M. le président. M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation de la formation en alternance ainsi que sur le projet de fusion des collectes des taxes de l'alternance et de l'apprentissage.
Il constate que les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, à qui seraient confiés les fonds collectés, tardent cette année encore à reverser aux entreprises et aux centres de formation les taxes de l'alternance.
Il semble que 2,5 milliards de francs soient également bloqués à l'Association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, alors que 20 000 contrats de qualification n'ont pas trouvé de financement.
C'est pourquoi il lui demande quelles mesures il compte mettre en oeuvre pour remédier à cette situation particulièrement préoccupante. (N° 458.)
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Madame le ministre, je me réjouis que ce soit vous qui soyez appelée à répondre à la question que je vais poser ; la réponse sera vraisemblablement en bonne main.
Le 15 octobre dernier, vous avez annoncé la préparation d'une grande réforme de la formation professionnelle. Il est temps, en effet, de clarifier les rôles respectifs de l'Etat, des partenaires sociaux, des régions et des chambres consulaires.
A ce propos, les chambres consulaires m'ont alerté sur un projet de fusion de la collecte de la taxe de l'alternance et de la taxe de l'apprentissage, qui conduirait à confier désormais cette collecte exclusivement aux organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, donc aux partenaires sociaux. Seraient ainsi rejetées les chambres consulaires, qui sont le premier réseau de formation professionnelle par l'apprentissage, à la satisfaction de tous.
C'est pour le moins curieux, au moment où nous venons de voter la loi du 6 mai 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage, dont les décrets ne sont du reste toujours pas publiés.
Il paraît normal que les chambres consulaires soient associées à l'élaboration de cette réforme, notamment en cas de modification du dispositif de collecte de la taxe d'apprentissage. Quelle est votre position à ce sujet, madame le ministre ?
Ce que je vais ajouter intéresse également M. le ministre délégué au budget ; je profite de l'occasion qui m'est offerte par sa présence dans cet hémicycle.
A l'Assemblée nationale a été adopté, le 19 octobre dernier, un article 24 ter dans le projet de loi de finances pour 1997 prélevant 1 milliard de francs sur l'association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, soit 40 % de ses excédents : 2,5 milliards de francs en octobre 1996. J'éviterai tout commentaire sur une telle méthode. Hélas ! il y a des précédents ! Les besoins de formation en alternance seraient-ils en baisse et les excédents seraient-ils liés à un trop-plein de cotisations obligatoires ? En fait, les besoins de financement n'ont pas changé, mais ce sont les OPCA qui ne remplissent pas leur mission.
Tout d'abord, ils tardent à reverser aux entreprises et aux centres de formation les taxes de l'alternance collectées.
Ensuite, ils refusent nombre de financements, alors que les contrats de qualification, eux, ne cessent d'augmenter. J'ai ici quelques exemples affligeants de ces refus ; je vous en cite certains : « La formation niveau III » - ici, il s'agit d'un BTS « force de vente » - « n'entre pas dans leur priorité de financement », ou bien « n'entre pas dans les critères de prise en charge ». De quels critères parle-t-on ? Mystère ! L'entreprise n'en aura jamais connaissance.
Je cite encore : « Cette formation est en dehors de normes fixées par le conseil d'administration » de cet OPCA-là. C'est très grave ! Cela veut dire que chaque conseil d'administration d'un OPCA émet unilatéralement des règles sur les financements qu'il décidera ou non d'accepter.
On détourne ainsi complètement l'objectif de la formation en alternance.
Vingt mille jeunes, qui avaient pourtant trouvé une entreprise prête à les accueillir, n'ont pu être acceptés en contrat de qualification parce que les OPCA en ont souverainement décidé autrement. Aucun recours n'est possible contre leur décision !
