ou après l'article 54

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 55, M. Vasselle propose d'insérer, avant l'article 52, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 31 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 est ainsi rédigé :
« Lorsqu'elles siègent en tant que conseil de discipline, elles sont présidées par un magistrat de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraire. »
Par amendement n° 56, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article 54, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 90 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé :
« Il est créé un conseil de discipline départemental ou interdépartemental de recours, présidé par un magistrat de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraire, désigné par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé le siège du conseil de discipline. »
Par amendement n° 191, MM. Peyronnet, Régnault, Allouche, Authié, Batinder, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Leguevaques, Mahéas, Piras, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 52, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa de l'article 31 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 est ainsi rédigé :
« Lorsqu'elles siègent en tant que conseil de discipline, elles sont présidées par un magistrat de l'ordre judiciaire en activité ou honoraire.
« II. - Le premier alinéa de l'article 90 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 est ainsi rédigé :
« Il est crée un conseil de discipline départemental ou interdépartemental de recours, présidé par un magistrat de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraire, désigné par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé le siège du conseil de discipline. »
La parole est à M. Vasselle, pour présenter les amendements n°s 55 et 56.
M. Alain Vasselle. Il s'agit de revenir à la situation qui prévalait antérieurement. Notre collègue M. Hyest s'en souvient sûrement, le Sénat avait, à l'époque, maintenu le texte qui était en vigueur avant la discussion du projet de loi présenté par M. Hoeffel, mais l'Assemblée nationale avait introduit une modification, en prévoyant que ce serait désormais le président du tribunal administratif qui présiderait le conseil de discipline, et non plus un magistrat de l'ordre judiciaire.
M. Jean-Jacques Hyest. Un magistrat de l'ordre administratif !
M. Alain Vasselle. En effet, et c'est ce qui a été retenu dans le décret d'application.
Or l'expérience nous montre qu'on rencontre des difficultés majeures dans le fonctionnement de ces conseils de discipline. En effet, la présidence devant être assurée par un magistrat du tribunal administratif, le conseil de discipline ne peut se réunir qu'au niveau régional.
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Alain Vasselle. Les réunions se tiennent soit au niveau régional, soit au siège du centre de gestion !
Or, dans la plupart des cas, les magistrats des tribunaux administratifs nous assurent qu'ils sont déjà surchargés de travail.
M. le ministre a été conduit à élaborer un décret qu'il a soumis à l'examen des assemblées représentatives d'élus.
Je rappelle que les magistrats de l'ordre judiciaire ne percevaient aucune indemnité pour le travail qu'ils assumaient en présidant le conseil de discipline des collectivités locales. Mais les magistrats de l'ordre administratif, eux, demandent le versement d'une telle indemnité, considérant que cette mission va entraîner pour eux des charges supplémentaires. Quoi qu'il en soit, c'est l'ensemble des collectivités qui vont ainsi devoir supporter une charge nouvelle.
En outre, dans 90 % des cas, les conseils de discipline devront se tenir au lieu où siège le magistrat du tribunal administratif, donc dans la capitale régionale. Lorsqu'on sait à quelles difficultés on est confronté pour obtenir le quorum dans ces conseils de discipline, on peut imaginer ce que cela va donner !
C'est la raison pour laquelle je propose de revenir à la situation antérieure et de faire présider le conseil de discipline par un magistrat de l'ordre judiciaire. Cela, dans le passé, n'a jamais posé de problèmes majeurs, sinon que, déjà à l'époque, il n'était pas toujours facile d'obtenir le quorum.
L'amendement n° 56 est un amendement de conséquence.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 191.
M. Jean-Claude Peyronnet. Mon amendement a le même objet que les amendements n°s 55 et 56, qui ont été excellemment défendus par M. Vasselle.
Je comprends tout à fait pourquoi la loi du 27 décembre 1994 a prévu de confier la présidence des conseils de discipline aux magistrats de l'ordre administratif, mais le fait est que cela ne marche pas.
D'ailleurs, les décrets d'application n'étant pas tous publiés, ce sont des magistrats de l'ordre judiciaire qui continuent de présider un certain nombre de conseils de discipline.
Par conséquent, il serait sage de revenir à la rédaction antérieure à la loi Hoeffel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 55, 56 et 191 ?
M. François Blaizot, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements.
Elle considère en effet que nous ne serions vraiment pas logiques avec nous-mêmes si nous les adoptions puisque la situation actuelle résulte de la loi du 27 décembre 1994. Auparavant, les magistrats des tribunaux civils étaient chargés de cette présidence. La loi de 1994 a tranféré cette dernière aux magistrats de l'ordre administratif. Si, aujourd'hui, nous la redonnons aux magistrats de l'ordre judiciaire, nous perdrons un peu la face !
Il est possible qu'il y ait des difficultés, mais il y en aurait également avec les magistrats de l'ordre judiciaire. Si nous avons pris, en 1994, cette décision de transfert, c'est justement parce que le système en vigueur à l'époque ne fonctionnait pas tellement bien non plus.
