La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié en profondeur la Constitution, en particulier la procédure parlementaire, la fonction de contrôle du Parlement, le statut des membres du Parlement, les droits de l'opposition et les rapports entre les assemblées et l'exécutif.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a entraîné la modification de plus de la moitié des articles de la Constitution, avec parfois une réécriture complète ou l'introduction de procédures totalement nouvelles. Le Constituant a opéré une transformation profonde du texte constitutionnel, y compris sur des points souvent considérés comme fondateurs des équilibres de la Ve République (la prédominance du Gouvernement sur l'ordre du jour des assemblées, l'interdiction faite aux assemblées de voter des résolutions à l'adresse du Gouvernement, l'impossibilité pour le Président de la République de s'exprimer lui-même devant le Parlement, l'engagement de la discussion législative sur le texte du Gouvernement et non sur celui de la commission, etc).

Retrouvez les textes législatifs de la révision du 23 juillet 2008 :

Plusieurs mesures ne relèvent pas du domaine parlementaire : c'est le cas, notamment, de la limitation à deux du nombre de mandats consécutifs d'un même Président de la République (article 6 de la Constitution), de la restriction du champ du droit de grâce (article 17), de la création d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception (article 61-1 nouveau), du droit de saisine du Conseil supérieur de la Magistrature par les justiciables (article 68), de la création d'un Défenseur des droits (Titre XI bis nouveau) et, parmi des mesures plus ponctuelles, de la constitutionnalisation du régime statutaire des Terres australes et antarctiques françaises (article 72-3), du statut des langues régionales (article 75-1) et de la consécration constitutionnelle du principe de solidarité et de coopération entre les États francophones (article 87).

Sept grandes catégories de mesures concernent l'institution parlementaire.

La modification des règles de fixation de l'ordre du jour et du délai d'examen des textes

  • L'instauration d'un délai minimum de six semaines entre le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi et sa discussion en séance en première lecture devant la première assemblée saisie, sauf procédure accélérée (telle qu'organisé par l'article 45) ou cas particuliers comme la discussion des projets de loi de finances ou des textes relatifs aux états de crise (article 42, dernier alinéa).
  • La possibilité, pour les conférences des présidents des deux assemblées -dont l'existence se trouve du même coup constitutionnalisée-, de s'opposer conjointement à la décision du Gouvernement d'engager la procédure accélérée (article 45, alinéa 2).
  • L'extension aux projets et propositions de loi organique des délais de droit commun tels que fixés par l'article 42 ou, si la procédure accélérée est engagée, délai de 15 jours entre le dépôt et la délibération de la première assemblée saisie (article 46, alinéa 2).
  • L'attribution à chaque assemblée de la maîtrise de son ordre du jour (article 48, alinéa premier), sous réserve des séances réservées à un ordre du jour déterminé par la Constitution (articles 48, alinéas 2 à 6).
  • La détermination par la Constitution de priorités d'ordre du jour dans cinq cas :
    - deux semaines de séance sur quatre réservées par priorité, et dans l'ordre qu'il a fixé, à l'examen des textes et aux débats dont le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour (article 48, alinéa 2) ;
    - priorité d'inscription à l'ordre du jour, à la demande du Gouvernement, des textes spécifiques (les lois de finances, par exemple) ou de textes transmis par l'autre assemblée depuis au moins six semaines (article 48, alinéa 3) ;
    - une semaine de séance sur quatre réservée par priorité et dans l'ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques (article 48, alinéa 4) ;
    - un jour de séance par mois réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l'initiative de ses groupes politiques d'opposition et de ses groupes minoritaires (article 48, alinéa 5) ;
    - une séance par semaine au moins -y compris pendant les sessions extraordinaires- réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement (article 48, dernier alinéa).

L'élargissement du domaine des compétences générales du Parlement, notamment dans sa fonction de contrôle et d'évaluation

