M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 5, présentée par Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Mélenchon, Pastor, Peyraffitte et Saunier, les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom (urgence déclarée) (n° 391). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Pourtaud, auteur de la motion.
M. Jean-Luc Mélenchon. Enfin un souffle de vérité !
Mme Hélène Luc. Bientôt la parité ! (Sourires.)
Mme Danièle Pourtaud. Je le souhaite !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la fin du monopole de France Télécom la semaine dernière, le Gouvernement nous propose aujourd'hui la privatisation partielle de l'entreprise.
La première question qui vient à l'esprit est de savoir quand viendra la troisième étape et la privatisation totale, dont je démontrerai tout à l'heure qu'elle est inscrite en germe dans le projet de loi.
Comme le disait Albert Camus : « La divinité ne nous a pas épargnés, et nous vivons une époque intéressante. En tout cas, elle n'admet pas que nous puissions nous désintéresser d'elle. »
Il ne vous étonnera pas, monsieur le ministre, que le groupe socialiste soit en total désaccord avec vous et considère qu'il n'y a pas lieu de débattre.
En effet, nous estimons, et ce sera mon premier point, que le statut prévu par la loi de 1990 permet parfaitement à France Télécom de remplir les missions et d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés. Les raisons invoquées pour justifier sa privatisation ne sont que des prétextes.
Par ailleurs, le nouveau statut proposé et bâtard en dangereux, en ce sens qu'il risque tout à la fois de handicaper l'entreprise, de fragiliser son personnel, d'entraîner de nombreuses suppressions d'emplois et, en fait, de préparer la privatisation totale.
Le statut de 1990 permet parfaitement à France Télécom de remplir ses missions et d'atteindre ses objectifs.
Quel est aujourd'hui le statut issu de la réforme de 1990 ? Il s'agit d'un statut d'entreprise publique sans capital. France Télécom a tous les attibuts d'une entreprise. Elle a gagné une vrai autonomie par rapport à l'Etat. Son statut fiscal est maintenant de droit commun. Le contrat de plan a été respecté et il a permis, notamment, un désendettement massif de 25 milliards de francs. France Télécom a vu son chiffre d'affaires croître de 4,5 p. 100 en moyenne ces dernières années. L'entreprise dégage cette année 9,2 milliards de francs de bénéfice, ce qui fait d'elle une des premières entreprises françaises au palmarès des résultats.
En même temps, malgré son statut public, et c'est peut-être ce qui vous est le plus désagréable à entendre, elle a une meilleure productivité que les deux grandes entreprises européennes, du secteur citées à l'envi comme référence, je veux parler de British Telecom, qui est privée, et de Deutsche Telekom, qui est publique.
Par ailleurs, le groupe France Télécom s'est internationalisé, prenant des participations au Mexique et en Argentine, notamment, et surtout signant un accord de partenariat mondial concrétisé par la création d'une filiale commune, Global One, avec Deutsche Telekom et Sprint, ainsi que par une prise de participation de 10 p. 100 au capital de Sprint. C'est aujourd'hui le quatrième opérateur mondial par le chiffre d'affaires.
Tout cela a été fait avec le statut de 1990, qui n'est pas un statut d'administration, comme on le lit ici ou là.
Rappelons également que la réforme de 1990 s'est faite dans le dialogue et la concertation. Il n'y a eu aucune grève à l'époque. Aujourd'hui, selon un sondage de la SOFRES de février 1996, le taux de satisfaction des clients de France Télécom est de 90 p. 100 !
Alors, pourquoi changer une formule qui gagne, comme dirait Aimé Jacquet ? (Sourires.)
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roland du Luart. Bon argument !
Mme Danièle Pourtaud. Je ne crois pas utile, par ailleurs, de souligner longuement que France Télécom, avec son statut actuel, est à même de remplir les missions de service universel, c'est-à-dire d'un service public réduit aux acquêts, missions qui lui ont été confirmées par la loi de réglementation votée la semaine dernière. Je n'ose plus rappeler, mais c'est pourtant nécessaire, le succès technologique et commercial du Minitel, ancêtre d'Internet, qui a permis aux entreprises françaises de services en ligne d'acquérir un savoir-faire qui constitue certainement un atout, aujourd'hui, à la veille de l'explosion de ce secteur.
Non fondé rationnellement, le changement imposé par le Gouvernement obéit à d'autres mobiles.