C'est en fait de l'autorité de M. le ministre que relève la solution du problème. Il faudrait que le Gouvernement prenne des dispositions à l'égard des tribunaux administratifs pour que le service de cette présidence soit rendu normalement, rapidement et gratuitement.
M. Alain Vasselle. En plus, cela va nous coûter des sous !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je rappelle que c'est sur une initiative parlementaire que la loi a été modifiée en 1994 : le Gouvernement n'avait pas proposé ce changement.
Aujourd'hui, un certain nombre de sénateurs proposent de revenir à la situation antérieure, ce qui montre qu'il y a débat.
S'agissant des moyens matériels, j'ai effectivement signé tout récemment un décret qui prévoit un système d'indemnisation - naturellement à la charge des collectivités qui sont les employeurs puisqu'il s'agit de conseils de discipline - pour permettre la mise en route du dispositif adopté en 1994.
Sur les amendements qui sont proposés aujourd'hui, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat. Je ne sais pas si cette sagesse s'exercera dans le même sens qu'en 1994, mais je suis certain qu'elle se manifestera.
M. le président. Monsieur Vasselle, dans la mesure où l'amendement n° 191 est en quelque sorte la synthèse de vos amendements n°s 55 et 56, acceptez-vous de retirer ceux-ci au profit de celui-là ?
M. Alain Vasselle. Oui, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s 55 et 56 sont retirés.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 191.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je considère que, quand le législateur a pris une décision, il appartient à l'administration de l'appliquer. Que je sache, on peut contraindre des magistrats de l'ordre administratif à remplir les missions qui leur sont confiées par la loi !
Je trouve insensé d'entendre parler de difficultés d'application. Enfin, qui dirige ? Qui décide ?
L'erreur de base, qu'on n'a pas réparée, était de faire siéger des magistrats dans les conseils de discipline. Cela ne se fait pas pour les conseils de discipline de l'Etat. Mais il y a eu tellement de suspicion à l'égard des collectivités locales !
Moi, j'ai connu des conseils de discipline qui étaient présidés par l'exécutif de la collectivité et, en cas de désaccord, on allait devant la juridiction administrative, non pas devant la juridiction de l'ordre judiciaire.
Mélanger la fonction judiciaire avec ce qui concerne la discipline dans la fonction publique m'apparaît comme une absurdité. Nous avons deux ordres de juridiction : respectons les blocs de compétence !
En fait, c'est par suspicion à l'égard des élus qu'on a, un beau jour, décidé de faire présider les conseils de discipline par des magistrats. Et puis, comme il y a beaucoup plus de tribunaux civils, on a décidé que ce serait des magistrats de l'ordre judiciaire.
Mais, moi, je connais aussi un certain nombre de cas où des responsables de collectivité locale ont subi un véritable procès pénal parce qu'ils avaient osé traduire devant le conseil de discipline un de leurs agents. Cela tournait presque à la cour d'assises ! Cela n'avait plus rien à voir avec un conseil de discipline !
C'est le motif qui a incité un certain nombre d'entre nous à souhaiter le transfert de cette responsabilité à des gens qui connaissent bien le droit de la fonction publique, c'est-à-dire aux magistrats de l'ordre administratif.
Il n'est pas concevable que l'on modifie la loi sous le simple prétexte de difficultés d'application. Que l'on prenne les mesures nécessaires pour faire appliquer la loi, mais qu'on ne change pas tout le temps les règles qu'on s'est fixées !
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je voudrais d'abord, pour lever toute ambiguïté, rappeler que, en 1994, l'initiative de la modification de la loi est venue de l'Assemblée nationale et non pas de la Haute Assemblée.
M. Jean-Jacques Hyest. Mais vous l'avez votée !
M. Alain Vasselle. D'ailleurs, à cet égard, le point de vue de l'Assemblée nationale et celui de la Haute Assemblée étaient différents. En commission mixte paritaire, un accord est sans doute intervenu, et la Haute Assemblée s'est ralliée à la position de M. Hyest, qui était alors le rapporteur de l'Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Alain Vasselle. Je comprends tout à fait la cohérence de la modification proposée par M. Hyest et adoptée par l'Assemblée. Simplement, j'ai souhaité appeler l'attention de la Haute Assemblée sur les difficultés auxquelles se trouvent confrontées les collectivités territoriales et sur les risques de blocage que nous rencontrerons du fait d'une présidence des conseils de discipline assurée par un magistrat de l'ordre administratif.
Nous éprouvions déjà antérieurement des difficultés pour faire fonctionner ces conseils de discipline. Il n'est pas de département où des réunions de conseil de discipline n'aient dû être repoussées plusieurs fois. parce que le quorum n'était pas atteint. Mes chers collègues, demain, lorsque le conseil de discipline devra se tenir au chef-lieu de région, imaginez ce qu'il en sera dans les régions de montagne !
J'ajoute que, lorsque la présidence du conseil de discipline était assurée par un magistrat de l'ordre judiciaire, cela ne coûtait pas un sou aux collectivités territoriales employeurs. Or, M. le ministre l'a rappelé, il sera dorénavant demandé aux collectivités territoriales de participer au dédommagement du travail assumé par les magistrats de l'ordre administratif.
