M. le président. Par amendement n° 4, M. Gérard Larcher, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 51 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication les mots : "la majorité du capital est détenue par des personnes publiques" sont remplacés par les mots : "la majorité du capital est détenue directement ou indirectement par l'Etat". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'amendement n° 4 vise à faire en sorte que TDF demeure la propriété de France Télécom, devenue société nationale.
L'article 51 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a posé les fondements juridiques de la société TDF. Cet article dispose que la majorité du capital de TDF « est détenue par des personnes publiques ». Cet amendement tend à adapter cette rédaction à l'évolution statutaire de France Télécom.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui assure la continuité en garantissant que TDF continuera d'appartenir au secteur public.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Leyzour, pour explication de vote.
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous voici parvenus au terme de la discussion sur le changement de statut de France Télécom, je voudrais d'emblée déplorer les conditions dans lesquelles a été mené le débat sur un sujet de cette importance.
C'est dans la précipitation que nous avons été appelés à traiter de l'avenir d'une entreprise qui emploie 150 000 personnes et qui joue un rôle considérable dans le développement économique et social de notre pays.
Ce texte, adopté le 29 mai dernier en conseil des ministres, a été présenté en urgence treize jours plus tard au Sénat. C'est dire que la commission compétente n'a pas eu matériellement le temps de se livrer à un travail approfondi sur ce projet de loi ni, en particulier, de procéder aux auditions de représentants des organisations syndicales de l'entreprise ou de personnalités qualifiées qui nous auraient permis de mieux en appréhender toutes les conséquences sociales, économiques ou financières.
Sans doute M. le rapporteur nous dira-t-il que les auditions organisées lors de la préparation de son rapport sur l'avenir des télécommunications et celles qui ont précédé la discussion du projet de déréglementation valaient pour le présent projet de loi. Je ne le pense pas ; on a peu parlé, alors, des conséquences du changement de statut.
En déposant un nombre important d'amendements, nous avons voulu aller au fond des questions qui préoccupent nombre de salariés des télécommunications.
Nous avons, en effet, considéré que l'avenir du principal opérateur de télécommunications du pays, compte tenu de ses innombrables implications, méritait une large discussion.
Outre notre volonté de dénoncer tous les aspects dangereux de votre projet de loi, monsieur le ministre, et de nous y opposer, nous souhaitions le débat le plus large. Même cela n'a pas été possible !
Le mode d'organisation des travaux - et je pense notamment à la discussion commune des amendements - a empêché que s'instaure un réel débat. La référence fréquente à « l'effeuillage de l'artichaut » n'a pas été spécialement convaincante.
Les réponses du rapporteur et du ministre aux nombreuses questions que nous avons soulevées sont ainsi venues en blocs successifs, devant une majorité sénatoriale passive et, dans la mesure où un service public était mis sur la sellette, satisfaite.
La manifestation, devenue classique, de quelques préoccupations concernant l'aménagement du territoire permettra de se donner bonne conscience quand les conséquences apparaîtront sur le terrain.
Aucune des craintes qui motivaient notre analyse quant aux effets néfastes de ce texte n'a été apaisée.
Ainsi en va-t-il, par exemple, de la logique de privatisation rampante qui l'inspire largement.
Vous avez assuré, monsieur le ministre, qu'il était constitutionnellement impossible, en l'état actuel des dispositions du texte, de faire passer la participation de l'Etat de 51 p. 100 à 49 p. 100 du capital et qu'on ne pouvait pas, dès lors, parler de risque de privatisation. Pourtant, l'article 10 prévoit incontestablement un mécanisme de privatisation totale puisqu'il y est envisagé une modification des statuts initiaux de l'entreprise dans l'éventualité où l'Etat ne détiendrait plus la totalité du capital.