Il s'agit, d'abord, de mobiles d'ordre idéologique. C'est une vieille obsession de la majorité actuelle, en effet, que de vouloir privatiser ce qui marche, ce qui est rentable.
Il suffit de se rappeler les projets de M. Gérard Longuet, ministre chargé des télécommunications de M. Jacques Chirac en 1987. C'est l'époque des « chantiers de la liberté », qui vit naître un avant-projet de loi tendant à transformer la direction générale des télécommunications, la DGT, en une entreprise à capitaux d'Etat.
Ce projet ne put voir le jour, mais il réapparut en 1993, toujours par l'entremise de M. Gérard Longuet, devenu ministre chargé, notamment, des télécommunications de M. Edouard Balladur. La grève organisée par l'ensemble des syndicats le 12 octobre 1993 renvoya pour un temps aux oubliettes ce projet ; 75 p. 100 des agents la suivirent.
Hélas ! les ministres changent mais les projets idéologiques restent. La modification du statut est donc de nouveau à l'ordre du jour.
Cependant, on ne peut s'empêcher de penser que cette privatisation à marche forcée, imposée au Parlement en urgence, peut-être avec le recours à l'article 49-3 de la Constitution à l'Asssemblée nationale, et alors que le personnel y est très majoritairement hostile, obéit aussi à un impératif d'un tout autre ordre, très éloigné des intérêts de l'entreprise. Il s'agit d'un souci à très court terme, qui consiste à faire rentrer quelques dizaines de milliards de francs dans les caisses de l'Etat pour l'aider à diminuer d'autant le déficit budgétaire de 1997 et de 1998.
M. René-Pierre Signé. C'est évident !
Mme Danièle Pourtaud. En effet, la valeur de l'entreprise étant estimée entre 150 milliards de francs et 200 milliards de francs, la vente de 49 p. 100 du capital devrait rapporter à l'Etat de 75 milliards de francs à 100 milliards de francs, sans parler de la soulte, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. On comprend mieux la hâte du Gouvernement qui, faute d'avoir fait les bons choix de politique économique, n'arrive pas à maîtriser les déficits publics et cherche désespérément les 60 milliards de francs d'économies promises depuis un mois à sa majorité par le Premier ministre !
La précipitation est, en effet, frappante, quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, puisque, vous l'avez reconnu vous-même, alors que la plupart des organisations syndicales, représentant 76 p. 100 du personnel, se sont prononcées contre le projet - elles y sont encore hostiles, monsieur le ministre ; ne confondez pas résignation et adhésion - vous vous êtes contenté d'une concertation de deux mois. Je rappelle que la réforme de 1990 avait été débattue pendant un an au sein de l'entreprise.
Cela donne un statut bâtard, où se lisent les concessions arrachées, à juste titre, par les salariés, mais dont on sent bien qu'il n'est pas fait pour durer.
Ce statut bâtard risque à la fois de handicaper l'entreprise, de précariser son personnel, d'entraîner de lourdes suppressions d'emplois et, en fait, prépare la privatisation totale.
Il existe deux risques principaux, pour l'entreprise, d'une part, pour l'emploi et les salariés, d'autre part.
Handicaper et fragiliser l'entreprise, et ce pour au moins trois raisons, tel est le premier risque.
Votre texte, monsieur le ministre, va placer constamment l'entreprise au coeur d'une contradiction entre la logique de ses missions de service public et la logique capitalistique de ses actionnaires.
Comment se préoccuper d'intérêt général et, en même temps, chercher à servir le dividende le plus élevé possible à ses actionnaires ?
On peut légitimement craindre que l'entreprise n'abandonne sa politique d'investissements à long terme, sa politique de recherche et que plus aucun pari technologique comme celui du Minitel ne soit possible.
Deuxième raison : maintenir la part de l'Etat à 51 p. 100, c'est un leurre. On nous explique que l'objet de la réforme est de permettre à l'entreprise de se développer. Se développer signifie investir. Une fois que le seuil des 49 p. 100 cédés sera atteint, que se passera-t-il lorsque l'entreprise aura des besoins de capitaux supplémentaires ou quand elle souhaitera prendre de nouvelles participations dans des opérateurs à l'étranger ?
Elle aura besoin, dans les deux cas, de procéder à une augmentation de capital. L'Etat devra suivre, sous peine de dilution. Ainsi, dès la première augmentation de capital, soit on franchira la barre des 50 p. 100, soit on refusera à l'entreprise les moyens de son développement.
