Question de M. BILHAC Christian (Hérault - RDSE) publiée le 16/12/2021

M. Christian Bilhac attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le protocole d'abattage total des troupeaux de bétail atteints de brucellose.
Si l'un des individus du cheptel est atteint par cette maladie, la règlementation actuelle prévoit l'abattage total du troupeau, dans les quarante jours qui suivent, ainsi que la désinfection totale des lieux suivie d'un vide sanitaire de deux mois.
Le traumatisme frappant l'exploitant agricole devant abattre l'intégralité de son troupeau est immense et disproportionné, à la fois sur le plan économique, sur le plan sanitaire mais aussi sur le plan affectif. Le travail d'élevage repose sur le vivant. La relation quotidienne entre l'humain et les animaux crée des liens d'attachement très spécifiques, encore plus sensibles dans les exploitations agricoles familiales à taille humaine. En outre, les aides financières versées aux éleveurs concernés sont loin de compenser le préjudice subi dans sa globalité.
S'il est impératif d'assurer le respect du principe de précaution en matière de sécurité sanitaire, pour toute zoonose qui risquerait de se propager à l'être humain, les mesures radicales préconisées pour les atteintes par la brucellose semblent disproportionnées. La transmission à l'homme, principalement par la consommation de produits au lait cru ou par contact avec les animaux, s'avère très rare et dans 95% des cas, cette maladie se guérit spontanément.
Or les méthodes de dépistage de la maladie se sont considérablement améliorées depuis l'instauration en 1975 de l'obligation d'abattage total du cheptel en cas d'atteinte d'un individu du troupeau. Aujourd'hui, les dépistages sérologiques sanguins permettent de connaître la prévalence exacte des cas infectés et de cibler très précisément les individus touchés.
Les scientifiques suggèrent de préférer des méthodes d'observation du reste du troupeau, visant à vérifier la sérologie du cheptel, plutôt que le recours à l'abattage de l'effectif complet, la pasteurisation du lait durant cette période garantissant la sécurité des consommateurs.
Comme c'est le cas pour la tuberculose depuis 2015, il est urgent de prévoir des dérogations à l'abattage total, demande d'autant plus justifiée que la brucellose, maladie réglementée, ne peut pas être apparentée à des maladies mortelles comme celle de Creutzfeldt-Jakob dite de la vache folle.
C'est pourquoi il lui demande d'une part, de mettre fin à l'obligation d'abattage total du troupeau en cas d'atteinte par la brucellose, pratique d'une autre époque et d'autre part, d'instaurer un protocole alternatif, respectueux du vivant et du travail des éleveurs dans les exploitations agricoles à dimension familiale et non industrielle, comme celles de nos territoires ruraux.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 17/02/2022

Historiquement, la gestion des foyers de brucellose bovine par abattage total a permis l'obtention et le maintien du statut indemne de brucellose bovine de la France depuis 2005, à l'issue d'une lutte collective, de l'ensemble des acteurs de la filière bovine et de l'État. Ce statut indemne a permis à la France d'alléger de façon très conséquente la prophylaxie sur l'ensemble des cheptels français ainsi que les garanties commerciales dans le cadre des échanges intracommunautaires d'animaux vivants. Les éleveurs ont ainsi pu bénéficier d'allègements financiers conséquents. Dans le cas d'un foyer de brucellose bovine, infection à Brucella melitensis, B. abortus ou B. suis, l'abattage sélectif, qui correspond à l'abattage partiel d'une fraction du cheptel reconnu infecté, ne peut pas être envisagé en raison des risques sanitaires, zoonotiques et économiques, qu'il fait encourir au niveau individuel et collectif. En effet, la brucellose bovine est une maladie très contagieuse. Tout bovin infecté, malade ou apparemment sain, constitue une source potentielle de Brucella et peut rester contagieux durant toute son existence car la bactérie peut rester présente dans l'organisme des animaux sans induire de réponse immunitaire. L'infection peut demeurer silencieuse durant plusieurs mois, voire plusieurs années, et se réactiver. C'est ainsi que les analyses effectuées en 2012 dans le cadre de l'abattage des animaux d'un élevage infecté, pourtant négatifs sur le plan immunitaire, a permis de déceler la présence de la bactérie. Par ailleurs, la brucellose bovine est particulièrement difficile à détecter. Les tests existants sont imparfaits et peuvent conduire à des résultats faussement négatifs. C'est pourquoi le nombre d'analyses réalisées pour poser un diagnostic est élevé. En effet, la réponse sérologique qui permet de détecter en routine les bovins infectés est très tardive : entre 30 jours et 3 à 6 mois après l'infection, et parfois uniquement présente après la première mise-bas. Après contamination, un bovin peut être porteur de la bactérie, sans symptômes et sans réaction immunitaire, quasi impossible à détecter. En conséquence, les analyses de dépistage et de diagnostic de la brucellose s'interprètent à l'échelle du troupeau et non à l'échelle individuelle : un seul bovin reconnu infecté permet de déclarer un cheptel infecté. Notons qu'à ce jour aucune méthode sérologique ne permet de déterminer avec exactitude la prévalence de la maladie dans un cheptel infecté. De plus, les symptômes cliniques de la brucellose sont très inconstants et les formes inapparentes sont fréquentes. Des bovins porteurs de Brucella et très contagieux peuvent être cliniquement sains. La brucellose bovine se transmet par ailleurs de différentes manières : transmission verticale in utero et horizontale directe et indirecte (matériel souillé, contamination des locaux, des pâtures). En outre, la brucellose est une maladie zoonotique, transmissible à l'homme. Non traitée, la brucellose chez l'homme peut devenir chronique et être responsable d'une atteinte invalidante (articulations, système nerveux central) ou de stérilité. Le risque de transmission est important pour les personnes en contact avec les animaux. Seul l'abattage total permet la maîtrise effective du risque zoonotique. Par conséquent, seul l'abattage total est efficace pour éviter tout risque de résurgence et de diffusion à partir d'un foyer bovin. En effet, l'abattage sélectif conduirait à maintenir des bovins potentiellement porteurs et contagieux pour l'ensemble du troupeau, y compris pour l'homme et les autres animaux domestiques. C'est la raison pour laquelle l'abattage total en cas de détection d'un foyer de brucellose bovine est une exigence réglementaire française (arrêté du 22 avril 2008) et européenne (règlement (UE) 2016/429 et règlement déléguée (UE) 2020/689). En dépit de l'apparition d'un foyer de brucellose, l'abattage total permet le maintien du statut indemne à l'échelle nationale. La perte du statut aurait des conséquences économiques dramatiques pour la filière bovine française, puisque la France ne pourrait plus, en l'absence de test préalable, exporter vers des pays tiers ou échanger au sein de l'Union européenne des bovins. Il serait par ailleurs nécessaire de renforcer la prophylaxie des animaux, à la charge des éleveurs, pour recouvrer, au bout de 3 ans, le statut indemne national. En définitive, en raison de la forte contagiosité de la maladie, de la durée d'incubation longue, de la fréquence importante de formes inapparentes de la maladie, des limites de détection, voire l'impossibilité de dépister les animaux contaminés au sein d'un foyer, et du risque de transmission à l'homme, l'abattage total est l'unique solution pour préserver le statut sanitaire français, maintenir la performance économique de la filière laitière et plus largement de l'ensemble de la filière bovine française.

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