Cela signifie que les collectivités vont être doublement pénalisées par la nouvelle modification.
Je suis prêt à me rallier à la position de M. Hyest. Encore faudrait-il que M. le ministre s'engage très clairement à ce que tous les moyens soient mis en oeuvre par le Gouvernement pour que les magistrats de l'ordre administratif organisent les réunions des conseils de discipline non pas à l'échelon régional mais au niveau départemental.
Certes, ils en ont déjà la faculté, mais on sait bien que, compte tenu de la charge de travail des tribunaux administratifs, il est peu probable que cela se fasse dans la pratique. Autrement dit, cette faculté doit être transformée en obligation et il faut supprimer le dédommagement, qui représente une charge nouvelle pour les collectivités.
Peut-être M. Peyronnet acceptera-t-il de retirer son amendement si nous obtenons des engagements clairs, nets et précis tels que les conseils de discipline puissent fonctionner de manière satisfaisante et sans que cela ait un coût pour les collectivités.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je ne prétendrai pas que je découvre ce problème, mais il est clair qu'il traduit une certaine méfiance à l'égard des élus.
Nous nous plaignons tous de la surcharge incombant aux magistrats, quels qu'ils soient. De surcroît, les magistrats judiciaires ne sont pas plus « alpinistes » que les magistrats de l'ordre administratif, si je puis me permettre cette image.
Or, à chaque fois, on nous rétorque que le juge a autre chose à faire qu'à présider des conseils de discipline.
M. Alain Vasselle. Nous n'avons qu'à leur ôter cette présidence !
M. Jacques Larché, président de la commission. Parfaitement, il nous suffirait de la confier de nouveau à l'autorité de nomination. Que vient faire un magistrat en cette affaire ?
M. Alain Vasselle. Pourquoi la commission des lois n'a-t-elle pas proposé une modification en ce sens ?
M. Jacques Larché, président de la commission. Nous attendions les résultats de votre réflexion, mon cher collègue. (Sourires.)
M. le président. Monsieur Peyronnet, l'amendement n° 191 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Peyronnet. J'ai écouté avec attention les propos qui ont été tenus mais je ne vois pas de raisons de retirer mon amendement, à moins que M. le ministre ne nous donne des assurances...
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Nous devons cheminer avec mesure et réflexion sur un tel sujet. Je répondrai d'abord aux questions qui m'ont été posées par M. Vasselle.
S'agissant du site géographique retenu pour les conseils de discipline, le décret que j'évoquais tout à l'heure précise bien qu'il s'agira de la ville où est implanté le centre de gestion.
Par ailleurs, je vous confirme que l'indemnisation du temps passé par les magistrats sera à la charge de la collectivité qui emploie la personne convoquée devant le conseil de discipline. Très sincèrement - et je suis également maire - cette formule ne me paraît pas particulièrement choquante. Nous faisons appel aux qualités d'arbitrage d'un magistrat, ce qui n'entre pas dans le cadre normal de ses fonctions. Il me semble donc normal qu'une indemnisation soit prévue.
Monsieur le président de la commission des lois, on ne peut revenir presque à l'improviste sur la présidence des conseils de discipline par les magistrats, sans évoquer le fond du débat. Cette question nécessiterait une réflexion plus approfondie. Personnellement, je ne souhaite pas qu'une telle modification puisse être décidée à l'occasion de ce débat, sans que nous ayons eu le temps de prendre des contacts.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je ne puis approuver votre méthode de réflexion, monsieur le ministre. En effet, vous nous dites que nous procédons à l'improviste. Il n'en est rien : nous examinons un texte, et, à cette occasion, nous percevons une difficulté.
Vous êtes en charge de la fonction publique et vous exercez vos responsabilités avec talent et autorité, ce dont nous nous réjouissons. Mais la commission des lois a une vision d'ensemble des problèmes. Nous nous préoccupons en effet tant de la fonction publique que de l'organisation territoriale ou du rôle des magistrats. A ce titre, nous savons très bien que ces derniers ne peuvent pas faire face actuellement à leur tâche parce qu'ils sont surchargés de travail, qu'ils sont envoyés de commission en commission et qu'il leur est demandé d'intervenir dans des domaines où, véritablement, leur concours n'est pas indispensable.
Des incidents notoires se sont-ils produits avant que cette disposition ait été prise ? Je n'en suis pas persuadé. Vous êtes un élu local, monsieur le ministre, et vous savez donc bien que les commissions de discipline se réunissent parfois dans un climat tel que l'on peut prétendre qu'elles aboutissent à des dénis de justice.
Selon moi, les magistrats de l'ordre judiciaire sont surchargés de travail et ceux de l'ordre administratif ne parviennent pas à remplir leur mission parce qu'ils ont trop d'affaires à traiter. Le plus simple serait, et la commission des lois s'y emploie d'ailleurs, d'essayer de cantonner les juges à leur rôle, afin qu'ils le remplissent mieux qu'à l'heure actuelle. Je ne mets nullement en doute leurs qualités personnelles mais, compte tenu de la tâche écrasante qui leur incombe, la suppression pure et simple du second alinéa de l'article 31 permettrait de résoudre le problème.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 191, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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