M. le président. M. René Rouquet appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les mesures de carte scolaire présentées pour le Val-de-Marne au conseil départemental de l'éducation nationale. Ces mesures laissent présager pour la rentrée 1996-1997 une détérioration des conditions d'enseignement marquées par le recul des structures d'encadrement par rapport à la situation actuelle et un traitement inégalitaire des écoles qui soulève de nombreuses interrogations relatives aux critères d'évaluation des établissements scolaires. Alors que le Val-de-Marne ne peut être considéré comme un département facile et que les effets du nouveau contrat pour l'école devraient être ressentis dans le premier degré, il est prévu une diminution du taux d'encadrement générée par une augmentation des moyennes d'élèves par classe et la non-prise en compte de l'ensemble des établissements situés en zone sensible, cela alors que le Gouvernement manifeste son intention de s'attaquer aux problèmes des quartiers difficiles. Il lui demande donc de bien vouloir lui faire part de son sentiment sur cette situation et de lui indiquer s'il envisage de prendre des mesures relatives aux différents points évoqués. (N° 396.)
La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Avec cette question, nous changeons de département, mais nous traitons à peu près des mêmes problèmes, monsieur le ministre. Je souhaite en effet attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les mesures relatives à la carte scolaire présentées pour la rentrée 1996-1997 dans le Val-de-Marne.
Ces mesures sont considérées comme alarmantes par l'ensemble de la communauté éducative car elles laissent présager une détérioration des conditions d'enseignement et un net recul des structures d'encadrement par rapport à la situation actuelle.
Comment ne pas ressentir les plus graves inquiétudes à l'annonce de la suppression de trente-cinq postes dans les collèges, alors que les incidents liés à la violence urbaine y apparaissent de plus en plus fréquemment ?
Comment ne pas ressentir les plus graves inquiétudes dès lors que l'arrivée de 848 nouveaux élèves dans le primaire s'accompagnera de vingt-cinq fermetures de classes ?
Pour les classes maternelles enfin, où une diminution d'effectifs de 311 élèves aurait rendu possible le renforcement de l'encadrement, vingt classes seront supprimées. Cela ne peut qu'aggraver les difficultés que rencontrent les parents dont les enfants, âgés de trois ans, sont tenus de quitter la crèche puisqu'ils ont atteint l'âge limite, alors qu'ils ne sont pas pour autant admis en classe maternelle, faute de place.
J'ai adressé à M. Bayrou une question écrite afin de l'alerter sur cette situation extrêmement préoccupante pour de nombreux parents salariés qui peinent à trouver un mode de garde et voient leurs jeunes enfants privés du bénéfice de l'école maternelle, dont chacun reconnaît la qualité, monsieur le ministre.
Je voudrais par ailleurs évoquer le cas de nombreuses écoles victimes d'un traitement qu'elles estiment inégalitaire et qui soulève de nombreuses interrogations quant aux critères d'évaluation des établissements scolaires. Il est ainsi étonnant de voir les écoles maternelles ou primaires de nombreuses communes dont la population est loin d'être favorisée posséder des moyennes par classe supérieures à la moyenne départementale.
Il convient de s'interroger aussi sur le classement départemental des écoles et sur la désignation des zones intermédiaires. Il semble anormal que des écoles situées dans des quartiers sensibles et concernés par les actions entreprises dans le cadre de la politique de la ville ne soient pas classées en zone intermédiaire. Il est grand temps de redéfinir, en concertation avec les syndicats, les parents et les élus, l'ensemble des critères retenus pour classer les écoles et définir les zones prioritaires ou intermédiaires.
Monsieur le ministre, le Val-de-Marne ne peut être considéré comme un département facile. Il ne pourra être question d'amélioration des points que je viens d'évoquer sans un examen attentif de la part du ministère de l'éducation nationale et sans une concertation avec la communauté éducative.
Aussi, je demande à M. le ministre de l'éducation nationale de bien vouloir me faire part de son sentiment sur cette situation et des mesures qu'il envisage de prendre pour y remédier dans un département difficile, celui du Val-de-Marne.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, il faut tout d'abord souligner l'effort engagé dans votre département. A la prochaine rentrée scolaire, ce sont vingt-trois emplois supplémentaires qui seront attribués à votre département pour répondre à une hausse des effectifs estimée à quatre cents élèves.
Grâce aux attributions de postes qui ont été effectuées ces dernières années - cent six au total en 1994 et 1995 - le département dispose d'un taux d'encadrement global « postes/effectifs » de 4,91 postes pour cent élèves, qui reste supérieur au taux de référence fixé pour le groupe des départements urbains de même structure, soit 4,8 postes pour cent élèves.
A ce jour, il est exact que soixante-seize fermetures sont programmées. Il est cependant également vrai que quarante-trois ouvertures sont prévues. Ainsi, le solde provisoire des mesures de « carte scolaire » s'établit-il à trente-trois suppressions nettes. Mais cela signifie que trente-trois postes sont disponibles, auxquels s'ajoutent les vingt-trois postes supplémentaires attribués au Val-de-Marne.
Ce sont donc cinquante-six postes qui seront conservés jusqu'à la rentrée de 1996. Ils permettront alors de répondre à des hausses d'effectifs dont la localisation est aujourd'hui inconnue et ils seront tous réimplantés à la rentrée scolaire dans les classes.