Les assurances que vous avez données n'engageront certainement pas vos successeurs des gouvernements futurs. Ce sont les lois du marché qui s'imposeront, et vos engagements n'y résisteront pas. Vous n'avez apporté aucune garantie réelle quant aux possibilités de s'opposer à la volonté des actionnaires privés de procéder à des augmentations de capital.
Vous estimez que le contenu de la notion de service public sera consolidé en confiant à France Télécom la fourniture du service universel sur tout le territoire. Mais, chaque fois que nous avons proposé de rappeler dans le texte les trois principes d'égalité, de continuité et de péréquation, nos amendements ont été rejetés. A l'évidence, ces principes couvrent un champ beaucoup plus large que ce service universel qui n'est qu'un ersatz de service public, qui ne constitue guère qu'une sorte de garantie minimale de continuité du service public.
Avec la disposition qui prévoit une redéfinition régulière du champ d'application du service universel et des services obligatoires, on aboutira, au fil du temps, à un rabougrissement de ceux-ci, au détriment de France Télécom, qui ne conservera que les secteurs les moins rentables.
Monsieur le ministre, vous avez présenté le changement de statut comme une véritable aubaine pour les agents de France Télécom, insistant sur le fait qu'il faisait obligation de négocier sur un certain nombre de points avec les organisations syndicales. C'est un nouveau leurre : nos amendements visant à élargir le champ des négociations ont également été repoussés.
Le personnel de l'entreprise a d'ailleurs toutes les raisons de s'inquiéter puisque de nombreuses incertitudes continuent de peser sur son avenir. En prévoyant de cesser tout recrutement de fonctionnaires après 2002, vous programmez l'extinction de la fonction publique dans ce secteur tout en laissant s'instaurer, jusqu'à cette date, un système bâtard, qui consacrera une inégalité de statut entre les salariés.
Le système envisagé pour le paiement des retraites est tout aussi incertain. L'entreprise, lors du changement de statut, devra verser un « solde de tout compte » qui pourra s'élever à 40 milliards de francs. Mais, avec les 100 milliards de francs de cotisations patronales que versera France Télécom à l'Etat, les 40 milliards de francs de la soulte et les 75 milliards de francs du produit annoncé de la privatisation, le compte n'y sera pas ! L'entreprise devra s'endetter par la suite pour faire face à ses obligations et ce seront les contribuables qui, à hauteur de 40 milliards de francs, paieront la différence et une partie des retraites.
Ce ne sont là que quelques aspects particulièrement négatifs de votre projet de loi. Il en est bien d'autres, que nous avons dénoncés lors du débat.
Au total, l'esprit de ce texte est véritablement d'organiser le dépouillement de l'entreprise de service public, de précariser les conditions dans lesquelles s'exercera l'activité de ses salariés, de rendre incertain leur avenir, de défavoriser France Télécom par rapport à ses concurrents privés.
C'est le bien commun, l'acquis de la collectivité nationale qui serait ainsi dilapidé au nom de la concurrence et de l'ouverture des marchés des télécommunications dont la seule justification est la rentabilité des capitaux.
Telles sont les raisons essentielles qui motivent les membres du groupe communiste républicain et citoyen à voter contre ce texte. Afin que chacun se détermine et prenne ses responsabilités par rapport à ce projet de loi dévastateur, ils demandent un scrutin public.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. On nous propose aujourd'hui de transformer France Télécom en société anonyme. Nous avons démontré tout au long de ce débat que rien n'imposait le changement de statut de l'opérateur public. En effet, aux termes du statut de 1990, France Télécom est un établissement public à caractère industriel et commercial ; ce n'est donc pas, contrairement à ce que l'on a tenté de nous faire croire, une administration.
Ce statut a montré son efficacité.
Sur le plan national, France Télécom est l'une des premières entreprises en termes de bénéfices et le cinquième employeur. Notre téléphone est l'un des plus modernes et des plus performants du monde et, je le répète, l'un des moins chers. Par ailleurs, France Télécom est l'entreprise la plus compétitive du secteur des télécommunications en Europe.
