INSTITUTION D'UNE PRESTATION SPÉCIFIQUE
DÉPENDANCE

Discussion des conclusions du rapport
d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 14, 1996-1997) de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi (n° 486, 1995-1996) de MM. Jean-Pierre Fourcade, Alain Vasselle, Henri de Raincourt, Maurice Blin, Guy Cabanel, Josselin de Rohan, Jacques Larché, Christian Poncelet, Paul Girod, Jacques Oudin, Jean Puech, Jean-Paul Delevoye, Michel Mercier, Jean Chérioux et Lucien Neuwirth tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
Je tiens à remercier la commission des affaires sociales, en particulier son président et son rapporteur, du travail considérable qui a été accompli et qui a permis de trouver des solutions semblant répondre à l'attente et du Gouvernement et des parlementaires.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, voilà un peu plus de onze mois, très précisément le 9 novembre 1995, la commission des affaires sociales vous présentait son rapport sur le projet de loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes. Mais l'examen de ce texte a été interrompu à l'issue de la discussion générale car d'aucuns craignaient que sa mise en oeuvre n'entraîne une dérive financière incontrôlée, incompatible avec l'assainissement des finances publiques.
Toutefois, la commission, avec l'aide de membres d'autres commissions, a continué avec constance à proposer, dans divers textes, des dispositions relatives à la dépendance, sujet sur lequel elle oeuvre depuis nombre d'années, notamment depuis la proposition de loi dite Fourcade-Marini et l'instauration des expérimentations à l'origine desquelles se trouve, sans conteste, M. Fourcade, son président.
La commission ne rappellera pas, ainsi qu'elle l'a fait voilà onze mois, toutes les données et prospectives dans la mesure où elles n'ont pas changé d'une manière significative. Elle rappellera simplement quelques chiffres qui lui ont semblé particulièrement évocateurs.
Tout d'abord, en 1995, l'espérance de vie était de 81,9 ans pour les femmes et de 73,8 ans pour les hommes, alors que, au début du siècle, elle était respectivement de 47 ans et de 43,4 ans.
En un demi-siècle, alors que la population française est passée d'environ 40 millions à 58 millions, le nombre des personnes de plus de soixante ans est passé de 6,4 millions à 11,5 millions, soit une augmentation de plus de 80 p. 100, et celui des plus de soixante-quinze ans a été multiplié par 2,5, passant de 1,3 million à 3,5 millions. Actuellement, la France compterait plus de 5 000 centenaires et les démographes ont fait récemment cette prévision étonnante : un enfant sur deux né cette année dans notre pays deviendra centenaire. Une telle évolution, que l'on constate à divers degrés dans tous les pays développés, ne saurait laisser indifférent.
La commission ne détaillera pas non plus les dysfonctionnements de l'allocation compensatrice pour tierce personne, qui sont patents et qu'elle vous a exposés l'année passée dans son rapport sur le projet de loi précité. Toutefois, elle souhaite mentionner que l'institution d'un contrôle d'effectivité, même si, pour certains, les dispositions réglementaires prises ne sont pas totalement satisfaisantes, a permis de retrouver un taux annuel d'accroissement des montants consacrés à cette prestation beaucoup plus modéré.
La commission souhaite rappeler simplement, dans un premier temps, son action constante, celle de son président, M. Jean-Pierre Fourcade, ainsi que celle de nos collègues qui ont bien voulu s'associer à ses travaux. Ensuite, elle analysera les principes qui ont guidé les auteurs de la proposition de loi, à la lumière, notamment, des derniers résultats disponibles des expérimentations. Enfin, elle présentera ses conclusions, fruit d'un travail en commun avec l'ensemble de la majorité sénatoriale de la commission et de certains autres parlementaires.
A cet égard, je me permettrai de saluer particulièrement MM. Jean Chérioux, Paul Girod, Michel Mercier et Henri de Raincourt, dont les propositions sont la résultante d'une réflexion commune, comme l'avait été, au printemps dernier, la conception de la proposition de loi initiale.
Après le report de la suite de la discussion du texte visant à instituer une prestation d'autonomie, le 9 novembre 1995, le président de la commission, M. Jean-Pierre Fourcade, moi-même en ma qualité de rapporteur ainsi que plusieurs parlementaires appartenant ou non à la commission des affaires sociales se sont efforcés d'obtenir, de la part du Gouvernement, l'assurance qu'un tel texte interviendrait. C'est pourquoi ont d'abord été déposés, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 1995, des amendements confiant, à titre transitoire, au président du conseil général le soin d'attribuer l'allocation compensatrice aux personnes âgées de plus de soixante ans non déjà reconnues comme handicapées. Ces amendements, signés par MM. Henri de Raincourt, Jean Chérioux, Michel Mercier et Paul Girod ainsi que par moi-même, faisaient alors de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, attribuée aux personnes âgées une prestation en nature et prévoyaient l'utilisation d'une grille mieux adaptée à la situation de dépendance des personnes âgées que le barème d'invalidité retenu par les COTOREP, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel. Toutefois, ces amendements n'ont pu être examinés compte tenu de l'invocation d'un article de procédure.
