Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 14/01/2021

Question posée en séance publique le 13/01/2021

M. le président. En saluant nos collègues nombreux dans les tribunes du public et dans la tribune d'honneur, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, l'épidémie qui nous frappe si durement depuis presque un an aujourd'hui nous impose humilité et responsabilité : humilité devant un virus évolutif, qui nous oblige à nous adapter en permanence ; responsabilité pour soutenir les politiques sanitaires, tant qu'elles nous sont présentées sur la base d'informations objectives, même quand elles sont dures pour nos concitoyens.

C'est donc en responsabilité que nous devons envisager la campagne vaccinale, qui est notre principal espoir pour maîtriser cette épidémie. Dès le mois de novembre, ici même, nous appelions le Gouvernement à mettre en place rapidement un plan clair, net et précis de vaccination. Ce n'était pas de la polémique, mais un appel à la prise en compte par l'exécutif d'une urgence absolue, dans l'esprit des conclusions du conseil scientifique rendu le 9 juillet 2020.

Vous étiez rassurant, nous affirmant que vous étiez dans l'action, alors que, quelques semaines plus tard, vous n'avez été que dans la réaction.

C'est le dos au mur que vous avez réagi, après que la polémique a justement été déclenchée par le Président de la République lui-même. Ce retard a un coût économique, social et humain considérable. Ce manque d'anticipation, associé à une stratégie assumée de la lenteur, à laquelle vous avez heureusement renoncé, doit s'effacer au profit d'une mobilisation générale qui tarde à venir.

Il faut associer plus étroitement les élus locaux et faire confiance à l'intelligence des territoires, plutôt qu'à des cabinets de consultants privés. Les centres de vaccination devraient être en place ; ils sont encore en déploiement. Le calendrier vaccinal devrait être arrêté ; il comporte encore des incohérences. Une campagne de communication devrait être lancée ; elle n'est pas à l'état de projet.

Je ne mets pas en doute votre bonne volonté, monsieur le Premier ministre, mais je m'inquiète de l'efficacité de vos choix.

Monsieur le Premier ministre, comment allez-vous rattraper votre manque d'anticipation pour gagner la course contre la montre qui s'est engagée face aux différentes mutations du virus ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)


Réponse du Premier ministre publiée le 14/01/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/01/2021

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, je répondrai tout d'abord bien volontiers aux vœux de bonne et heureuse année que vous avez bien voulu présenter au Gouvernement de la République dans cette année si importante et si particulière.

Je voudrais à mon tour vous adresser, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en mon nom personnel et au nom du Gouvernement, tous nos vœux pour la Haute Assemblée et pour la France, dans une période qui est effectivement, et depuis plusieurs mois, extrêmement complexe.

Monsieur le président Kanner, je vous remercie de votre question qui porte sur la stratégie vaccinale et, plus généralement, comme la question de Mme la sénatrice Cohen, sur la stratégie que nous employons depuis plusieurs mois pour faire face à cette pandémie.

Je voudrais tout d'abord élargir mon propos, en me reportant à la question précédemment posée sur ce sujet. Mesdames, messieurs les sénateurs, la France, et il faut s'en réjouir, n'a pas à rougir de sa stratégie globale de lutte contre cette pandémie. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Après l'échec de la stratégie de tests, répète Mme Cohen – c'est une sorte de disque –, voici venu l'échec de la stratégie de vaccination.

Mme Sabine Van Heghe. Et vous oubliez les masques !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, où en est la stratégie de tests ? Faites une enquête comparative avec tous les autres États européens, nous y sommes prêts ! (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Non qu'il n'y ait pas eu de difficultés, comme il y en a eu partout. Mais la vérité, c'est que, aujourd'hui, la France est parmi les pays d'Europe qui testent le plus et le mieux.

M. Olivier Paccaud. Bref, nous sommes toujours les meilleurs !

M. Jean Castex, Premier ministre. Pas moins de 84 % des résultats des tests sont obtenus en moins de 24 heures. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Quant aux résultats de notre politique, contre laquelle le Sénat avait voté lorsque je l'avais sollicité pour le deuxième confinement, avec beaucoup d'humilité, cher président Kanner, mais avec assurance, dois-je vous rappeler que nous avons aujourd'hui le taux d'incidence parmi les plus bas d'Europe et le taux de positivité des tests – c'est sans doute un meilleur indicateur –, parmi les moins élevés d'Europe ? Ce sont des faits !

Nous avons confiné, certes sans l'accord du Sénat, avant les autres, et nous en avons tiré bénéfice, tout en préservant Noël et l'activité au mois de décembre ; vous le verrez, mesdames, messieurs les sénateurs, quand les chiffres de l'activité économique du dernier trimestre seront connus.

