Question de M. KERN Claude (Bas-Rhin - UC) publiée le 12/12/2019

M. Claude Kern attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'accompagnement des départements dans la gestion des mineurs non accompagnés (MNA) et plus particulièrement sur l'insuffisance notoire de l'engagement financier de l'État.
En effet, l'accueil des MNA est un phénomène en accroissement constant dont la cellule nationale estime à ce jour la hausse à 20 %. Le département du Bas-Rhin a dû faire face à un afflux important et, sur la base de la clé de répartition qui était au 30 août 2019 de 202 MNA accueillis, on peut projeter un accueil de plus de 100 MNA d'ici à la fin de l'année 2019 pour le département, qui a su assumer ses responsabilités en créant un dispositif bienveillant et responsable, récemment augmenté pour faire face à la croissance exponentielle des besoins. Néanmoins, face à ces accueils toujours plus nombreux, le dispositif est saturé et la pertinence de la clé de répartition montre aujourd'hui ses limites en pesant depuis trop longtemps sur les mêmes départements. Il est temps d'envisager une plus grande mobilisation des départements jusque-là épargnés par l'accueil massif de MNA, de prendre en compte le nombre de jeunes majeurs ex-MNA toujours accompagnés par le département et de considérer la tension sur la demande de logement, notamment social, du territoire.
Par ailleurs, à la suite des mouvements des départements fin 2017 et de la mission d'inspection interministérielle, le Gouvernement a, par un arrêté du 23 juillet 2018, apporté un financement exceptionnel aux départements ayant accueilli un nombre supplémentaire de MNA au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016, qui s'est traduit pour le Bas-Rhin par le versement d'une dotation de 1 932 000€ en 2018. Malgré un engagement ministériel de reconduire cette mesure, un nouvel arrêté du 27 août 2019 a extrêmement diminué cette aide, faisant passer le montant de ce financement originellement fixé à hauteur de 12 000 € par jeune supplémentaire pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) à 6 000€ (on passe ainsi d'une enveloppe globale pour les départements de plus de 96M€ en 2018 à seulement 33,6M€ en 2019, dont 480 000€ pour le Bas-Rhin). Cette enveloppe est notoirement insuffisante et traduit un inadmissible désengagement de l'État, puisque bien évidemment le coût de la prise en charge des MNA pour les départements n'a pas baissé (entre 2014 et 2018, ce coût est passé de 4M€ à 15,3M€ pour le Bas-Rhin).
Aussi, il lui demande en premier lieu la position du Gouvernement concernant une redéfinition de la clé de répartition, mais également quelles mesures financières sont envisagées afin que l'État soutienne légitimement les départements et prenne pleinement ses responsabilités sur le nécessaire effort de solidarité nationale qu'ils attendent.

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Transmise au Ministère des solidarités et de la santé


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé publiée le 19/02/2020

Réponse apportée en séance publique le 18/02/2020

M. Claude Kern. Madame la secrétaire d'État, permettez-moi de vous interroger aujourd'hui sur l'accompagnement des départements dans la gestion des mineurs non accompagnés (MNA), et plus particulièrement sur l'insuffisance notoire de l'engagement financier de l'État.

En effet, le nombre des MNA est en accroissement constant, la cellule nationale estimant à ce jour sa hausse à 20 %. Le département du Bas-Rhin, qui a su assumer ses responsabilités en créant un dispositif bienveillant et responsable pour faire face à la croissance exponentielle des besoins depuis 2014, a dû accueillir 282 MNA en 2019 selon la clé de répartition actuelle.

Néanmoins, le dispositif est en l'état saturé et la pertinence de la clé de répartition montre aujourd'hui ses limites, les mêmes départements étant depuis trop longtemps fortement sollicités. Il est temps d'envisager une plus grande mobilisation des départements jusque-là épargnés par l'afflux massif de MNA, de prendre en compte le nombre de jeunes majeurs ex-MNA toujours accompagnés par le département et de considérer la tension du secteur du logement, notamment social, sur le territoire.

Par ailleurs, à la suite des mouvements des départements à la fin de 2017 et de la mission d'inspection interministérielle, le Gouvernement a, par arrêté, apporté un financement exceptionnel aux départements ayant accueilli un quota supplémentaire de MNA au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016. Malgré un engagement ministériel de reconduire cette mesure, un nouvel arrêté en date du 27 août 2019 a considérablement diminué cette aide, dont le montant, originellement fixé à 12 000 euros par jeune supplémentaire pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, est passé à 6 000 euros.

Ce montant est notoirement insuffisant et traduit un inadmissible désengagement de l'État, puisque, bien évidemment, le coût de la prise en charge des MNA n'a pas baissé pour les départements : il est ainsi passé de 4 millions d'euros à 15,3 millions d'euros entre 2014 et 2018 pour le Bas-Rhin.

Au vu de ce constat, pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d'État, quelle est la position du Gouvernement concernant une redéfinition de la clé de répartition ? Par ailleurs, quelles mesures financières sont envisagées pour que l'État apporte aux départements le soutien qu'ils attendent légitimement et prenne pleinement ses responsabilités quant au nécessaire effort de solidarité nationale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous confirme que le Gouvernement est attentif aux difficultés rencontrées par les conseils départementaux pour la mise à l'abri, l'évaluation et la prise en charge des mineurs non accompagnés. Nous avons renforcé, depuis le début de l'année 2019, l'appui opérationnel et financier qu'il leur apporte.

La réforme des modalités de participation financière forfaitaire de l'État à la phase de mise à l'abri et d'évaluation des personnes se présentant comme MNA vise à permettre une compensation plus juste des dépenses engagées par les départements, sur la base d'un forfait de 500 euros par jeune évalué, auxquels s'ajoutent 90 euros par jour de mise à l'abri pendant quatorze jours, puis 20 euros par jour pendant neuf jours au maximum.

Une participation financière exceptionnelle de l'État à la prise en charge des MNA avait été mise en œuvre en 2018, à hauteur de 12 000 euros par jeune supplémentaire pris en charge au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur. Ce dispositif a été reconduit en 2019 à hauteur de 6 000 euros pour 75 % des jeunes supplémentaires pris en charge au 31 décembre 2018 par rapport au 31 décembre 2017. Le montant total de cette aide s'établit donc à 175 millions d'euros en 2019.

Sur un plan opérationnel, conformément à l'article 51 de la loi du 10 septembre 2018, le déploiement de l'outil d'aide à l'évaluation de la minorité vise à faciliter et à fiabiliser l'évaluation, par chaque président de conseil départemental, de la situation des personnes se présentant comme MNA. Cet outil est opérationnel depuis février 2019 ; son utilisation n'a pas été rendue obligatoire, mais le Gouvernement entend mettre en place un mécanisme incitant financièrement les conseils départementaux à y recourir.

L'un des objectifs du traitement d'aide à l'évaluation de la minorité est de lutter contre le nomadisme, en permettant par exemple au conseil départemental auquel se présente un MNA de l'orienter vers le préfet, qui pourra vérifier si l'intéressé a déjà fait l'objet d'une évaluation et éviter ainsi au département de procéder à une réévaluation coûteuse.

Nous devons avoir une approche volontariste, collective et plus globale encore qu'aujourd'hui : collective, car c'est par un travail commun entre les départements et l'État que nous pourrons trouver une réponse durable ; globale, car nous devons travailler sur l'amont, à savoir l'évaluation de la minorité, et sur l'aval, c'est-à-dire la formation et l'accès à l'emploi.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.

M. Claude Kern. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'envisager également la redéfinition de la clé de répartition.

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