RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 1994
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 404, 1995-1996),
adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de
1994. [Rapport n° 428 (1995-1996).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous
sommes réunis aujourd'hui pour examiner le projet de loi portant règlement
définitif du budget de 1994.
Traditionnellement, l'examen de ce projet de loi est l'occasion d'une
rétrospective budgétaire qui vient clore une procédure entamée deux ans plus
tôt.
De ce point de vue, ce projet de loi est un texte de constatation des
résultats, de réajustement des crédits évaluatifs et d'apurements comptables.
Il permet, en outre, de statuer sur les gestions de fait en approuvant ou non
les demandes de reconnaissance d'utilité publique des dépenses allouées par la
Cour des comptes.
Avant d'exposer les principales dispositions de ce projet de loi, je me
propose de vous faire part de quelques considérations d'ordre général.
L'accélération de la production des comptes de l'Etat est maintenant une chose
acquise puisque vous disposez désormais, dès l'ouverture de la session en
octobre, de l'ensemble des éléments sur l'exécution du budget de l'année
précédente, consignés par la Cour des comptes dans son rapport, avant que
s'engage le débat sur le projet de budget de l'année à venir.
A cet égard, je voudrais saluer la qualité des travaux réalisés par la Cour
des comptes et la diligence dont elle fait preuve chaque année.
Grâce au dispositif applicable à la gestion de 1995, qui a permis de réduire
la période pendant laquelle il est encore possible d'exécuter des opérations
budgétaires et de les rattacher au budget qui s'achève, les comptes de 1995
seront examinés, le 5 juillet prochain, par la Cour des comptes, en présence
des directions concernées du ministère de l'économie et des finances. Des
textes nouveaux sont actuellement en préparation pour réduire davantage cette
période.
Au cours de ces dernières années, d'importants progrès ont ainsi été
accomplis dans la tenue et la reddition des comptes de l'Etat, ce qui permet
une information plus rapide du Parlement et facilite l'exercice de son
contrôle.
J'évoquerai maintenant les aspects essentiels de ce projet de loi, qui
constate les résultats, réajuste les crédits et apure les opérations comptables
et la gestion de fait.
J'aborderai, d'abord, la constatation des résultats.
Le budget de 1994 a été exécuté dans un environnement économique favorable.
Après la dure récession que nous avons connue en 1993, l'année 1994 aura été
celle de la reprise pour la France ainsi que pour l'ensemble des pays
européens.
Alors que le projet de budget de 1994 avait tablé sur un taux de 1,4 p. 100,
la croissance s'est finalement établie à 2,6 p. 100, soit près du double.
Ce redressement de l'activité s'explique par le dynamisme des exportations, le
redémarrage de l'investissement des entreprises et le ralentissement du
mouvement de déstockage, qui a permis une relance de la production
industrielle.
En revanche, la consommation des ménages est restée plus hésitante.
Cette reprise a été financièrement saine puisque les prix n'ont augmenté, en
glissement annuel, que de 1,7 p. 100, ce qui constitue le meilleur résultat
depuis une vingtaine d'années.
Les conditions favorables à un redressement étaient donc réunies à la fin de
1994, mais il convenait de les conforter par une politique d'assainissement des
finances publiques. De ce point de vue, les résultats budgétaires de 1994 ont
contribué à cet objectif.
La réduction annoncée du déficit a été respectée. Prévu à 301,26 milliards de
francs après le collectif de décembre, le déficit d'exécution du budget de 1994
s'est finalement établi à 299,08 milliards de francs au 31 décembre, soit 4,05
p. 100 du produit intérieur brut, et donc légèrement en deçà des 4,1 p. 100 qui
avaient été fixés comme objectif par la loi d'orientation quinquennale relative
à la maîtrise des finances publiques.
Ce résultat provient, d'abord, d'un retour à la progression des recettes
nettes du budget général. Celles-ci augmentent en effet de 5,6 p. 100, grâce à
la croissance économique, alors que les dépenses ont été relativement bien
maîtrisées puisqu'elles n'ont progressé que de 3,3 p. 100 contre 5,4 p. 100 en
1993.
Quant à l'évolution des dépenses, on note la diminution des dépenses civiles
en capital, la croissance de 4,8 p. 100 des dépenses civiles ordinaires qui
s'inscrit dans le ralentissement de l'évolution déjà observé au cours des
années précédentes et, enfin, une progression très modérée de 1,7 p. 100 des
dépenses militaires.
Si ces résultats sont replacés dans l'optique plus large des besoins de
financement des administrations publiques, au sens de la comptabilité
nationale, qui, selon les normes de calcul européennes incluent les régimes
sociaux et les collectivités locales, le résultat de l'année 1994, en
atteignant 5,8 p. 100 du produit intérieur brut, marque l'arrêt de la
dégradation rapide enregistrée au cours des années précédentes : de 2 p. 100 du
produit intérieur brut en 1991, le déficit des administrations publiques avait
atteint près de 6 p. 100 en 1993.
L'année 1994 aura donc été une année de stabilisation des déficits, et nous
sommes maintenant sur la voie du redressement.
En 1995, ce besoin de financement a pu être réduit de près d'un point, à 5 p.
100, notre objectif étant de revenir à 4 p. 100 à la fin de 1996 et à 3 p. 100
à la fin de 1997, je ne reviens pas sur ces chiffres et sur ces objectifs, dont
nous avons eu l'occasion de discuter abondamment lors du débat sur les
orientations budgétaires.
Pour les opérations à caractère définitif des comptes spéciaux, la tendance
déterminante pour 1994 a été celle du compte d'affectation des produits de la
privatisation.
Les dépenses ont atteint 12,19 milliards de francs et ont concerné des
dotations en capital, des avances d'actionnaire et d'autres apports. Les
recettes affectées se sont, quant à elles, élevées à 11,79 milliards de
francs.
Contrairement à 1993, aucune dépense exceptionnelle en faveur de l'emploi n'a
été imputée sur ce compte en 1994, la totalité de ces dépenses ayant été
réintégrée au budget général auquel ont été rattachés directement 50 milliards
de francs de recettes de privatisation, contre 18 milliards de francs en
1993.
Conformément aux souhaits de la Cour des comptes, la frontière entre le budget
général et les comptes d'affectation spéciale a été ainsi clairement
respectée.
En 1995, le Gouvernement a décidé d'affecter la totalité des recettes de
privatisation au désendettement de l'Etat et aux dotations en capital du
secteur public sur des comptes d'affectation spéciale, ce qui clarifie la
signification du déficit budgétaire au regard des normes de présentation
européennes.
Quant aux opérations à caractère temporaire, leur solde s'établit à moins
23,19 milliards de francs et s'explique principalement par le déficit des
comptes de prêts lié au niveau des prêts du Trésor aux pays en développement et
la charge supportée par le compte d'avances sur impôts locaux.
Voilà pour ce qui concerne les principaux résultats. Ce projet de loi
enregistre également les modifications de certains crédits.
Ces modifications n'appellent pas de commentaires particuliers. Il s'agit de
mesures d'apurement classiques concernant, par exemple, les dépassements
constatés sur des chapitres dotés de crédits évaluatifs ou l'annulation des
crédits devenus sans emploi et non reportés à la gestion suivante.
Je soulignerai néanmoins la réduction de moitié par rapport à 1993 des
ouvertures constatées sur le budget général, ce qui témoigne d'une gestion
maîtrisée des crédits.
Ce projet de loi comporte, enfin, quelques dispositions particulières.
Outre les traditionnelles mesures de remises de dettes aux pays étrangers, il
contient diverses dispositions visant des apurements comptables prévus par
l'article 35 de la loi organique.