  • La création d'un référendum d'initiative parlementaire (article 11, alinéa 3 et suivants) ; cette initiative, présentée sous forme d'une proposition de loi, devra émaner d'un cinquième des membres du Parlement et être soutenue par au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ; la proposition de loi sera soumise au contrôle du Conseil constitutionnel dans les conditions fixées par une loi organique.
  • La reconnaissance constitutionnelle expresse de la fonction de contrôle du Parlement (qui, jusqu'à présent, n'était pas désignée en tant que telle dans la Constitution) et la définition, au même titre que le vote de la loi et le contrôle de l'action du Gouvernement, d'une mission d'évaluation par le Parlement des politiques publiques (article 24).
  • L'extension du domaine de la loi aux règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias, au régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France et aux conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales (article 34) ; en outre, à l'article premier, l'action de la loi en faveur de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives est étendue à leur égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales.
  • L'extension du domaine des lois de programmation (ex. des lois de programme) à tous les types d'objectifs de l'action de l'État, y compris autres que son action économique et sociale, ainsi qu'aux orientations pluriannuelles des finances publiques (article 34).
  • La possibilité désormais reconnue aux assemblées de voter des résolutions dans les conditions fixées par une loi organique, sauf si le Gouvernement estime qu'elles seraient de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard (article 34-1 nouveau).
  • L'information de plein droit du Parlement de la décision du Gouvernement de faire intervenir les forces armées à l'étranger (au plus tard trois jours après le début de cette intervention), avec possibilité d'un débat sans vote (article 35, alinéa 2).
  • L'obligation pour le Gouvernement d'obtenir l'autorisation du Parlement de prolonger au-delà de quatre mois l'intervention à l'étranger des forces armées (article 35, alinéa 3), étant précisé qu'en cas de divergence entre les deux assemblées, le Gouvernement pourra demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort.
  • L'affirmation de la ratification parlementaire des ordonnances de l'article 38, la pratique de la « ratification implicite » étant désormais écartée par la Constitution (article 38, alinéa 2).
  • La nécessité d'une ratification expresse des ordonnances d'adaptation ou d'extension du droit des collectivités d'outre-mer au plus tard dans les 18 mois suivant leur publication, à peine de caducité (article 74-1, second alinéa).
  • Le droit reconnu au Président de chaque assemblée de soumettre pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par un des membres de son assemblée, sauf si celui-ci s'y oppose (article 39, dernier alinéa).
  • La possibilité pour le Gouvernement, de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire, de faire sur un sujet donné une déclaration suivie d'un débat et pouvant, s'il le décide, faire l'objet d'un vote n'engageant pas sa responsabilité (article 50-1 nouveau).
  • La constitutionnalisation des commissions d'enquête, dont l'organisation et le fonctionnement sont réglés par la loi et les conditions de création par le Règlement de chaque assemblée (article 51-2 nouveau).
  • L'extension de l'assistance de la Cour des Comptes au Parlement à sa nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques (article 47-2).
  • L'information du Parlement sur les suites que le Conseil économique, social et environnemental propose de donner à une pétition dont il a été saisi dans les conditions fixées par une loi organique (article 69).
  • L'attribution au Parlement de la possibilité de consulter le Conseil économique, social et environnement sur tout problème relevant de ces questions (article 70).

Le réaménagement des rapports entre le Parlement et le Président de la République

  • Outre, le traditionnel droit de message, le Président de la République peut désormais prendre personnellement la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès, sa déclaration pouvant donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote (article 18, dernier alinéa).
  • L'institution d'une procédure d'avis de la commission compétente de chaque assemblée sur une partie des nominations par le Président de la République, avec possibilité de s'opposer à une nomination aux 3/5e des suffrages exprimés au sein des deux commissions (article 13, dernier alinéa).
  • Le contrôle visé au point précédent est en particulier rendu applicable à la nomination par le Président de la République de trois des membres du Conseil constitutionnel (article 56, alinéa premier), pouvoir exercé sans contreseing et, jusqu'à présent, sans contrôle extérieur.
  • La possibilité reconnue aux Présidents des assemblées et à 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier, après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels de l'article 16 de la Constitution, si les conditions de sa mise en oeuvre sont toujours réunies (article 16, dernier alinéa​​​​​​​).
     

Un profond remaniement de la procédure législative

Depuis le 1er mars 2009, en application de l'article 42 de la Constitution résultant de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la discussion des projets de loi en séance publique porte, comme pour les propositions de loi sénatoriales, sur le texte élaboré par la commission et non plus, comme c'était le cas depuis le début de la Vème République , sur le texte initial présenté par le Gouvernement ou transmis par l'Assemblée nationale.

Cette nouvelle procédure n'est toutefois pas applicable aux projets de loi constitutionnelle, aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Le texte servant de base à la discussion est élaboré par la commission lors d'une première réunion, en principe deux semaines avant la séance publique, à partir des amendements présentés sur le texte initial par le rapporteur et par les membres de la commission dans un délai limite fixé par la commission. Le texte résultant de la délibération de la commission est imprimé avec un bandeau gris permettant de le distinguer du projet de loi initial.

Tous les sénateurs, le Gouvernement et les éventuelles commissions saisies pour avis, peuvent ensuite déposer, sur ce texte, des amendements destinés à être discutés en séance publique. Sauf pour le Gouvernement, la Conférence des Présidents fixe un délai limite de dépôt.

