Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 14/11/2019

M. Michel Canevet attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'usage du tilde dans les actes d'état civil.
Pour rappel, en mai 2017, la ville de Quimper a enregistré à l'état civil un enfant portant le prénom Fañch, François en breton, qui s'écrit avec un tilde. Mais en septembre 2017, le tribunal de grande instance de Quimper a refusé d'homologuer ce prénom, s'appuyant sur une circulaire de la garde des sceaux du 23 juillet 2014 relative à l'état civil, qui régit l'usage des signes diacritiques et des ligatures utilisés dans la langue française et dans laquelle ne figure pas le tilde.
Le 19 novembre 2018, la cour d'appel de Rennes est revenue sur la décision du tribunal de grande instance de Quimper, en autorisant que le prénom Fañch soit écrit avec un tilde. Le parquet général a décidé de se pourvoir en cassation contre cet arrêt.
Il est intervenu à plusieurs reprises auprès du ministère de la justice, par le biais de courriers, de questions écrites, et directement en séance plénière au Sénat en posant une question orale, le 3 juillet 2018. Et à chaque fois, il lui a été répondu que, le tilde ne figurant pas dans cette circulaire ministérielle du 23 juillet 2014 relative à l'état civil, il n'était pas possible de reconnaître son usage.
Or, le 17 octobre 2019, au terme de deux ans et demi de procédure, la Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la cour d'appel, donnant ainsi raison, et de façon définitive, aux parents du petit Fañch, lui permettant de garder définitivement son prénom, avec un tilde. C'est un soulagement pour lui et sa famille. C'est aussi une question de cohérence quand on sait qu'un membre du Gouvernement, en l'occurrence le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, porte un nom avec un tilde.
Cette position de la Cour de cassation pouvait laisser penser que le problème de l'utilisation du tilde était résolu.
Or, dès le 22 octobre 2019, le parquet du tribunal de grande instance de Brest a transmis aux maires du ressort de son territoire, soit le nord et le centre du Finistère, un e-mail demandant aux officiers d'état civil de ces communes de lui signaler tous les prénoms comportant un tilde.
Pour l'institution à l'origine de cet envoi, l'arrêt de la cour de cassation n'a pas porté sur un contrôle de légalité et donc n'a pas tranché sur le fond de l'affaire mais a simplement constaté un problème de procédure. Pour autant, et de façon assez paradoxale, le parquet n'indique pas quelle serait sa position si un tel signalement lui parvenait. Serait-il à craindre un nouveau refus d'homologation et donc une nouvelle procédure ?
Face à cette situation, et compte tenu de l'arrêt de la Cour de cassation ainsi que l'urgence de trouver un cadre juridique clair, seul l'ajout du tilde dans la circulaire du 23 juillet 2014 permettra de mettre un terme, définitif, cette fois, à cette problématique.
Il lui demande quand cette modification sera effectuée.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

M. Michel Canevet. Je suis heureux, monsieur le secrétaire d'État, que vous soyez au banc du Gouvernement aujourd'hui pour me répondre, car vous êtes particulièrement concerné par les questions de patronymie.

En Bretagne, une affaire fait grand bruit. Un couple a décidé de prénommer son enfant Fañch, avec un tilde sur le « n », et, depuis lors, les procédures judiciaires s'enchaînent, sur l'initiative du procureur de la République. Si le tribunal de grande instance de Quimper a donné raison à ce dernier, tel n'a pas été le cas de la cour d'appel de Rennes et de la Cour de cassation.

Mon vœu le plus cher est que la circulaire de la Chancellerie du 23 juillet 2014 établissant les signes diacritiques utilisables dans la patronymie française puisse être modifiée. En effet, si le décret dit « Robespierre » du 2 thermidor de l'an II préconise l'utilisation du français pour la rédaction des actes de l'état civil, on peut aussi se référer à l'ordonnance royale de Villers-Cotterêts de 1539, dont le texte même comprend un grand nombre de tildes. C'est dire que ce signe appartient bien à la langue française !

Je souhaite donc savoir si le Gouvernement est enfin décidé à modifier la circulaire précitée pour admettre l'usage du tilde dans la langue française.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité appeler l'attention de la garde des sceaux, que je représente ici, sur la reconnaissance du tilde dans les actes de l'état civil et sur la date prévisible de l'ajout de ce signe à la liste des signes diacritiques admis en langue française au travers de la circulaire du 23 juillet 2014.

Tout d'abord, il faut souligner que la promotion des langues régionales est assurée de diverses manières et, ainsi que le rappelle notamment le contrat d'action publique pour la Bretagne, elle passe principalement par le biais de l'enseignement et de la culture.

La circulaire du 23 juillet 2014 de la Chancellerie que vous évoquez dresse la liste des voyelles et consonne accompagnées d'un signe diacritique souscrit – placé au-dessous de la lettre, telle la cédille – ou suscrit – placé au-dessus de la lettre, tels l'accent et le tréma – connues de la langue française. Cette liste, ne comprenant pas le tilde, a été validée en 2014 par l'Académie française, qui a confirmé sa position en novembre 2018.

Le 17 octobre 2019, dans l'affaire Fañch, la Cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi en cassation formé par le procureur général près la cour d'appel de Rennes, au motif que les parents de l'enfant n'avaient été appelés qu'en leur qualité personnelle, et non en leur qualité d'administrateurs légaux de l'enfant. Ainsi, la Cour de cassation ne s'est pas prononcée sur le fond de l'affaire ni sur la possibilité d'employer le tilde dans les actes de l'état civil, en l'occurrence sur la lettre « n ».

Néanmoins, nous souhaitons indiquer que, pour ce qui concerne l'état civil, les services de l'État étudient la faisabilité d'une intégration de signes diacritiques pour permettre la prise en compte de l'orthographe de certains prénoms issus de langues régionales au regard, d'une part, des enjeux normatifs et informatiques, et, d'autre part, de la charge de travail des officiers de l'état civil.

Enfin, dans la continuité des actions de promotion des langues régionales de France, les textes en vigueur, confortés par la jurisprudence, autorisent les officiers de l'état civil à délivrer, sur la demande des intéressés, des livrets de famille et des copies intégrales et extraits d'actes de l'état civil bilingues ou traduits dans une langue régionale.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais qu'en pensez-vous personnellement, monsieur le secrétaire d'État ?

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour la réplique.

M. Michel Canevet. Monsieur le secrétaire d'État, c'est une toute petite ouverture que vous faites, mais je regrette l'entêtement du Gouvernement en cette matière. Le procureur près la cour d'appel de Rennes a précisément indiqué ce matin qu'il faudrait que le législateur s'empare du sujet. Je remercie à cet égard ceux de mes collègues, dont Jean-Pierre Sueur, Françoise Gatel, Agnès Canayer et Jean-Luc Fichet, qui ont soutenu mon amendement à la proposition de loi qui sera examinée jeudi prochain. J'espère que nous parviendrons enfin, par la loi, à faire que le tilde puisse figurer dans le prénom de certains petits Bretons. Ce ne serait que logique.

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