M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Ma question pourrait s'adresser à plusieurs ministres ; je ne sais lequel me répondra : soit M. Guy Drut, ministre délégué à la jeunesse et aux sports, soit M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, soit M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Mais peu importe ! Je suis persuadé que, les uns et les autres, partagent le même sentiment que moi, à savoir que les hommes et les femmes de notre temps semblent à la recherche de références spirituelles qu'ils ne savent pas trouver dans l'humanisme laïque ou les religions actuelles : ils se tournent vers des mirages ou des groupements aux noms assez ésotériques, depuis la Scientologie, en passant par la Trilogie analytique, Le grand logis, jusqu'à l'association Le Patriarche. C'est cette association, dont je voudrais brièvement vous parler, qui fait l'objet de ma question.
Tout récemment, on a constaté que cette association recevait des subventions de l'Etat - pas seulement du gouvernement actuel ; elle en a reçu par le passé de presque tous les gouvernements - au motif qu'elle menait une action dans le sevrage des toxicomanes, action qui est caractérisée par des méthodes thérapeutiques particulièrement rudes, que récusent d'autres personnes qui soignent également les toxicomanes, comme M. Olievenstein.
Comptant deux mille à dix mille adeptes, elle envahit, effectivement, les sociétés modernes par ses agissements : elle procède à des achats immobiliers en quantité, pour ensuite recevoir et loger ceux qui frappent à sa porte. Se crée ainsi une situation particulièrement trouble et complexe.
Au fond, ma question est simple : pourquoi continuer à subventionner, contre l'avis même des responsables de la mission de lutte contre la toxicomanie, une activité si douteuse qui, même dans sa partie qui pourrait s'apparenter à une participation à la lutte contre la toxicomanie, n'est pas satisfaisante ?
Cette association dispose de moyens financiers énormes et de réseaux importants. Dès lors, pourquoi ne pas envisager d'attendre que la situation soit quelque peu éclaircie par le rapport que prépare l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, pour verser la subvention ?
Pourquoi ne pas attendre, comme l'a fait le ministre délégué à la jeunesse et aux sports pour la subvention à l'Office culturel de Cluny, d'avoir des éléments plus précis ?
Pourquoi ne pas envisager un contrôle fiscal...
M. le président. Monsieur Sérusclat, vous avez déjà posé votre question ; il ne faut pas la commenter.
M. Franck Sérusclat. Je viens, en effet, de poser ma question, monsieur le président : pourquoi ne pas attendre les conclusions du rapport de l'IGAS pour verser la subvention ? Pourquoi ne pas exercer un contrôle fiscal, qui serait étendu à l'ensemble des associations suspectes ?
Ne voyez pas là une intention polémique de ma part car je sais, je l'ai dit au début de mon intervention, que tous les gouvernements se sont trouvés confrontés à cette situation par rapport à l'association Le Patriarche. Il s'agit tout simplement de lutter contre l'emprise des sectes - nous la constatons tous - et de contrôler l'usage des subventions d'Etat allouées à des associations. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Monsieur Sérusclat, comme vous le savez, le Gouvernement a pris des dispositions pour faire face au développement des sectes. C'est dans cet esprit qu'a été institué un observatoire, notamment à la suite du rapport déposé par M. Alain Gest, rapporteur d'une commission d'enquête à l'Assemblée nationale. Un tel outil est, en effet, indispensable dès lors que la connaissance de ces organisations et de leurs agissements constitue le préalable à toute action efficace.
S'agissant des subventions, sachez, monsieur le sénateur, que MM. Drut, Barrot et Gaymard font preuve d'une extrême diligence, et dès qu'il y a doute, il est procédé aux investigations nécessaires. Dans le cas de l'association que vous venez de citer, tout versement est aujourd'hui suspendu.
Vous avez également évoqué l'idée de recourir au contrôle fiscal. A cet égard, je ferai deux observations.
D'abord, nous devons éviter de concevoir le contrôle fiscal comme un instrument de police. Je vous laisse imaginer à quels dévoiements nous pourrions être conduits. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) Le contrôle fiscal a pour objet de vérifier que les contribuables ont correctement rempli leurs obligations fiscales. Donc, n'en faisons pas un instrument de police.
M. Philippe François. Effectivement !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Cela étant dit, les associations sectaires ont fréquemment des activités lucratives, normalement passibles des impôts commerciaux. Cela conduit alors les services fiscaux à en programmer le contrôle.
Il n'y a pas si longtemps, vous avez appris qu'une secte a été liquidée à la suite d'un contrôle fiscal. Elle avait des activités lucratives, elle omettait d'assumer ses obligations fiscales et le poids de la dette ainsi mise en recouvrement a mis un terme à son existence.
S'agissant de l'association Le Patriache, les règles du secret fiscal - vous ne serez pas surpris que j'y fasse référence devant vous - ne me permettent pas de vous apporter des informations précises sur sa situation fiscale. Je tiens simplement à vous dire que, en cette matière, le Gouvernement entend assumer pleinement ses responsabilités et recourir aux moyens légaux dont il dispose pour combattre tous les abus et assurer la sécurité publique. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

RELATIONS ENTRE LES PME ET LES SERVICES FISCAUX