Sur le plan international, France Télécom est le quatrième opérateur mondial et a conclu de nombreux accords, cela a été rappelé, que ce soit en Argentine, au Mexique, aux Etats-Unis ou avec Deutsche Telekom.
Le Gouvernement ne nous a donc pas démontré qu'il y avait une quelconque raison de modifier le statut de 1990. La transformation de France Télécom en société anonyme n'est en fait motivée que par des considérations idéologiques et financières, le Gouvernement cherchant, par des recettes de privatisation, à combler les trous du budget.
Nous avons pour notre part démontré que le statut de société nationale n'était en fait qu'une étape. En effet, dès la première augmentation de capital rendue nécessaire par le développement de l'entreprise, il sera impossible de maintenir à 51 p. 100 la part du capital détenue par l'Etat.
L'Etat devra suivre, a dite M. le rapporteur, c'est inscrit dans la loi. Personne, dans cette assemblée, ne peut le croire sérieusement. La privatisation totale est donc annoncée.
Nous avons aussi démontré les graves conséquences de ce désengagement de l'Etat à la fois pour l'entreprise et pour son personnel.
Les comptes de l'entreprise seront mis à mal par le versement de la soulte et par le poids des dispositions relatives à la préretraite. France Télécom devra donc de nouveau recourir à l'endettement, ce qui sera contraire à l'objectif du projet de loi, à savoir le rendre plus attractif pour les acquéreurs éventuels.
Les conséquences seront également néfastes pour le personnel. Nous avons démontré que les garanties données aux fonctionnaires seront illusoires dès lors que l'entreprise passera dans le secteur privé. Nous avons également démontré que les garanties accordées aux salariés sous convention collective ne sont même pas celles que prévoient habituellement le droit des sociétés et le droit du travail, je pense en particulier à l'absence de comité d'entreprise.
En fait, ce projet de loi est tout simplement la suite de celui que le Sénat a adopté la semaine dernière. Il entérine le désengagement de l'Etat du secteur des télécommunications et, selon nous, la fin du service public des télécommunications. Aussi, nous ne pouvons que le rejeter.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je vous demande, mes chers collègues, de regarder ce qui se passe dans le monde. On sait que les communications sont mondiales, et ce de plus en plus. Ne croyez pas, madame Pourtaud, que notre quatrième place actuelle soit assurée pour l'éternité. Dès à présent, compte tenu du regroupement entre Bell Atlantic et Nynex et de celui qui est annoncé entre Pacific Telesis avec d'autres opérateurs, nous sommes déjà au sixième rang, et bien d'autres développements sont en cours, notamment dans les nouveaux « dragons » de l'Asie du Sud-Est, avec TCI et d'autres opérateurs.
Une régression est donc en cours. Comme les principaux opérateurs mondiaux estiment qu'il y aura place à travers le monde pour quatre, voire six opérateurs autres que les petits opérateurs régionaux, il faut vraiment entrer dans la cour des grands.
Nous étions dans la cour des grands dans un monde où les nations détenaient des monopoles locaux. Nous n'y serons plus si nous restons dans le cadre d'un monopole national. C'est une évidence, que tous les spécialistes de la question répètent à l'envi depuis des années.
Je rappelle que, voilà dix ans déjà, le Sénat avait créé une mission d'information que j'ai eu l'honneur de présider. Avec le rapporteur de l'époque, M. Jean-Marie Rausch, qui a été ensuite ministre dans un gouvernement de gauche, nous avons élaboré un rapport. A la lecture de celui-ci, il était évident que la structure alors en place, à savoir la DGT, ne pouvait être maintenue et qu'il convenait de créer une société nationale afin de pouvoir passer des conventions dans les mêmes conditions que les concurrents. Certes, grâce, notamment, à la loi de 1990, France Télécom a pu passer un certain nombre de conventions, mais pas dans les conditions permettant d'avoir une véritable stratégie coordonnée. Par exemple, l'accord Global One avec Deutsche Telekom et Sprint est un accord boîteux, au point que si il n'y avait pas de modification structurelle, le pouvoir technique effectif passerait à Sprint. Or ce n'est pas ce que nous souhaitons. Nous voulons que le pouvoir effectif soit européen, en particulier français.