Je veux parler de la constatation de pertes enregistrées à la suite de la
démonétisation de devises en Arménie et en Irak, de la traduction comptable des
modalités fixées par la convention du 10 juin 1993 pour le remboursement des
avances consenties par la Banque de France, de la régularisation d'opérations
figurant dans les comptes de l'Etat qui n'ont pu être apurées en raison de la
dissolution de la Caisse nationale de l'énergie et des abandons de créances
détenues sur le Mali depuis 1970, sur le Burkina depuis 1959 et sur la
Compagnie des potasses du Congo depuis 1968.
Enfin, le projet de loi vous propose de déclarer d'utilité publique des
dépenses comprises dans quatre gestions de fait.
Pour les deux premières, concernant l'institut de l'eau de Limoges et les
parcs naturels de France, la Cour des comptes a dénoncé l'utilisation de
subventions pour financer des dépenses de personnel recruté pour effectuer des
opérations sans lien avec l'objet desdites subventions - nous reviendrons, au
cours de l'examen des articles, sur la gestion de l'institut de l'eau de
Limoges.
Pour la chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux, des dépenses ont été
réglées directement par la chambre de commerce en contrepartie de factures
prises indûment en charge par l'Etat.
Quant à l'ambassade de France au Ghana, le régisseur a changé des devises sur
le marché parallèle, ce qui lui a procuré une somme cinq à six fois supérieure
à celle qu'il a initialement engagée. L'ambassadeur et le régisseur ont ainsi
constitué une caisse occulte destinée au financement de dépenses réalisées,
selon les justificatifs présentés, dans l'intérêt de l'ambassade et non dans
leur intérêt personnel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les principales dispositions de
ce projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, la discussion des lois de règlement semble
susciter une passion contenue chez nos collègues.
(Sourires.)
Néanmoins,
c'est un outil d'analyse très intéressant de l'exécution de nos exercices
budgétaires.
Succédant à l'année 1993, qui fut, à bien des égards, atypique, l'exercice
1994 peut être considéré comme un exercice relativement sage, qui enregistre
les débuts de l'entreprise, ô combien difficile, de maîtrise de la dépense
publique.
Au plan conjoncturel, l'année 1994 marque une inflexion sensible par rapport à
1993, vous l'avez dit, monsieur le ministre. En effet, à une récession de 1,4
p. 100 succède une croissance de produit intérieur brut que vous avez fixée à
2,6 p. 100. Cependant, l'analyse détaillée des composantes de cette croissance
ne délivre pas que des enseignements réconfortants.
Elle a d'abord déjoué les prévisions officielles, qui s'établissaient à 1,4 p.
100, et confirmé le caractère de plus en plus imprévisible et cyclique de notre
économie.
Elle a aussi été essentiellement technique. En effet, après un déstockage
massif de deux points de PIB en 1993, nous avons assisté à un changement de
perspective des entreprises, qui ont « restocké » à hauteur de 1,7 point de PIB
en 1994, à comparer à la croissance de 2,6 points.
Enfin, elle a été relativement heurtée, le second semestre étant moins
dynamique que le premier.
Un regard rétrospectif sur les années passées nous montre assez clairement un
écart croissant entre prévisions et réalisations. Hormis l'année 1975, marquée
par le choc pétrolier, les années 1976 à 1987 se soldent par une différence
relativement faible entre ce qui a été prévu et ce qui a été réalisé. En
revanche, depuis 1988, les variations semblent s'accuser de manière tout à fait
nette. Les modèles macroéconomiques, qui font apparemment l'objet de recalages
permanents, peinent à rendre compte des modifications de comportement des
agents économiques et des conséquences de la mondialisation de l'économie.
Au total, les prévisions pour ce qui est du niveau, du rythme et des
composantes de la croissance demeurent soumises à des incertitudes
importantes.
Il est donc devenu difficile de construire des budgets reposant sur des bases
macroéconomiques assurées, plus particulièrement pour ce qui concerne les
recettes. L'année 1994 le démontre à sa manière.
En schématisant à gros traits, les prévisions de recettes ont été bonnes, mais
elles résultent de deux erreurs en sens contraire. Ainsi, la croissance a été
plus forte que prévu, mais la composition de cette croissance a été moins
porteuse en recettes qu'il n'avait été escompté, en raison notamment des fortes
variations de stocks. Un calcul simple, sans doute un peu grossier, nous
montrerait ainsi que nous aurions enregistré près de 42 milliards de francs de
moins-values fiscales fictives dans l'hypothèse où les recettes auraient été
directement proportionnelles à l'écart de croissance entre réalisations et
prévisions de PIB.
Au total, les recettes fiscales nettes se sont pourtant accrues de 3,7 p. 100,
alors que le PIB, en valeur, a augmenté de 4,3 p. 100. Cela montre que
l'élasticité des recettes par rapport à la croissance demeure faible et, par
conséquent, préoccupante, surtout au moment où vous bâtissez, monsieur le
ministre, votre budget pour 1997.
Comme nous l'a rappelé récemment le rapport de M. de la Martinière, en 1994,
les ressources procurées par la TVA n'avaient crû que de 4 p. 100 depuis 1990,
alors que l'augmentation correspondante du PIB avait atteint 13 p. 100, les
changements d'assiette et de taux n'expliquant sans doute que très
partiellement cet écart.
Une analyse plus détaillée de l'exercice 1994 fait apparaître trois éléments
principaux : le basculement du prélèvement France Télécom des recettes non
fiscales sur les recettes fiscales à hauteur de 15 milliards de francs ; la
prise en compte des modifications de perception de la TVA - suppression de la
règle du décalage d'un mois et TVA intracommunautaire - qui explique pour près
de 17 milliards de francs la progression des recettes totales de 1994 par
rapport à 1993 ; la mise en oeuvre de la réforme du barème de l'impôt sur le
revenu consistant, notamment, dans la réduction du nombre des tranches, qui
représente, mes chers collègues, un allégement net de près de 21 milliards de
francs.
Il s'agit là, également, d'un enseignement intéressant au moment où nous
entendons parler de réduction des impôts. Je me demande cependant si nos
concitoyens se souviennent de cette baisse des impôts, qui, tout de même, a
représenté, je le répète, 21 milliards de francs de moindres recettes pour
l'Etat en 1994.
Si l'on essaie de tirer des enseignements généraux de ces trois constatations
comptables, on peut estimer qu'elles confortent notre inquiétude sur la «
pauvreté » de plus en plus grande du contenu de la croissance en impôt et
qu'elles illustrent la difficulté de faire percevoir par les assujettis la
réalité d'une baisse significative du montant de l'impôt sur le revenu.
L'analyse des dépenses se heurte traditionnellement au choix d'un indicateur
pertinent. Le président de la première chambre de la Cour des comptes nous
rappelait tout récemment encore qu'il existait au moins trois indicateurs
principaux, utilisés indifféremment. Comme les années précédentes, il nous
semble que l'indicateur « dépenses nettes du budget général » peut être
considéré comme le plus fiable. Cet indicateur fait apparaître une hausse de
3,3 p. 100 des dépenses, qui fait suite à une progression de 5,5 p. 100 en 1993
et de 6,7 p. 100 en 1992.
Cette maîtrise globale, dont il convient de se féliciter, s'explique
toutefois par la prise en compte d'évolutions que je qualifierai de
contrastées.
Deux postes, en effet, expliquent une bonne part de cette maîtrise : d'une
part, les dépenses civiles en capital régressent de 4,7 p. 100 - c'est la
première fois depuis 1987 que ces dépenses diminuent d'un exercice sur l'autre
- d'autre part, les dépenses militaires enregistrent une forte décélération,
essentiellement en matière d'investissement, et s'établissent à plus 1,6 p.
