Présenté par le ministre chargé de la transition numérique et des télécommunications, Jean-Noël Barrot, en conseil des ministres ce mercredi 10 mai, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique reprend plusieurs des recommandations visant à interdire l’accès des mineurs à des contenus pornographiques, adoptées fin septembre 2022 par la délégation aux droits des femmes du Sénat dans son rapport "Porno : l’enfer du décor".

Pour la première fois dans l’histoire parlementaire, ce rapport pionnier a permis d’imposer dans le débat public la question des violences pornographiques et la nécessité de protéger la jeunesse face à des contenus pornographiques violents et toxiques. Il a également dénoncé les nombreuses infractions pénales commises par et dans l’industrie de la pornographie.

Le projet de loi présenté ce matin par le gouvernement s’attaque à l’une de ces infractions : le non-respect de l’interdiction d’accès des mineurs aux sites pornographiques. C’est un premier pas dont il faut se réjouir mais qui n’est pas suffisant.

Deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers des enfants de moins de 12 ans ont déjà eu accès à des images pornographiques, sur des sites dédiés, des réseaux sociaux, des plateformes, des messageries numériques ou encore à l’occasion du téléchargement de films. Chaque mois, près d’un tiers des garçons de moins de 15 ans se rend sur un site pornographique. Les conséquences sur la jeunesse sont nombreuses et inquiétantes : traumatismes, vision déformée et violente de la sexualité, sexualisation précoce, développement de conduites à risques ou violentes, etc.

Les sites pornographiques sont, pour la plupart, en violation totale de l’article 227-24 du code pénal qui interdit l’accès de leurs contenus aux mineurs. Les intérêts financiers priment sur la protection de la jeunesse et l’application de loi.

Le projet de loi présenté ce 10 mai reprend plusieurs préconisations formulées par la délégation aux droits des femmes : référentiel permettant le développement de systèmes de vérification de l’âge des internautes ; renforcement des pouvoirs de l’Arcom, afin de lui permettre de bloquer ou déréférencer des sites accessibles aux mineurs ; possibilité d’amende à l’encontre de ces sites ; amendes à l’encontre des hébergeurs ne retirant pas les contenus pédopornographiques en 24h.

Les rapporteures de la délégation, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, se mobiliseront lors de l’examen de ce projet de loi pour conforter et sécuriser les dispositions proposées, en particulier afin qu’un écran noir s’affiche tant que l’âge de l’internaute n’a pas été vérifié par un mécanisme satisfaisant de double anonymat. Elles proposeront également de le compléter, afin d’y intégrer certaines de leurs recommandations : responsabilités accrues des diffuseurs ; droit à l’oubli pour les personnes filmées souhaitant retirer des vidéos pornographiques publiées en ligne ; montée en puissance de Pharos ; généralisation des dispositifs de contrôle parental ; opérations de sensibilisation des parents et des jeunes.

Toutes ces mesures doivent également s’accompagner d’une éducation des jeunes à la sexualité, à l’égalité et aux usages du numérique. Les trois séances annuelles d’éducation à la vie affective et sexuelle prévues par la loi depuis 2001 doivent enfin être mises en place dans tous les établissements scolaires.

Enfin, les rapporteures de la délégation estiment que la lutte contre l’industrie pornographique ne doit pas se limiter à la seule protection des mineurs. Elle doit aujourd’hui constituer une priorité de politique publique et pénale : c’est tout un système de violences qui doit être combattu, des victimes qui doivent être protégées, des moyens matériels et humains supplémentaires qui doivent être alloués.

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