Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - SER) publiée le 15/02/2024

Mme Corinne Féret attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur les difficultés rencontrées par les collectivités, en particulier les communes, pour s'assurer.
En effet, de plus en plus d'assureurs se retirent du marché des collectivités territoriales, augmentent brutalement les primes ou procèdent à des résiliations de contrats. Ce n'est plus tolérable.
Dans le Calvados comme ailleurs, les maires font état de difficultés croissantes concernant leurs recherches d'un prestataire d'assurance pour couvrir les risques de dommages dans leur commune. La résiliation des contrats d'assurance est bien souvent motivée par la sinistralité climatique, qui a triplé en l'espace de dix ans. Dans les années 1980, les catastrophes naturelles représentaient un milliard d'euros par an. En 2023, les assurances françaises chiffrent ce montant à dix milliards, soit un facteur 10 en 40 ans. Aussi, les émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel au cours de l'été 2023 ont largement contribué à l'aggravation de la situation, y compris pour les communes pas particulièrement touchées par ce phénomène.
En pratique, cette désaffection des assureurs pour le marché des collectivités et la hausse de leurs tarifs menacent l'équilibre budgétaire des communes. Déjà fragilisées par l'inflation et la hausse des coûts de l'énergie, beaucoup ne peuvent plus porter seules ces dépenses. C'est particulièrement vrai pour les plus petites communes, mettant en péril les activités de service public rendues.
Seules quelques polices d'assurance sont obligatoires pour les communes, comme l'assurance dite « responsabilité civile automobile » ou responsabilité civile concernant les assistantes maternelles ou encore les centres de vacances, de loisirs et groupements de jeunesse. En dehors de ces hypothèses, il n'existe aucune obligation générale d'assurance des collectivités. Par conséquent, en cas de détérioration de leurs biens, et notamment de leurs bâtiments, les réparations sont à la charge de ces dernières. Certaines grandes villes font le choix de s'auto-assurer, en intégrant le risque dans leur budget. Mais pour une petite commune rurale c'est impossible, car en cas de sinistre important, les sommes en jeu dépassent de beaucoup leurs capacités de financement.
Les collectivités sont en première ligne face aux risques climatiques et sociaux. Il convient donc de les accompagner, avec des solutions pérennes leur permettant d'assurer leurs missions face aux aléas. Ce faisant, elle lui demande les mesures que le Gouvernement entend mettre en oeuvre afin que les communes puissent s'assurer à un coût raisonnable.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 25/04/2024

Du fait de la sinistralité croissante liée notamment à la recrudescence des aléas climatiques et l'apparition de risques nouveaux (cyber-risques par exemple), certains assureurs ont quitté le marché de l'assurance des collectivités dans un contexte d'offre assurantielle réduite et marquée par des équilibres techniques difficiles à trouver pour les acteurs présents. De ce fait, un nombre croissant de collectivités rencontrent aujourd'hui de plus en plus de difficultés à s'assurer. Cette raréfaction de l'offre assurantielle pour les acheteurs publics se traduit par une pression à la hausse des primes, voire par l'absence de réponse à certains appels d'offre. En outre, pour les contrats existants, certains assureurs font application des dispositions législatives du code des assurances pour résilier les contrats ou imposer des conditions tarifaires qui peuvent être difficilement soutenables. Les dispositions législatives du code des assurances – qui priment sur les normes de nature réglementaire du code de la commande publique – autorisent en effet les assureurs à résilier de façon anticipée et unilatérale leurs contrats en cas d'aggravation du risque au titre de l'article L.113-4 du code des assurances. C'est bien cette raréfaction de l'offre assurantielle due à la recrudescence des risques auxquels sont soumis les collectivités qui rend difficile leur assurabilité et non l'application de la convention IRSI (convention d'indemnisation et de recours des sinistres immeubles) qui ne concerne qu'une partie limitée des sinistres des collectivités. Cette dernière est un accord entre les compagnies d'assurance pour faciliter la prise en charge et l'indemnisation des sinistres incendie et dégâts des eaux pour les immeubles en copropriété dont la réparation des dommages ne dépasse pas 5 000 €. Face à ces difficultés assurantielles, l'évaluation du risque et de la valeur assurée avec le plus haut degré de précision possible est, pour les collectivités, une conditionindispensablepour faciliter le dialogue avec les assureurs et accroître leurs chances d'obtenir des réponses aux appels d'offres. Par ailleurs, plutôt que de chercher une couverture totale du risque, une évaluation préalable détaillée permet d'accepter des franchises et primes en adéquation avec les réalités économiques de la collectivité et d'envisager l'auto-assurance dans certains cas. La mise en oeuvre d'une politique ambitieuse de prévention et de protection contre les risques est en outre fondamentale pour réduire le coût de l'assurance. Il existe notamment une corrélation forte entre l'existence d'un plan de prévention du risque inondation sur un territoire et la fréquence des sinistres, de la même manière que la mise en place d'un plan de prévention des inondations se traduit, en moyenne, par une réduction de 28% du coût des sinistres. A ce titre, il existe des dispositifs permettant d'accompagner les collectivités dans leurs efforts de protection contre les risques. L'Etat a ainsi porté à 225 M€, dans la loi de finances pour 2024, le budget pour 2024 alloué au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit « fonds Barnier »), qui peut être mobilisé par les collectivités pour financer des dépenses d'investissement afin de réaliser des études, des travaux ou des équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels. En outre, le Gouvernement a lancé à l'automne une mission pilotée par Alain Chrétien, maire de Vesoul et Jean-Yves Dagès, ancien assureur, afin de définir des solutions de long terme pour faciliter l'assurance des collectivités territoriales. Cette mission devra rendre son rapport avant l'été 2024. Face aux difficultés rencontrées dans l'exécution des contrats d'assurance et en particulier la crainte de la résiliation unilatérale par l'assureur, les collectivités doivent s'assurer de délimiter le plus précisément possible la notion d'« aggravation du risque » dans le contrat afin que l'assureur soit limité dans son droit à résiliation unilatérale. Elles peuvent également inclure dans le marché public des clauses encadrant l'évolution de son prix.

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