La troisième raison, c'est le problème des retraites et le montant de la soulte. Ce sujet a été longuement développé. J'irai à l'essentiel : l'entreprise n'aura, au 31 décembre, provisionné que 27,5 milliards de francs pour les retraites de son personnel ; elle devra, au moment du changement de statut, verser à l'Etat, qui paiera les retraites des fonctionnaires, un « solde de tout compte » pour couvrir les retraites des agents de France Télécom déjà à la retraite ou qui le deviendront.
M. le Premier ministre avait fait savoir hier matin - cela nous a été confirmé par vous-même, monsieur le ministre - que l'Etat ne demanderait pas plus de 40 milliards de francs à France Télécom pour cette soulte.
Cela pose, selon nous, deux problèmes.
Le premier : la charge effective de ces retraites sera de 250 milliards de francs - c'est ce qu'a indiqué hier La Tribune Desfossés ; France Télécom ne versera à l'Etat, sous forme de cotisation patronale, que 100 milliards de francs durant cette période, plus la soulte ; la vente partielle du capital pourrait rapporter environ 75 milliards de francs ; l'impact négatif pour les comptes publics est donc d'environ 40 milliards de francs.
On voit bien que cette privatisation partielle va, en fait, appauvrir la collectivité nationale de 40 milliards de francs, malgré les 75 milliards de francs de recettes éventuelles de la vente du capital, et amener l'ensemble des Français à payer les retraites des agents de France Télécom. On sacrifie le patrimoine national, la propriété collective de tous les Français aux impératifs budgétaires à court terme.
Second problème : comment France Télécom pourra-t-elle trouver ces 40 milliards de francs qu'elle va devoir verser à l'Etat ? Elle ne les a pas en caisse. France Télécom devra donc recourir à l'emprunt et annuler ainsi les efforts de désendettement effectués ces dernières années, qui ont ramené l'endettement à un taux comparable à celui que connaissent ses grands concurrents étrangers. La compétitivité de l'entreprise publique va être dégradée ; c'est exactement l'inverse de l'objectif annoncé qui sera atteint.
M. Gérard Delfau. Très bien ! Bonne démonstration !
Mme Danièle Pourtaud. Cette contradiction a d'ailleurs tout de suite été relevée par l'agence de notation américaine Moody's (M. le rapporteur rit.)...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Qui s'apprête à l'acheter moins cher !
Mme Danièle Pourtaud. Je ne comprends pas bien votre hilarité, monsieur le rapporteur, mais je pense que vous aurez l'occasion de vous en expliquer tout à l'heure.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est l'homme qui rit dans les friches industrielles !
Mme Danièle Pourtaud. Cette agence a, dès l'annonce du projet gouvernemental, mis « sous surveillance avec implication négative » la dette à long terme de France Télécom.
Le deuxième risque important, c'est la précarisation du personnel. Les garanties fixées par le texte ne sont que de la poudre aux yeux.
Le nouveau statut prévoit que l'entreprise pourra recruter des personnels sous convention collective - M. le ministre avançait hier le chiffre de 3 000 embauches par an - et comporte, dans le même temps, des dispositions destinées à encourager le départ à la retraite anticipée des fonctionnaires - 25 000 à 30 000 départs sur dix ans sont annoncés - compensé, précise M. le ministre, par 4 500 recrutements sur cinq ans. Les soustractions sont faciles à faire !
On voit bien que, à terme, le but recherché et avoué hier, dans cet hémicycle, par M. le ministre est de « donner à l'entreprise la même souplesse de gestion de son personnel que ses concurrents ». Autrement dit, il s'agit de faire partir le plus vite possible le maximum de fonctionnaires, d'embaucher le minimum de personnel sous contrats de droit privé et, en fait, de permettre à France Télécom, néanmoins entreprise nationale, de faire comme l'ensemble du secteur privé, c'est-à-dire d'avoir comme principale variable d'ajustement l'emploi. Là encore, cela pourrait générer deux conséquences tout autant dommageables pour les salariés.
