Question de M. DEMILLY Stéphane (Somme - UC) publiée le 28/12/2023

M. Stéphane Demilly attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les engagements pris lors de l'accord final de la « Conférence des Parties » COP 28 et les perspectives de la COP 29. Le 13 décembre 2023 au matin, après deux semaines de négociations, les 200 pays de la COP 28 de Dubaï ont trouvé un accord.
Adopté à l'unanimité, il mentionne pour la première fois l'objectif d'une « transition hors des énergies fossiles ». Toutefois, aucune date de sortie définitive n'est précisée, aucun objectif chiffré n'est mentionné, aucun moyen n'est prévu pour accompagner les pays qui en ont le plus besoin. De plus, les Émirats arabes unis prévoient d'investir 150 milliards de dollars d'ici 2027 pour accroître leur capacité de production de pétrole et de gaz...
D'autre part, la COP 29 se tiendra l'année prochaine en Azerbaïdjan, un pays dont l'économie dépend à 90 % du pétrole et du gaz ! Autant dire que nous cultivons les paradoxes... Enfin, n'oublions pas que les autorités de Bakou sont unanimement condamnées par la communauté internationale, suite à leur coup de force militaire en Arménie ayant provoqué un exode massif de près de 80 % de la population du Haut-Karabakh.
Il souhaite donc connaître d'une part, l'avis du Gouvernement sur l'accord issu de la COP28, d'autre part, la position de la France quant au choix du lieu de la COP29.

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Transmise au Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires


Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 09/05/2024

Depuis 2015 et l'adoption de l'accord de Paris à la COP21, la lutte contre le réchauffement climatique est au centre de l'action multilatérale. Pour atteindre l'objectif de limitation à 1,5°C du réchauffement climatique de l'accord de Paris, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) indique que les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent atteindre un pic avant 2025 et être réduites de 43 % d'ici 2030 et de 60 % d'ici 2035, par rapport à 2019. Alors qu'en 2021 les émissions mondiales de CO2 provenant de la combustion d'énergies fossiles ont connu un rebond historique de + 6 %, pour atteindre 36,3 Gt selon l'Agence internationale de l'énergie, et que les énergies fossiles représentent encore 80% des sources d'énergie, leur réduction est plus que jamais urgente. La transformation du secteur énergétique constitue dès lors un levier d'action particulièrement prioritaire. L'amélioration de l'efficacité énergétique, le développement des énergies décarbonées et le renforcement de la sobriété énergétique sont des moyens concrets de mettre en oeuvre cette transition énergétique. Un récent rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), paru en novembre 2023, montre bien l'effet de l'accord de Paris sur les politiques climatiques internationales et la baisse des émissions : sans adoption de cet accord, celles-ci auraient augmentées de +16 % entre 2015 et 2030, tandis que la projection actuelle limite cette augmentation à +3 %. Cela n'est cependant pas suffisant pour atteindre l'objectif de température précité, puisque si les politiques climatiques nationales contenues dans les contributions déterminées au niveau national (CDN) étaient entièrement mises en oeuvre, le réchauffement atteindrait +2,5°C. Il est donc impératif que les pays fassent preuve de plus d'ambition, notamment lors du prochain cycle de soumission des CDN, qui aura lieu l'année prochaine, dans la perspective de la COP30. La France porte donc dès à présent ce message de relèvement de l'ambition climatique auprès de ses partenaires et interlocuteurs. Dans cette optique, la décision sur le premier bilan mondial de l'accord de Paris, prise lors de la COP28, est déterminante pour servir de base solide à ce relèvement de l'ambition climatique, et particulièrement son paragraphe 28 traitant de l'énergie. Pour la première fois de l'histoire du multilatéralisme climatique, les énergies fossiles sont mentionnées, et de manière forte, puisque la décision appelle les pays à effectuer une sortie progressive de celles-ci dans les systèmes énergétiques (c'est-à-dire les industries manufacturières et de construction, l'énergie, les transports, le bâtiment résidentiel et tertiaire), de manière à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. De plus, la place de la science est confortée par cette décision, les trajectoires du GIEC étant reprises sans réserve. Enfin, les pays sont invités à réduire substantiellement les émissions de gaz non-CO2, en particulier le méthane. Les autres dimensions de la transition énergétique sont également prises en compte puisque les pays se sont engagés à tripler les capacités d'énergies renouvelables à et doubler le taux annuel moyen d'amélioration de l'efficacité énergétique d'ici 2030. En revanche, et malgré une action diplomatique continue notamment de la France et de l'Union européenne, une position consensuelle sur la sortie du charbon ou la fin des subventions aux énergies fossiles n'a pas été trouvée lors de cette conférence. La COP28 a cependant permis le lancement de plusieurs initiatives, comme celle portée par le Président de la République pour accélérer la sortie du charbon, via le prisme du financement : faciliter l'accès au financement innovant public et privé, mieux évaluer les risques financiers liés aux investissements privés dans les centrales à charbon, soutenir le financement des énergies renouvelables. Le Coal Transition Accelerator a rassemblé des membres du G7 (États-Unis, Royaume-Uni, Canada) et des pays d'Asie fortement dépendant du charbon (Viêtnam, Malaisie). De plus, par défaut de consensus sur le sujet, de nombreuses coalitions déjà existantes ayant comme objectif la sortie des énergies fossiles ont également été à l'initiative, contribuant à mettre l'attention sur la question de la sortie des énergies fossiles : ainsi, la Beyond Oil and Gas Alliance (BOGA) dont la France est l'un des membres fondateurs, est la seule alliance dirigée par des gouvernements et réunissant des producteurs de pétrole et de gaz et des pays consommateurs pour discuter de ce à quoi pourrait ressembler une transition ordonnée et juste de la production hydrocarbure. C'est une alliance qui encourage aussi l'échange de bonnes pratiques et le retour d'expérience entre gouvernements membres. Elle a ainsi permis la création d'une communauté internationale de bonnes pratiques et conduit à la mise en place d'un fond, afin de faciliter la collaboration transfrontalière. Sur le sujet plus spécifique du charbon, la Powering Past Coal Alliance (PPCA), qui compte 178 membres (dont 9 annoncés à la COP28 et parmi lesquels les États-Unis et les Émirats arabes unis), est la première et unique coalition mondiale de gouvernements nationaux et infranationaux et d'organisations du secteur privé qui s'efforcent de faire progresser la transition vers l'abandon de la production d'électricité à partir du charbon. La PPCA vise à obtenir des engagements de la part des gouvernements et du secteur privé en vue de l'abandon progressif de la production d'électricité à partir de charbon, à encourager un moratoire mondial sur la construction de nouvelles centrales électriques au charbon, à réorienter les investissements du charbon vers les énergies propres, notamment en s'efforçant de restreindre le financement des projets de centrales au charbon, et à réaliser l'élimination progressive du charbon d'une manière durable et économique. Au regard du choix de présidence de la prochaine COP, comme prévu par le règlement de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), celle-ci s'organise selon une rotation entre les cinq groupes régionaux des Nations unies. Il revenait au groupe Europe centrale et orientale de désigner un pays pour la présidence de la COP29. Un accord a été trouvé lors de la COP28 au sein de ce groupe et cette décision a ensuite été entérinée par l'ensemble des Parties, comme l'usage le veut. Il est donc pris note du choix de l'Azerbaïdjan pour accueillir la prochaine COP29. C'est un choix qui l'engage. Le pays hôte doit montrer l'exemple. En tant que présidence désignée de la COP29, il lui revient notamment d'appuyer la mise en oeuvre des engagements pris à la COP28, notamment en matière de sortie progressive des énergies fossiles.

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