Question de M. PIERRE Jackie (Vosges - Les Républicains) publiée le 25/07/2019

M. Jackie Pierre attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les vives inquiétudes exprimées par les agriculteurs concernant les nouvelles obligations envisagées en matière de traitement phytosanitaire à proximité des habitations. Lors des débats relatifs à la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi dite EGALIM), le Gouvernement et le Parlement s'étaient entendus sur la méthode du dialogue plutôt que celle de la contrainte en la matière, encourageant l'élaboration de chartes de bonnes pratiques. La mise en œuvre localement de ce type de charte répond dans le même temps aux objectifs de la fiche 36 inscrite dans le contrat de solutions déployé par quarante partenaires agricoles en juillet 2018 dont l'objectif est de développer l'innovation, le conseil, la formation et l'adoption des alternatives de protection des cultures, pour répondre - concrètement - aux attentes sociétales sur l'utilisation des produits de protection des plantes, tout en garantissant la productivité et la rentabilité pour les exploitations agricoles et les filières. Dans les Vosges, la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA), les jeunes agriculteurs (JA) et la chambre d'agriculture ont rédigé un projet de charte dite de « bon voisinage ». Il regroupe des propositions d'engagements des utilisateurs agricoles en termes de pratiques et de communication vis-à-vis des riverains. Les professionnels sont cependant tributaires de la parution d'un décret et d'un arrêté devant encadrer les dispositions de la charte. Sans ces textes, ils ne peuvent finaliser leurs travaux, basés sur un dialogue constructif et cohérent avec les concitoyens. Mais contre toute attente et sans la moindre concertation, les ministères de la transition écologique, de la santé et de l'agriculture sont en train de casser cette dynamique du dialogue, préférant imposer la norme plutôt que l'engagement des acteurs. Poussés par la décision du Conseil d'État du 26 juin 2019 d'annuler (partiellement) l'arrêté « relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants », appelé « arrêté pesticides », au motif que « ces dispositions ne protégeaient pas suffisamment la santé publique et l'environnement », les pouvoirs publics prévoient un dispositif cumulatif d'obligations à inscrire dans les chartes. Ce revirement va à l'encontre de la position exprimée il y a moins d'un an au Parlement, validant la démarche du contrat de solutions et l'approche construite sur le dialogue. La mise en application de ce dispositif cumulatif d'obligation envisagée par le Gouvernement va non seulement compliquer lourdement les interventions de traitement des cultures mais aussi aboutir à des pertes importantes de surfaces de production. Elle pourrait s'avérer contreproductive et engendrer des interventions en dehors des conditions optimales (et de bon sens) avec comme conséquence l'ajout de traitements supplémentaires, ce qui pourrait aller à l'encontre des bonnes pratiques déjà réalisées par les agriculteurs. Les horaires de traitement par exemple (prévus dans ce dispositif cumulatif d'obligations) se prennent en fonction de la météorologie du moment et pas forcément douze heures avant, tout comme les dates exactes. Il souhaite par conséquent savoir si le Gouvernement entend respecter l'esprit de la loi EGALIM, en favorisant le dialogue et en accordant le temps nécessaire à la concertation locale, plutôt qu'édicter de nouvelles normes contraignantes, très éloignées de la réalité du terrain et difficilement applicables.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 28/11/2019

L'article 83 de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi EGALIM) subordonne, à partir du 1er janvier 2020, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. De plus, dans une décision du 26 juin 2019, le Conseil d'État a partiellement annulé l'arrêté du 4 mai 2017 qui encadre l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, pour absence de dispositions relatives à la protection des riverains. Le Conseil d'État a enjoint le Gouvernement de prendre les mesures nécessaires dans un délai de six mois. Le dispositif envisagé s'appuie sur la concertation afin de s'assurer que les mesures applicables sont les plus adaptées au contexte local. Selon la loi, ces mesures doivent être formalisées dans des chartes d'engagement faisant l'objet de consultations lors de leur élaboration, avec les riverains ou leurs représentants notamment. Le 9 septembre 2019, le Gouvernement a soumis à la consultation publique, pour une durée de trois semaines, deux projets de textes réglementaires précisant les modalités d'application de la loi. Les textes avaient fait l'objet d'une présentation à un groupe de travail national réunissant les différentes parties prenantes en juin 2019. Un décret encadre la procédure d'élaboration des chartes ainsi que leur contenu, tandis que l'arrêté établit des distances de sécurité à respecter entre les zones d'épandage et les zones d'habitation. Les distances sont différentes selon que la culture traitée est dite « haute » (viticulture et arboriculture notamment) ou « basse » (céréales et légumes par exemple). Elles ont été établies sur la base des recommandations de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) dans son avis du 14 juin 2019. Selon ces projets, les distances de sécurité peuvent, lorsque le matériel de pulvérisation utilisé présente une efficacité reconnue pour diminuer la dérive, être réduites dans le cadre des chartes d'engagement, selon les modalités précisées par l'arrêté. Les chartes doivent donc permettre de formaliser les mesures que les utilisateurs s'engagent à prendre lorsqu'ils réalisent un traitement phytopharmaceutique à proximité des habitations, y compris la façon de prévenir à l'avance les riverains et les passants, et le cas échéant de réduire sous conditions les distances de sécurité dans le cadre d'un ensemble de bonnes pratiques. Ces distances ne s'appliquent pas aux produits de biocontrôle et aux produits constitués exclusivement de substances à faible risque. Les projets de textes ont également été notifiés à la Commission européenne. La consultation publique a pris fin le 1er octobre 2019. Les textes définitifs seront publiés pour une entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2020. Par ces textes, le Gouvernement souhaite renforcer la protection des populations en veillant à la qualité du dialogue entre les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, les riverains et les élus locaux.

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