Ne se décourageant pas, les signataires de ces amendements ont proposé, dans le cadre du texte qui allait devenir la loi du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire, des amendements, repris par le rapporteur du texte devant notre assemblée, M. Claude Huriet, puis par votre commission. Ces amendements visaient, d'une part, à étendre les expérimentations menées depuis janvier 1995 aux départements qui seraient volontaires et, d'autre part, à proposer qu'une réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées soit adoptée par le Parlement avant le 31 décembre 1996.
Si, compte tenu de votre promesse, monsieur le ministre, de proposer un texte sur la dépendance des personnes âgées avant la fin de la session parlementaire - on avait parlé des mois de mai et juin - la commission a accepté de retirer l'amendement concernant l'extension des expérimentations, en revanche, elle a maintenu celui qui était relatif à la réforme de la tarification, lequel a été adopté et est devenu l'article 44 de la loi du 28 mai 1996. Il convient d'ailleurs de rappeler qu'au moment de retirer l'amendement sur les expérimentations le président de la commission, M. Jean-Pierre Fourcade, n'avait pas manqué d'indiquer qu'en l'absence d'un texte avant la fin de la session parlementaire il déposerait, avec plusieurs de ses collègues, une proposition de loi sur la dépendance. Nous y sommes ! La présente proposition de loi dont il est le premier signataire est la traduction de cet engagement.
Prenant acte du fait que l'examen du projet de loi visant à instituer une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes avait été interrompu devant la Haute Assemblée, car les conséquences de la mise en oeuvre de ce texte risquaient d'entraîner une dérive financière mal contrôlée au moment même où le Gouvernement s'efforçait de limiter le déficit des comptes publics et sociaux, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité apporter une première réponse aux besoins des personnes âgées dépendantes, en ciblant la prestation créée, dite « prestation spécifique dépendance », sur les plus démunis et les plus dépendants.
Ce n'est donc qu'une première étape, comme l'a déclaré le Premier ministre, M. Alain Juppé, mais une étape essentielle, qui transforme radicalement le cadre juridique actuel, en sortant le problème de la dépendance du cadre lourd et peu adapté de l'examen par la COTOREP à partir d'un barème d'invalidité créé pour l'évaluation du handicap. Cette initiative permettra - la commission en est convaincue - de mettre fin à la dérive de l'ACTP et surtout d'accroître la satisfaction des personnes âgées par l'octroi d'une prestation en nature répondant à leurs besoins puisqu'elle résultera d'une évaluation précise de ceux-ci par l'équipe médico-sociale.
A cet égard, la commission note que la présente proposition de loi, dans son esprit comme dans sa lettre, ne s'écarte guère du texte présenté l'année dernière. Il n'y a pas, selon la commission, de différence de nature entre les deux textes ; il y a une simple différence de degré, ce qui ne signifie pas, bien au contraire, que la représentation parlementaire ne devra pas se prononcer de nouveau sur l'institution d'une prestation pérenne plus ambitieuse, qui répondrait également aux légitimes aspirations des classes moyennes lorsque la conjoncture économique s'améliorera et que les moyens financiers seront disponibles.
La commission rappellera brièvement les principales caractéristiques de la prestation spécifique dépendance.
Il s'agit d'une prestation en nature accordée par le président du conseil général, sous condition de ressources ; le plafond envisagé, mais qui relève du domaine réglementaire, serait celui qui est requis pour l'ACTP. Elle sera servie et gérée par le département où la personne a son domicile de secours, conformément aux règles traditionnelles de l'aide sociale.
A cet égard, dans la mesure où le dispositif est transitoire, il convient, selon la commission, de se conformer le plus possible, pour des raisons de simplicité, aux règles de l'aide sociale. Toutefois, il est fait appel non pas à l'obligation alimentaire, mais seulement au recours sur succession, comme cela avait d'ailleurs été prévu dans le texte de l'année passée. Ce recours est renforcé, comme on le constatera au moment de l'examen des articles.
