Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - SER) publiée le 06/05/2021

Mme Corinne Féret attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le décalage existant entre l'étiquetage nutritionnel mis en place en France, le nutri-score, qui vise à faciliter l'information du consommateur sur la qualité nutritionnelle des produits, et l'ADN même des 4 fromages de Normandie sous appellation d'origine protégée (AOP), que sont le camembert de Normandie, le Pont-L'Évêque, le Livarot et le Neufchâtel.
La filière de ces 4 fromages, composante du patrimoine gastronomique français, représente 10 321 tonnes produites en 2020. Ce sont près de 492 exploitations agricoles et 43 fromageries, certaines installées dans le Calvados, qui sont engagées en AOP pour fabriquer l'excellence, et plus de 1 800 emplois directs ancrés sur le territoire normand. Rappelons que ces fromages sont reconnus au niveau européen comme des produits de qualité, issus de savoir-faire traditionnels. Toutes les étapes de production ont lieu dans l'aire géographique délimitée de l'appellation, de la production du lait jusqu'à l'affinage des fromages.
Actuellement, le nutri-score classe les 4 fromages AOP de Normandie en notes D ou E, là où certains aliments industriels ultra-transformés obtiennent de meilleures notes. Il donne donc une image erronée de ces produits, ceci pour plusieurs raisons. Tout d'abord, dans le mode de calcul du nutri-score, les teneurs en protéines des fromages sont corrélées à leur teneur en calcium, mais l'étiquetage nutritionnel ne l'exprime pas, car les points positifs sont attribués pour des valeurs de protéines allant jusqu'à 8 g pour 100 g, d'où les notes D et E obtenues. Ensuite, les fromages sont consommés généralement en fin de repas et en quantité raisonnable. Or, le nutri-score est calculé sur une base de 100g de produit, bien qu'il soit rare que la consommation journalière de fromage dépasse les 100g. En France, la consommation moyenne de fromage est de 35g par jour (source : conseil national des appellations d'origine laitières (CNAOL)).
Il est également utile de rappeler que, conformément à la loi n° 2018 938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite EGalim), la restauration collective devra proposer 50 % de produits de qualité et durables au 1er janvier 2022. L'ensemble des fromages AOP y contribuent déjà, ce qui démontre, là encore, combien le nutri-score donne une information contradictoire, ici avec les attendus d'une loi mettant en avant les productions de qualité, sous AOP et indication géographique protégée (IGP) notamment.
Cet étiquetage limite donc l'information à une simple composition nutritionnelle, sans prendre en compte les caractéristiques des produits laitiers comme les fromages AOP de Normandie, fabriqués à partir d'une liste d'ingrédients simples : lait, présure, ferments et sels, sans additifs ni nanomatériaux. Il ne prend pas non plus en considération les conditions de production consignées dans un cahier des charges strict et transparent, validé par l'État et la Commission européenne. Celles ci sont pourtant l'expression d'un savoir-faire ancestral et unique sur une zone géographique donnée.
À l'heure où la consommation de produits locaux et de qualité doit être une priorité, cette situation crée de la confusion chez les consommateurs et pourrait avoir des conséquences considérables pour les filières et les économies associées. Au-delà des 4 fromages AOP de Normandie, ce sont de nombreux savoir-faire et terroirs qui pourraient être en danger. C'est pourquoi, elle lui demande d'exempter les fromages AOP de Normandie de la notation pénalisante du nutri-score.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 15/07/2021

Le Nutri-score est le dispositif que les pouvoirs publics français ont choisi de recommander à l'issue d'une démarche scientifique, innovante, inclusive et fondée sur le dialogue avec les parties prenantes. Ce logo fournit au consommateur, sur la face visible des emballages alimentaires, une information lisible et facilement compréhensible sur la qualité nutritionnelle globale des produits, au moment où il fait ses courses. Il peut ainsi comparer les produits et orienter ses choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle. Fondée par l'arrêté du 31 octobre 2017, la démarche d'engagement en faveur du Nutri-score est volontaire, en conformité avec le droit européen. Le Nutri-score est largement déployé par les professionnels de l'alimentation et plébiscité par les français. En juillet 2020, 415 entreprises étaient engagées dans la démarche Nutri-score en France, dont les parts de marché représentent environ 50 % des volumes de vente. Désormais, ce sont près de 500 entreprises qui se sont engagées en faveur du logo. De même, près de 94 % des français ont déclaré être favorables à sa présence sur les emballages. Enfin, plus d'un français sur deux déclare avoir changé au moins une habitude d'achat grâce au Nutri-score. De nombreux travaux scientifiques ont permis de montrer que le Nutri-score était un outil efficace pour discriminer la qualité nutritionnelle des denrées alimentaires, de manière cohérente avec les recommandations alimentaires, en France mais également dans de nombreux pays européens. Le Nutri-score et les signes de l'origine et de la qualité (SIQO) répondent à des objectifs différents. Les SIQO constituent une « garantie » pour les consommateurs en termes de qualité, de savoir-faire, de protection de l'environnement, d'origine et de terroir, quand le Nutri-score informe le consommateur sur la qualité nutritionnelle des produits transformés, et permet de comparer les produits entre eux. Les fromages font déjà l'objet d'une adaptation dans le calcul du Nutri-score, pour prendre en compte leur teneur élevée en calcium. Si les fromages sont classés pour la majorité en D et parfois en E, ceci s'explique par le fait qu'ils contiennent des quantités non négligeables de graisses saturées et de sel et sont également caloriques. Mais, comme tous les produits classés D ou E avec le Nutri-score, les fromages peuvent parfaitement être consommés dans le cadre d'une alimentation équilibrée. Informer les consommateurs sur la réalité de la qualité nutritionnelle de ces aliments n'exclut pas de les consommer mais en quantités et/ou fréquences conformes aux recommandations nutritionnelles du programme national nutrition santé (deux produits laitiers par jour pour les adultes, trois produits laitiers pour les enfants), ce qui est totalement en cohérence avec la signification de leur classement sur l'échelle du Nutri-score. Des évolutions du mode de calcul du Nutri-score sont néanmoins possibles ainsi, sept pays sont désormais engagés en faveur du Nutri-score : la France, la Belgique, l'Espagne, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Une gouvernance a été mise en place entre ces pays, comprenant notamment un comité scientifique. Ce comité, composé d'experts scientifiques indépendants, s'est réuni pour la première fois le 12 février 2021 et aura pour mission d'évaluer la pertinence scientifique des propositions d'évolution du mode de calcul du Nutri-score. La France soutiendra les évolutions dans ce cadre. La Commission européenne prévoit par ailleurs, dans sa stratégie « de la ferme à l'assiette », publiée en mai 2020, une proposition législative d'étiquetage nutritionnel en face avant, harmonisé et obligatoire, pour le 4e trimestre 2022. Dans ce cadre, le Gouvernement souhaite que le Nutri-score soit le dispositif retenu. Enfin consciente que le système doit prendre en compte des spécificités liées aux produits comme les fromages, la France portera des propositions dans un cadre européen afin que l'algorithme du Nutri-score et les critères utilisés tiennent compte de ces spécificités.

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