Question de M. BONHOMME François (Tarn-et-Garonne - Les Républicains-A) publiée le 18/01/2024

M. François Bonhomme attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la crise du mode assurantiel des biens et du patrimoine des communes. La multiplication des phénomènes liés au dérèglement climatique (inondations, tempêtes, sécheresse, retrait-gonflement des argiles, etc.) ainsi que les émeutes urbaines de juin 2023 mettent en lumière les risques croissants qui pèsent conjointement sur les collectivités et les acteurs de l'assurance. En raison de l'augmentation du coût d'indemnisation des sinistres, certains de ces assureurs se trouvent confrontés à des difficultés financières systémiques, tels que la SMACL, principal assureur des collectivités, qui a déjà dû procéder à deux phases de recapitalisation en moins de deux ans. Les conséquences de cette situation sont très préoccupantes pour les communes. En effet, dans le cadre du renouvellement des contrats, leurs cotisations et leurs franchises de contrats d'assurance augmentent de façon vertigineuse. De nombreuses municipalités se voient proposer de nouveaux avenants avec des niveaux de garantie beaucoup plus restrictifs ou imposer des procédures de résiliation unilatérale - pourtant incompatible avec la règle actuelle de la commande publique comme le Conseil d'État l'a rappelé dans une décision du 12 juillet 2023. Il n'est pas rare que la concurrence ne puisse même plus jouer lors du renouvellement du marché, nombre de compagnies d'assurance ne souhaitant plus répondre aux sollicitations de certaines communes. Ces dernières ont bien la possibilité juridique de s'autoassurer, mais avec des conséquences susceptibles de mettre en péril leurs finances et leurs missions d'intérêt général en cas de sinistres importants. Cette situation de crise n'apparait donc plus soutenable, tant pour les collectivités que pour les acteurs du secteur assurantiel. D'après la caisse centrale de réassurance, rien que le coût des dégâts de catastrophes naturelles devrait atteindre d'ici 2050 un coût annuel moyen de 3 milliards d'euros. Aussi, il souhaite connaître les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour garantir l'équilibre et la pérennité du dispositif assurantiel des communes.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 25/04/2024

Du fait de la sinistralité croissante liée notamment à la recrudescence des aléas climatiques et l'apparition de risques nouveaux (cyber-risques par exemple), certains assureurs ont quitté le marché de l'assurance des collectivités dans un contexte d'offre assurantielle réduite et marquée par des équilibres techniques difficiles à trouver pour les acteurs présents. De ce fait, un nombre croissant de collectivités rencontre aujourd'hui de plus en plus de difficultés à s'assurer. Cette raréfaction de l'offre assurantielle pour les acheteurs publics se traduit par une pression à la hausse des primes, voire par l'absence de réponse à certains appels d'offre. En outre, pour les contrats existants, certains assureurs font application des dispositions législatives du code des assurances pour résilier les contrats ou imposer des conditions tarifaires qui peuvent être difficilement soutenables. Les dispositions législatives du code des assurances – qui priment sur les normes de nature réglementaire du code de la commande publique – autorisent en effet les assureurs à résilier de façon anticipée et unilatérale leurs contrats en cas d'aggravation du risque au titre de l'article L.113-4 du code des assurances. Face à ces difficultés assurantielles, l'évaluation du risque et de la valeur assurée avec le plus haut degré de précision possible est, pour les collectivités, une conditionindispensablepour faciliter le dialogue avec les assureurs et accroître leurs chances d'obtenir des réponses aux appels d'offres. Par ailleurs, plutôt que de chercher une couverture totale du risque, une évaluation préalable détaillée permet d'accepter des franchises et primes en adéquation avec les réalités économiques de la collectivité et d'envisager l'auto-assurance dans certains cas. La mise en oeuvre d'une politique ambitieuse de prévention et de protection contre les risques est en outre fondamentale pour réduire le coût de l'assurance. Il existe notamment une corrélation forte entre l'existence d'un plan de prévention du risque inondation sur un territoire et la fréquence des sinistres, de la même manière que la mise en place d'un plan de prévention des inondations se traduit, en moyenne, par une réduction de 28% du coût des sinistres. A ce titre, il existe des dispositifs permettant d'accompagner les collectivités dans leurs efforts de protection contre les risques. L'Etat a ainsi porté à 225 M€, dans la loi de finances pour 2024, le budget pour 2024 alloué au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit « fonds Barnier »), qui peut être mobilisé par les collectivités pour financer des dépenses d'investissement afin de réaliser des études, des travaux ou des équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels. Face aux difficultés rencontrées dans l'exécution des contrats d'assurance et en particulier la crainte de la résiliation unilatérale par l'assureur, les collectivités doivent s'assurer de délimiter le plus précisément possible la notion d'« aggravation du risque » dans le contrat afin que l'assureur soit limité dans son droit à résiliation unilatérale. Elles peuvent également inclure dans le marché public des clauses encadrant l'évolution de son prix. En vue de se prémunir d'une résiliation unilatérale, les collectivités peuvent également inclure dans le marché public des clauses encadrant l'évolution de son prix. Dans le but d'éviter une éventuelle augmentation excessive du montant des primes en cours d'exécution du contrat, les collectivités peuvent prévoir une clause permettant de réduire les risques à garantir en cas de hausse anormale de la sinistralité ou bien encore une clause de sauvegarde permettant de résilier le contrat sans indemnité si l'augmentation de la prime dépasse un certain montant ou pourcentage. En outre, le Gouvernement a lancé à l'automne une mission pilotée par Alain Chrétien, maire de Vesoul et Jean-Yves Dagès, ancien assureur, afin de définir des solutions de long terme pour faciliter l'assurance des collectivités territoriales. Cette mission devra rendre son rapport avant l'été 2024. Sans préjuger des conclusions de cette mission, un certain nombre de pistes peuvent en effet être d'ores-et-déjà dessinées afin d'améliorer l'assurabilité des collectivités : - une meilleure prévention, notamment s'agissant des risques climatiques. On estime ainsi que la fréquence des sinistres en matière d'inondations baisse de 40 % pour les communes dotées d'un plan de prévention des risques d'inondation. Une réflexion sur l'articulation entre les initiatives publiques et les actions des assureurs sera également indispensable ; - une meilleure connaissance de la valeur assurée des biens des collectivités permettant d'améliorer l'appréhension et l'évaluation du risque auquel elles s'exposent ; - une réflexion autour du code de la commande publique, afin de rendre le recours à des services d'assurance plus souple qu'actuellement.

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