La présente proposition de loi consacre également, par son article 11, l'un des apports essentiels des expérimentations, à savoir la nécessaire coordination entre les différents acteurs de la politique en faveur des personnes âgées. Les expérimentations ont, en effet, fourni la preuve qu'une telle coordination, qui n'était pas évidente au départ, est non seulement possible mais fructueuse. Cette coordination, qu'avait prévue la commission l'année passée, s'inscrit dans le cadre des conventions obligatoires que doit passer le département avec les organismes de sécurité sociale, comme c'est le cas aujourd'hui dans les douze départements où est menée l'expérimentation.
Comme l'année passée, afin qu'il y ait homogénéité du cadre général dans lequel ces conventions sont conclues, elles devront être conformes à un cahier des charges arrêté par le ministre chargé des personnes âgées après consultation des parties intéressées. Enfin, il a paru expédient que le comité d'évaluation, créé pour faire un bilan des expérimentations, puisse suivre la mise en oeuvre de ces conventions.
Par ailleurs, même si ce n'est pas là la motivation essentielle de la proposition de loi, la commission souhaite souligner que, en instituant une prestation en nature, ce dispositif est à l'évidence créateur d'emplois.
Les expérimentations là encore le prouvent : les exemples du département de l'Oise, dont je suis l'élu, et de celui de l'Ille-et-Vilaine ont montré qu'un emploi pourrait être créé pour quatre à six personnes aidées. M. le président de la commission des affaires sociales a lui-même souvent cité l'exemple de sa ville de Boulogne, où, selon lui, un emploi est créé pour sept personnes aidées.
Par rapport à l'allocation compensatrice, qui était parfois thésaurisée et considérée par la personne âgée comme un complément de ressources, l'instauration d'une prestation en nature est incontestablement un progrès qui devrait faciliter le contrôle de l'effectivité de l'aide.
Par ailleurs, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité réaffirmer la nécessité d'une grille unique d'évaluation de la dépendance sur l'ensemble du territoire pour éviter tout arbitraire. La grille AGGIR - autonomie gérontologique - groupes iso-ressources - qui a été testée pendant les expérimentations, malgré quelques imperfections, notamment dans la prise en compte de l'environnement, devrait, selon toute vraisemblance, être celle-ci. Il conviendra donc, monsieur le ministre, d'apporter quelques améliorations dans le volet environnement de cette grille.
Les auteurs de la proposition de loi ont également souhaité reprendre une idée-force qu'ils avaient déjà soutenue lors de l'examen du projet de loi, l'an passé, à savoir l'entrée en vigueur de cette prestation d'une manière concomitante à domicile et en établissement. S'agissant du domicile, ils ont réintroduit le rôle de l'équipe médico-sociale dont la composition est laissée à la discrétion des présidents de conseil général et qui évalue le besoin d'aide et en organise le suivi.
S'agissant de l'attribution de la prestation spécifique dépendance en établissement, celle-ci est subordonnée, en fonction de la tarification en vigueur, à l'évaluation de l'état de la personne hébergée, qui fait l'objet d'un réexamen périodique. Cette formulation permettra de mettre en oeuvre cette prestation en établissement dès avant l'intervention de la réforme de la tarification, de manière à inciter ces établissements à signer la convention tripartite et à entrer dans le nouveau système de tarification.
A cet égard, la commission remarque que, pour la première fois, un texte pose très clairement les principes de la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées qu'elle a souhaitée, lors de l'examen du texte de l'année passée puis lors de la discussion de ce qui allait devenir la loi du 28 mai 1996 portant diverses dispositions d'ordre sanitaire, social et statutaire.
De ce point de vue également, la présente proposition de loi modifie profondément la législation actuelle et s'inscrit parfaitement dans le cadre plus général de la réforme de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, préconisée au début de l'année 1996 par le rapport de l'inspection générale des affaires sociales et présentée par M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, devant le comité national de l'organisation sanitaire et sociale, le 3 octobre 1996.
Toutefois, sur le plan de la réforme de la tarification, la commission souhaiterait que M. le ministre du travail et des affaires sociales puisse, en vue d'éclairer le Sénat, donner la substance du rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection des finances sur la tarification des établissements, qui vient de lui être remis.
Par ailleurs - c'était l'une des demandes de la commission, l'an passé, au Gouvernement - le présent texte prévoit que l'assurance maladie devra financer les lits de section de cure médicale autorisés à la date d'application de la loi mais non encore financés dans un délai de deux ans. Ils sont actuellement 14 000. Nous avions également considéré ce point comme un préalable à la mise en oeuvre de la prestation autonomie en établissement. Monsieur le ministre, la même demande pourrait d'ailleurs s'appliquer aux places de services de soins infirmiers à domicile, dont 4 000 sont actuellement autorisées sans être financées, alors qu'un tel dispositif se révèle essentiel pour favoriser le maintien à domicile, qui est au coeur de la politique gouvernementale.