Je ne vous demande pas de cesser de critiquer et de contrôler le Gouvernement – c'est votre rôle –, mais ne nous autoflagellons pas !

M. Olivier Paccaud. L'autosatisfaction, cela suffit !

M. Jean Castex, Premier ministre. Non, monsieur le sénateur, ce n'est pas de l'autosatisfaction : ce sont des faits !

Ce n'est pas moi, ce sont les Françaises et les Français qui ont fait les efforts nécessaires, comme nous l'avions demandé, entre Noël et jour de l'an, qui en sont largement responsables.

M. Olivier Paccaud. Bref, tout va bien !

M. Jean Castex, Premier ministre. Non, tout ne va pas bien, mais dans quels pays est-ce le cas ? Vous voudrez bien nous les indiquer, et nous nous y rendrons.

M. Jean-François Husson. En Israël, on vaccine bien plus vite !

M. Laurent Duplomb. Expliquez cela aux restaurateurs !

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous menons une action déterminée contre cette crise sanitaire. Il est vrai que les drames sont considérables, les dégâts tout autant, mais, à un moment donné, calmons le jeu ! Je rappelle que je suis ici dans la Chambre de la sérénité… (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Laurence Rossignol. Répondez à M. Kanner !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je ferai la même réponse, monsieur le président Kanner, s'agissant de la vaccination. La stratégie vaccinale vous a été présentée dans cet hémicycle. Étant cas contact, je n'ai pu venir moi-même, mais j'étais avantageusement représenté par le ministre de la santé.

Cette stratégie vaccinale n'a pas changé, vous la connaissez parfaitement et vous l'approuvez. Elle consiste, suivant les recommandations de la Haute Autorité de santé, comme dans la plupart des pays, à rendre prioritaires les personnes les plus vulnérables au virus qui, si elles le contractent, sont susceptibles de développer les formes les plus graves, d'être hospitalisées ou admises dans les services de réanimation.

Vous savez combien ceux-ci ont joué un rôle majeur dans la lutte contre cette pandémie, avec tous les professionnels qui les composent et qui, depuis le mois de mars dernier, sont toujours présents. Là aussi, en termes comparatifs, soyons fiers de nos établissements de soins, soyons fiers de tous les personnels, quels qu'ils soient !

Nous avons commencé par le plus difficile, à savoir les résidents des Ehpad, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, et des USLD, les unités de soins de longue durée.

M. Laurent Duplomb. Avec un document de 45 pages !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je connais votre expérience locale, mesdames, messieurs les sénateurs, et vous savez très bien qu'il faut prendre des précautions pour recueillir leur consentement.

Ne cherchez pas à juger immédiatement une stratégie vaccinale qui va prendre plusieurs mois. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, en France comme ailleurs, il est impossible de juger un match de 90 minutes à la deuxième seconde. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Notre stratégie vaccinale va se déployer ; elle monte en charge. Oui, monsieur le président Kanner, elle fait appel aux territoires. Simplement, vous en connaissez les contraintes. Nous avons des délais de livraison, correspondant aux commandes, et des vaccins qui ne peuvent pas, comme nous le souhaiterions, être déployés dans les pharmacies par tous les professionnels de santé, compte tenu notamment de leurs conditions de conservation. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Jean-François Husson. Et comment fait l'Allemagne ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Les choses se font dans l'ordre, sur tous les territoires, en impliquant les acteurs locaux.

L'enjeu, et vous le savez, parce que c'est une spécificité de la France, est de susciter l'adhésion d'un maximum de nos concitoyens, qui n'est pas acquise. Je constate d'ailleurs, semaine après semaine, que cette adhésion s'accroît, et c'est tant mieux.

Nous allons, conformément à notre calendrier, que nous avons effectivement accéléré à la demande du Président de la République, ouvrir cette vaccination à partir de lundi prochain aux personnes âgées de plus de 75 ans.

M. Jean-François Husson. C'est ce que nous vous demandions de faire depuis le début !

M. Jean Castex, Premier ministre. L'honnêteté commande de vous dire que cette vaccination de 5 millions de personnes prendra plusieurs semaines. Il est donc inutile de nous interpeller dès la première semaine. (Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

J'ai toujours dit la vérité, y compris quand il s'agissait de prendre des mesures difficiles, que vous n'avez pas approuvées. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de l'anticipation : des vaccins stockés et non injectés, c'est du reconfinement assuré, avec ses dramatiques problèmes sociaux et économiques.

Mme Sylvie Robert. Eh oui !

M. Patrick Kanner. Le 9 janvier dernier, à Tarbes, vous disiez, et vous aviez raison, qu'une politique sanitaire est une politique d'État.

Monsieur le Premier ministre, votre responsabilité est immense devant les Français. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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