M. le président. « Art. 13 bis . - En cas de dépassement des seuils de pollution visés à l'article 3 et de déclenchement de la procédure d'alerte, la gratuité d'accès aux transports collectifs est obligatoire dans les agglomérations concernées. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. François, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 65 est présenté par M. Adnot.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 105, le Gouvernement propose de rédiger l'article 13 bis comme suit :
« En cas de mesure de restriction ou de suspension de la circulation des véhicules décidée par le préfet dans le cadre d'une procédure d'alerte, l'accès aux réseaux de transport public en commun de voyageurs est assuré gratuitement. »
Par amendement n° 71, MM. Leyzour, Billard, Minetti, Pagès, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - De compléter l'article 13 bis par deux paragraphes II et III ainsi rédigés :
« II. - A l'article L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales, les taux : "0,55 %", "1 %" et "1,75 %" sont respectivement remplacés par les taux : "0,75 %", "1,2 %" et "1,95 %".
« III. - A l'article L. 2531-4 du même code, les taux : "2,5 %", "1,6 %" et "1,3 %", sont respectivement remplacés par les taux : "3 %", "1,9 %" et "1,6 %". »
II. En conséquence, de faire précéder le texte de l'article 13 bis de la mention : « I. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Philippe François, rapporteur. Nous avons longuement évoqué cette question ce matin, lors de la discussion générale, mais l'importance du sujet mérite que l'on s'y attarde quelques instants.
En effet, cet article prévoit la gratuité des transports en commun en cas de pic de pollution. J'attire votre attention sur ce point, car il est très important, et cette disposition, si généreuse soit-elle, soulève à l'examen plus de questions qu'elle n'en résout, pour ce qui concerne tant sa mise en oeuvre que la répartition de son coût financier.
Le caractère automatique de la gratuité ne se justifie pas lorsque l'épisode de pollution est imputable à des installations ou à une cause extérieures à la zone concernée.
L'application de cette disposition introduirait une inégalité de traitement injustifiée entre les usagers des transports publics puisque, selon les explications du rapporteur de l'Assemblée nationale, cette mesure ne concernerait que les usagers n'empruntant pas habituellement les transports collectifs. En effet, les titulaires d'abonnement ne bénéficieront pas de mesures de remboursement partiel.
Cette disposition est logique, puisqu'il s'agit d'encourager les non-usagers des transports publics à utiliser ces derniers, et pragmatique, car le remboursement partiel d'abonnements est impossible à organiser.
En ce qui concerne les autorités responsables des transports qui assumeront le coût financier de cette mesure, force est de constater qu'une fois encore il s'agit d'une charge supplémentaire pour le budget des collectivités locales. Le Gouvernement n'a pas accepté de compenser cette mesure et ce « cadeau » fait aux dépens des collectivités locales vient s'ajouter aux efforts demandés en matière de transport en commun.
Bien plus, la non-compensation de cette mesure induit une discrimination à l'encontre de certaines autorités responsables de transports publics. Comme il a été souligné lors de la seconde délibération de cet article demandée par le Gouvernement, l'Etat assumera une partie de ce surcoût, lorsqu'il sera en cause, c'est-à-dire dans le cas particulier de Paris, à travers, notamment, sa contribution au fonctionnement de la régie autonome des transports parisiens, la RATP, qu'évoquait ce matin M. Descours.
C'est pour toutes ces raisons que nous vous demandons de supprimer cet article, même si la publicité qui a été faite autour du sujet lors du vote de l'Assemblée nationale aurait pu inciter certains à suivre celle-ci en cette matière.
MM. Jean-François Le Grand et Jean-Marie Girault. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Adnot, pour défendre l'amendement n° 65.
M. Philippe Adnot. C'est à titre personnel et non pas en tant que rapporteur pour avis que j'ai déposé cet amendement, la commission des finances n'ayant pas été saisie de cet article 13 bis.
Je voudrais faire observer à Mme le ministre que le Gouvernement a bien fait de ne pas prévoir de compensation, lui qui est soucieux des deniers de l'Etat. Point n'est besoin en effet de compenser un dispositif qui ne va pas coûter plus cher au citoyen !
Si un pic de pollution est constaté, les personnes qui auraient utilisé leur voiture prendront les transports en commun, et cela leur coûtera moins cher. Pourquoi compenser ce qui est en réalité une économie pour celui qui sera obligé d'utiliser les transports en commun ?
Si l'Etat, à juste raison, ne veut pas mobiliser ses fonds en l'affaire, il doit laisser les collectivités locales en faire autant. Je rappelle que, sinon, la fiscalité locale étant pour la moitié assurée par la taxe professionnelle que versent les entreprises, on créerait sans nécessité une charge nouvelle.
Ceux à qui l'on demandera, les jours de pic de pollution, de prendre les transports en commun feront des économies ; que tout le monde en fasse !
M. Philippe François, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 105.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Si le Gouvernement est tout à fait favorable à la mesure de gratuité adoptée par l'Assemblée nationale, il lui paraît néanmoins nécessaire d'apporter deux améliorations pour rendre opérationnel le texte qu'elle a voté et lui conférer la stabilité juridique nécessaire à sa bonne application.
