M. le président. Par amendement n° 32, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-6 du code du travail, après les mots : « à la consultation », d'insérer les mots : « au moins ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par cet amendement, nous proposons de donner un peu de flexibilité à la loi en ouvrant son champ d'application au-delà de l'espace européen.
En effet, les entreprises transnationales ne limitent pas leur action à l'espace européen. On le voit bien avec les annonces de délocalisation vers l'Amérique latine, le Sud-Est asiatique ou même parfois vers l'Europe orientale.
Le texte de loi doit tenir compte de cette évolution. Notre amendement offre ainsi un cadre légal aux accords d'entreprise qui mettraient en place un comité d'entreprise allant au-delà du cadre européen. De tels accords existent déjà : SKF a constitué un comité mondial à partir des normes de la directive.
En outre, notre amendement permettrait de préciser le texte qui nous est proposé dans un sens plus conforme aux principes de notre droit, qui considère la loi comme un socle minimum à partir duquel peut se bâtir un édifice contractuel plus favorable pour les salariés.
Ne faisons pas une loi qui risque d'être dépassée par l'évolution internationale.
Compte tenu de l'ensemble de ces arguments, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit effectivement, mes chers collègues, d'une belle ouverture, puisqu'il nous est proposé un élargissement à l'échelon mondial ! Toutefois, il paraît difficile, dans le cadre qui nous préoccupe actuellement en tout cas, de légiférer au-delà de l'Europe. En effet, la directive est applicable dans les pays signataires, et je me demande comment on pourrait imposer à une entreprise située au Japon, par exemple, de s'y plier.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je me trouve également dans l'obligation de repousser cet amendement.
Cela dit, je voudrais vous faire observer que, si nous transcrivons la directive, il reste que, dès lors que le comité d'entreprise européen ou la procédure d'information, d'échanges de vues et de dialogue mise en place de façon négociée le prévoit, les partenaires sociaux peuvent tout à fait élargir, par voie d'accord, aux pays tiers le champ d'application des instances mises en place. SKF l'a fait, vous l'avez dit, et l'on pourrait également citer l'exemple de Renault.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements présentés par Mme Dieulangard, M. Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 8 tend, dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 3 pour l'article L. 439-6 du code du travail, à remplacer les mots : « , d'échanges de vues et de dialogue », par les mots : « et de consultation ».
L'amendement n° 9 a pour objet de supprimer le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-6 du code du travail.
La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre ces deux amendements.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Toutes les fois qu'il est fait référence au comité d'entreprise européen, à ses compétences, et notamment à l'échange de vues et de dialogue, le groupe socialiste souhaite introduire la notion de consultation.
La transposition de la directive prévoit, en effet, une définition inédite en droit français de la consultation du comité d'entreprise, en la réduisant à « l'organisation d'un échange de vues et l'établissement d'un dialogue ». Si la consultation suppose, par définition, l'organisation d'un échange de vues - nous aimerions entendre préciser qu'il peut être écrit - elle ne peut se limiter à l'établissement d'un dialogue. Celui-ci - on peut l'espérer pour la qualité des relations internes à un groupe européen - ne doit être qu'une étape, presque une formalité entre partenaires que l'on suppose de bonne foi.
La consultation, telle qu'elle résulte de notre droit, notamment de l'article L. 431-5 du code du travail, doit être intégrée au processus de décision patronale. En effet, l'article L. 431-5 précise :
« La décision du chef d'entreprise doit être précédée par la consultation du comité d'entreprise.
« Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise doit disposer d'informations précises et écrites transmises par le chef d'entreprise, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée du chef d'entreprise à ses propres observations. »
Toute décision de caractère collectif et qui revêt une certaine importance, comme l'a précisé à plusieurs reprises la jurisprudence de la Cour de cassation, doit donc être précédée de la consultation du comité d'entreprise, dans des conditions de délai suffisant et sur la base d'informations écrites et assez précises pour permettre au comité d'entreprise de se prononcer.