100.
En sens inverse, les dépenses civiles ordinaires nettes s'accroissent de 4 p.
100, il est vrai après les hausses beaucoup plus importantes de 6,4 p. 100 en
1993 et de 7,8 p. 100 en 1992. Cette décélération apparaît plus significative
encore si l'on prend en compte la très forte croissance des charges nettes de
la dette publique : plus 16,4 p. 100. En augmentant de près de 26 milliards de
francs, cette charge de la dette représente, à elle seule, plus de la moitié de
l'accroissement total des dépenses nettes du budget général, qui est de l'ordre
de 50 milliards de francs. Ce rapprochement illustre de manière
particulièrement manifeste le phénomène de « boule de neige » que vous avez
souvent évoqué, monsieur le ministre, et que nous avons étudié lors du récent
débat d'orientation budgétaire.
Avec une augmentation de 4 p. 100, les charges directes de personnel sont en
ralentissement par rapport aux 5,8 p. 100 de 1993. Les autres dépenses civiles
de fonctionnement ont également ralenti.
Les dépenses d'intervention ont progressé de 22 milliards de francs, soit de
5,2 p. 100, en raison surtout de l'augmentation des dépenses actives en faveur
de l'emploi, parmi lesquelles la participation au redressement de l'UNEDIC,
pour 10 milliards de francs, et les exonérations de cotisations familiales
patronales, pour 9 milliards de francs.
Le rapprochement des évolutions des recettes et des dépenses conduit à un
déficit de près de 349 milliards de francs, dans la nouvelle présentation, qui
exclut les ressources tirées des opérations de privatisation et affectées au
financement de dépenses d'intervention, soit 50 milliards de francs en 1994. Ce
déficit est à comparer avec celui de l'exercice 1993, qui s'était établi à 345
milliards de francs. Toutefois, ce déficit ne représente plus que 4,72 p. 100
du PIB en 1994, contre 4,89 p. 100 en 1993. Le rapporteur général de
l'Assemblée nationale a synthétisé ces données numériques en une appréciation
soigneusement balancée que je vous livre
in extenso :
« On peut donc
équitablement considérer que 1994 marque aussi bien le point culminant du
déficit que l'amorce de son reflux. »
Je souhaiterais conclure mon propos en rappelant, ou en actualisant certaines
propositions de méthode qui sont avancées par la commission des finances.
La tenue au printemps d'un débat d'orientation budgétaire représente un
nouveau temps fort dans le processus parlementaire de contrôle et
d'autorisation de la dépense publique. S'il est encore trop tôt pour apprécier
toute la portée de cette innovation il convient néanmoins de réfléchir à une
nouvelle articulation de nos travaux.
D'une part, en appui technique à ce débat, nous avons disposé cette année d'un
document remarquable établi par la Cour des comptes sur l'exécution 1995. Il
est un peu curieux de revenir, un mois plus tard, en séance publique, pour
examiner l'exécution 1994.
M. René Régnault.
Eh oui !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
L'exercice pourrait sembler perdre un peu de son intérêt,
même s'il demeure indispensable, mais l'analyse à laquelle vous avez procédé et
à laquelle a procédé la commission montre toute l'utilité de cette
discussion.
D'autre part, nous allons examiner la semaine prochaine la désormais
traditionnelle résolution sur les déficits excessifs portant sur les exercices
1995 et 1996, en même temps qu'une résolution sur le projet de budget des
institutions communautaires.
Je sais bien qu'il est délicat d'harmoniser les calendriers du Parlement, du
Gouvernement, des institutions communautaires et de la Cour des comptes, mais
il nous est sans doute possible de travailler à une meilleure synchronisation
de travaux portant sur des sujets très voisins.
S'agissant de la création d'une dotation de réserve conjoncturelle, sujet dont
nous avons déjà débattu l'année dernière, je vous rappelle, monsieur le
ministre, que vous aviez pris acte de ce souhait, le 22 mai dernier, lors du
débat d'orientation budgétaire.
Force est de reconnaître que l'exercice est assez difficile techniquement.
Dans le passé, nous avons connu plusieurs procédures de cette nature :
l'article d'habilitation en loi de finances autorisant le Gouvernement à «
déterminer un programme d'économies par décret » ; le fonds d'action
conjoncturelle entre 1969 et 1980, le fonds de régulation budgétaire pour la
période 1981-1982.
Ces dispositifs sont maintenant sortis de nos mémoires, car leur efficacité
n'a pas toujours été démontrée. Il nous appartient sans doute, avec le concours
de vos services, monsieur le ministre, de faire oeuvre d'imagination. En effet,
si l'année 1994 n'a pas été trop agitée au plan de la régulation et si des
progrès sensibles sont intervenus cette année dans l'information de la
commission des finances sur les opérations d'annulation de crédits, nous
restons parfois encore un peu sur notre faim pour ce qui concerne les gels de
crédits et les instructions verbales données aux contrôleurs financiers.
Je me félicite des progrès très sensibles qui ont été enregistrés depuis
plusieurs années, qu'il s'agisse des états d'exécution mensuels du budget, de
l'information de la commission des finances sur les annulations de crédits ou
de la publication de rapports sur les entreprises publiques et sur les
garanties octroyées par l'Etat. De la même manière, nous ne pouvons que nous
réjouir des projets du Gouvernement visant à rendre plus lisible la
présentation de la loi de finances et plus claire la comptabilité patrimoniale
de l'Etat. Le rapport introductif au débat d'orientation budgétaire est, à cet
égard, excellent. Il a d'ailleurs été salué par tous.
M. René Régnault.
C'est vrai !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je crois qu'il convient de prolonger cet effort. Je vous
propose donc quelques pistes de réflexion.
Le mode d'engagement de la garantie de l'Etat devrait faire l'objet de travaux
d'expertise complémentaires. Bien entendu, l'exercice est difficile puisqu'il
peut avoir parfois pour conséquence de faire varier le taux d'endettement
public par rapport au PIB. Néanmoins, les modalités d'octroi d'une
quasi-garantie de l'Etat à la CADES, la caisse d'amortissement de la dette
sociale, ou aux obligations émises par le Crédit foncier de France, pour
prendre simplement des exemples récents, méritent, à mon sens, une analyse au
fond. En prolongeant le raisonnement, on peut ainsi proposer de réfléchir au
classement de la dette de l'EPFR, l'établissement public de financement et de
restructuration, de la CADES et du service annexe d'amortissement de la dette
de la SNCF.
Ces réflexions, j'en suis persuadé, trouveront leur cadre naturel dans les
travaux que vous conduisez en matière de comptabilité patrimoniale.
Par ailleurs, la présentation comptable du budget de l'Etat est quelque peu
archaïque et mériterait sans doute d'être remplacée par une comptabilité en
droits constatés, faisant appel aux comptes de régularisation et aux
provisions. C'est d'ailleurs une réforme en cours en matière de finances
sociales. Je sais que des travaux en ce sens sont réalisés par votre ministère.
Je souhaiterais donc connaître leur état d'avancement et savoir si la Cour des
comptes ne pourrait pas y être utilement associée. Cette comptabilité
d'engagement permettrait d'ailleurs une meilleure « comparabilité » des soldes
d'exécution.
Enfin, l'inscription dans la Constitution des lois de financement de la
sécurité sociale n'est pas sans conséquence pour les lois de finances.
