EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 5 juillet 2023, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Ronan Le Gleut et André Vallini, rapporteurs, portant avis sur le projet de Contrat d'objectifs et de performance (COP) de Campus France (2023-2025).

M. Christian Cambon, président. - Nous examinons maintenant le rapport d'information de Ronan Le Gleut et André Vallini sur le contrat d'objectifs et de performance 2023-2025 de Campus France.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur. - Le présent contrat d'objectifs et de performance (COP) de Campus France couvre la période 2023 à 2025. Le précédent contrat, qui comportait un volet consacré aux moyens, portait pour sa part sur la période 2018-2020. Pendant près de trois ans, l'activité de l'opérateur n'était donc couverte par aucune convention.

Outre un retard de « rédaction », le présent COP a également subi un retard, plus contestable, de « transmission ». En effet, si la finalisation de ce contrat est intervenue en fin d'année 2022, celui-ci n'a été transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat que le 12 juin 2023, soit à quelques semaines seulement de la fin de la session ordinaire. Nous ne pouvons que regretter cette méthode qui ne nous permet pas de travailler dans de bonnes conditions.

Sur le fond, le présent COP s'inscrit très largement dans la continuité du contrat d'objectifs et de moyens 2018-2020 et les évolutions qui y ont été apportées nous semblent aller dans le bon sens.

Je laisse la parole à André Vallini pour une présentation plus précise des objectifs et du volet « performance » du présent COP.

M. André Vallini, rapporteur. - Le présent contrat vise tout d'abord à adapter la stratégie de Campus France aux bouleversements induits par la Covid sur les mobilités internationales étudiantes.

La pandémie s'est traduite par une « panne du moteur asiatique des mobilités », alors que l'Asie est la première zone d'origine des étudiants internationaux en mobilité. Une baisse de 50 % des candidatures chinoises et de 20 % sur l'ensemble de la zone Asie a ainsi été constatée.

La crise de la Covid a aussi entraîné le développement des formations numériques qu'il convient de prendre en compte.

Le Brexit constitue également un bouleversement significatif qui s'est traduit par une chute d'attractivité du Royaume-Uni vis-à-vis des étudiants européens.

Enfin, la guerre en Ukraine a dans une large mesure interrompu les flux avec la Russie. Elle est en outre à l'origine d'une augmentation de l'inflation, à l'origine de répercussions sur le fonctionnement de la structure et potentiellement la vie des bénéficiaires.

S'agissant des objectifs assignés à l'opérateur, nous souscrivons globalement aux objectifs prioritaires qui nous ont été présentés en audition et sous objectifs fixés dans ce contrat. Six « actions » qui seront mises en oeuvre dans le cadre du COP 2023-2025 méritent d'être plus particulièrement mentionnées.

Premièrement, l'identification de zones géographiques prioritaires. Le présent COP prévoit un effort particulier à destination de l'Indopacifique, de l'Union européenne, des pays du voisinage et du continent Africain.

Cet effort de priorisation géographique va dans le bon sens alors que, comme nous l'a rappelé la directrice générale de Campus France en audition, certains pays font l'objet d'une concurrence intense pour accueillir les étudiants qui en sont originaires. Cela est notamment le cas de l'Inde. La France doit donc consacrer un effort particulier à destination de ces zones pour se maintenir dans la concurrence internationale.

Deuxièmement, un ciblage « qualitatif » sur les profils d'excellence. L'objectif d'augmentation du nombre de mobilités entrantes doit s'accompagner d'un renforcement ou, a minima, d'un maintien du niveau des étudiants accueillis.

Troisièmement, l'accompagnement de la stratégie « Bienvenue en France », qui a été lancée en novembre 2018 et qui vise notamment l'accueil de 500 000 étudiants internationaux à l'horizon 2027 ainsi que le doublement du nombre de bourses versées par le MEAE.

Quatrièmement, un effort particulier à destination de l'accueil des étudiantes, qui devra permettre un rééquilibrage géographique, en termes de niveau d'études et de domaines d'études.

Cinquièmement, un effort de simplification. En particulier, il est prévu la refonte des bourses du Gouvernement français sous une appellation unique : « France Excellence ». Le principal objectif de ce changement de nom est de doter ces bourses d'une identité unique de marque, sur le modèle des bourses américaines Fulbright et d'améliorer ainsi la visibilité de l'offre française de bourses à travers un nom facilement compréhensible pour les anglophones.

Enfin, sixièmement, un pilotage administratif et financier visant une amélioration de l'efficience de l'opérateur.

Les objectifs figurant dans le présent COP fixent donc un cap clair pour l'opérateur jusqu'en 2025 et nous y souscrivons.