Je considère, pour ma part, que le Gouvernement a eu raison de pousser les feux, car l'urgence est évidente. Je voudrais remercier le rapporteur et le Gouvernement d'avoir osé prendre les choses en main.
L'avenir de l'économie française dépend largement d'une baisse du coût des télécommunications. Or, il faut rétablir les choses, mes chers collègues : les communications sont plus chères en France ; c'est l'abonnement de base qui est moins cher. Consultez les entreprises et vous constaterez que, dans la plupart des cas, le niveau de prix est tout à fait exagéré. D'ailleurs, France Télécom le sait bien, puisqu'il prévoit des baisses de coût.
Dans les zones expérimentales qui ont été réalisées à la suite de l'appel d'offres du Gouvernement, les tarifs n'ont aucune commune mesure avec ceux qui sont appliqués ailleurs. Dans mon département, les Alpes-Maritimes, les abonnements à des systèmes ATM coûtent 10 000 francs par mois, alors que, ailleurs, ils s'élèvent à 50 000 francs. Indiscutablement, les prix vont baisser. Il y a donc urgence.
Pour ma part, je félicite le Gouvernement. Notre groupe votera, dans sa majorité, ce texte. (M. le rapporteur et MM. Hubert Durand-Chastel et André Maman applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir adopté, la semaine dernière, le projet de loi de réglementation des télécommunications, nous achevons aujourd'hui l'examen du projet de loi relatif au statut de France Télécom, second volet de la réforme.
Ce texte permettra de doter notre opérateur national de structures adaptées à la nouvelle donne technologique. En effet, le secteur dans lequel l'entreprise intervient entre dans une ère de mutation. De plus, les marchés nationaux sont tous entraînés dans la même spirale internationale, et les opérateurs multiplient les alliances et les stratégies.
Par ailleurs, la réforme proposée est le fruit d'un dialogue engagé depuis plusieurs mois avec le personnel et les partenaires sociaux.
Je remercie notre excellent et brillant rapporteur M. Gérard Larcher de tout le travail accompli depuis plusieurs mois. Je ne vous surprendrai pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, en disant que le groupe du RPR votera ce texte particulièrement important. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la logique du texte relatif à la réglementation des télécommunications, que le Sénat a adopté récemment, le présent projet de loi va donner à notre grande société nationale de télécommunications les armes pour lutter avec efficacité et succès dans la compétition mondiale.
Comme l'a fort bien rappelé M. Laffitte, du fait de l'irruption des systèmes modernes de télécommunications dans la vie quotidienne, notre grande entreprise nationale doit être présente et doit disposer des moyens qui lui sont nécessaires.
Je joins mes félicitations à celles que mes collègues, et en particulier M. Doublet, ont adressées à M. Larcher. Je rappelle que l'excellent rapport qu'il a présenté au mois de mars dernier a servi de base. Je remercie le Gouvernement d'avoir tenu compte des travaux de la commission des affaires économiques et de son rapporteur pour élaborer ce projet de loi. Je remercie M. le ministre et M. le rapporteur.
Cela étant dit, je ne vous surprendrai pas, moi non plus, en disant que le groupe des Républicains et Indépendants votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans vouloir achever l'examen de ce texte sur une note emphatique, je rappellerai ce mot de Bernanos : « On ne subit pas l'avenir, on le fait. »
Il est des dates importantes. Je voudrais, m'adressant à vous, monsieur le président, rappeler que le 3 octobre 1967, alors que vous étiez ministre des postes et télécommunications, vous avez pris la décision de sortir d'un système qui nous avait conduits au « 22 à Asnières » évoqué par nos collègues communistes, en créant la Caisse nationale des télécommunications qui, par un financement extérieur, par l'appel au marché, a permis à notre téléphonie d'être au rendez-vous des décennies soixante-dix et quatre-vingt. Ce rappel n'est pas uniquement une marque de courtoisie à l'égard de celui qui préside la séance, c'est la réalité.