La première, c'est une diminution globale de l'emploi à France Télécom, les exemples étrangers sont tous convergents et plus inquiétants les uns que les autres : chez BT, les effectifs ont fondu de 120 000 emplois en dix ans ; AT&T a perdu au cours de la même période 600 000 emplois, qui n'ont même pas été compensés par les créations d'emplois chez les opérateurs qui ont bénéficié de son éclatement alors que le secteur connaît une forte croissance ; enfin, Deutsche Telekom annonce 60 000 suppressions d'emplois sur cinq ans. On a envie de dire : « qui dit mieux ? »
Seconde conséquence : à plus court terme, on peut craindre pour le personnel de France Télécom une forte précarisation de l'emploi. Rien ne dit que les salariés sous contrat privé auront des contrats à durée indéterminée. L'exemple de la poste peut, au contraire, laisser craindre que ces nouveaux salariés ne soient principalement des salariés sous contrats à durée déterminée et à temps partiel, taillables et corvéables à merci, et ce d'autant plus que cette société anonyme ne sera pas dotée des instances habituelles de représentations et de négociations collectives pour les salariés sous convention collective. Je crois que M. Jean-Luc Mélenchon disait hier : « Bien joué, M. Bon aura le beurre et l'argent du beurre ! ».
M. Gérard Larcher, rapporteur. Et la confiture, avait-il dit. (Sourires.)
Mme Danièle Pourtaud. Et le bonnet de la crémière !
M. Gérard Larcher, rapporteur. C'était un petit déjeuner complet ! (Nouveaux sourires.)
Mme Danièle Pourtaud. Mes chers collègues, j'attire votre attention sur les conséquences néfastes que peut avoir pour cette entreprise la démotivation de son personnel, qui risque de succéder à la fierté, là aussi si bien décrite par M. Jean-Luc Mélenchon, fierté de travailler pour le service public et l'intérêt général.
Tout cela ne pourra avoir qu'une conséquence dans un avenir plus ou moins proche : la privatisation totale, soit parce que l'Etat ne pourra pas suivre une augmentation de capital, soit parce que les conflits en germe dans la coexistence de deux catégories de personnel auront éclaté, soit peut-être et même surtout parce que le secteur connaîtra une telle croissance et de tels profits que les grands groupes privés français ou étrangers se réveilleront. Bref, il deviendra urgent de privatiser et si la configuration du Parlement est la même qu'aujourd'hui - ce que je n'imagine pas - rien ne pourra s'y opposer.
En conclusion, je dirai que ce changement de statut est inutile et dangereux, à la fois pour l'entreprise qu'il fragilise financièrement et pour son personnel qu'il précarise. Les garanties données étant en grande partie illusoires, il y aura de lourdes suppressions d'emplois.
A terme, c'est une privatisation totale, avec les conséquences éventuelles sur l'emploi de fonctionnaires longuement évoquées par Mme Luc, qu'organise, de fait, en filigrane ce texte. Je vous rappelle que, fait rarissime, ce projet de loi a reçu un avis négatif du Conseil supérieur de la fonction publique, grâce à l'abstention des représentants de l'Etat.
Ce projet de loi obéit, en fait à des impératifs idéologiques - « le véritable adversaire, c'est l'Etat », disait déjà M. Gérard Longuet en 1990 - voire budgétaires, quoi qu'en ait dit M. le ministre hier, puisque la vente des 49 p. 100 devrait rapporter immédiatement entre 75 et 100 milliards de francs.
Une fois de plus, on privilégie les rentrées financières à court terme au détriment des intérêts à long terme de la collectivité nationale.
Plus grave, s'agissant d'une entreprise qui figure parmi les entreprises les plus productives de son secteur et qui réalise des bénéfices, on prévoit et on organise une forte diminution de l'emploi : 25 000 à 30 000 départs à la retraite anticipée à cinquante-cinq ans avec 70 p. 100 du salaire. Loin de donner l'exemple, l'Etat se comporte comme les grands groupes privés auxquels il veut offrir le marché français, voire l'entreprise France Télécom.
Je livre à votre réflexion, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, cette maxime de Montaigne : « Ceux qui branlent - aujourd'hui, nous dirions ébranlent - un Etat sont les premiers volontiers absorbés en sa ruine. »
M. le président. Veuillez conclure, madame Pourtaud !
Mme Danièle Pourtaud. Je termine, monsieur le président.
Le changement de statut qui nous est proposé n'est en rien synonyme de progrès ; il répond non pas au souci de l'intérêt général, mais simplement à un effet de mode idéologique. Comme l'écrivait Eric Rohmer en 1948 dans Les Temps modernes : « S'il est vrai que l'histoire est dialectique, il arrive un moment où les valeurs de conservation sont plus modernes que les valeurs de progrès. »
Nous refusons donc le sacrifice de France Télécom sur l'autel de la pensée unique libérale et nous considérons qu'il n'y a pas lieu de débattre. C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir voter notre motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quelqu'un demande-t-il la parole contre ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je répondrai d'abord en ce qui concerne l'objet, dont nous avons peu parlé, de cette motion tendant à opposer la question préalable, c'est-à-dire l'atteinte au service public des télécommunications.
