficile, sur lequel nous espérons pouvoir établir un texte au cours de l'année 1997 pour que, par étapes, tout Français puisse être affilié facilement.
Selon vous, monsieur Mélenchon, l'assurance maladie universelle serait une assurance a minima. Pourquoi ce procès d'intention ? Voilà une réforme qui ne prévoit aucun déremboursement, contrairement aux différents plans que M. Fourcade a fort opportunément rappelés à l'instant et que vous souteniez à l'époque, bien qu'ils prévoient des remboursements moindres.
M. Alain Richard. Vous pensez à M. Séguin ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Non, c'était avant !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Vous avez en effet donné le mauvais exemple !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela se ressemble pourtant !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. S'il y a bien un reproche que l'on ne peut pas faire au plan que nous vous présentons aujourd'hui, c'est précisément de pratiquer des déremboursements ! Et, croyez-moi, l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'a pas été facilitée par cette interdiction que nous nous sommes imposée !
Par ailleurs, vous êtes parti en flèche sur le système élaboré en 1945. Je vous remercie tout d'abord d'avoir cité mes déclarations, car vous m'avez évité de le faire moi-même. Ensuite, monsieur Mélenchon, si j'ai bien analysé le système de 1945, à l'époque, il a toujours été entendu que l'assurance obligatoire serait assortie d'assurances complémentaires. Le mouvement mutualiste ne s'y est pas trompé, qui a réussi à tisser en France un réseau tout à fait remarquable d'assurances complémentaires. Je ne vois pas ce qui est de nature à vous choquer dans ma déclaration !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est quand même pas la même chose !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Enfin, sur la conférence nationale de santé, nous avons dit que nous ferions mieux la prochaine fois. Mais vous avez bien pris la peine, monsieur Mélenchon, de préciser que, de toute façon, ce que nous allions dire n'était pas très utile, vos convictions étant déjà faites. Ce qui est dommage, c'est que, de temps en temps, vous ne puissiez changer vos convictions, monsieur Mélenchon ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 37, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 94
Contre 223

Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

ORIENTATIONS ET OBJECTIFS
DE LA POLITIQUE DE SANTÉ
ET DE SÉCURITÉ SOCIALE
Approbation du rapport

Article 1er et rapport annexé