Ce rendez-vous de 1967 équivaut au rendez-vous que nous avons aujourd'hui, en 1996, avec un secteur des télécommunications qui s'est profondément modifié. En effet, celui-ci a franchi les frontières de chacun des Etats nations qui, la plupart du temps, avaient conduit un monopole téléphonique, pour, compte tenu des évolutions techniques et du développement des échanges, aborder une dimension mondiale.
Qu'avons-nous fait tout au long de cette discussion ? Nos débats ont été précédés de nombreux travaux, mes collègues ont bien voulu le rappeler. Le 30 novembre 1993, la commission des affaires économiques et du Plan avait examiné cette question autour d'un rapport intitulé « L'avenir du secteur des télécommunications en Europe ». M. Henri Revol avait apporté à notre commission son éclairage et son soutien sur le sujet. Déjà, nous avions parlé de la nécessaire évolution statutaire de notre opérateur public.
Nous avons donc doté l'opérateur public, au travers de ce texte, d'un capital, sans pour autant le privatiser. Nous l'avons transformé en société anonyme dont le capital, de par la loi, est détenu majoritairement par l'Etat.
Mme Danièle Pourtaud. Pour combien de temps ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous nous sommes déjà expliqués sur le sujet constitutionnel, sur la consultation du Conseil d'Etat ; la transformation même du texte de 1986 sur TDF prouve bien que nous avons la volonté de faire en sorte que la puissance publique continue à jouer son rôle dans ce domaine.
Par ailleurs, les engagements pris dans le cadre des négociations conduites par le Gouvernement, tout particulièrement par M. François Fillon, par l'entreprise et par son personnel ont apporté des garanties fortes à ce dernier - maintien du statut et paiement des retraites - tout en assurant pour demain à l'entreprise des conditions de charges ou de cotisations sociales qui ne la handicapent pas et la mettent à un niveau comparable à celui de ses concurrents.
Enfin, nous avons procédé, pour l'avenir de l'entreprise, à un rajeunissement de cette dernière - je rappelle que la moyenne d'âge du personnel est de quarante-trois ans - en ouvrant la possibilité de 25 000 à 30 000 emplois de jeunes. D'ailleurs, si nous pouvions assortir tous les textes que nous examinons de cette ouverture sur les jeunes, nous ferions alors oeuvre utile ; en effet, quelles que soient nos sensibilités, le problème de l'emploi des jeunes est au coeur de nos préoccupations.
Ce projet de loi est une construction commune : il résulte à la fois des négociations entre le Gouvernement, les dirigeants de l'entreprise, les organisations représentatives du personnel qui ont bien voulu y participer, et des travaux du Parlement. Sur ce dernier point, monsieur Leyzour, on ne peut dire, à mon avis, que le Parlement a dû examiner ce texte dans la hâte. En effet, il en a été pour partie l'inspirateur, et nous retrouvons dans ce projet de loi un certain nombre des propositions présentées dans les rapports parlementaires, propositions dont nous avions d'ailleurs largement débattu ensemble.
Voilà pourquoi je souhaite remercier mes collègues de la majorité sénatoriale du soutien sans faille qu'ils ont apporté à la commission et à son rapporteur tout au long de cette discussion, ainsi que de la cohérence et de la cohésion dont ils ont fait preuve : ils ont en effet été cohérents avec les conclusions que nous avions formulées au sein de la commission des affaires économiques et du Plan, s'agissant d'un texte important qui porte transformation d'une ancienne administration devenue opérateur public en société anonyme au capital majoritairement détenu par l'Etat.