La circulaire du 30 novembre 1984 rappelle les conditions de déroulement de cette consultation : « L'employeur doit présenter les informations qui ont été transmises aux membres du comité. Au cours de la discussion, l'employeur doit fournir des réponses motivées aux observations du comité et à ses questions. S'il n'est pas en mesure de le faire, il ne saurait invoquer un refus du comité de se prononcer pour prendre définitivement sa décision et il devra fournir les réponses permettant au comité de donner son avis au cours de la réunion suivante. »
Enfin, le comité d'entreprise émet un avis motivé, comme le précise l'article L. 431-5 du code du travail. La procédure de consultation est donc clairement encadrée, ce qui est loin d'être le cas dans le texte qui nous est proposé, où tout est soumis à un accord des partenaires sociaux.
A la différence de ce qui existe dans notre droit, les suites de la consultation du comité d'entreprise ne sont absolument pas mentionnées dans le texte du projet de loi, ce qui nous paraît encore plus inquiétant que ce qui précède.
Je rappelle qu'en droit français le chef d'entreprise doit rendre compte de la suite qu'il a donnée aux avis du comité et, qu'elle soit conforme ou non aux avis du comité, la décision doit être motivée, comme l'indiquent les articles L. 431-5 et L. 432-10 du code du travail. Les élus peuvent faire connaître leur position à l'ensemble du personnel par affichage ou diffusion du procès-verbal de la réunion.
A notre grand regret, nous devons constater qu'aucune de ces dispositions ne figure dans les éléments constitutifs d'un accord de création de comité européen. Seul le comité européen qui serait mis en place en l'absence d'accord - un peu « clés en mains » - se voit relativement encadré. On en vient à souhaiter, dans l'intérêt des salariés de ces entreprises, que cette procédure soit finalement la plus répandue.
Il est à craindre que l'échange de vues ne se limite à un simple « causerie » sans conséquences perceptibles pour les salariés et ne devienne rapidement un élément de décrédibilisation du comité européen. Cela vaut a fortiori lorsque n'aura été mise en place qu'une procédure «d'information, d'échange de vues et de dialogue » dépourvue de tout formalisme.
En définitive, nous relevons, madame le ministre, que vous avez opté pour une transposition a minima de la directive du 22 septembre 1994. La procédure de consultation est vidée de son contenu à l'échelon européen, avant de servir de modèle, sans doute, à quelques modifications de notre droit. Si nous sommes parfaitement conscients de la nécessité d'harmoniser les différentes législations européennes, nous estimons que cela ne doit en aucun cas être le prétexte à un abaissement de notre niveau de protection juridique et des règles qui donnent un contenu à notre dialogue social. (M. Delfau applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 8 et 9 ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Il faut faire preuve d'imagination !
M. Louis Souvet rapporteur. J'ai le regret de dire à Mme Dieulangard que le problème tient au fait que nous sommes dans le cadre, non pas du droit français, mais de l'application d'un texte européen. L'une des difficultés de la transposition de la directive a été justement de parvenir à un accord sur la notion de consultation. Ce terme n'a pas ici le même sens qu'en droit français, pour lequel la consultation, comme vous l'avez souligné, appelle souvent un avis.
La définition de la consultation figure à l'article 2 de la présente directive. Il s'agit de « l'organisation d'un échange de vues et l'établissement d'un dialogue ». Nous ne pourrons revenir sur ce point. Il n'y a ici aucune régression en matière de droit du travail puisque ces procédures constituent, au contraire, une avancée.
M. Jean-Luc Mélenchon. Oh non !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
En effet, madame Dieulangard, nous sommes dans le cadre d'une transposition fidèle de la directive. M. le rapporteur, à l'instant rappelait que le terme « consultation » est défini dans la directive au f de l'article 2. On peut y lire en effet que la consultation est l'« échange de vues et l'établissement d'un dialogue entre les représentants des travailleurs et la direction centrale ou tout autre niveau de direction plus approprié ».
Cette définition, tout à fait précise, est reprise dans le texte proposé pour l'article L. 439-6 du code du travail.
Il s'agit d'un élément clé de l'équilibre de l'accord passé entre les partenaires sociaux aussi bien à l'échelon européen que dans le cadre de l'élaboration de ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 439-6 du code du travail.
M. Jean-Luc Mélenchon. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 439-7 DU CODE DU TRAVAIL