La commission examine ces amendements au cours d'une deuxième réunion afin d'être en mesure de donner son avis sur chacun d'eux et d'engager un dialogue avec leurs auteurs. Le Gouvernement peut demander à être entendu par la commission dans le cadre de l'établissement du rapport ou demander à défendre ses amendements devant la commission.

En séance plénière, le Sénat délibère sur le texte de la commission qui peut être amendé par les sénateurs et le Gouvernement suivant les règles traditionnelles.

Cette procédure a été appliquée pour la première fois sur le projet de loi pénitentiaire dont la discussion en séance publique a débuté le 3 mars 2009
 

De nouvelles modalités d'exercice du droit d'amendement

  • L'extension aux Présidents des assemblées du pouvoir d'opposer l'irrecevabilité de l'article 41 de la Constitution, protégeant le domaine de la loi ou celui de la législation déléguée (article 41).
  • La possibilité, dans le cadre déterminé par une loi organique, d'exercer le droit d'amendement, non plus seulement en séance mais, le cas échéant, en commission selon les conditions fixées par les Règlements des assemblées (article 44, alinéa premier).
  • La recevabilité en première lecture de tout amendement ne tombant pas sous le coup des articles 40 (irrecevabilité financière) ou 41 (protection du domaine de la loi ou de la législation déléguée), dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis (article 45, alinéa premier).

Le statut des assemblées et de leurs membres, y compris ceux de l'opposition ou des groupes minoritaires

  • La garantie constitutionnelle des expressions pluralistes des opinions et de la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation (article 4, dernier alinéa), cette garantie générale s'appliquant - pour ce qui concerne le Parlement - aux opinions des groupes politiques, donc implicitement à ceux de la majorité comme ceux de l'opposition dans chaque chambre.
  • La détermination des droits des groupes politiques par le Règlement de chaque assemblée et l'obligation de reconnaître des droits spécifiques aux groupes d'opposition de cette assemblée ainsi qu'à ses groupes minoritaires (article 51-1).
  • L'obligation de réserver une séance par mois à un ordre du jour à l'initiative des groupes d'opposition ou minoritaires.
  • Le plafonnement du nombre des membres de chaque assemblée. Désormais, le nombre maximum des députés est fixé à 577, celui des sénateurs à 348 (article 24, alinéas 3 et 4).
  • La création de députés des Français établis hors de France, leur représentation parlementaire ayant jusqu'à présent été assurée à titre exclusif par le Sénat ; par voie de conséquence, le Sénat perd la priorité d'examen des projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français de l'étranger (article 24, dernier alinéa et article 39).
  • La création d'une commission indépendante chargée de se prononcer par un avis public sur la délimitation des circonscriptions législatives ou la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
  • Le caractère seulement temporaire de l'interruption du mandat d'un parlementaire nommé membre du Gouvernement (article 25, alinéa 2), qui retrouve son siège à l'issue de ses fonctions ministérielles.

Le Parlement et l'Union européenne

  • Création, au sein de chaque assemblée, d'une commission chargée des Affaires européennes (article 88-4, dernier alinéa) qui, de fait, se substitue aux délégations pour l'Union européenne et n'entre pas dans la catégorie des commissions législatives visées à l'article 43.
  • Possibilité pour le Parlement, à la majorité des trois cinquièmes de chaque assemblée, d'adopter une motion autorisant l'adoption d'un projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne, non pas par référendum mais par le Congrès du Parlement (article 88-5, second alinéa).
  • La majoration de six (antérieurement) à huit du nombre maximum des commissions permanentes dans chaque assemblée (le Sénat ayant, pour sa part, décidé de ne pas user de cette faculté), les commissions permanentes devenant par ailleurs compétentes par principe pour examiner les projets et les propositions de loi avant leur discussion en séance (article 43) ; du coup, la procédure de la commission spéciale devient l'exception (même si, en réalité, la pratique depuis 1958 avait déjà consacré le rôle prééminent des commissions législatives permanentes et rendu exceptionnel le recours à une commission spéciale).
  • L'extension aux Présidents des deux assemblées agissant conjointement, de la faculté, sous certaines conditions, de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion d'une proposition de loi (article 45, alinéa 2).
  • Le resserrement du domaine de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte (disposition n'intéressant que l'Assemblée nationale) : désormais, le Premier ministre ne peut engager la responsabilité du Gouvernement que dans ceux cas (article 49, alinéa 2) :
    - pour les lois de finances et les lois de financement de la Sécurité sociale ;
    - une fois par session, pour un autre projet ou proposition de loi.