Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 21/03/2024

Mme Catherine Morin-Desailly attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur l'état de la formation au numérique en France et sur la bonne application de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
Dès 2018, dans un rapport intitulé « Prendre en main notre destin numérique : l'urgence de la formation », elle avait formulé de nombreuses recommandations afin que l'ensemble des élèves, et plus largement des citoyens, soient des acteurs actifs de leur destin numérique. Ces préconisations sont en encore d'une vive actualité, à l'heure où l'internet et les réseaux sociaux sont devenus un espace de non-droit et de menaces pour les jeunes. Ils sont également les premières victimes du phénomène d'« addiction » aux écrans, contre lequel le Président de la République s'est par ailleurs engagé depuis janvier 2024.
Dans le rapport de 2018, elle avait notamment insisté sur la nécessaire « formation des formateurs » et sur le besoin de « revoir la maquette de formation en écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) afin que la littératie numérique devienne un axe structurant de la formation ». Ce besoin a été le fondement de son amendement à la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance afin que les instituts nationaux du professorat et de l'éducation « forment les étudiants et les enseignants à la maîtrise des outils et ressources numériques, à leur usage pédagogique ainsi qu'à la connaissance et à la compréhension des enjeux liés à l'écosystème numérique et à la sobriété numérique ».
Depuis l'adoption de la loi, elle a systématiquement, à l'occasion d'auditions préalables aux lois de finances, interrogé le ministre compétent pour que soit dressé un bilan de ces dispositions. Jusque maintenant, seules des réponses lacunaires ont été fournies.
Le Digital Service Act (DSA) est entré en application en février 2024. Ce règlement contraint les plateformes à atténuer les risques qu'elles représentent, y compris pour les jeunes, et permet de lutter contre les contenus illicites. L'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), autorité compétente, va sans nul doute veiller efficacement au respect du DSA.
Toutefois, la protection des jeunes en ligne et la question de leur exposition aux écrans ne peuvent être appréhendées qu'en termes de sécurité. La formation des formateurs est également une clé pour relever les défis sociaux et démocratiques que pose l'utilisation des réseaux sociaux et des outils numériques.
Aussi, elle réitère sa demande de bilan des dispositions prévues dans la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention publiée le 08/05/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/05/2024

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la question n° 1173, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur l'état de la formation du numérique en France et sur la bonne application de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

Dès 2018, dans le rapport d'information Prendre en main notre destin numérique : l'urgence de la formation, dont l'une des séries de recommandations avait pour objet : « Apprendre à se servir des écrans et apprendre à s'en passer », j'avais formulé de nombreuses propositions pour que l'ensemble des élèves, et plus largement des citoyens, soient des acteurs actifs de leur destin numérique.

Ces préconisations sont encore d'une vive actualité, à l'heure où internet et les réseaux sociaux sont devenus un espace de non-droit et de menaces pour les jeunes, qui en sont les premières victimes.

Le phénomène est tel que le Président de la République s'est engagé à limiter l'accès des jeunes aux écrans en janvier 2024.

Dans ce rapport, j'avais notamment signalé l'importance de « former les formateurs ». La douzième recommandation consistait ainsi à « revoir la maquette de formation en écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé), afin que la littératie numérique devienne un axe structurant de la formation ».

Ce besoin a été le fondement de mon amendement à la loi du 26 juillet 2019, afin que les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) « forment les étudiants et les enseignants à la maîtrise des outils et ressources numériques et à leur usage pédagogique, ainsi qu'à la connaissance et à la compréhension des enjeux liés à l'écosystème numérique et à la sobriété numérique ».

Depuis l'adoption de cette loi, à l'occasion d'auditions préalables aux lois de finances, j'ai systématiquement interrogé le ministre compétent pour que soit dressé un bilan de ces dispositions.

Jusqu'à maintenant, seules des réponses lacunaires m'ont été fournies. Le Digital Services Act (DSA), entré en application en février 2024, contraint les plateformes à atténuer les risques qu'elles représentent, y compris pour les jeunes. Il revient à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), autorité compétente, de veiller efficacement à son respect.

Toutefois, la protection des jeunes en ligne et la question de leur exposition aux écrans ne peuvent être appréhendées qu'au prisme de la sécurité.

La formation des formateurs est également une clé pour relever les défis sociaux et démocratiques que pose l'utilisation des réseaux sociaux.

L'accompagnement des jeunes est important. Aussi, je réitère ma demande d'un bilan précis des dispositions prévues par cette loi.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Catherine Morin-Desailly, je vais essayer de vous apporter la réponse la plus précise à partir des éléments que m'a transmis la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Le Gouvernement a pleinement conscience des enjeux du développement des compétences numériques. Elles constituent en effet un élément essentiel du parcours scolaire, de l'insertion professionnelle et de la vie citoyenne.

Depuis mars 2022, les acteurs de l'éducation nationale ont conduit une réflexion stratégique sur le numérique pour l'éducation, qui a conduit à l'élaboration de la stratégie numérique pour l'éducation 2023-2027.

De plus, depuis la rentrée 2023, le ministère de l'éducation nationale, avec l'Arcom, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et le Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (Clemi), a rédigé la charte pour l'éducation à la culture et la citoyenneté numériques, qui fixe les trois grands axes de ce cadre de la citoyenneté numérique. Ce document est un repère des actions du ministère et de ses déclinaisons dans les académies et les établissements.

Vous évoquez le Digital Services Act, qui concerne d'abord les plateformes grand public du numérique. Il vise en particulier les plateformes des entreprises américaines des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ou chinoises des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi).

Le ministère de l'éducation nationale, avec la stratégie nationale du numérique, s'appuie sur les plateformes souveraines et protectrices du droit des usagers, qu'il s'agisse des élèves, des personnels éducatifs ou des parents. L'application du règlement général sur la protection des données (RGPD) limite les usages avec les élèves des plateformes des Gafam.

Face aux enjeux d'éducation au numérique et de lutte contre le cyberharcèlement et afin de lutter contre les discours de haine et les contenus illicites, nous avons lancé en novembre 2022 le déploiement de l'attestation de sensibilisation aux compétences numériques à l'aide de la plateforme Pix pour les élèves de sixième.

Par ailleurs, la formation des enseignants est essentielle pour atteindre les objectifs fixés. La formation au et par le numérique constitue à ce titre une dimension obligatoire de la formation initiale des professeurs.

Enfin, dans le cadre de la loi pour une école de la confiance, les écoles peuvent mener des expérimentations pédagogiques de cinq ans portant sur l'organisation de la classe ou de l'école, l'utilisation des outils numériques ou encore la répartition des heures d'enseignement sur l'année scolaire. Ces expérimentations sont encadrées et font systématiquement l'objet d'un suivi d'évaluation par la recherche.

Le ministère de l'éducation nationale est donc pleinement engagé pour relever les défis de la formation au et par le numérique. Une approche équilibrée, progressive et sécurisée des enjeux du numérique permettra à l'école d'éduquer les futurs citoyens de demain.

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