M. le président. M. Alain Richard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur le non-respect par la société anonyme HLM CARPI, filiale du groupe Maisons familiales, de la réglementation en matière de logements construits en accession à la propriété et acquis au moyen de prêts aidés.
L'étude de cette affaire démontre que les logements construits par le groupe Maisons familiales et vendus par sa filiale la SA HLM CARPI, ont fait l'objet de deux agréments ministériels rendus successivement en 1976 et en 1979 sur le fondement d'un concours d'Etat, le concours CNBS créé par le Comité national des bâtisseurs sociaux et ayant pour objectif de permettre aux particuliers disposant de revenus les plus modestes de devenir propriétaires grâce à une réduction obligatoire du prix des logements agréés.
Des documents publicitaires diffusés par le groupe Maisons familiales insistaient d'ailleurs sur l'opportunité d'acquérir de tels logements à des prix inférieurs de 10 p. 100, voire de 20 p. 100, aux prix plafonds HLM.
Or, il s'est révélé que la société HLM CARPI n'a pas répercuté cette réduction de prix sur les logements vendus et a pratiqué des prix de vente correspondant au barème ordinaire des prix HLM accession.
Il lui demande donc :
- pourquoi aucune des directions départementales de l'équipement n'a procédé à un contrôle des prix de référence des logements construits par la SA HLM Carpi en application des règles spéciales issues du concours CNBS, alors que les fiches d'opération déposées auprès d'elles par la société pour obtenir le versement de prêts aidés faisaient expressément référence audit concours CNBS ?
- pourquoi le rapport de contrôle de 1989 de l'inspection générale de l'équipement établi à l'encontre de la société CARPI à la demande du ministère de la construction ne fait aucune allusion au concours CNBS et se fonde exclusivement sur les barèmes réglementaires des prix plafonds HLM accession ? (N° 397.)
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Je me réjouis de la présence de M. Périssol, ministre délégué au logement, pour répondre à cette question car, après réflexion, je pense que c'est vers lui que j'aurais dû la diriger et non pas vers le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Je souhaite qu'il complète notre information et qu'il nous indique les intentions du Gouvernement en vue de remédier aux conséquences de fâcheux errements concernant la réalisation de maisons individuelles en accession à la propriété, voilà une quinzaine d'années.
C'est en effet en 1976 qu'a été engagé, sous l'égide de l'Etat, par un ensemble de financeurs du logement aidé, un concours visant, avec des intentions louables, à modérer les prix de réalisation de modèles de maisons individuelles. L'objectif fixé à ce concours, que l'on appelle le CNBS, était d'aboutir à des réalisations de maisons individuelles à un prix au moins inférieur de 10 p. 100 au prix plafond réglementaire des constructions HLM accession. Les auteurs du concours étaient un ensemble d'organismes financeurs et les entreprises retenues sur des prototypes recevaient un agrément de l'Etat.
Les constructeurs bénéficiant de cet agrément avaient entre autres obligations - je rappelle qu'on se situe peu de temps avant la loi Scrivener de 1979 - celle d'informer les accédants des plans de financement, assortis d'un calcul précis des mensualités qu'ils devraient acquitter. L'objet recherché était d'agir sur deux aspects de l'accession sociale à la propriété : par un coût limité de réalisation du produit et par une transparence du plan de financement.
Une des sociétés lauréates de ce concours, la société CARPI, filiale du groupe Maisons familiales, s'est livrée, d'après mon appréciation et des données auxquelles j'ai pu avoir accès, à des actions répréhensibles et préjudiciables à l'intérêt général auxquelles - et c'est sur ce point que je souhaite obtenir des précisions de M. le ministre - l'administration de tutelle, organisateur et responsable moral de cette affaire, ne me paraît pas avoir réagi avec toute la diligence nécessaire.
En effet, outre une publicité plutôt contestable sur le niveau de prix mais qui ne peut faire ici l'objet d'un large débat puisque donnant matière à poursuites judiciaires, la société CARPI a manqué aux obligations résultant du concours sur deux points. D'une part, elle a très largement effacé, au détriment des accédants, la différence de prix résultant des conditions de fabrication : elle n'a pas vendu en dessous de 90 p. 100 du prix plafond. D'autre part, elle a monté un très grand nombre de dossiers de financement imprudents. Ainsi, selon une enquête du ministère de l'équipement, à un moment donné, plus de 90 p. 100 des accédants consentaient un effort supérieur à l'effort maximum de 33 p. 100 et, à la fin de 1988, les impayés au titre de cette opération atteignaient 56 millions de francs.
Par conséquent, il me semble, monsieur le ministre, que les services extérieurs du ministère n'on pas exercé un contrôle suffisamment efficace sur les prix de réalisation.
En particulier, les fiches d'agrément qui devaient être délivrées par le ministère aux constructeurs établissant le calcul du prix plafond spécifique semblent ne plus pouvoir être retrouvées aujourd'hui.
Certes, cette affaire est maintenant ancienne mais elle suscite encore de nombreux contentieux...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Richard.
