Question de Mme GHALI Samia (Bouches-du-Rhône - SOCR) publiée le 07/03/2019

Mme Samia Ghali attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la question du suivi post-detention des individus présentant des troubles psychiatriques. 

La proportion de détenus atteints de troubles mentaux au sein des centres de détention est très élevée. Une enquête sur la question donnait des chiffres inquiétants, huit détenus sur dix présentent des troubles mentaux. 

Si des dispositifs durant la détention sont mis en place, le suivi dès la sortie du détenu est souvent insuffisant. Les exemples funestes ne manquent pas. La quasi totalité des individus impliqués dans un meurtre à caractère criminel ou terroriste ou des atteintes à la personne ont un passé psychiatrique. En ce sens, la mission des centres médico psychologiques (CMP) est essentielle. En effet, souvent submergés, ces services se retrouvent impuissants face à la charge de travail, le nombre d'anciens détenus à traiter et la lourdeur des pathologies observés chez ces individus, la prise massive de psychotropes étant un des facteurs aggravants les plus rencontrés par les professionnels de la santé mentale. 

Chaque détenu est une bombe à retardement potentielle. Avec des hôpitaux psychiatriques saturés et des forces de l'ordre démunies face au manque de moyens, la situation est très préoccupante. Le suivi psychiatrique post-détention doit être au centre de la réflexion sur réinsertion des anciens détenus, mais aussi dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. 

Elle lui demande d'apporter des solutions pour endiguer la recrudescence d'actes criminels perpétrés par d'anciens détenus présentant des pathologies mentales lourdes. 

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 28/05/2020

La loi du 18 janvier 1994, relative à la santé publique et à la protection sociale, a posé le principe de la prise en charge sanitaire des personnes détenues par le ministère chargé de la Santé. Néanmoins, dans l'optique de la continuité des soins à la sortie de prison, le ministère de la Justice attache une importance particulière au suivi post-détention des individus présentant des troubles psychiatriques. La seule étude française d'évaluation de la prévalence des troubles mentaux chez les personnes détenues hommes en France est celle menée sous la direction du professeur Bruno Falissard en 2004. La prévalence de la schizophrénie était alors évaluée à 6,2 % contre 0,37 % dans la population générale, celle du syndrome dépressif majeur à 24 % contre 5 % dans la population générale et celle de l'anxiété généralisée à 17,7 % contre 7,8 % dans la population générale. Une enquête plus récente, menée à l'échelon régional dans le Nord-Pas de Calais, entre 2015 et 2017, confirme ces données anciennes en termes de prévalence des troubles mentaux. Le nombre d'hospitalisations psychiatriques de personnes détenues a augmenté proportionnellement plus vite entre 2009 et 2016 (+ 15,3 %) que la population pénale sur la même période (+ 11 %). Afin d'améliorer la connaissance de la prévalence des troubles mentaux parmi les personnes détenues, deux études seront lancées début 2020 :  Un premier projet de recherche longitudinal permettra d'évaluer la prévalence des pathologies mentales et des associations de pathologies chez les hommes et les femmes détenus au moment de l'entrée en détention. Il permettra également de décrire l'évolution des symptômes et du risque suicidaire au cours de la détention et d'identifier les facteurs associés afin d'émettre des recommandations pour la promotion de la santé mentale des détenus.  Ce projet de recherche, d'une durée de 36 mois, bénéficiera d'un financement d'un million d'euros par la direction de l'administration pénitentiaire et le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation. Une seconde étude sur la prévalence des troubles mentaux des courtes peines et sur l'évaluation du parcours de santé mentale des personnes à la sortie de détention sera financée à hauteur de 200.000 euros par le ministère des Solidarités et de la Santé et l'Agence nationale de la Santé publique. La recherche inclura 800 participants sur 20 maisons d'arrêt et a débuté fin 2019 pour une durée de deux ans. Le ministère de la Justice et le ministère des solidarités et de la santé se sont conjointement engagés, dans le cadre de la feuille de route 2019-2022 pour la santé des personnes placées sous-main de justice,  à améliorer la continuité de la prise en charge à la sortie de la détention. Un des leviers d'action est l'amélioration de l'accès des personnes présentant des troubles psychiatriques à des structures d'aval adaptées à leur prise en charge. La feuille de route prévoit ainsi la mobilisation de places en appartements de coordination thérapeutique (ACT) qui permettent l'accueil d'individus en situation de grande précarité psychologique afin d'assurer un suivi médical et social. Elle prévoit également que les dispositifs de consultations à l'attention des détenus sortants ou des personnes écrouées en milieu ouvert, destinés à améliorer la continuité de la prise en charge médicale, feront l'objet d'une évaluation afin d'apprécier l'opportunité de les déployer plus largement. Les services de l'administration pénitentiaire mobilisent également le dispositif « Un chez soi d'abord » expérimenté depuis 2011 par le ministère des solidarités et de la santé, le ministère du logement et la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL). Ce dispositif, généralisé en 2017, propose à des personnes en situation d'errance et souffrant de troubles psychiques sévères ou d'addictions, d'accéder à un logement ordinaire au sein duquel ils reçoivent un accompagnement soutenu par une équipe médico-sociale pluridisciplinaire. Par ailleurs, la direction de l'administration pénitentiaire a signé, en décembre 2017, une convention avec l'Union nationale de familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques (UNAFAM) visant à faciliter la prise en charge des individus présentant des troubles psychiatriques, selon trois axes : la formation des professionnels à la prise en charge des troubles psychiatriques, la recherche de structures d'aval,  et le lien avec les familles.   

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