Enfin, afin de préserver les droits de ceux qui ont eu le bénéfice de dispositions plus favorables dans les départements expérimentaux et de ne pas empiéter sur la faculté des caisses de sécurité sociale à accorder des prestations sur leurs fonds d'action sociale, les auteurs de la proposition de loi ont permis que les prestations servies dans le cadre des expérimentations continuent de l'être.
Ainsi, sous divers aspects, la présente proposition de loi présente des changements profonds dans le cadre juridique actuel : elle permet notamment de sortir du système de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, et du passage devant la COTOREP avec évaluation du handicap par le biais du barème d'invalidité, et elle pose les principes d'une réforme de la tarification, qui a été souhaitée non seulement par la commission mais aussi par l'ensemble des intervenants dans ce domaine.
J'en viens aux conclusions de la commission. Au nom de cette dernière, je développerai brièvement huit points qui lui semblent importants.
Il lui a tout d'abord paru nécessaire de prévoir des dispositions concernant les étrangers, et il lui a semblé logique de reprendre les dispositions de l'aide sociale, à savoir quinze ans de résidence ininterrompue avant soixante-dix ans. Il s'agit là de l'article 1er.
Elle souhaite également donner un rôle au maire dans la mesure où les communes vont participer, par l'intermédiaire du contingent d'aide sociale, au financement de cette prestation. En faisant cette proposition, la commission s'inscrit dans la logique de ce qu'a souhaité le Premier ministre, M. Juppé. Il s'en est fait l'écho en ce qui concerne le RMI.
La commission propose donc, comme l'an dernier, que le maire puisse donner son avis sur le dossier du demandeur. Elle suggère également que le maire puisse, comme le demandeur ou le représentant de l'Etat ou le débiteur des avantages de vieillesse, faire un recours contre la décision du président du conseil général. Il s'agit en effet d'obtenir un ensemble parfaitement cohérent.
Parallèlement, il a semblé nécessaire à la commission de prévoir une disposition indiquant que, si la décision du président du conseil général n'est pas intervenue dans les deux mois, la prestation spécifique dépendance sera considérée comme accordée. Nous avons choisi ce délai, car il correspond à celui qui sera retenu dans le cadre de la réforme de l'Etat. Il pourrait également être appliqué s'agissant des compétences des collectivités territoriales. Il faut en effet une cohérence parfaite avec les différentes dispositions législatives qui seront prises par ailleurs.
Il s'est agi ensuite - c'est là un point essentiel pour la commission - de préciser la nécessité de moduler la prestation spécifique dépendance d'une manière beaucoup plus souple que l'ACTP en fonction de l'état de la personne et de permettre d'aller jusqu'à 100 % de la majoration pour tierce personne en cas de très grande dépendance au lieu de 80 %, actuellement, pour l'allocation compensatrice. Il faut rappeler, en effet, que l'instauration de cette prestation permet de sortir de la logique du barème d'invalidité.
Nous tombons là dans le domaine réglementaire. C'est un voeu que nous exprimons, et nous souhaitons vivement, monsieur le ministre, qu'il soit repris dans le cadre des dispositions que vous retiendrez après l'adoption de la proposition de loi. L'objectif est en effet d'apporter beaucoup plus de souplesse au dispositif, de mieux coller à la réalité de la situation de la personne du point de vue de sa dépendance, et, en même temps de vous donner la possibilité d'aller au moins jusqu'au plafond de la majoration pour aide constante d'une tierce personne, la MTP, voire de le dépasser lorsque vous considérerez que la situation le nécessitera et en fonction de la conjoncture, telle que nous la connaîtrons le moment venu.
Enfin, il convient de préciser quels sont les cas de non-cumul avec la prestation spécifique dépendance. Dans la mesure où elle pourrait être égale à la majoration pour tierce personne et remplacerait l'ACTP, il faut qu'elle ne soit cumulable ni avec l'une ni avec l'autre. Par ailleurs, dans la mesure où, désormais, la prestation spécifique dépendance pourrait aller jusqu'au montant de la majoration pour tierce personne, voire la dépasser, il ne semble plus expédient de prévoir, comme dans le texte de l'an passé, une possibilité de cumul avec l'aide à domicile départementale, en cas de grande dépendance. Ces cas de non-cumul figurent à l'article 7 de la présente proposition de loi.
