M. le président. Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville et à l'intégration sur les conséquences du départ de la société Schweppes de la ville de Pantin, dans le département de la Seine-Saint-Denis. Cette entreprise emploie actuellement quatre-vingt-quinze personnes.
Alors que la raison invoquée est le manque de place pour se développer, un examen attentif des comptes de Schweppes-France indique une stratégie axée sur la recherche de la rentabilité financière au détriment de l'emploi. Ainsi, de 1991 à 1994, les bénéfices de l'entreprise se sont accrus de 404 p. 100. Dans le même temps, les frais de personnel ont baissé de 20 p. 100, passant de 233 millions de francs à 186 millions de francs. Schweppes-France s'apprête vraisemblablement à demander l'aide publique dans trois domaines : le financement pour le départ de Pantin et la suppression d'emplois, le financement pour la création d'une nouvelle implantation et, enfin, le financement au titre de l'aide à l'embauche.
Alors que le Gouvernement affirme publiquement sa volonté de maintenir et même d'implanter des entreprises dans les villes de banlieue, acceptera-t-il de favoriser le départ de Schweppes de Pantin en lui attribuant des financements publics ? (N° 393.)
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le secrétaire d'Etat, la société Schweppes, qui emploie, à Pantin, 95 salariés et quelques saisonniers, a fait connaître, par voie de presse, le 7 mars dernier, sa décision de fermer ce site ainsi que celui qui est installé dans le Val-d'Oise, à Gonesse, et dont l'effectif est de 87 salariés et quelque 50 saisonniers.
Parallèlement, la direction de la société Schweppes annonce sa décision d'implanter son centre de production dans l'Yonne et d'y créer 120 emplois. Ainsi, ce sont près de 200 emplois qui seront supprimés en Ile-de-France contre 120 « créés » dans l'Yonne.
Pour justifier sa décision, la direction de Schweppes invoque plusieurs raisons et, tout d'abord, la nécessité, dans le contexte concurrentiel, d'étendre ses capacités de production et, donc, les besoins en terrain et en qualité de l'eau.
Ces problématiques ont fait l'objet d'études sérieuses de la part du conseil général de la Seine-Saint-Denis, ainsi que du maire de la ville de Pantin, afin de présenter à l'entreprise Schweppes des solutions viables, permettant d'augmenter la capacité de production à Pantin. En matière de terrain, d'aménagement de la zone de desserte et de possibilité de forage d'eau de qualité, des propositions claires et détaillées ont été avancées sans qu'aucune réelle réponse n'ait été formulée.
A l'évidence, cette affaire dépasse le problème de l'extension des terrains. Il s'agit, en fait, pour la direction de l'entreprise Schweppes d'utiliser la délocalisation comme un moyen d'accroître ses profits financiers au détriment de l'emploi. A la faveur de cette délocalisation, elle procéderait à une restructuration aboutissant à une scission en deux sociétés afin de mieux échapper à l'impôt. Déjà, de 1991 à 1994, la politique de l'entreprise avait permis l'accroissement de ses bénéfices de 400 p. 100 alors que ses frais de personnels avaient baissé de 20 p. 100. Encore une fois, ce transfert d'implantation sera ponctué au total par près de 80 suppressions d'emplois.
Je serai attentive à votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je voulais interroger M. le ministre délégué à la ville et à l'intégration, qui connaît bien le département de la Seine-Saint-Denis, et qui indique, au Parlement comme dans les médias, l'importance qu'il porte aux contrats de ville, aux zones urbaines sensibles et à la revitalisation des banlieues. Je regrette donc qu'il soit absent.
Il faut mettre en cohérence la réalité avec les déclarations.
A cette fin, comment entendez-vous agir pour que l'entreprise Schweppes reste et se développe à Pantin, participant ainsi effectivement à la dynamisation de cette ville et au maintien de l'emploi ?
Par ailleurs, le Gouvernement entend-il mettre un terme à cette logique financière qui consiste à utiliser les fonds publics contre l'emploi ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Madame le sénateur, vous m'interrogez sur la situation de l'usine Schweppes de la ville de Pantin. En effet, l'éventualité du départ de cette usine a été abordée par l'entreprise au cours des semaines écoulées.
Dans les explications qu'elle donne de ce projet, la société Schweppes invoque l'inadéquation du site et la mauvaise qualité de l'eau pour transférer son unité dans un département de la région Bourgogne.
Les responsables de la société Schweppes ont eu plusieurs entretiens avec les pouvoirs publics, notamment avec la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale. Au cours de ces entretiens, a été évoquée l'idée qu'il pourrait y avoir un autre groupe du secteur agro-alimentaire sur le site de Pantin.
Madame Bidard-Reydet, au moment où je parle - je me fais ici l'interprète, le porte-voix de M. Jacques Barrot et de Mme Anne-Marie Couderc, qui sont en charge de ces questions relatives à l'emploi au sein du Gouvernement - les pouvoirs publics n'ont été saisis par la société d'aucune demande d'aides publiques.
Il ne s'agit, pour l'instant, que d'un projet, sur lequel nous n'avons pas encore, de la part de la société Schweppes, d'indications précises, au-delà des informations qui ont pu être publiées dans la presse.
Concernant un département et une municipalité où la situation de l'emploi appelle la plus grande vigilance, si ce projet devait se concrétiser, il est bien évident que les pouvoirs publics prêteraient la plus grande attention aux mesures d'accompagnement mises en place par l'entreprise, ainsi qu'aux nécessaires démarches de réindustrialisation du site.
Je puis vous dire que, en liaison avec M. Eric Raoult, qui est un élu de votre département, madame le sénateur, il est bien évident que la mobilisation des pouvoirs publics sur ce sujet sera maximale.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse longue et argumentée, mais vous comprendrez que ce problème des délocalisations nous tient particulièrement à coeur. Nous y sentons l'emprise très forte d'une logique financière assez implacable contre les hommes.
Sans répondre très longuement, je crois toutefois devoir vous dire que nous ne pouvons tolérer plus longtemps que des entreprises, comme c'est le cas de Schweppes à Pantin, bénéficient de l'argent des contribuables pour accroître le nombre de chômeurs.
Certes, vous avez déclaré qu'aucune demande spécifique n'a été faite en direction des pouvoirs publics. Mais vous connaissez l'existence de mécanismes grâce auxquels de l'argent public peut être versé à des entreprises non seulement pour la reconversion des personnels et des sites, mais également par le truchement des collectivités locales, des régions. Pour le transfert d'activités, la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale a distribué, en 1995, près de 613 millions de francs d'aides à 163 entrepreneurs, dont 43 ont choisi de décentraliser leurs activités vers des zones classées.
Nous considérons que cette situation est inacceptable. Elle pose la question du contrôle nécessaire par les salariés et les citoyens de l'attribution de ces fonds publics aux entreprises, versés au nom de l'emploi et finalement utilisés pour opérer des licenciements.
Il nous semble urgent qu'une cellule de crise soit constituée dans chaque département en cas de licenciement et de délocalisation.
Dans le même esprit, il nous semble que le rôle de la DATAR devrait être réexaminé.
J'ai été attentive, monsieur le ministre, au fait que vous laissiez une porte ouverte pour le maintien de l'entreprise Schweppes à Pantin. Croyez bien que c'est dans ce sens que des élus de la commune et du département travailleront.
M. le président. Mes chers collègues, en attendant l'arrivée de M. le ministre délégué au logement, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)