S'agissant de la partie « performance » de ce COP, celle-ci nous semble comprendre un nombre important d'indicateurs de « moyens » ou de « gestion », qui ne permettent pas de mesurer réellement l'atteinte de ces objectifs.

Ainsi, pratiquement aucun indicateur n'est prévu concernant la mise en oeuvre de la stratégie « Bienvenue en France », qui constitue pourtant le pilier de la politique d'accueil des étudiants internationaux.

De même, les objectifs contenus dans le COP en termes de provenance géographique ne sont abordés qu'à travers le prisme des actions de promotions mises en oeuvre dans les pays prioritaires.

Si cette situation n'est pas totalement satisfaisante, elle s'explique cependant par la pluralité d'acteurs intervenant dans le cadre de la politique d'accueil des étudiants étrangers dont la « valeur ajoutée » ne peut pas nécessairement être isolée.

Les résultats consolidés enregistrés par cette politique devraient théoriquement transparaître dans les documents budgétaires. Nous constatons cependant que les indicateurs figurant dans ces derniers ne permettent pas non plus de mesurer son efficacité au regard des objectifs figurant dans le COP.

Une évolution du dispositif de performance devra donc être envisagée à terme afin de permettre d'en assurer le suivi.

Je repasse la parole à Ronan Le Gleut pour des observations plus générales sur les compétences de Campus France et la politique française d'accueil des étudiants étrangers.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur. - J'aborderai tout d'abord la question des compétences de l'opérateur et leurs perspectives d'évolution.

En premier lieu, les prérogatives de Campus France nous semblent comporter, à l'heure actuelle, quelques « zones grises ». Ainsi, Campus France ne dispose d'aucun mandat pour accompagner les jeunes français de l'étranger venant étudier en France, Or cette problématique n'est par ailleurs traitée par d'autres services.

Au regard du choc administratif voire culturel que peuvent rencontrer ces jeunes, qui peuvent avoir effectué toute leur scolarité à l'étranger, un accompagnement par l'opérateur devrait être envisagé, lequel devra se traduire par une évolution de ses moyens.

Je précise à cet égard que Campus France intervient déjà auprès des étudiants de Nouvelle-Calédonie, alors que cela n'est pas prévu dans le décret de 2011 qui fixe les compétences de l'agence.

Par ailleurs, le présent COP n'évoque pas la stratégie CAP 2030, qui prévoit un doublement des effectifs d'élèves du réseau de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE), censés atteindre 700 000 élèves à l'horizon 2030. Or les élèves des établissements de l'AEFE, dont le nombre s'est élevé à près de 400 000 à la rentrée 2022 contre 377 000 l'année précédente, choisissent pour plus de la moitié d'entre- eux, une fois bacheliers, d'intégrer le supérieur français. L'augmentation attendue du nombre d'élèves scolarisés au sein du réseau de l'AEFE aura donc vraisemblablement des répercussions sur l'activité de l'opérateur.

En second lieu, si le transfert de la gestion de la plateforme « Études en France » à Campus France qui est prévu dans la cadre du COP peut constituer une mesure de simplification utile, celui-ci nécessitera une réorganisation de l'agence et un réexamen de ses moyens.

Je conclus par quelques observations générales sur la politique d'accueil des étudiants étrangers.

Selon l'Unesco, en 2020 la France occupait la 6e place des pays d'accueil alors qu'elle figurait à la 7e place l'année précédente. Cette évolution, qui peut sembler favorable, résulte en réalité d'une mesure de périmètre, la Russie ayant été retirée du classement en raison de la non-observance de la méthodologie de l'Unesco.

En effet, si le nombre d'étudiants étrangers accueillis par la France est en augmentation, il croît cependant moins vite que dans d'autres pays.

Or, à l'heure où la présence française est contestée, comme cela a pu être le cas au Mali ou au Burkina Faso au cours des derniers mois, l'accueil d'étudiants étrangers qui, de retour dans leur pays d'origine sont autant d' « ambassadeurs » de la France à travers le monde, constitue un formidable levier d'influence, qu'il convient de renforcer. À titre d'exemple, la France est le premier pays de destination des étudiants des pays d'Afrique subsaharienne, dont le nombre a dépassé celui des étudiants issus de pays d'Afrique du nord.

Le renforcement de l'attractivité de notre pays passe, comme nous l'a rappelé la directrice générale de Campus France, par un travail en profondeur sur l'amélioration des conditions d'accueil des étudiants étrangers.

Mes chers collègues, sous bénéfice de ces observations, nous vous proposons d'émettre un avis favorable sur ce contrat d'objectifs et de performance.