Le groupe communiste républicain et citoyen, au cours de cette discussion, a eu une autre logique - nous la respectons, même si nous ne la partageons pas - qui a conduit ses membres à proposer la nationalisation de l'entreprise et à souhaiter en revenir à la situation bien antérieure à celle de la loi de 1990. Nous avons dialogué tout au long de ce débat d'une manière qui ne nous a point permis de nous rencontrer, mais qui ne nous a pas empêchés de communiquer les uns avec les autres.
Le groupe socialiste, quant à lui, a choisi la stratégie du front du refus, au point même de revenir, dans certaines de ses propositions, à la situation antérieure à 1990,...
Mme Danièle Pourtaud. C'est faux !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... ce dont je lui laisse la responsabilité.
J'en viens maintenant, monsieur le ministre, à la nature des rapports que nous avons entretenus depuis plusieurs mois pour aboutir, au travers du projet de loi de réglementation examiné la semaine dernière, non pas à une déréglementation en tant que telle, mais à la mise en place d'une réglementation nouvelle face à une situation nouvelle qui est la fin du temps des monopoles. C'est donc en juillet dernier, monsieur le ministre, que vous avez entamé cette marche, et ce sans a priori idéologique, avec pragmatisme, dans l'intérêt de l'entreprise, en respectant les légitimes inquiétudes du personnel dans la situation que connaissent actuellement notre pays et l'Europe face à l'emploi.
Vous avez souhaité dialoguer. Nous-mêmes, comme c'est notre rôle de parlementaires, nous avons participé à de nombreuses rencontres et discussions avec les uns et les autres.
Permettez-moi de vous dire, au nom de la majorité de la commission ainsi qu'en mon nom personnel, combien nous avons apprécié votre manière de faire, qui aura montré, s'il en était besoin, que, comme chacun d'entre nous, vous êtes très attaché à ce qui est essentiel pour l'Etat. A cet égard, nous n'avons rien abdiqué.
Dans le même temps, vous avez souhaité préparer notre opérateur public, qui deviendra notre opérateur historique et dans lequel nous avons confiance, aux nouveaux défis pour lui éviter de connaître les situations difficiles que traversent par exemple nos entreprises aériennes dans le cadre de l'évolution du transport. Préparer l'avenir et ne pas le subir. Telle a été en effet votre démarche, monsieur le ministre. Soyez-en remercié.
J'associerai à ces remerciements vos collaborateurs et les collaborateurs du Sénat qui m'ont été délégués pendant toute cette période. Ces derniers ont fait montre, une fois de plus, de la qualité, de la disponibilité en même temps que de l'intelligence des administrateurs du Sénat.
Monsieur le président, permettez-moi de remercier l'ensemble des présidents de séance et plus particulièrement, outre vous-même, M. le président du Sénat, qui a bien voulu présider le début de nos travaux, lundi, et témoigner, au travers de son propos liminaire, de l'importance qu'il attachait à cette évolution dans le secteur des télécommunications.
Je remercie enfin l'ensemble des personnels qui ont suivi nos débats, parfois assez tard le soir.
Je crois que, par ce texte que nous avons eu l'honneur d'être les premiers à examiner et que nous transmettons maintenant à l'Assemblée nationale, nous avons fait oeuvre d'avenir, ce qui, en définitive, est bien dans la tradition de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de vos propos me concernant, auxquels j'ai été très sensible.
M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de nos débats - je trouve d'ailleurs tout à fait symbolique que ce soit sous la présidence de M. Yves Guéna que s'achève cette réflexion et ce débat sur la réforme de France Télécom - je voudrais remercier très chaleureusement les groupes de la majorité qui ont choisi d'apporter leur soutien à la réforme entreprise par le Gouvernement. Nous siégeons maintenant depuis plusieurs jours, et nous pouvons être légitimement satisfaits, à mon avis, du travail réalisé.
