M. le président « Art. 2. - Constitue une pollution atmosphérique au sens de la présente loi l'introduction par l'homme, directement ou indirectement, dans l'atmosphère et les espaces clos, de substances ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels, à porter atteinte aux valeurs d'agrément et aux autres utilisations légitimes de l'environnement. »
Par amendement n° 2, M. François, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger comme suit cet article :
« Les dispositions de la présente loi ont pour objet, dans les domaines où il n'y est pas pourvu, de prévenir, supprimer ou limiter l'introduction par l'homme directement ou indirectement, dans l'atmosphère et les espaces clos, de substances ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à entraîner des changements climatiques, à détériorer les biens matériels, et à provoquer des nuisances olfactives excessives. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 80, présenté par MM. Rouquet et Delanoë, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à compléter le texte proposé par l'amendement n° 2 par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles doivent obéir aux principes de précaution, d'action préventive et de correction, de pollueur-payeur et de participation définis à l'article L. 200-1 du livre II nouveau du code rural. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Philippe François, rapporteur. L'Assemblée nationale a adopté une rédaction de l'article 2 qui reprend les définitions arrêtées par l'OCDE et l'Union européenne sur la pollution atmosphérique.
Je vous propose une rédaction de cet article qui, tout en reprenant l'essentiel du dispositif adopté par l'Assemblée nationale, atténue, voire supprime, l'impact de certaines mentions trop ambiguës ou générales.
Par cohérence avec la rédaction de l'article 1er, qui fait de la politique de prévention des pollutions atmosphériques l'objectif du projet de loi, l'article 2 doit définir le contenu de cette politique et préciser ce que l'on entend par pollution atmosphérique.
La notion de « valeurs d'agrément » est particulièrement imprécise. Dans la mesure où ces termes visent en fait les odeurs, il paraît plus cohérent de faire référence aux nuisances olfactives excessives. Cela aurait aussi pour conséquence heureuse de ne pas encourager les contentieux portant sur les odeurs simplement « incommodantes ».
Enfin, les mots « usages légitimes de l'environnement » ont un faible caractère normatif et ils peuvent eux aussi servir de support à bien des contentieux répétitifs. Il conviendrait donc, me semble-t-il, de ne pas les inclure dans le texte.
M. le président. La parole est à M. Rouquet, pour présenter le sous-amendement n° 80.
M. René Rouquet. Ce sous-amendement reprend une disposition que le Sénat avait adopté en première lecture, sur l'initiative du groupe socialiste.
Il s'agit de mieux encadrer les objectifs de la présente loi, tels qu'ils sont définis par l'amendement de la commission des affaires économiques. Il s'agit de préciser que ces objectifs doivent obéir aux principes généraux de développement durable définis lors de la conférence de Rio au mois de juin 1992 et transcrits dans notre droit, plus particulièrement dans le code rural, par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.
Ce sous-amendement n'est pas une clause de style. Il est très important à nos yeux en vertu des quatre principes qu'il énonce, à savoir les principes d'action préventive, de participation et, surtout, de précaution et, enfin, le principe « pollueur-payeur ».
Ces deux derniers principes me paraissent fondamentaux. Leur application conditionne la réussite de la politique de lutte contre la pollution atmosphérique. En effet, c'est en mettant en oeuvre le principe de précaution que l'on pourra s'attaquer à la source même de la pollution, et c'est en appliquant le principe de « pollueur-payeur » que, non seulement, on trouvera des ressources pour financer l'amélioration de la qualité de l'air, mais aussi que l'on responsabilisera les acteurs de cette pollution.
Par ailleurs, ce sont malheureusement ces deux principes qui ont rencontré une traduction concrète bien timide dans ce projet de loi. Je cite comme simple exemple la non-traduction dans le projet de loi de finances pour 1997 du principe « pollueur-payeur » alors que vous vous étiez engagée, madame le ministre, à financer la surveillance de la qualité de l'air par une réaffectation partielle de la taxe intérieure sur les produits pétroliers à concurrence de 0,4 centime par litre d'essence.
Cet engagement n'est pas tenu. Pourtant, le projet de loi de finances pour 1997 contient une mesure, la seule, qui met en oeuvre ce principe. Ainsi, dans son article 30, il est prévu d'affecter à la caisse nationale d'assurance maladie une part des recettes du droit de consommation sur les tabacs.
Il n'est donc pas inutile de mettre en exergue ces principes, afin que, dans un avenir que nous espérons très proche, ils deviennent effectifs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 80 ?
M. Philippe François, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. En effet, comme l'a fait remarquer à l'Assemblée nationale M. Mazeaud, il est inutile de faire référence dans un texte de loi spécifique à des principes d'intérêt général définis dans une loi antérieure, en l'occurrence la loi du 2 février 1995.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement de la commission ; il lui préfère la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
Notre réserve ne concerne pas seulement la forme. En effet, l'amendement de la commission donne une définition du champ d'application de la loi, et il semble que celle-ci figure déjà au deuxième alinéa de l'article 1er.
Quant à l'article 2 tel qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale, il définit la pollution atmosphérique. Or il est très important que nous disposions dans la loi d'un outil définissant avec précision ce qu'il faut entendre par « pollution atmosphérique ».
Si l'amendement n° 2 de la commission est retenu, nous aurons une double définition du champ d'application de la loi, mais nous n'aurons aucune définition de la pollution atmosphérique.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Je ferai deux observations sur le sous-amendement n° 80.