Lors des récents débats sur les projets de loi constitutionnelle et organique,
M. le président Christian Poncelet a veillé avec constance, je dirai même avec
opiniâtreté - et je crois qu'il a bien fait - à ce que cette réforme nécessaire
et attendue n'aboutisse pas en pratique à raccourcir le délai de la discussion
budgétaire au Sénat.
Je voudrais apporter une pierre supplémentaire à l'édifice, en proposant une
légère adaptation de la présentation des projets de loi de finances, qui me
paraît opportune car elle permettra de tenir compte de l'institution des lois
de financement de la sécurité sociale.
Cette adaptation formelle fait l'objet de deux amendements de caractère
technique qui ont été adoptés ce matin par la commission des finances et que je
vous présenterai aujourd'hui, afin que les dispositions qu'ils prévoient
puissent s'appliquer dès le projet de loi de finances pour 1997.
Mes chers collègues, l'examen d'un projet de loi portant règlement définitif
d'un budget est souvent considéré comme un exercice formel, sans portée réelle
et, à l'évidence, sans impact médiatique.
Toutefois, en prenant la peine d'aller au-delà des apparences, on découvre la
richesse des enseignements qui sont délivrés par l'analyse de ce document. En
effet, on y retrouve, « à livre ouvert », les caractéristiques fondamentales de
notre politique économique et budgétaire, qui se trouvent en quelque sorte
purifiées des effets d'annonce, des subtilités comptables et des contingences
politiques.
Le projet de loi portant règlement définitif du budget de 1994 illustre ainsi
sans détours les phénomènes majeurs de notre situation budgétaire, qu'il
s'agisse de la fuite des recettes, du poids de la dette ou de la difficulté
extrême à réduire les dépenses de personnel et d'intervention. Bref, il est
d'une actualité brûlante et, au moment où vous bâtissez votre projet de budget
pour 1997, monsieur le ministre, il doit constituer un encouragement, compte
tenu du soutien fidèle que vous apporte le Sénat dans sa majorité.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de
ce projet de loi portant règlement définitif du budget de 1994 se situe dans un
contexte nouveau.
L'objectif d'atteinte des critères de convergence du traité sur l'Union
européenne inspire aujourd'hui une remise en question de la dépense publique,
d'autant que l'exécution budgétaire 1994 atteste les grandes difficultés à
respecter le « tableau de marche » de la loi d'orientation des finances
publiques.
La première donnée qu'il convient de retenir de l'exécution budgétaire de 1994
est évidemment l'importance du déficit constaté en fin d'exercice : ce déficit
se situe en effet à quelque 299 milliards de francs, soit 4,05 p. 100 du
produit intérieur brut marchand.
Toutefois, la situation générale des comptes publics est relativement proche
de celle de l'exercice budgétaire précédent, avec un ratio d'endettement
rapporté au produit intérieur brut de 6 p. 100, contre 6,1 p. 100 en 1993.
Pour en finir avec ces grandes masses, soulignons qu'il a fallu un loi de
finances rectificative particulièrement dotée en nouveaux prélèvements en
juillet 1995 pour que la dérive des comptes publics, à peine freinée par les
choix du gouvernement Balladur, ne soit pas plus importante.
Encore faut-il mesurer que ce déficit est très largement limité par
l'affectation - c'est la dernière année que l'opération s'est produite avant
que la loi de finances pour 1995 ne le prévoit expressément - du produit des
privatisations au budget général.
En fait, la hausse du produit des privatisations - 32 milliards de francs -
suffit par elle-même à réduire de manière quelque peu artificielle un déficit
qui aurait alors pu atteindre et même dépasser 330 milliards de francs.
Il en est de même pour le traitement du décalage de la taxe sur la valeur
ajoutée qui, dans son application, a permis de récupérer de manière quasiment
technique un peu plus de 11 milliards de francs.
Dans les faits, on a donc assisté à un véritable surplace en matière de
déficit.
Le phénomène qui affecte principalement les comptes publics est toutefois,
d'abord et avant tout, un phénomène de perte de substance de nos recettes
fiscales.
En effet, les recettes fiscales brutes n'ont augmenté en 1994 que de 2,5 p.
100, soit un rythme sensiblement inférieur à celui du produit intérieur brut
marchand qui est de deux points plus important.
Cette déperdition des recettes fiscales provient fondamentalement de la
stagnation des impôts directs, les seuls éléments dynamiques de notre fiscalité
étant, hélas ! les droits indirects avec une taxe sur la valeur ajoutée et une
taxe intérieure sur les produits pétroliers représentant désormais près de 55
p. 100 des recettes fiscales nettes.
Cette réalité ramène immédiatement le débat actuel sur la baisse des impôts à
son véritable niveau.
L'examen de l'exécution du budget de 1994 le met en évidence : notre fiscalité
est chaque année plus dégressive, plus proportionnelle et moins équitable que
l'année précédente.
Or, cette situation fait dépendre de manière trop importante la situation des
comptes publics de la consommation, ce qui ne peut manquer de créer de
nouvelles difficultés sur la durée.
Il est remarquable que l'orientation imprimée à la réforme fiscale ne porte de
façon générale que sur l'impôt sur le revenu et sur la mutation de nos
cotisations sociales vers plus de fiscalité proportionnelle.
Mais c'est là oublier la nécessaire réflexion sur la fiscalité de la
consommation, dont tous les experts s'accordent à reconnaître qu'elle est la
source de multiples inégalités de traitement des citoyens devant l'impôt.
C'est en effet de façon quasi exclusive l'effet « taux » qui a joué pour
accroître les ressources de TVA et de TIPP.
Le rapport de la Cour des comptes souligne en particulier : « Pour près des
deux tiers, la croissance du produit fiscal net est donc indépendante de la
croissance économique. »
La meilleure preuve ne nous en est-elle par fournie par l'impôt sur les
sociétés ?
En effet, si l'on en croit les comptes de la nation, la croissance de
l'excédent brut d'exploitation des entreprises est de 38,4 milliards de francs
en 1994, soit une augmentation de l'ordre de 3 p. 100.
Et si le produit de l'impôt sur les sociétés augmente d'environ 7,2 milliards
de francs, c'est du fait de l'assujettissement de France Télécom, qui a versé,
pour cette année 1994, quelque 7,7 milliards de francs à titre d'acompte.
Dans les faits, cela signifie que les entreprises de droit privé continuent
très largement à profiter des multiples possibilités d'optimisation fiscale
présentes dans notre législation.
Je pense ici, notamment, au régime des groupes et des comptes consolidés pour
lequel il a fallu attendre la loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier d'avril 1996 pour commencer à mettre sous surveillance
les conditions d'application.
Il est donc incontestable que la situation des comptes publics a été en 1994,
comme elle l'est d'ailleurs encore aujourd'hui, largement victime de la
progression plus qu'erratique des recettes fiscales tandis que le partage de
ces recettes entre les grands impôts existants pose avec force la question de
la justice et de l'efficacité fiscale et sociale.
Bien entendu, une analyse précise de la situation du budget doit passer par
une étude la plus exacte possible des mouvements de dépenses enregistrés.
La dépense publique a progressé de 2,3 p. 100 en 1994.
Cette progression, largement inférieure à celle de la production intérieure
brute et à peine supérieure au taux d'inflation enregistré, montre que la
volonté de réduction de la dépense publique qui anime aujourd'hui le
Gouvernement ne date pas d'hier.
Parmi les grandes évolutions, soulignons la progression limitée des dépenses
du titre III - 22 milliards de francs - due, pour l'essentiel, au célèbre «
glissement vieillesse, technicité », plus qu'à la création de nouveaux postes
budgétaires.
S'agissant des dépenses d'intervention publique, soulignons que leur
progression atteint un peu plus de 22 milliards de francs, dont il convient de
regarder d'un peu plus près la répartition effective.