M. André Gattolin. - Je suis membre du conseil d'administration de Campus France. Je m'interroge sur la stratégie poursuivie avec cette politique : que souhaitons-nous faire ? Certes un objectif quantitatif est fixé, accueillir 500 000 étudiants étrangers à l'horizon 2027, et des priorités géographiques ont été définies. Mais nous ignorons le coût de cette politique et combien elle rapporte. Il y a quelques années, Olivier Cadic a soulevé le fait que le budget de l'Agence française de développement (AFD) comprenait une ligne significative destinée au financement d'une aide en faveur de l'accueil d'étudiants chinois. La présence d'étudiants chinois dans le contexte actuel de contrôle dont ils font l'objet est problématique. Je lis dans le compte-rendu de la visite d'État en Chine, que le Gouvernement veut relancer massivement l'accueil de ces étudiants. Mais quels moyens met-on derrière en termes de suivi ? Je suis favorable à ce que l'on favorise la venue d'étudiants issus de pays en développement, cela fait en effet partie de notre politique d'influence. Mais je m'interroge sur l'opportunité de cette politique lorsqu'elle concerne des étudiants venus de pays développés, alors que l'enseignement supérieur français est pratiquement gratuit. Dans le cadre de la mission d'information « Influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences », j'ai interrogé la directrice générale de Campus France sur ces sujets et je n'ai pas l'impression qu'il y ait une stratégie rodée.

La mixité des origines géographiques des étudiants est certes utile pour l'ensemble des étudiants, mais avez-vous une idée du coût budgétaire que cela représente et ce que cela rapporte, en termes de frais d'inscription par exemple, alors que certaines universités peinent à trouver des places pour une partie de nos étudiants ?

Cela résulte plus globalement de la faiblesse des moyens mis sur l'enseignement supérieur dans notre pays.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur. - Ces observations sont globales et portent sur des problématiques qui excèdent de beaucoup le champ du COP. La question de l'évaluation du coût me semble légitime. Au-delà du levier d'influence, il faut prendre en compte le fait que nous sommes confrontés à une véritable « guerre des cerveaux » à l'échelle internationale. Certains secteurs, comme l'intelligence artificielle, la cybersécurité, les biotechnologies, etc. font face à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. L'entreprise Google s'est par exemple implantée à Zurich pour attirer des cerveaux au niveau européen car elle ne trouvait plus ces compétences aux États-Unis. Il peut y avoir un intérêt réel pour nos entreprises de combler ces pénuries en formant chez nous les esprits les plus brillants.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je suis aussi au conseil d'administration de Campus France. Je comprends l'intervention d'André Gattolin mais la question qu'il soulève me semble essentiellement liée à la problématique du suivi de ces étudiants. Les étudiants chinois sont d'importants relais d'influence. Il faut simplement connaître les études qu'ils vont mener et disposer d'un droit de regard sur la sélection. 

Je pense que la question centrale est celle de l'accueil. Je soulève cette problématique pratiquement lors de chaque conseil d'administration. J'ai étudié aux États-Unis et j'ai pu constater la différence considérable entre les États-Unis, où il existe des services qui suivent les étudiants internationaux, et la France, où il n'y a bien souvent aucun suivi. Si Google s'est implantée à Zurich, ce n'est vraisemblablement pas parce qu'il n'y avait plus la ressource humaine aux États-Unis, où il existe des formations exceptionnelles, mais pour capter d'autres « cerveaux » et en priver, dans une certaine mesure, les États européens.

Des progrès ont été réalisés par Campus France dans ce domaine et les pays étrangers nous font part de leur satisfaction.

Comme les rapporteurs, j'estime qu'il faut également faire des efforts en faveur des jeunes Français du réseau de l'AEFE.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur. - La visite du centre Google de Zurich que j'évoquais à l'instant a eu lieu dans le cadre des travaux du groupe d'amitié France-Suisse. L'entreprise nous a expliqué qu'il n'y avait plus de ressource humaine aux États-Unis : toutes les grandes entreprises ont épuisé le vivier. Google a dû quitter le territoire américain pour pallier cette difficulté. Dans le centre de Zurich, il était frappant de constater que tous les Français que nous avons rencontrés étaient polytechniciens. Les autres salariés étrangers venaient par ailleurs des meilleures universités du continent.

S'agissant de l'accueil, cette problématique est évoquée dans le rapport. La stratégie Bienvenue en France a apporté des éléments de réponse, mais il convient de poursuivre cet effort et, je le répète, d'améliorer aussi l'accueil des jeunes Français établis hors de France intégrant l'enseignement supérieur français.

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