D'une part, il convient de limiter la mise en oeuvre de ce dispositif aux seules alertes impliquant des restrictions ou des suspensions de circulation. Il va en effet de soi que ce dispositif serait inopérant face à des pointes de pollution impliquant des alertes, par exemple, pour les seules sources fixes car les polluants émis par les industries et les centrales thermiques ne correspondent pas aux polluants émis par les véhicules.
D'autre part, il convient, dans le souci d'économiser les deniers publics, de limiter la gratuité aux seuls réseaux de transport public en commun de voyageurs, pour reprendre la terminologie de l'article 23. Il serait en effet difficile, me semble-t-il, de rendre obligatoire la gratuité de transports collectifs tels que les taxis ou les transports collectifs d'entreprise, compte tenu du coût et de l'absence de dispositions financières appropriées.
Pour toutes ces raisons, la position du Gouvernement consiste à recadrer la disposition votée en première lecture par l'Assemblée nationale.
Je m'expliquerai ultérieurement sur l'amendement n° 13 de la commission.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 71.
M. Louis Minetti. Nous touchons ici au problème de l'argent.
Afin d'éviter que le financement de la mesure proposée à l'article 13 bis du texte que nous examinons ne soit directement prélevé sur le budget des collectivités locales - par ailleurs fort mis à mal par le constant désengagement de l'Etat - nous proposons de gager le coût de cette mesure par une augmentation de la taxe « transport » acquittée par les entreprises.
Après tout, si les personnes qui se déplacent prennent leur voiture, c'est bien pour aller travailler ! Par conséquent, il y a intérêt à responsabiliser les entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 105 et 71 ?
M. Philippe François, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 71.
S'agissant de l'amendement n° 105 du Gouvernement, je me permettrai une note personnelle, madame le ministre.
Vous avez rattrapé le désastre qu'aurait provoqué la mesure envisagée par l'Assemblée nationale. En effet, celle-ci ayant posé le principe de la gratuité de tous les transports à partir du moment où le préfet annonçait un dépassement des seuils de pollution, on peut sans peine imaginer n'importe quel citoyen déposant sa voiture à l'entrée d'une ville pour prendre un taxi et dire au chauffeur de se faire payer par la mairie, bref de se débrouiller ! Cela paraissait non pas seulement inopérant, mais encore... je préfère passer sur le qualificatif ! (Sourires.)
Madame le ministre, vous avez donc essayé de rattraper les choses en choisissant un moyen terme et en limitant la gratuité aux transports publics en commun de voyageurs. C'est un moindre mal. Mais, sur le plan du principe, pardonnez-moi de vous dire que ce n'est pas acceptable, même si, encore une fois, certains d'entre nous sont rééligibles l'année prochaine ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13, 65 et 71 ?
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Les amendements n°s 13 et 65 tendent à la suppression de cet article 13 bis.
La suppression de cet article, qui, je le rappelle, constitue une mesure très concrète et particulièrement lisible, et a été interprété par nos concitoyens comme un signal politique très fort, ne me paraît pas opportune.
Je n'ignore pas les difficultés d'application que vous avez exposées, monsieur le rapporteur, et vous aussi, monsieur Adnot. J'ai donc proposé un amendement destiné à bien encadrer le dispositif.
Cela étant, je voudrais attirer votre attention sur trois points.
En premier lieu, cette mesure n'aura à jouer que les jours de restriction de circulation, c'est-à-dire un nombre de jours très limité dans l'année.
En deuxième lieu, l'Etat porte également sa part, en même temps que les collectivités locales.
En troisième lieu, même si, pour nos concitoyens, le fait de prendre un transport en commun plutôt que leur voiture particulière constitue un avantage, on peut se demander pourquoi ils ne le font pas quotidiennement !
En réalité, il est important, ne serait-ce qu'à titre pédagogique, de bien montrer, dès le début de l'application de cette loi, qu'un effort est demandé par la collectivité dans l'intérêt de la collectivité, c'est-à-dire de nous tous, mais que la restriction d'utilisation de sa voiture, qui porte atteinte à une liberté, est compensée par la gratuité du service public.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'est pas favorable à la suppression de cet article. Néanmoins, les deux modifications que j'ai proposées au Sénat permettent d'encadrer de manière très sérieuse les conséquences financières pour l'Etat et les collectivités locales de ce dispositif.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 71, d'abord parce qu'il vise à augmenter de façon trop importante la charge des entreprises, ensuite parce que, les transports ne s'effectuant pas nécessairement entre le travail et le domicile, les entreprises seraient amenées à assumer des charges qui ne les concernent pas ; enfin, l'augmentation que vous proposez serait sans commune mesure avec le coût de la mise en oeuvre de l'article 13 bis telle que je la propose avec cet amendement du Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 13 et 65.
M. Michel Souplet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet. Les arguments que vous venez de présenter, madame le ministre, ne m'ont personnellement pas convaincu.
Nous qui sommes des représentants des collectivités locales savons qu'à partir du moment où l'on s'orientera vers la gratuité, il faudra bien que quelqu'un paie. Ce seront bien sûr les collectivités territoriales !