En effet, la hausse des crédits consommés pour le titre IV - 22,3 milliards de
francs environ - est de façon quasi exclusive concentrée dans le chapitre des
dépenses d'action économique, qui progresse, à lui seul, de 23,9 milliards de
francs.
Il convient de noter, à ce propos, que le mouvement des dépenses d'action
sociale et de solidarité s'avère, lui, exactement différent puisque les crédits
de cette partie baissent finalement de près de 5 milliards de francs.
La progression des dépenses d'intervention publique est donc due, de manière
particulièrement significative, à la mise en oeuvre en grand des dispositions
de la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle qui ont fait exploser les chapitres budgétaires - imputés tant
au budget du travail qu'au budget des charges communes - consacrés aux
exonérations de cotisations sociales des entreprises, aux abattements divers et
aux mesures multiples et parfois contradictoires d'une politique de l'emploi
dont l'efficacité se mesure à la longue liste de plus de 3 millions de
travailleurs, de jeunes et de femmes qui sont privés d'emploi et qui
remplissent les fichiers de l'Agence nationale pour l'emploi.
En 1994, il y a eu gâchis de deniers publics sans résultat significatif et
réel sur la situation de l'emploi.
Il y a crise d'efficacité de la dépense publique en matière d'emploi.
Il a fallu, là encore, attendre 1996 pour que l'on se décide enfin à regarder
la situation de plus près et à tenter de mesurer l'efficacité réelle des
dispositions existantes.
Mais ce débat ne se résume pas à savoir s'il faut substituer aux multiples
mesures d'exonération de cotisations sociales accordées aux entreprises - et
qui majorent par elles-mêmes et elles seules le poids de nos prélèvements
obligatoires de sept dixièmes de point, acquittés, notamment, par les
consommateurs au titre de la TVA ou par les automobilistes
via
la TIPP -
une baisse généralisée des cotisations des entreprises, gagée sur l'invention
de je ne sais quelle cotisation maladie universelle ou sur une nouvelle
majoration de la contribution sociale généralisée.
La question est de savoir si l'Etat doit venir en aide aux entreprises de
manière indistincte en prenant à sa charge leur indispensable et nécessaire -
j'allais dire citoyenne - contribution à la protection sociale, ou si on ne
doit pas plutôt garder à l'esprit que nos entreprises ont, eu égard aux 1 266
milliards de francs de profits bruts des entreprises non financières et aux 151
milliards de francs de profits bruts de nos institutions financières, largement
les moyens de supporter une part plus importante du financement des grandes
fonctions collectives.
Comment oublier, par exemple, que la part de la valeur ajoutée consacrée au
financement de la protection sociale par les entreprises est aujourd'hui
inférieure à ce qu'elle était en 1979 ?
Le budget de 1994, que notre ancien collègue Robert Vizet, alors membre de la
commission des finances, avait combattu au nom du groupe communiste est donc
l'illustration de choix politiques et fiscaux particulièrement critiquables,
qui ont échoué au regard des objectifs fixés en matière de réduction du déficit
et du chômage. Ces choix n'ont en fait eu de résultats que pour ce qui concerne
la pression sur les collectivités locales - largement victimes, notamment, du
gel de la dotation globale de fonctionnement - et l'allégement de la contrainte
fiscale pesant sur les revenus les plus élevés et les entreprises, dont la
situation financière était pourtant ô combien florissante !
La majorité sénatoriale l'avait largement soutenu, l'aggravant même avec une
mesure comme celle qui avait permis aux titulaires de
stock-options
d'être libérés de la contrainte du délai de portage des actions et des
options d'achat.
Dans un même élan, elle a pourtant approuvé sans réserve les choix de l'époque
en votant, à la demande du Gouvernement, plus de 100 milliards de francs
d'impôts nouveaux en 1995 et en appelant aujourd'hui à réduire les dépenses
publiques afin de diminuer ensuite la pression fiscale sur les revenus les plus
élevés.
L'année 1994 a, par ailleurs, confirmé la vassalisation de notre politique
budgétaire aux marchés financiers, les seules opérations d'émission de titres
de la dette publique représentant un montant quotidien de plus de un milliard
de francs.
L'exécution du budget de 1994 nous amène naturellement à constater, en
grandeur nature, à quel point les choix de droite, qui impriment la politique
de ce pays, n'ont pas permis de répondre aux besoins de la société tout en
aggravant les difficultés de la collectivité nationale.
Cela motive, aujourd'hui comme hier, notre rejet clair et net de l'exécution
du budget de 1994.
Cela justifie également que les chantiers de la réforme de l'Etat, de la
réforme des prélèvements obligatoires et de l'analyse des dépenses publiques
proposent des solutions novatrices, efficaces et porteuses d'avancées pour
répondre aux grands besoins collectifs.
Nous nous y emploierons le moment venu, d'autant que l'exécution du budget de
1994 atteste trop nettement du caractère inégalitaire et injuste socialement
des orientations qui semblent devoir être poursuivies.
Au-delà de la discussion de ce projet de loi portant règlement définitif du
budget de 1994, me permettez-vous, monsieur le ministre, de vous demander si le
Gouvernement a prévu de renouveler, cet été, l'attribution de l'allocation
exceptionnelle de rentrée scolaire ?
Comme vous le savez, cette allocation est conditionnée aux ressources des
familles. C'est pourquoi ce sont malgré tout les familles les plus modestes,
les plus en difficulté qui perçoivent cette allocation. La question est
importante pour elles, car cette allocation leur permettrait d'équiper les
enfants qui fréquenteront les établissements scolaires de notre pays au mois de
septembre 1996.
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général,
mes chers collègues, chaque année, le projet de loi de règlement permet un
examen rétrospectif du budget exécuté : il constate les résultats, réajuste les
crédits évaluatifs et apure les comptes. Le Parlement peut ainsi jouer son rôle
de contrôle des finances publiques en jugeant une politique budgétaire et en en
tirant les principaux enseignements.
Il serait cependant judicieux - vous l'avez d'ailleurs souligné, monsieur le
rapporteur général - de raccourcir ce délai d'examen pour conférer à notre
discussion une utilité. En effet, au bout de deux ans, à la vitesse à laquelle
évoluent notre société et notre économie, les choses ont beaucoup changé !
Aujourd'hui, notre jugement sur la politique suivie n'a plus,
a priori
au moins, de réelle importance et, surtout, il a perdu de son intérêt.
Faut-il ajouter que la gestion que nous examinons et dont le Gouvernement
était responsable a déjà été jugée par les Français ?
Il serait pourtant tout à fait envisageable que le débat parlementaire sur le
projet de loi portant règlement définitif du budget s'effectue à l'automne qui
suit l'exercice, couplé avec l'examen du projet de loi de finances, comme
l'Etat l'impose aux collectivités locales. Ce serait d'autant plus possible que
le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution du budget est désormais
disponible dès le mois de juillet suivant l'exercice.
Quels enseignements pouvons-nous tirer de l'exercice budgétaire de 1994 ?
A l'époque, le gouvernement de M. Balladur et la majorité s'autocongratulaient
sur leur gestion des finances publiques. Le déficit budgétaire avait été
réduit, conformément aux objectifs prévus, à 299 milliards de francs, contre
315 milliards de francs en 1993, grâce à des recettes en hausse et des dépenses
en faible augmentation. C'était ce que l'on nous disait.
Les groupes socialistes étaient alors pratiquement les seuls à dénoncer la
duperie de ces résultats, l'illusion de cette saine gestion et, sous les
artifices, la non-maîtrise des déficits publics, conséquence d'une politique
économique et budgétaire erronée.