L'oeuvre législative que nous avons accomplie, au Sénat doit beaucoup au travail réalisé depuis plusieurs mois à la fois par la commission des affaires économiques et du Plan, sous l'autorité exigeante et avertie de son président, M. Jean François-Poncet, et par M. Gérard Larcher. Ce dernier a démontré sa clairvoyance et sa force de persuasion ; il aura, avec son rapport sur l'avenir de France Télécom, largement contribué à ouvrir la voie de la réforme.
Je voudrais qu'il trouve ici le témoignage de ma reconnaissance et, à travers moi, de celle de l'ensemble du Gouvernement. Par l'efficacité de son action, c'est le travail de la Haute Assemblée tout entière qui est récompensé.
Je voudrais associer à ces remerciements les fonctionnaires de la commission des affaires économiques et du Plan qui, dans un dialogue fructueux avec les services de mon ministère, ont permis d'améliorer au fil des semaines ce projet de loi sur lequel le Sénat va maintenant se prononcer.
Nous arrivons donc, ce matin, au terme de la réforme générale du secteur des télécommunications que nous avons entreprise.
Cette réforme est importante pour deux raisons majeures : d'une part, elle va nous permettre d'intégrer et de gérer dans de bonnes conditions les grands enjeux économiques et sociaux que couvre la révolution mondiale des télécommunications ; d'autre part, elle offre un modèle original d'adaptation et de modernisation d'un secteur marqué par la culture du monopole public. Ce modèle original, qui concilie le meilleur de l'héritage et la nécessaire ouverture à la concurrence, définit d'une certaine manière ce que nous pourrions appeler l'exemple français, exemple qui pourrait inspirer l'évolution d'autres secteurs de notre activité nationale. Je crois que, dans cet esprit, cette réforme de structure a une portée symbolique.
Je voudrais remercier M. le rapporteur d'avoir évoqué tout à l'heure la méthode qui a présidé à l'ensemble de cette réforme, que d'aucuns ont qualifiée de « méthode des petits pas ». Pourquoi pas ? Ce qui est sûr, c'est que, entre ceux qui suggéraient de précipiter le mouvement et ceux qui prônaient l'immobilisme, j'ai souhaité que nous avancions pas à pas, sans dévier de la ligne générale que j'avais fixée au mois d'août 1995.
Ce pragmatisme répondait à ce que je pressentais comme une nécessité politique et sociale.
C'était une nécessité politique, d'abord, parce que le passage d'un secteur à tradition monopolistique vers un secteur concurrentiel supposait une réflexion presque philosophique sur la nature de l'organisation à même de concilier deux logiques a priori différentes, celle du secteur public et celle du secteur privé. A ce titre, je crois que l'équilibre que nous avons trouvé est satisfaisant ; il relève d'un choix non pas technique, mais politique.
C'était une nécessité sociale, ensuite, parce que cette réforme constituait, à bien des égards, un défi, notamment pour France Télécom et pour ses agents. Un défi inquiète toujours un peu. Il nous fallait donc expliquer, dialoguer, négocier, mais surtout préciser aux acteurs intéressés quel serait le monde dans lequel ils évolueraient demain.
C'est dans cet esprit que, contrairement à la méthode qui avait été engagée précédemment, j'ai fait de la définition du paysage réglementaire des télécommunications un préalable au changement de statut qui n'est, à mon sens, que la conséquence des nouvelles règles votées par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Une fois la loi de réglementation connue et votée, il nous restait, tout naturellement, à aborder le dossier de France Télécom, ce que nous venons de faire.
Nous avons donc élaboré deux projets de loi, qui ont tous deux été examinés par la Haute Assemblée.
Pour autant, l'histoire des télécommunications ne s'arrête pas ce matin. Dès demain, il faudra nous projeter dans l'avenir pour appréhender les formidables mutations qui se profilent dans ce secteur. Nous les avons évoquées à plusieurs reprises, et permettez-moi d'y revenir une dernière fois, mesdames, messierus les sénateurs, en faisant trois réflexions.