Imaginons, par exemple, que la pollution soit élevée dans Paris intra muros, mais qu'elle ne le soit pas dans les villes voisines. Comment feront les usagers du RER ? Ils devront emprunter un tronçon gratuit et un autre qui ne le sera pas ?
Et les usagers qui utilisent une carte de transport, demanderont-ils le remboursement du jour où le transport sera gratuit ?
Quant aux automobilistes qui se trouveront ce jour-là à Paris ou dans une ville polluée, il ne me paraît pas logique qu'ils voyagent gratuitement alors qu'ils auraient assumé le coût du transport s'ils avaient utilisé leur propre véhicule.
Pour toutes ces raisons, et bien que mon ami François-Michel Gonnot, président de la commission de la production et des échanges à l'Assemblée nationale, ait plutôt été favorable à cette formule - je le comprends, puisque les transports sont gratuits à Compiègne du 1er janvier au 31 décembre ! - je voterai personnellement l'amendement de suppression de l'article 13 bis.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Je suis d'accord avec ce que vient de dire M. Souplet. Permettez-moi toutefois d'ajouter un point de détail.
Nous l'avons bien vu avec la loi réglementant la publicité sur l'alcool, des pressions sont toujours exercées par les différents lobbies pour diminuer le seuil des sanctions applicables. Il en sera de même pour ce que nous jugerons inacceptable et inadmissible pour la santé en matière de pollution de l'air.
Les seuils de pollution étant abaissés, les déclenchements de la procédure d'alerte et donc de la gratuité des transports seront plus fréquents et deviendront rapidement insupportables pour les organisateurs de transports en commun publics !
Au fond, nous aurions peut-être intérêt à tirer les conséquences de l'expérience qui est faite aujourd'hui à Compiègne et à voir si la gratuité du transport en commun dans les grands centres urbains n'est pas une solution d'avenir en matière de pollution de l'air.
M. Philippe Richert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je pourrais développer à nouveau les mêmes arguments que mon collègue Hérisson.
Mais le problème ne se pose pas seulement en cas de pics de pollution et donc de dépassements des seuils d'alerte. Les chercheurs ont démontré que les effets de la pollution sur la santé sont continus, quelles que soient la concentration des polluants émis. Evidemment, plus les concentrations sont élevées, plus les conséquences sur la santé sont importantes. Par conséquent, en établissant la gratuité des transports uniquement en cas de dépassement des seuils de pollution, nous risquons progressivement des dérapages. Comme le soulignait M. Hérisson, l'idée d'instaurer en permanence la gratuité des transports en commun serait donc une excellente chose.
Enfin, si l'effet de la pollution sur la santé résulte des concentrations de plus en plus élevées, ces dernières ne sont pas simplement dues à une émission locale. Interdire la circulation et offrir la gratuité des transports en commun dans une seule ville n'est donc pas suffisant. Il faudrait étendre la mesure à toute la région, car l'air ne connaît pas de frontière.
Il faudrait en fait consacrer notre énergie et nos moyens au financement de tous les transports en commun afin qu'ils soient gratuits sur l'ensemble du Bassin parisien par exemple. Mais il est vrai qu'une telle mesure reviendrait relativement cher !
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je voterai contre les amendements de suppression de l'article 13 bis car si la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale mérite d'être améliorée en raison de ses difficultés d'application, cet article nous semble néanmoins nécessaire pour inciter effectivement les automobilistes à utiliser les transports en commun les jours de pic de pollution.
M. Jean-Marie Girault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault. Exception faite des propos exprimés par notre collègue concernant la gratuité permanente des transports en commun, et sur laquelle j'ai quelques doutes, n'ayant encore jamais entendu personne nous donner les moyens de la réaliser sans imposer de nouvelles charges excessives à tous les contribuables, j'approuve les raisons qui amènent à la suppression de l'article 13 bis.
Madame le ministre, ces jours exceptionnels, dont vous proposez de réduire encore le nombre par la formulation de l'amendement n° 105, ceux qui ont l'habitude de payer ne paieront plus, ce qui constitue une perte sèche pour les compagnies de transport en commun, et ceux qui feront une économie en n'utilisant pas leur voiture ne paieront pas. Pour ces deux seules raisons, on ne peut que voter la suppression de l'article 13 bis proposée par la commission.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Je veux tout de même souligner que la mesure n'aura pas d'incidence pour les abonnés qui paient la carte de transport une fois par mois ou une fois par semaine.
J'attire surtout votre attention sur un point : c'est quand même la première fois qu'un texte va limiter la liberté que chacun d'entre nous a d'utiliser sa propre voiture. Je ne trouve pas déraisonnable, je le redis très clairement, qu'à cette occasion la collectivité prenne à sa charge le transport qui résulte d'une telle privation de liberté. Sur les plans symbolique et politique, c'est important, et c'est la raison pour laquelle je me permets d'insister.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n° 13 et 65, repoussés par le Gouvernement.

(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 13 bis est supprimé et les amendements n°s 105 et 71 n'ont plus d'objet.

TITRE IV

PLANS DE DÉPLACEMENTS URBAINS

Article 14