Mais nous avions été peu après rejoints par beaucoup : le candidat à la
présidence de la République, M. Jacques Chirac, déclarait ainsi qu'il était
nécessaire de remettre de l'ordre dans nos finances publiques, et l'actuel
Premier ministre, M. Alain Juppé, parlait de « constat calamiteux ». Même si,
dans ce projet de loi de règlement, le gouvernement actuel, pour des
considérations de stratégie politique interne à la majorité qui n'échappent à
personne, revient à une présentation enjolivée, l'examen de ce texte démontre
la pertinence de nos condamnations de l'époque.
Que sont, pour l'essentiel, les résultats pour 1994 ?
Le déficit budgétaire réel a augmenté, pour atteindre 349,1 milliards de
francs. Rappelons pour mémoire que le rapport Raynaud avait retenu une impasse
de 340 milliards de francs pour 1993. Et je renverrai ceux qui voudraient
s'accrocher à la fiction de la baisse du déficit budgétaire au rapport du
Gouvernement pour le débat budgétaire : « Après cinq années de dégradation du
solde budgétaire, 1995 a marqué la première année de réduction du déficit »,
peut-on y lire.
Il est d'ailleurs curieux, alors que le Gouvernement a fait de la
non-affectation des privatisations au financement des dépenses courantes une
règle de gestion budgétaire, de ne pas appliquer cette règle dans ce projet de
loi de règlement.
Il faudrait ajouter les escamotages de dépenses - par le biais du fonds de
solidarité vieillesse, sur l'ASF, l'allocation de soutien familial, pour n'en
citer que quelques-uns - et prendre en compte une partie des opérations
réalisées hors budget, qui ont été, cette année-là, d'une hauteur
exceptionnelle, notamment du fait de la reprise des 110 milliards de francs de
la dette de l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. La
Cour des comptes a d'ailleurs noté que le concept de déficit budgétaire avait
perdu, en 1994, compte tenu des importantes opérations réalisées hors budget,
une part importante de sa signification. Nous mêmes, comme l'ensemble des
citoyens, avons vu disparaître des éléments de comparaison.
On enregistre également une légère augmentation du déficit des administrations
publiques : 442 milliards de francs en 1994, contre 435 milliards de francs en
1993.
Je remarque d'ailleurs, pour y insister, que le déficit des collectivités
locales a légèrement diminué - il était de 11,8 milliards de francs - et se
situait à un niveau très honorable - 0,1 p. 100 du produit intérieur brut - du
fait, en particulier, d'une progression modérée des dépenses, notamment des
dépenses d'équipement, comme le confirment d'ailleurs les tout récents travaux
de l'Observatoire des finances locales, dont le rapporteur est l'un de nos
éminents collègues.
Voilà qui devrait éclairer sous un jour un peu différent les éventuels désirs
du Gouvernement - mais je crains que ces désirs ne soient profonds - de
poursuivre ses ponctions sur nos collectivités locales. Il faudrait tout de
même que les bons élèves de la classe soient, à un moment, reconnus comme tels
!
La dette publique a connu une forte croissance : 2 474 milliards de francs à
la fin de 1993, 2 904 milliards de francs à la fin de 1994, soit une
augmentation de 430 milliards de francs. Notons que cette très forte
augmentation est non pas seulement la résultante du déficit budgétaire, mais
aussi, pour une bonne part, la conséquence des décisions du gouvernement de M.
Balladur quant à la suppression du décalage d'un mois de TVA et à la reprise de
la dette de l'ACOSS. Ce qui est plus inquiétant, c'est que ce déficit risque
d'atteindre 4 000 milliards de francs en 1997 !
Les résultats ne sont donc pas fameux, d'autant qu'ils se situent dans un
contexte favorable, contrairement aux années 1992 et 1993. En effet, en 1994,
la croissance a été positive, et même largement supérieure aux prévisions : 2,6
p. 100 contre 1,4 p. 100 prévu dans la loi de finances initiale. Cela a permis
d'enregistrer des gains substantiels sur les recettes fiscales : ces dernières
ont crû sur l'année de 45 milliards de francs, soit une augmentation de 3,7 p.
100, alors qu'elles avaient baissé de 0,5 p. 100 en 1993 et de 1 p. 100 en
1992.
De plus, jamais les privatisations n'auront autant contribué à financer les
dépenses courantes de l'Etat : sur les 61,8 milliards de francs cédés au
secteur privé, 50 milliards de francs sont allés directement dans le budget
général. Par conséquent, quel serait le déficit réel si l'on prenait tout en
compte ?
A cela doit s'ajouter toutes les recettes exceptionnelles réalisées :
prélèvement sur le fonds de réserve et de financement du logement, perception
de produits qui auraient dû être réalisés en 1993. La liste serait
exceptionnellement longue si cette analyse était conduite de façon
exhaustive.
Dans ce contexte favorable, les déficits budgétaires et publics auraient dû
être largement réduits, comme ils l'ont été chez nos partenaires, puisque, en
1994, le besoin de financement des administrations publiques a baissé de 0,6 p.
100 en moyenne dans l'OCDE et de 0,7 p. 100 dans l'Union européenne.
Or, en France, ils ont été au mieux stabilisés, si l'on oublie les
manipulations réalisées, que j'ai partiellement évoquées voilà quelques
instants.
Notre dette publique a donc explosé, et l'on comprend ainsi le qualificatif de
« calamiteux » employé pour caractériser cette gestion.
Mes chers collègues, je crois qu'en dehors de toute vision partisane, il est
nécessaire de s'interroger sur cet exercice peu brillant, car il est porteur de
multiples enseignements que je vais essayer de tirer.
Faire porter la responsabilité de ces résultats sur le prétendu héritage
socialiste - vous voyez que je prends les devants, mes chers collègues - ...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cela ne vous exonère pas de vos responsabilités !
M. René Régnault.
... est un argumentaire bien connu, simpliste et de courte vue !
M. Jacques Delong.
Ça continue !
M. René Régnault.
... Au-delà de la polémique, cela ne modifie en rien l'éclairage de ce projet
de loi de règlement et des comptes présentés, de surcroît si nous voulons, pour
l'avenir, ouvrir des voies nouvelles à l'espérance et à la confiance perdue.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je sens des remords dans votre voix !
M. René Régnault.
Pas des remords ! J'ai le sentiment que vous nous y conduisez tout droit et,
par conséquent, nous devons en tirer tous les enseignements et nous y préparer
! C'est ce que le parti socialiste fait à longueur de journées, de semaines, et
de week-ends !
M. Philippe de Gaulle.
Vous avez une sacrée expérience !
M. René Régnault.
Les Français ne semblent pas partager votre sentiment, et les sondages, comme
les élections partielles, les uns après les autres, confirment mes propos et
infirment les vôtres.
M. Philippe de Gaulle.
Moi, je remonte loin dans l'histoire !
M. René Régnault.
Oui, on peut remonter loin dans l'histoire ! Mais nos compatriotes, qui ne
sont pas amnésiques, pensent aussi à l'immédiat et à l'avenir, et c'est en
fonction de l'histoire et de l'immédiat qu'ils déterminent les meilleures voies
pour préparer cet avenir ; en conséquence, ils manifestent un certain nombre de
signaux au fil des jours, des sondages et des élections partielles, signaux qui
nous conduisent à prendre la juste mesure de la responsabilité nouvelle que la
majorité de demain, c'est-à-dire l'actuelle opposition, devra assumer !
Les raisons de l'échec me paraissent doubles.