Ce sous-amendement ne me paraît pas nécessaire pour la bonne et simple raison que cette future loi sur l'air sera insérée dans le livre Ier du code de l'environnement, dans lequel, au titre de principes généraux, figurent les principes de précaution, de prévention, de correction à la source, de pollueur payeur.
Il n'y a donc pas lieu, sauf à modifier toutes les autres lois du code, de réintégrer ces principes, qui vaudront pour tous les textes du code de l'environnement concernant les différents éléments. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à ce sous-amendement.
Mais, je ne peux pas laisser dire que l'engagement pris par le Premier ministre, le Gouvernement et donc moi-même, relatif aux modalités de calcul, pour l'année 1997 - je ne parle pas de l'année 1996 - de la somme affectée au ministère de l'environnement pour cette politique de protection de l'air n'a pas été tenu.
C'est la volonté du Premier ministre que de respecter cet engagement, le principe pollueur-payeur, et de faire en sorte que ce soit l'équivalent de 0,4 centime par litre, c'est-à-dire 200 millions de francs, qui soit transféré du budget général vers le budget du ministère de l'environnement. Il est donc inexact de dire, parce que c'est contraire à la réalité, que cet engagement n'a pas été tenu.
MM. Jean-François Le Grand et Roland du Luart. Très bien !
M. Philippe François, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François, rapporteur. Les arguments de Mme le ministre sont suffisamment convaincants pour que je retire l'amendement n° 2.
Toutefois, je lui demande, en échange si j'ose dire, d'accepter un autre amendement que je dépose, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, afin de remplacer les mots : « à porter atteinte aux valeurs d'agrément et aux autres utilisations légitimes de l'environnement » par les mots : « à provoquer des nuisances olfactives excessives ».
Cette rédaction est beaucoup plus précise que des expressions telles que : « valeurs d'agrément » ou « autres utilisations légitimes de l'environnement », qui, ne comportant aucune limite, peuvent être l'objet de contentieux infinis !
Madame le ministre, si vous en étiez d'accord, la commission en serait fort aise.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré. Le sous-amendement n° 80 n'a donc plus d'objet.
Mais je suis saisi d'un amendement n° 110, déposé par M. Philippe François et tendant, à la fin de l'article 2, à remplacer les mots : « à porter atteinte aux valeurs d'agrément et aux autres utilisations légitimes de l'environnement » par les mots : « à provoquer des nuisances olfactives excessives ».
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. J'estime que cette formulation est très étroite. Mais, sur ce point, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Philippe François, rapporteur. Merci !
M. Roland du Luart. Personne n'a le même odorat ; cela va donc être très difficile ! (Sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 110.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Je m'interroge quelque peu sur « les nuisances olfactives excessives ». Comment peut-on ouvrir dans une loi une brèche aussi énorme à l'interprétation ?
Si vous êtes un fumeur de cigare, votre odorat est moins développé que celui d'un non-fumeur. Je crains que l'on ne débouche sur des contentieux à n'en plus finir avec les éleveurs bretons, certains privilégiant l'élevage intensif de porcs !
Je préfère la rédaction plus simple qui figure à la fin de l'article 2, à savoir : « à porter atteinte aux valeurs d'agrément et aux autres utilisations légitimes de l'environnement ». Je prie M. le rapporteur, pour qui j'ai une grande estime, de bien vouloir m'excuser de dire cela, mais je crains vraiment des contentieux multiples.
M. Philippe François, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François, rapporteur. Monsieur le président, je souhaite, pour répondre à mon collègue Roland du Luart, préciser que, d'une manière générale, le Sénat n'était pas favorable à une telle disposition et que cette notion de « porter atteinte aux valeurs d'agrément et aux autres utilisations légitimes de l'environnement » vient de l'Assemblée nationale.
Ce que la commission a voulu faire, c'est essayer de rendre plus compréhensible la rédaction du texte de l'Assemblée nationale.
L'expression : « nuisances olfactives » recouvre bien, en principe, les éléments que l'on sent. Quant à la question de savoir comment on mesure de telles nuisances, je ne le sais pas ! Cela relève de l'appréciation du juge.
M. Roland du Luart. L'odeur est de toute façon passée, lorsque le juge intervient ! (Sourires.)
M. Philippe François, rapporteur. Il est certain que son avis sera différent selon qu'il préfère le méchoui ou la pizza ! (Sourires.)
Toujours est-il que, dans un souci de clarté et pour risquer un peu moins de contentieux que ceux qui pourraient se présenter avec le texte de l'Assemblée nationale, la commission a cru devoir proposer une rédaction plus simple, sachant que le Gouvernement allait dans le sens de l'Assemblée nationale.
M. Philippe Richert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. A partir du moment où l'article 2, tel qu'il est aujourd'hui rédigé, définit simplement ce qu'est une pollution atmosphérique, le fait d'y introduire la notion d'« odeurs » ne remet pas en cause la suite du dispositif.
La remarque faite par notre collègue M. du Luart ne s'applique pas vraiment, car nous n'en sommes qu'à la phase de définition de l'objet que par la suite nous allons examiner. Nous ne risquons donc pas, à ce stade-là, de dérive, notamment d'ordre juridictionnel.
Je voterai cet amendement n° 110.
M. Roland du Luart. Dieu vous entende ! Mais je ne suis pas convaincu ! Les agriculteurs jugeront !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 110, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 2