Le solde définitif des mesures, monsieur le sénateur, s'établira donc à vingt-trois créations de postes.
C'est ainsi que sera réalisée une répartition de tous les moyens. Il s'agit d'une répartition équitable, au bénéfice de tous les enfants du Val-de-Marne.
De plus, en application de la mesure n° 13 du nouveau contrat pour l'école, le seuil d'ouverture d'une classe supplémentaire en ZEP passera à vingt-six en 1996-1997 au lieu de vingt-sept en 1995-1996. L'objectif fixé sur le plan national - vingt-cinq élèves par classe - pourra donc être atteint à la rentrée scolaire de 1997.
Pour les zones intermédiaires, les écoles élémentaires appartenant à ces nouvelles zone se verront appliquer une norme de 25,50 élèves par classe, au maximum.
Par ailleurs, dans les écoles maternelles alimentant les écoles ou groupes élémentaires en « zone intermédiaire », il est prévu de permettre l'accueil de tous les enfants de deux ans dont les parents le demandent.
Des critères appréciant au mieux les difficultés locales, ont permis de classer les écoles ou groupes élémentaires du Val-de-Marne. La plupart des écoles en ZEP - vingt-six écoles ou groupes élémentaires se trouvant dans les cinquante premières places de ce classement, il a semblé logique de considérer les vingt-quatre autres écoles ou groupes, situés hors ZEP, comme relevant d'une « zone intermédiaire ». En revanche, il n'a pas paru souhaitable d'étendre cette nouvelle zone au-delà des cinquante premières écoles du classement, pour éviter une dilution de l'effort consenti.
C'est ainsi qu'une aide plus efficace encore pourra être apportée aux secteurs les plus difficiles.
Il reste indispensable de tenir compte, comme chaque année, de l'extrême mobilité de la population scolaire du Val-de-Marne et d'adapter localement le volume des moyens à l'évolution du nombre des élèves. Aussi convient-il de prévoir des fermetures de classes dans les écoles dont les effectifs diminuent ou s'avèrent, année après année, inférieurs aux prévisions, pour qu'il soit possible de répondre, dans d'autres secteurs, à des besoins avérés.
Les moyens dont disposera ce département devraient permettre d'accueillir tous les enfants dans de bonnes conditions, conformément aux objectifs nationaux et départementaux.
Au premier rang de ces objectifs figure, bien entendu, l'aide aux écoles situées dans des secteurs difficiles, qu'il s'agisse des zones d'éducation prioritaires ou des « zones intermédiaires » qui viennent d'être définies pour la prochaine rentrée par l'inspecteur d'académie.
Cette aide se traduit notamment par l'application de normes de gestion des moyens plus favorables que celles qui sont employées pour les zones banales.
Ainsi, en zones d'éducation prioritaires, pour les écoles élémentaires, la norme est fixée à vingt-quatre élèves par classe au maximum, au lieu de 27,80 en zone « banale », et, dans les écoles maternelles l'accueil des enfants dès l'âge de deux ans est assuré dès lors que les parents le demandent et que des locaux adaptés existent.
M. René Rouquet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Monsieur le ministre, vous avez annoncé des mesures intéressantes, mais elles ne sont pas à la mesure des problèmes de nos départements. Comme ma collègue de la Seine-Saint-Denis, je connais bien la situation sur le terrain, et je sais très bien qu'il faut des moyens beaucoup plus importants que ceux qui sont prévus.
Le simple déploiement des moyens ne suffit pas pour faire face aux défis de plus en plus nombreux et difficiles à relever qui se posent à l'école. Il faut aussi renforcer ces moyens, ce qui est loin d'être le cas dans mon département.
Cela m'amène à vous dire que les dispositions que vous venez d'évoquer ne se traduiront pas par des améliorations sur le terrain.
Pour ne citer que ma commune d'Alfortville, l'inspection académique a décidé la suppression de deux classes maternelles, ce qui rend impossible la scolarisation des enfants nés en 1994 et porte la moyenne par classe à trente-quatre élèves, ce qui est tout à fait inadmissible.
Que penser également de la fermeture d'une classe de primaire située dans un quartier sensible composé de plusieurs grands ensembles, d'un foyer de travailleurs immigrés, et qui fait l'objet de la signature d'une convention avec l'Etat ?
Monsieur le ministre, tout le monde convient que les banlieues connaissent une fragilisation sociale sans précédent. L'inquiétude augmente dans la population comme le montrent les nombreuses délégations et manifestations de parents d'élèves qui se succèdent auprès de l'inspection académique du Val-de-Marne. Les établissements scolaires sont donc appelés à jouer un rôle nouveau, et essentiel, dans le dispositif de stabilisation sociale des quartiers.
Les communes et les départements, qui fournissent des efforts considérables en ce sens, ne doivent pas voir leur action contrariée par des décisions administratives ne prenant pas en compte, ou trop peu, des facteurs sociologiques pourtant déterminants pour l'avenir.
J'espère que M. le ministre de l'éducation nationale voudra bien répondre à l'attente des nombreux parents, enseignants et élus du Val-de-Marne, en effectuant, en concertation avec eux, les réajustements que nécessite la carte scolaire pour la rentrée scolaire 1996 dans le Val-de-Marne.
M. le président. L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Jean Faure.)