La première raison est liée aux dépenses. Contrairement à l'engagement
qu'avait pris le Gouvernement dans la loi d'orientation quinquennale relative à
la maîtrise des finances publiques, selon lequel il fallait « stabiliser les
dépenses en francs constants dès 1994 », les dépenses ont augmenté au minimum
de 3,8 p. 100 par rapport à celles de 1993. La Cour des comptes, quant à elle,
a retenu 4,1 p. 100. Et si l'on se réfère au montant retraité conformément à la
loi d'orientation quinquennale relative à la maîtrise des finances publiques,
la progression est de 4,6 p. 100. L'augmentation est donc de plus de 2 p. 100
en francs constants. L'engagement n'a pas été tenu, loin s'en faut !
La dérive des dépenses, par ailleurs, est impressionnante. Dès le mois de
mars, le Gouvernement ajoutait 2,2 milliards de francs de dépenses
supplémentaires, puis 5 milliards de francs en septembre, puis 37,3 milliards
de francs dans le collectif budgétaire. Et ce projet de loi de règlement
enregistre une nouvelle augmentation de 67,7 milliards de francs de dépenses,
soit, au total, une dérive des dépenses de pratiquement 100 milliards de francs
par rapport aux prévisions, 35 milliards de francs si l'on défalque les fonds
de concours.
J'en tirerai essentiellement deux enseignements.
Premièrement, il faudrait que cesse l'habitude prise de minorer
systématiquement les dépenses dans la loi de finances initiale, et ce pour des
effets d'annonce qui ne sont pas neutres. Personnellement, cela me choque !
L'élu local que je suis depuis longtemps sait, en effet, la mésaventure qui
risquerait d'être la sienne en agissant ainsi.
La loi de finances initiale avait clairement sous-estimé certains postes comme
le financement des collèges d'enseignement secondaire, et oublié volontairement
d'autres dépenses - on ne peut pas penser un seul instant qu'il s'agit de réels
oublis ! - comme la reconduction du triplement de l'allocation de rentrée
scolaire. Je vous assure, monsieur le ministre, que je serai attentif, tout à
l'heure, à la réponse que vous apporterez à l'excellente question posée par ma
collègue Mme Beaudeau voilà un instant.
Deuxièmement, les causes du dérapage résident essentiellement dans la charge
de la dette et dans les dépenses d'intervention économiques, qui ont progressé
de 22,2 p. 100, du fait, notamment, des mesures d'allégement de charges pour
les entreprises.
Les exonérations de cotisations familiales patronales ont ainsi coûté 9
milliards de francs, sans contrepartie exigée, et sans résultat - il faut bien
en convenir -, si ce n'est l'amélioration des résultats des entreprises, dont
on sait qu'elles ont atteint aujourd'hui des capacités d'autofinancement de
leurs investissements jamais égalées par le passé !
On ne saurait non plus, - il faut également en convenir -incriminer la
progression des charges de personnel de l'Etat, qui a été de 4 p. 100,
c'est-à-dire inférieure à l'augmentation de 4,4 p. 100 du produit intérieur
brut.
Il faut donc, en premier lieu, réexaminer ces dépenses d'intervention, et non
pas faire des fonctionnaires les boucs émissaires d'une dérive dont ils ne sont
pas responsables.
Un autre enseignement est que le problème de l'insuffisance des rentrées
fiscales demeure. Les recettes fiscales n'ont pas augmenté autant qu'elles
l'auraient dû, l'augmentation enregistrée provenant en grande partie de
facteurs techniques.
La principale raison, c'est la croissance. D'une part, celle-ci, bien que
supérieure aux prévisions, a été plus faible que chez nos partenaires, tant de
l'Union européenne que de l'OCDE. D'autre part, cette croissance est
essentiellement due à la bonne conjoncture externe - la demande étrangère a crû
de plus de 10 p. 100 - les facteurs internes, à savoir la consommation et
l'investissement des entreprises, étant restés atones.
Je viens de dire un mot des entreprises. J'en viens à la consommation
intérieure.
La politique suivie en ce domaine, qui consiste en une contraction volontaire
de la demande par une politique salariale rigoureuse et des augmentations
d'impôts pour la majorité des Français, est incontestablement en cause.
A cela s'ajoute la multiplication des réductions fiscales inutiles et
coûteuses en faveur des entreprises - j'ose le dire clairement - et des
Français les plus aisés : baisse de l'impôt sur le revenu, multiplication des «
niches » fiscales. Là encore, la politique suivie est en cause.
Enfin, certaines raisons structurelles, comme l'évasion fiscale touchant
l'impôt sur les sociétés ou la TVA intracommunautaire, pourraient également
être avancées.
Je ne vous ferai pas le reproche de ne pas y porter attention, monsieur le
ministre, car je sais que ces questions mobilisent vos services. Mais s'il est
bien d'être mobilisé, obtenir des résultats tangibles encore mieux. Mais je
sais, monsieur le rapporteur que, vous aussi, vous attendez des résultats en
cette matière.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je sais que les services de M. le ministre y travaillent
beaucoup !
M. René Régnault.
Cette insuffisance des rentrées fiscales a empêché une réduction rapide des
déficits. La politique de l'offre, dans le contexte de 1994, était une erreur
non seulement sur le plan économique mais aussi pour les finances publiques. Il
aurait été nécessaire, au contraire, de relancer le pouvoir d'achat, de réduire
les privilèges fiscaux et de lutter contre l'évasion fiscale.
Au vu des enseignements de cette période, il est urgent de stopper cette
politique économiquement dangereuse, socialement néfaste et coûteuse en termes
de finances publiques.
Malheureusement, la rupture annoncée par le candidat à la présidence de la
République s'est transformée en une stricte continuité, voire en une
amplification de cette politique, ce qui explique mieux que certains
qualificatifs aient été abandonnés.
Le gouvernement de M. Juppé a augmenté les prélèvements obligatoires de 140
milliards de francs, accordé de nouvelles aides aux entreprises, au travers,
par exemple, du contrat initiative-emploi, et de nouvelles réductions fiscales
aux plus aisés, tandis que les promesses d'augmentation de pouvoir d'achat
disparaissaient.
Pis, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les résultats économiques
et budgétaires ne sont pas bons.
C'est pourquoi le Gouvernement cherche aujourd'hui la solution dans la
réduction aveugle des dépenses, en particulier « sur le dos » des
fonctionnaires et des collectivités locales, ce qui risque de détériorer
davantage encore une confiance qui est actuellement, au mieux, à l'étiage.
Nous sommes donc inquiets quant au rétablissement de nos finances publiques,
quant à la possibilité pour notre pays de participer à la monnaie unique et,
avant tout, quant aux conséquences sociales pour nos compatriotes, qui ont déjà
lourdement payé le prix de la gestion de M. Balladur.
Au vu de ces constatations et de ces enseignements, le groupe socialiste ne
votera pas ce projet de loi de règlement.
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
Je souhaite apporter rapidement quelques éléments de
réponse aux divers intervenants et faire quelques commentaires.
Je tiens d'abord à remercier M. le rapporteur général de son jugement positif
sur ce projet de loi de règlement et de son soutien.
Il a eu raison d'évoquer, comme les deux autres orateurs, d'ailleurs, le
problème très préoccupant, qui a commencé de se manifester en 1993, dont nous
mesurons aujourd'hui les chiffres pour 1994 et qui s'est poursuivi en 1995, de
la faible élasticité des recettes fiscales par rapport à la croissance
économique.
Cette faible élasticité a été d'autant plus frappante en 1994 que, depuis le
début de la décennie, cette année 1994 a été la plus favorable du point de vue
de la croissance économique.