Il est grand temps que vous remettiez de l'ordre dans la gestion de ces organismes collecteurs. Pouvez-vous vous dresser contre ces abus de pouvoirs ? C'est un véritable « massacre des innocents » ! Pourtant, le Président de la République nous avait dit : « Avant toute décision, nous regarderons si celle-ci est bonne pour l'emploi. » Ici, ce n'est assurément pas le cas.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, tout d'abord je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Jacques Barrot, qui, comme vous le savez, défend actuellement devant l'Assemblée nationale le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je vous confirme que le Gouvernement dans son ensemble - plus particulièrement M. Barrot et moi-même, bien évidemment - est très attaché au développement de la formation en alternance. Il s'agit, en effet, nous semble-t-il, d'une bonne solution pour conduire les jeunes vers l'emploi.
Vous avez particulièrement attiré mon attention sur l'hypothèse de fusion des collectes des taxes de l'alternance et de l'apprentissage.
M. Jacques Barrot souhaite que les deux dispositifs se développent de façon vigoureuse et complémentaire. Mais chacun doit conserver sa spécificité.
Les modalités de ce développement feront l'objet d'une concertation avec l'ensemble des parties concernées, étant rappelé que les partenaires sociaux ont une responsabilité directe dans le dispositif actuel des contrats d'alternance.
Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, les détails de remboursement pratiqués par les organismes paritaires collecteurs agréés.
Sur ce point particulier, il convient de distinguer les contraintes d'origine réglementaire, qui subordonnent tout paiement à l'exécution des formations, et les pratiques de gestion des organismes collecteurs qui relèvent de leur responsabilité. Il est envisagé d'assouplir le dispositif réglementaire de façon à permettre le versement d'acomptes.
Enfin, en ce qui concerne la trésorerie de l'AGEFAL, le problème a été posé par M. Jegou, député, dans le cadre de l'examen de la loi de finances à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement - je parle en présence de M. Lamassoure - ne s'est pas associé à l'amendement présenté et s'en est remis à la sagesse de l'assemblée. Toutefois, il reconnaît, bien évidemment, qu'il faut absolument s'interroger, dans le contexte actuel, sur l'immobilisation de fonds destinés à favoriser l'accès des jeunes à l'emploi.
Vous avez aussi évoqué le fait que 20 000 contrats de qualification n'avaient pu être souscrits faute de financement ou en raison des refus opposés à ces demandes par les OPCA. C'est un point que nous étudions. Comme vous le savez, nous faisons notamment en sorte que les critères qui s'imposent n'aillent pas à l'encontre du développement de la formation en alternance.
Cependant, je tiens à souligner un point positif : 7 000 contrats ont été enregistrés en septembre 1996, contre 6 000 en septembre 1995. Cela démontre que la mobilisation sur le sujet et l'incitation à la conclusion de contrats de qualification commencent aujourd'hui à porter leurs fruits. Il nous faut simplement poursuivre cette démarche puisque, une fois de plus grâce aux contrats de qualification, l'apprentissage comme la formation en alternance représentent de bonnes voies pour un certain nombre de jeunes.
Par ailleurs, comme vous le savez, nous avons prévu, dans le projet de budget pour 1997, la possibilité de conclure un nombre significatif de contrats nouveaux, tant en apprentissage qu'en alternance.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse. Mais vous ne m'empêcherez pas de penser que cet excédent de 2,5 milliards de francs est vraiment inquiétant. Ou bien l'on réduit les cotisations, ou bien l'on essaye de financer « plein pot », si je puis dire : plus de 20 000 jeunes, je vous le rapelle, n'ont pu être acceptés en contrat de qualification, alors qu'ils avaient trouvé une entreprise pour les accueillir.
Mon temps de parole étant limité - et je remercie M. le président de ne pas avoir été trop rigoureux - je vous fais parvenir, madame le ministre, un document. (Un huissier remet le document à Mme le ministre) sur lequel figurent des exemples d'entreprises où, à ma stupéfaction, les contrats n'ont pas été accordés. (Un huissier portera un document à Mme le ministre.) En examinant ce document avec l'esprit dont vous avez témoigné dans votre réponse, vous déciderez que ce ne sont pas 7 000 contrats au lieu de 6 000, mais 12 000 contrats au lieu de 6 000 qui doivent être conclus. C'est en tout cas ce que j'espère. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)

DÉVELOPPEMENT
DE L'EMPLOI FRANÇAIS À L'ÉTRANGER