Question de M. MEURANT Sébastien (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 11/07/2019

M. Sébastien Meurant demande à M. le ministre de l'économie et des finances de mener une réflexion constructive liée à l'émergence des monnaies numériques et des éco-systèmes associés.

L'essor des crypto-monnaies illustré par la flambée du Bitcoin, dont la valeur a dépassé les 20 000 $ l'unité à l'hiver 2017 a provoqué chez de nombreux acteurs – banques, multinationales, États – une prise de conscience de la vulnérabilité des économies dépendantes du seul système monétaire historique.

Les premières crypto-monnaies qui ont vu le jour, objet d'une mise en bourse, sont par nature volatiles et instables, et permettent, du fait de leur opacité d'échange, à des groupes et individus peu scrupuleux le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale.

Par ailleurs, l'émission de ces crypto-monnaies boursières requiert une quantité d'énergie électrique considérable constituant un véritable désastre environnemental (processus dit de « minage »). Leur capitalisation boursière représente d'ores et déjà l'émission d'une masse monétaire non régalienne de 400 milliards de dollars.

D'autre part, un autre type de monnaies numériques se développe : des monnaies digitales stables, non mises en bourse. En particulier, par exemple, le lancement de la Libra par Facebook. Peuvent être citées également certaines initiatives d'États, telles que celles menées au Brésil et au Japon, en pointe sur ce sujet, dont les projets ont le soutien des banques nationales, notamment en Suède avec l'E-krona.

Les avantages d'un tel choix sont multiples, d'ailleurs le rapport parlementaire n° 1624 (Assemblée nationale, XVe législature) relatif aux monnaies virtuelles souligne la possibilité pour les banques centrales de mener des opérations de politique monétaire de manière plus directe, de financer l'innovation, et grâce au taux de conversion fixe avec l'euro, d'éliminer les incertitudes et risques liés à la volatilité.

Enfin, une crypto-monnaie d'État constituerait certainement un indispensable outil de préservation, de dynamique et de souveraineté, monétaire, économique et fiscale. Différentes réflexions constructives sont menées en France, des projets concrets existent, dans le Val-d'Oise notamment.

Dans ce contexte, il lui demande que soit lancée une mission approfondie sur le sujet, non seulement relative à la monnaie numérique en tant que telle, mais également aux usages et éco-systèmes associés, et à ce titre, que soient auditionnés et évalués les projets existants.

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 27/02/2020

La France s'est attachée, au cours de ces dernières années, à établir un cadre juridique pionnier pour la Blockchain et ses applications. En effet, la loi Pacte a instauré un nouveau cadre législatif autour des actifs numériques. Sur le marché primaire, il est ainsi possible pour les émetteurs de solliciter un visa de l'Autorité des marchés financiers (AMF) à travers une opération dite d'ICO (Initial Coin Offering). Sur le marché secondaire, les obligations prévues par la directive (UE) 2018/843 en matière de lutte contre le blanchiment et la lutte contre le terrorisme ont été transposées : les services de conservation d'actifs numériques et d'achat/vente d'actifs numériques contre de la monnaie légale seront ainsi soumis à un enregistrement obligatoire auprès de l'AMF. Au-delà de cet enregistrement, tous les prestataires de services sur actifs numériques pourront, s'ils le souhaitent, recevoir un agrément optionnel de la part de l'AMF, pour peu qu'ils vérifient un certain nombre de conditions posées dans la loi, notamment en termes d'établissement d'une entité juridique en France, et de connaissance client. Par conséquent, la France a clairement fait le choix d'être pionnière en matière de régulation des crypto-actifs et de constitution d'un écosystème. En ce qui concerne les stablecoins, les membres du G7 ont unanimement fait part de leurs préoccupations sur les risques que présente le projet Libra : des risques pour les utilisateurs d'une part, mais également des risques en termes de stabilité financière et pesant sur la souveraineté monétaire des Etats. Ce projet a néanmoins le mérite de pointer certaines difficultés en matière de transactions financières, notamment de paiements transfrontaliers. À cet égard, l'amélioration des paiements intra-européens, via l'investissement dans des infrastructures de paiement instantané, et l'amélioration des paiements internationaux, via une coopération internationale accrue, sont des vecteurs d'avancées importantes. Mais à plus long terme, comme l'évoque le rapport de Benoît Coeuré commandé par la présidence française du G7, l'émergence et le développement des stablecoins sont susceptibles de remodeler le paysage des paiements, et de changer le rapport de nos concitoyens à la monnaie. Les réunions des ministres des Finances à Washington mi-octobre ont été l'occasion de lancer une réflexion sur les monnaies digitales de banque centrale, réflexions qui seront approfondies dans le cadre des prochaines rencontres européennes et internationales. En attendant, il est primordial que des initiatives locales continuent à émerger. Le Gouvernement rencontre régulièrement les acteurs et suit avec attention le développement de leurs projets. 

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