B. LE MARIAGE DES ENFANTS, UNE PERTE DE CHANCE POUR LES PAYS CONCERNÉS

1. Des conséquences négatives en termes de développement

Il est significatif que le taux de naissances chez les adolescentes 45 ( * ) fasse partie des indicateurs du développement recensés par la Banque mondiale.

Comme le souligne l' UNICEF , les « épouses-enfants » sont, du fait de leur manque de formation, vouées à travailler dans les secteurs les plus marginalisés de l'économie informelle , ce qui les expose à la fois au risque d'être exploitées et de subir des abus, tout en les maintenant dans une extrême pauvreté.

Les mariages précoces exercent en effet des effets négatifs en cascade. Les enfants nés dans ce contexte sont, en raison du faible niveau d'instruction de leurs mères, menacés de malnutrition et souvent de santé fragile. Les filles mariées trop jeunes « n'ont pas d'autres possibilités que de transmettre pauvreté, faible niveau d'instruction et problèmes de santé - dont elles sont elles-mêmes victimes - à la génération suivante », en vertu de ce que l' UNICEF appelle le « cycle intergénérationnel de la pauvreté » 46 ( * ) .

2. Le recul de l'âge du mariage et des grossesses précoces, une condition du développement économique : l'importance stratégique de l'éducation des filles

Parvenir à faire reculer l'âge du mariage des filles et à limiter les grossesses précoces est à la fois une question de justice et d'égalité et un enjeu économique pour les pays concernés.

D'après UNICEF France , plusieurs études 47 ( * ) prouvent que des investissements durables et ciblés en faveur des filles amélioreraient non seulement leur vie mais également celles des autres générations et favoriserait le développement économique.

Selon les données transmises par UNICEF France 48 ( * ) :

- chaque année supplémentaire d'éducation pour une fille serait liée à une réduction de 5 à 10 % de la mortalité infantile . Un enfant né d'une mère qui sait lire présente 50 % de plus de chances de survivre après l'âge de cinq ans ;

- chaque année d'école secondaire supplémentaire pour une fille augmenterait de 25 % en moyenne ses futurs revenus . Considérant que les femmes dépensent en général 90 % de leur revenu pour leur famille, cette hausse serait de nature à améliorer la santé et le niveau de scolarisation des enfants du foyer ;

- éviter les mariages et les grossesses précoces exercerait des conséquences positives sur la croissance économique : des recherches au Kenya, au Brésil et en Inde estiment que retarder l'âge de la première grossesse contribuerait à la hausse du PIB de ces pays (respectivement + 3,4 milliards de dollars, + 3,5 milliards et + 7,7 milliards de dollars) ;

- investir dès aujourd'hui dans l'éducation des filles bénéficierait aux PIB nationaux en augmentant la masse de travailleurs qualifiés . Si on comptait autant de jeunes femmes actives que de jeunes hommes, on atténuerait la « pénurie de compétences » 49 ( * ) , ce qui se traduirait par une accélération de la croissance économique des pays concernés.

De plus, l'amélioration du niveau d'instruction des mères permettrait également de réduire d'un tiers le fléau de la malnutrition , comme l'a souligné Paola Babos, conseillère genre du Bureau régional de l' UNICEF en Afrique centrale et occidentale ( WCAR O), lors de la table ronde du 11 octobre 2018.

Sébastien Lyon, directeur général d' UNICEF France , a pour sa part indiqué que « de nombreuses études prouvent les conséquences néfastes de la pratique du mariage précoce sur l'économie », mettant en avant le fait que l' UNICEF recourt fréquemment à cet argument dans ses plaidoyers auprès des différents acteurs. Selon lui, « le fait de considérer cette question du point de vue économique et juridique nous aide à diversifier notre argumentaire ».

De même, pour Paola Babos, « le fait d'investir dans les droits des adolescentes est un enjeu de développement socio-économique, de développement durable et un atout pour l'économie » 50 ( * ) .

En ce qui concerne plus spécifiquement la région de l'Afrique centrale et occidentale, Paola Babos a indiqué que « le fait de mettre fin au mariage des enfants et aux grossesses précoces aiderait les pays à tirer parti du dividende démographique » car « cela entraînerait une réduction de la croissance de la population estimée à 3,5 points ainsi que des gains économiques de l'ordre de 64 milliards de dollars par an ».

La délégation estime qu'il est important de relayer ces données économiques pour mettre en lumière le fait que les mariages et les grossesses précoces sont non seulement un fléau individuel qui porte atteinte aux droits des enfants - de chaque enfant -, mais aussi un frein collectif qui entrave le développement des pays concernés.


* 45 C'est-à-dire le nombre de naissances pour 1 000 filles âgées de 15 à 19 ans.

* 46 UNICEF , La situation des enfants dans le monde , p. 39.

* 47 Parmi ces études, on peut citer US aid , Global strategy to empower adolescent girls , mars 2016 ; UNFPA, State of World Population : Motherhood in Childhood - facing the challenge of adolescent , 2013.

* 48 Note transmise par UNICEF France à la délégation aux droits des femmes à l'occasion de la Journée internationale des droits des filles.

* 49 Note transmise par UNICEF France à la délégation aux droits des femmes à l'occasion de la Journée internationale des droits des filles.

* 50 Le compte rendu de cette table ronde est annexé au présent rapport.

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