Question de M. MARCHAND Frédéric (Nord - RDPI) publiée le 02/12/2021

Question posée en séance publique le 01/12/2021

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Frédéric Marchand. Monsieur le ministre de l'intérieur, la tragédie qui a conduit, il y a une semaine, à la mort par noyade dans la Manche de vingt-sept migrants rappelle cruellement que des milliers de personnes essaient, au péril de leur vie, de traverser ce bras de mer pour rejoindre le Royaume-Uni.

Qu'importe si les barrières sont toujours plus nombreuses à Calais, son port et aux abords du tunnel sous la Manche, rien n'entame la détermination des candidats au départ, qui connaissent pourtant les dangers de la traversée sur ces canots pneumatiques de fortune appelés small boats, devenus la marque de fabrique de passeurs faisant commerce de la désespérance humaine.

La question migratoire est une question ô combien sensible. Ce drame a légitimement suscité une vive émotion que, tous ici, nous partageons. Je veux avoir en cet instant une pensée pour toutes ces vies brisées.

Pour autant, il ne s'agit ni de se convertir aux thèses par trop nauséabondes de l'extrême droite, ni de recourir à certains simplismes démagogiques électoralistes comme ceux qui consisteraient à remettre en cause les accords du Touquet, ni de basculer dans l'angélisme béat.

Bien au contraire, il s'agit de montrer que c'est le chemin qui combine humanité, responsabilité et coopération européenne qui est la seule voie de passage. Ce chemin, vous nous l'avez rappelé, monsieur le ministre, c'est celui que notre pays, la France, a décidé d'emprunter.

Oui, il faut faire face à cette situation de manière raisonnée, soit tout l'opposé de la réaction du Premier ministre Boris Johnson, inacceptable sur la forme et inique sur le fond.

Il s'agit d'abord de lutter plus efficacement contre les réseaux criminels de passeurs, qui profitent des populations migrantes vulnérables, les exposant à des traversées maritimes périlleuses vers le Royaume-Uni.

Il s'agit également de renforcer la coopération opérationnelle, non seulement sur les côtes de la Manche et de la mer du Nord, mais également plus en amont en Europe et dans les pays d'origine et de transit.

Enfin, la question fondamentale du partage des demandeurs d'asile entre l'Union européenne – la France en particulier – et le Royaume-Uni doit être mise sur la table.

Je pense donc profondément nécessaire la coopération européenne.

À ce titre, je salue votre initiative d'avoir réuni très rapidement vos homologues européens.

À l'issue de cette rencontre avec vos homologues et de la réunion, lundi, du Conseil de défense et de sécurité nationale, pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les engagements pris pour lutter toujours plus contre ce trafic insupportable de migrants et pour éviter que des drames humains ne se reproduisent ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 02/12/2021

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2021

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Marchand, deux types d'actions doivent être entreprises à la suite des décisions prises par le Conseil de défense.

D'abord, c'est de lutter contre les criminels que sont les passeurs. Nous en avons interpellé 1 400 depuis le 1er janvier dernier, mais nous savons qu'ils sont plus nombreux, basés dans divers pays – Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Angleterre –, qu'ils se jouent des circuits financiers, des nationalités et des législations pour l'achat de bateaux. Nous devons absolument mieux coopérer. C'est ce que nous avons fait dimanche à Calais : pour la première fois, les ministres de l'intérieur se sont réunis sur cette question, qui sera à l'ordre du jour, sur la demande de la France, du Conseil des ministres de l'intérieur et de la justice du 9 décembre prochain à Bruxelles.

Nous avons augmenté le nombre d'effectifs de policiers, de gendarmes et d'agents de Bercy, de la diplomatie et de la magistrature qui nous aident dans un office particulier, anti-passeurs, que nous avons créé. Nous allons doubler ses effectifs d'ici à l'année prochaine. Ce soir même, à dix-neuf heures, le Premier ministre présidera une réunion à ce sujet.

Ensuite, nous devons absolument mettre fin à l'attractivité de la Grande-Bretagne, et j'ai largement développé ce point en répondant précédemment à votre collègue.

La principale difficulté, monsieur le sénateur, c'est qu'aujourd'hui, si la Grande-Bretagne profite en partie des immigrés clandestins – ces migrants qui fuient la misère et veulent absolument aller en Angleterre –, c'est parce que ceux-ci n'ont pas d'accès légal à cette île de Grande-Bretagne.

Remettre en cause les accords du Touquet n'aurait pas d'intérêt. Certes, on peut les renégocier, ce n'est pas un mantra ! Mais il faut savoir qu'ils ont été discutés au moment où les migrants clandestins passaient par le port et le tunnel. Or ce n'est plus le cas ! Nous avons sécurisé le port et le tunnel, et aujourd'hui c'est par des bateaux, des small boats, que les migrants vont en Angleterre.

Les accords du Touquet règlent la question des immigrés légaux, mais pas la question des small boats. Comme le Premier ministre l'a écrit à Boris Johnson, il nous faut un accord entre l'Union européenne et la Grande-Bretagne, un sujet que le Président de la République mettra à l'ordre du jour de la présidence française de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

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