S'agissant du recours sur succession, à l'article 8, la commission a souhaité reprendre des dispositions qu'elle avait proposées l'an dernier. Elle n'a pas admis, en effet, de créer une différence entre le séjour en établissement et le domicile, ni de faire intervenir le recours à partir d'un seuil fixé par décret.
Mon collègue M. Oudin reviendra sûrement sur ce point, mais je tiens à rappeler que ce sera du ressort du pouvoir réglementaire. Pour ma part, je ne fixe pas de seuil.
Par ailleurs, la commission vous propose à l'article 13 - elle avait d'ailleurs adopté une telle disposition l'an passé - que la prestation spécifique dépendance, dans une limite fixée par décret, puisse servir à solvabiliser des dépenses autres que des dépenses de personnel ; je pense à cet égard à des protections, à des prestations de service comme le port de repas, ou à la téléalarme.
Enfin, il est vrai que le choix de cette proposition de loi a été de centrer le dispositif sur les plus démunis et les plus dépendants, pour des considérations financières. Ce faisant, ladite proposition de loi écarte les classes moyennes, qui étaient en partie prises en compte par le projet de loi de l'année passée. Il importe donc pour la commission, tout d'abord, que celles-ci puissent sauvegarder leurs droits aux prestations offertes sur les fonds d'action sociale de leurs régimes de retraite. Parallèlement, le fait de neutraliser, ainsi que vous le propose la commission à l'article 5, comme elle l'avait déjà fait l'année dernière, lors de l'examen du texte proposé par Mme Codaccioni, les rentes viagères dépendance dans les ressources des demandeurs peut constituer une première réponse aux problèmes de ce type de population. Mais il est bien sûr souhaitable, en attendant l'amélioration de la conjoncture et le relèvement du plafond des ressources à prendre à compte, de mettre en oeuvre un dispositif fiscal global visant à encourager la prévoyance dans ce domaine afin que ceux qui le peuvent puissent épargner pour prendre en charge, dans le futur, les conséquences de leur propre dépendance ou de celle de leurs proches.
Voilà certainement la voie d'avenir pour ce qui concerne la dépendance, et c'est un point sur lequel M. le président de la commission des affaires sociales avait lui-même proposé, l'an dernier, un amendement en ce sens, amendement que nous avons repris dans cette proposition de loi.
Je terminerai par les dispositions purement techniques, et serai bref sur ce point.
Par rapport à la proposition de loi initiale, la commission a souhaité introduire un certain nombre d'aménagements techniques pour compléter le texte. Ces aménagements n'appellent pas de développement particulier de ma part.
Ils portent tout d'abord sur la prise en compte des ressources du couple pour l'attribution de la prestation et de la situation du conjoint ou du concubin, lorsque la personne âgée dépendante est en établissement, afin que celui qui reste à domicile dispose de ressources minimales. Prenons l'exemple d'un couple dont les ressources sont de l'ordre de 15 000 à 18 000 francs par mois et dont l'un des membres est obligé d'intégrer un établissement ; si le montant à payer dans cet établissement correspond à l'équivalent des ressources du couple, il ne restera plus rien pour celui qui demeurera à domicile. Par conséquent, nous prévoyons de laisser un minimum vital à la personne qui restera à domicile, ce qui permettra aux classes moyennes de pouvoir accéder au bénéfice de ce concours.
Les aménagements techniques portent également sur l'institution d'une possibilité de recours contre les décisions du président du conseil général devant les commissions départementales d'aide sociale, puis devant la commission centrale d'aide sociale, sur la tutelle aux prestations sociales, le secret professionnel et les possibilités de contrôle des agents départementaux, sur la mention d'un plan d'aide qui peut être refusé par la personne, sur les conditions de versement de la prestation, sur la création d'une infraction pour ceux qui géreront un établissement pour personnes âgées non autorisé selon les modalités prévues par la proposition de loi et, enfin, sur l'exonération des cotisations de sécurité sociale patronales pour les bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance, afin de ne pas créer de distorsion avec ceux qui ont l'ACTP.
Telles est, mes chers collègues, l'ensemble des conclusions de la commission des affaires sociales dont je me suis fait l'écho en ma qualité de rapporteur.
Je souhaite que le débat que nous aurons sur ce texte soit le plus fructueux et le plus constructif possible, car il y va, bien entendu, de l'intérêt non seulement des personnes au bénéfice desquelles nous ouvrons un nouveau droit, mais également de l'ensemble des collectivités territoriales et de l'Etat. Il nous faut trouver la juste mesure de ce dispositif, de façon qu'il connaisse une progression qui à la fois assure une bonne protection des personnes âgées et soit adaptée aux moyens dont nous disposons dans la conjoncture économique et sociale que traverse notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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