C'est une situation nouvelle. Nous avions l'habitude de raisonner à partir du
bon fonctionnement de ce que les économistes appellent les stabilisateurs
économiques, en vertu duquel les impôts indirects, comme la TVA, étant
proportionnels au chiffre d'affaires et l'impôt sur le revenu ayant un taux
progressif, les années de bonne croissance économique voyaient les rentrées
fiscales de l'Etat à taux inchangé, augmenter plus fortement que le produit
intérieur brut. Nous sommes aujourd'hui dans une situation différente.
C'est d'autant plus préoccupant que, pour la plupart des grands impôts, nos
taux se situent parmi les plus élevés des pays comparables.
C'est vrai en matière de TVA - ce n'était pas le cas en 1994, mais ça l'est
devenu depuis - la France figurant parmi les pays de l'Union européenne qui ont
le taux dit normal le plus élevé.
C'est vrai également en matière d'impôt sur le revenu, le taux supérieur de
56,8 p. 100 étant encore parmi les plus élevés.
A cet égard, je fais d'ailleurs observer à Mme Beaudeau et à M. Régnault que
pratiquement la moitié des foyers de contribuables ne sont pas assujettis à
l'impôt sur le revenu.
Nous sommes donc, parmi les pays modernes, l'un de ceux qui ont l'impôt sur le
revenu le plus déséquilibré, et l'un des objets de la réforme fiscale sera
précisément de parvenir à la fois à une baisse de la pression de cet impôt et à
un meilleur équilibre.
Enfin, le taux de l'impôt sur les sociétés, s'il est comparable à celui de nos
partenaires, n'est pas, si je puis dire, anormalement bas.
Or, malgré ces taux élevés, malgré la croissance économique, nous avons
enregistré, même en 1994, des rentrées fiscales relativement décevantes. Nous
devons donc nous interroger sur la manière de rendre notre système fiscal à la
fois moins pénalisant pour les acteurs économiques et plus dynamique pour
financer les besoins de l'Etat.
A Mme Beaudeau, qui a émis des craintes sur les orientations de la réforme
fiscale à laquelle nous travaillons, je dirai que ces orientations rejoignent
en partie certaines des préoccupations qu'elle a exprimées puisque nous
souhaitons, notamment en matière de barème de l'impôt sur le revenu, faire en
sorte qu'une forme de « familialisation » de la décote permette d'aider
davantage, par l'impôt, les familles ayant des ressources relativement
réduites.
De la même manière, l'opération, engagée d'ailleurs par les gouvernements
précédents, notamment au moment de la création de la contribution sociale
généralisée, de transfert progressif, pour le financement de la sécurité
sociale de cotisations qui, aujourd'hui, ne frappent que les salaires à une
contribution d'assiette plus large permettra de soulager les salariés et aura
donc des effets positifs sur leur pouvoir d'achat et sur l'emploi.
Enfin, dans le cadre de cette réforme fiscale, qui donnera lieu à un plan
quinquennal, le Gouvernement s'est engagé à revenir au taux de TVA qui était
pratiqué avant 1995.
Donc, encore une fois, l'esprit général de cette réforme n'est pas forcément
contradictoire avec certaines des préoccupations que Mme Beaudeau a
exprimées.
Les deux orateurs de l'opposition ont regretté, si j'ai bien compris, que des
efforts supplémentaires n'aient pas été faits en 1994 et depuis pour réduire
les déficits.
J'attends avec intérêt, je dirai même avec une certaine gourmandise, les
propositions qu'ils feront, au nom de leur groupe, pour réduire plus encore les
déficits lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1997 !
Je constate, en tout cas, que la quasi-totalité des amendements déposés par
leurs groupes au projet de loi de finances pour 1996 auraient eu, en fait, pour
effet d'aggraver ces déficits.
Nous allons connaître, les uns et les autres - le Gouvernement d'abord, puis
sa majorité parlementaire et l'opposition - un moment de vérité, car il faudra
dire, en 1997, par nos votes, si nous sommes vraiment favorables à une
réduction du déficit permettant enfin de réduire l'endettement et de rétablir
l'ordre dans nos finances publiques, et si, pour cela, nous choisissons
d'aggraver encore les prélèvements obligatoires, qui asphyxient l'économie
française, ou de réduire les dépenses.
M. Régnault a eu des accents émouvants pour expliquer que la réduction des
dépenses ne devait pas se faire sur le dos de telle ou telle catégorie de
Français. Certes ! Mais, si nous décidons de réduire, il nous faudra bien avoir
le courage de faire des choix.
M. le rapporteur a souhaité, tout comme M. Régnault, une meilleure
synchronisation des travaux parlementaires qui portent sur des sujets voisins
et dont la chronologie, en ce premier semestre de l'année 1996, ne paraît pas
idéale.
En effet, avec cet élément nouveau, très important pour le contrôle
parlementaire, que représente le débat d'orientation budgétaire, en raison
aussi des progrès qui ont été faits - ceux de l'Etat, pour raccourcir la
période complémentaire de gestion budgétaire après la fin de l'exercice, ceux
de la Cour des comptes, pour présenter plus rapidement son rapport sur
l'exécution budgétaire - un certain nombre de textes viennent en discussion
dans un ordre chronologique qui n'est pas idéal.
Je suis tout à fait disposé à voir avec M. le rapporteur général, ainsi, bien
sûr, qu'avec les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale,
la manière de rendre tout cela plus cohérent. Nous verrons notamment si nous ne
pouvons pas déposer encore plus tôt le projet de loi de règlement afin qu'il
puisse éclairer davantage la réflexion et le débat sur le projet de loi de
finances de l'année suivante.
Nous continuerons, en tout cas, de travailler dans ce sens, de manière à
améliorer le contrôle budgétaire du Parlement.
Je retiens également les suggestions de M. le rapporteur général quant à la
nécessité de modernisesr la production des comptes de l'Etat, de faire un
progrès dans la normalisation comptable de l'Etat, en particulier dans la
comptabilité patrimoniale.
Vous savez que M. Jean Arthuis a chargé un comité d'experts, présidé par M.
André Giraud, ancien ministre, de nous faire des propositions dans ce
domaine.
M. le rapporteur général a eu raison de dire que, parmi les sujets qu'il
faudra traiter, figure celui des garanties d'emprunts accordées par l'Etat, qui
sont très importantes et qui, aujourd'hui, ne sont comptabilisées nulle
part.
En même temps - je fais droit en cela à un commentaire de M. Régnault - je
crois que nous devons nous interroger aussi sur la notion de déficit. En effet,
nous n'avons pas aujourd'hui la même définition du déficit budgétaire, selon
que nous considérons le budget de l'Etat ou celui des collectivités locales.
Nous avons, lors du débat d'orientation budgétaire, présenté, je dirai à titre
pédagogique, le budget de l'Etat selon les normes comptables des collectivités
locales. Cette présentation a fait apparaître la situation très anormale dans
laquelle se trouve le budget de l'Etat qui, comme c'est la règle pour les
collectivités locales, au lieu de faire apparaître un excédent de la section «
fonctionnement », montre un déficit de cette section.
Nous considérons, dans la comptabilité locale, qu'il n'est pas anormal qu'au
moins une partie des dépenses d'investissement soit financée par l'emprunt.
Pourquoi cela serait-il anormal pour l'Etat ? Nous devrons approfondir
effectivement cette notion de déficit dans le cadre des réflexions que nous
menons à l'heure actuelle pour une nouvelle présentation des comptes
publics.
Enfin, j'ai pris note des amendements relatifs à la présentation du projet de
loi de finances que vous avez déposés, monsieur le rapporteur général, et que
nous allons examiner dans quelques instants.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er