Nous avons eu à connaître ces arguments depuis bientôt une semaine. Je croyais avoir démontré que, dans le futur, le service public ne serait en rien un service minimum. Le Sénat, par un scrutin public clair, nous avait suivis, à une très large majorité.
Peut-on raisonnablement employer l'argument d'atteinte au service public des télécommunications ?
M. Gérard Delfau. Oui !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Démonopolisation, sociétisation, on peut, certes, utiliser ces termes.
Je voudrais rappeler plusieurs faits. D'abord, transformé dans le cadre du présent projet de loi, France Télécom demeure l'opérateur du service public. Ensuite, s'agissant du service universel, des « rendez-vous » sont prévus dans moins de quatre ans. Enfin, en matière de radiotéléphonie mobile, un rapport doit être produit le 1er octobre 1997.
Les motivations qui fondent cette motion ne me semblant pas recevables, je demanderai à notre assemblée de repousser ladite motion.
Cela étant dit, je voudrais néanmoins formuler quelques observations, même si elles constituent des répétitions aux yeux de la plupart de nos collègues.
A en croire Mme Pourtaud, France Télécom aurait tout d'une entreprise, il ne lui manquerait que le capital. Depuis 1972, les dirigeants de France Télécom ont affirmé à plusieurs reprises qu'ils avaient besoin d'un capital pour approfondir et élargir les alliances internationales. Comment imaginer la poursuite de l'alliance avec Deutsche Telekom, privatisé et capitalisé, si France Télécom n'a pas de capital ?
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est en quelque sorte un diktat !
Mme Danièle Pourtaud. Et comment faites-vous avec 49 p. 100 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Tout cela est assez irréaliste.
Enfin, madame Pourtaud a évoqué les conséquences de la soulte sur France Télécom. Tous ensemble, quelles que soient nos sensibilités respectives, nous avons, par nos travaux, par nos débats, fortement demandé que cette soulte ne soit pas de nature à augmenter de manière importante l'endettement de l'entreprise et qu'elle corresponde le plus justement possible au transfert effectué à l'Etat.
Il convient de rappeler que, en 1990, le gouvernement de l'époque n'avait pas eu autant d'égards pour France Télécom. En effet, il lui avait transféré 120 milliards de francs de dettes de la Caisse nationale des télécommunications et la totalité des charges de retraite, qui s'élèvent aujourd'hui, pour la part patronale, à 29 p. 100 de la masse salariale, mais en représenteraient 77 p. 100 en 2010, asphyxiant totalement l'entreprise et la mettant dans l'incapacité de faire face à la concurrence. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Mme Danièle Pourtaud. La preuve !
M. Gérard Larcher, rapporteur. On avait alors doté France Télécom d'un certain nombre de boulets pour l'avenir.
Aujourd'hui, par le mécanisme proposé - qui devra être confirmé dans le cadre de la loi de finances pour 1997 - nous donnons à France Télécom les moyens d'être une entreprise capable, à travers son capital, de nouer des alliances...
Mme Danièle Pourtaud. C'est déjà fait !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... et, en même temps, de supporter un niveau de charges qui la mette à égalité avec ses concurrents.
M. Jean-Luc Mélenchon. Pas avec une telle méthode !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ce serait avec des méthodes du passé que nous condamnerions le service public...
M. Gérard Delfau. Ah !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... à devenir un service minimum, comme nous le voyons dans d'autres secteurs.
Voilà pourquoi le service public sort renforcé du texte que nous proposons et de celui que nous avons adopté la semaine dernière.
Mme Hélène Luc. Comment pouvez-vous dire cela ?
M. Claude Estier. Vous osez dire cela !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Voilà pourquoi cette motion doit être repoussée. Nous demandons, pour que tout soit parfaitement clair, un scrutin public. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Il ne peut pas le croire !
M. Gérard Delfau. Trop, c'est trop !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. Pesonne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 5, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant l'une du groupe socialiste et l'autre de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 100:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 92
Contre 223


Demande de renvoi à la commission).