M. Alain Richard. ... et place certains accédants dans des situations très difficiles. Aussi, je demande à M. le ministre s'il envisage de créer une mission tendant à rechercher un accord amiable afin de permettre à un grand nombre d'accédants en difficulté de sortir de la situation dans laquelle ils se trouvent sans aller jusqu'à engager un contentieux.
M. le président. Monsieur Richard, j'ai le rôle ingrat de rappeler que l'auteur de la question dispose de trois minutes pour poser celle-ci et de deux minutes pour répondre au ministre.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Monsieur le président, la question précise posée par M. Richard appelle des éléments de réponse tout aussi précis. Je vais toutefois essayer de m'en tenir au temps qui m'est imparti.
M. le président. Le temps de parole dont vous disposez, monsieur le ministre, n'est pas limité. Je vous invite simplement à respecter la règle du jeu qui a été fixée.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué. Disons que vous m'invitez fortement à la respecter ! En tout cas, je m'engage à le faire.
Le comité national des bâtisseurs sociaux, le CNBS, était une association regroupant cinq promoteurs sociaux que l'Etat avait autorisés à organiser, sous son contrôle, deux concours à l'intention des architectes et des entreprises du bâtiment afin de sélectionner des modèles de logements individuels correspondant à un niveau de qualité acceptable pour un prix réduit. Les projets sélectionnés ne bénéficiaient d'aucune subvention particulière.
Le premier concours organisé en 1976 comportait effectivement un objectif de réduction du coût de la construction de 10 p. 100 par rapport aux normes appliquées à l'époque. Le second concours organisé en 1979 ne prévoyait, en revanche, aucun objectif chiffré d'économies.
Il convient toutefois de préciser que le respect de l'engagement lié au concours de 1976 s'apprécie par rapport non pas au prix de vente total qui comporte la charge foncière mais au seul coût « bâtiment » sur lequel portaient les engagements.
S'agissant de la société d'HLM CARPI, qui appartenait à cette époque au groupe Maison Familiale, les modèles Alezan 1976 et Futaie 1979 ont effectivement été primés par le CNBS.
L'engagement de réduction de prix ne portait ainsi que sur un modèle et une période antérieure au début des années quatre-vingt au cours de laquelle les difficultés des accédants à la propriété de la SA d'HLM CARPI se sont multipliées. Voilà qui explique, sans doute, qu'il n'ait pas fait l'objet d'un examen particulier dans le rapport de contrôle de l'inspection générale de l'équipement de 1989.
Toutefois, sous réserve de l'examen de dossiers particuliers et de l'appréciation souveraine des tribunaux sur les litiges qui lui sont soumis, tous les éléments aujourd'hui en possession de l'administration tendent à établir que l'engagement de réduction du prix prévu par le concours de 1976 a bien été respecté.
Les rapports du commissaire du Gouvernement auprès de la SA d'HLM CARPI rédigés à cette époque font état de prix moyens « bâtiment » nettement en deçà du plafond prévu par le concours de 1976 pour le modèle Alezan.
Les dossiers de demande de financement soumis aux services de l'Etat avant la construction devaient également comporter les éléments permettant de justifier le respect de l'engagement de prix.
Quant aux vérifications par la mission d'inspection des HLM effectuées en 1989, elles font également état de prix de vente très inférieurs aux plafonds.
La SA d'HLM CARPI était d'ailleurs connue à l'époque pour proposer des prix très avantageux - j'oserais presque dire trop alléchants - aux accédants à la propriété. Toutes les expertises ainsi que les décisions judiciaires intervenues à ce jour ont conclu qu'il n'y avait pas eu d'exagération dans la fixation des prix de vente.
Les reproches graves qui peuvent être faits à l'encontre des pratiques de cette société et à ses anciens dirigeants sont en effet d'une autre nature. Il s'agit essentiellement de méthodes de commercialisation très agressives qui ont conduit un certain nombre de familles à s'endetter au-delà de leur capacité réelle à faire face aux remboursements. Vous avez cité des chiffres à cet égard, et ce fait a été parfaitement reconnu.
Les mesures d'aide adoptées par les pouvoirs publics ont d'ailleurs eu pour objet de répondre à ces situations de surendettement.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je pouvais vous apporter sur ce dossier particulièrement douloureux et qui fait, d'ailleurs, l'objet de suites judiciaires.
M. Alain Richard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous avez apportées. Je prends bonne note que, selon vous, les engagements liés à la diminution du prix ont bien été respectés. Ce point fait l'objet de contestation mais, comme vous l'avez souligné, il reviendra aux tribunaux d'apprécier. Je compte sur votre diligence pour que l'administration fournisse, à la demande bien évidemment des autorités judiciaires, l'ensemble des données nécessaires.
Il est vrai que, depuis notamment la loi sur le surendettement, des efforts ont été entrepris pour essayer de résoudre les difficultés que rencontrent certains accédants mais je souhaite que vos services puissent créer une mission de conciliation pour, au moins, limiter le nombre de contentieux. Tel est bien d'ailleurs le rôle du ministère du logement.

Dégradation de la situation des professions
du bâtiment et des travaux publics