Tout d'abord, sur le plan économique et industriel, des alliances à vocation mondiale se nouent, des pôles se forment, le marché s'ouvre. France Télécom devra répondre présent à ce nouveau défi.
M. Pierre Laffitte a eu raison d'évoquer, tout à l'heure, le nouveau paysage des télécommunications. J'ai souvent utilisé, au cours de ce débat, l'exemple du traitement réservé dans le passé à notre compagnie Air France. L'annonce, hier, de l'organisation d'un grand réseau mondial entre British Airways et American Airlines montre une nouvelle fois combien l'immobilisme, dans un domaine où s'organisent des réseaux mondiaux sans couture, d'une certaine manière, conduit à l'isolement d'une entreprise qui était pourtant un fleuron national. Le discours que nous avons souvent entendu sur les travées de la gauche - mais pourquoi changer le statut d'une entreprise qui marche ? - est un discours conservateur qui fait preuve d'immobilisme et qui ne peut aboutir qu'au résultat que nous connaissons aujourd'hui avec Air France.
J'ajoute que la presse annonçait également, hier, la conclusion d'un grand accord entre British Telecom et MCI pour investir massivement dans les capacités de transport du réseau Internet. Le chiffre de 100 milliards de francs d'investissements était évoqué par ces deux entreprises, montrant bien quels sont les enjeux de demain et pourquoi il fallait que France Télécom se dote d'un autre statut...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Eh oui !
M. François Fillon, ministre délégué. ... et d'une dimension mondiale pour aborder cette compétition.
J'en viens à ma deuxième réflexion : la dialectique entre les notions de service public et de concurrence est appelée à se poursuivre, d'où l'importance du rendez-vous parlementaire que le Sénat a souhaité voir fixé au moins tous les quatre ans. La définition du service public n'est pas figée ; elle s'appuie sur les besoins évolutifs de notre société, et c'est aux parlementaires qu'il reviendra, au moins une fois tous les quatre ans, de l'enrichir.
Troisième réflexion, enfin : la société de l'information prend forme. Ses enjeux économiques, culturels et sociaux sont extrêmement forts. La France ne doit pas, par indifférence ou par dédain, être absente de cette révolution de la communication et, à mon sens, le dossier des autoroutes de l'information est loin d'être clos.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Tout à fait !
M. François Fillon, ministre délégué. Nous aurons l'occasion, ici-même, d'y revenir.
Je ferai en outre observer, que pour une fois, nous avons travaillé selon un calendrier favorable. Nous avons, en effet, anticipé l'ouverture à la concurrence décidée par les pays de l'Union européenne, ouverture qui n'aura lieu que le 1er janvier 1998. Pour une fois, notre pays a su, à temps, prendre les mesures nécessaires pour que sa législation et ses entreprises, notamment son opérateur national, puissent être préparées à l'avance à cette ouverture à la concurrence et n'en subissent pas le choc frontal. Certes, cette concurrence pourrait avoir des effets extrêmement positifs - nous l'avons évoqué à plusieurs reprises - sur l'emploi, les tarifs et l'offre de services, mais elle pourrait également avoir des effets négatifs si nous n'étions pas préparés à l'affronter.
Enfin, s'agissant des agents de France Télécom, au fur et à mesure des discussions que nous avons eues avec eux, que ce soit au sein de l'entreprise, dans le cadre du dialogue qui s'est instauré entre le président et les salariés, ou que ce soit au travers du dialogue que j'ai moi-même conduit avec les partenaires sociaux, nous avons constaté qu'ils avaient progressivement compris la nécessité de cette réforme.
Il faut maintenant qu'ils se mobilisent pour relever le défi de l'ouverture à la concurrence et pour assurer la place de la France dans la société de l'information. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant l'une de la commission, l'autre du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.