Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 21/02/2019

M. Pierre Laurent attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur de possibles problèmes de santé publique engendrés par une partie des machines utilisées pour les dons du sang par aphérèse.
L'aphérèse est une technique de prélèvement de certains composants sanguins par circulation extra corporelle du sang.
En France, en 2017, près de 450 000 dons par aphérèse ont été réalisés, entre autres, sur des machines de la société américaine Haemonetics : les PCS2 pour le plasma et les MCS+ pour les plaquettes. Ces machines fonctionnent avec des dispositifs de prélèvement amovibles à usage unique appelés DMU.
Depuis des années des lanceurs d'alertes attirent l'attention sur la technologie Haemonetics qui produirait des microparticules cancérogènes. En août et septembre 2018, des incidents d'aphérèse plasmatiques et plaquettaires ont été observés, dont le premier s'est déroulé à l'établissement français du sang (EFS) de Tarbes. Ils étaient caractérisés par des fuites du circuit clos de prélèvement et des particules noires visibles. Par décision de police sanitaire (DPS) du 30 août 2018, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a suspendu le lot du DMU plasma utilisé sur Tarbes, ainsi que la distribution des produits obtenus à partir de ce lot. La DPS du 12 septembre 2018 a étendu cette mesure à tous les DMU plasma de même nom et à tous produits prélevés avec eux. Ce processus a abouti au retrait des machines PCS2 par l'EFS et le centre de transfusion sanguine des armées (CTSA). Les lanceurs d'alerte critiquent le fait que les machines à plaquettes MCS+ qui connaissent les mêmes problèmes, ne soient pas l'objet de mesures similaires.
Nonobstant, le 16 janvier 2019 l'ANSM a produit des injonctions à l'encontre de Haemonetics et de l'EFS ayant pour objet notamment de trouver les cause des incidents des machines PCS2 dans un délai d'un mois et qui donne six mois pour équiper ces machines de boîtes noires.
Paradoxalement l'ANSM produit le 21 janvier 2019 une nouvelle DPS qui annule l'article trois de la DPS du 30 août 2018 et débloque ainsi la distribution des produits fabriqués à partir du lot de DMU utilisé à Tarbes. Cette DPS infère que les particules noires visibles seraient du sang coagulé et ne proviendraient pas de la dégradation des dispositifs de prélèvements. Elle affirme qu'il n'existerait pas de risque avéré pour les patients « à ce stade ». Selon les lanceurs d'alerte le rapport réalisé par le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) le 26 octobre 2018 qui a servi de base pour cette DPS n'exclut pas pourtant la perte de 2mg par aphérèse du joint du DMU (donnée Haemonetics). Il décrit la formation aléatoire d'amas de fibrine, il confirme la composition toxique du joint tournant des DMU Haemonetics et ne fournit aucune explication ni sur les causes des fuites et des particules ni sur les conséquences pour les donneurs et les receveurs. Le CEA souligne que son rapport a été réalisé en urgence et se dit non spécialisé dans l'étude des matrices biologiques.
Les lanceurs d'alerte s'inquiètent de ce qu'ils considèrent comme un retour en arrière. Ils demandent également de remédier au fait que les machines MCS+ et leurs DMU, qui jusqu'ici ne font objet d'aucune mesure, soient concernés par des décisions qui préservent la santé publique. Il lui demande ce qu'elle compte faire face à ces demandes.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 23/05/2019

Fin 2015, les autorités de santé ont été informées par des lanceurs d'alerte, de potentiels risques pour les donneurs, les receveurs et les personnels de l'établissement français du sang (EFS) liés à l'utilisation des machines d'aphérèse de la société Haemonetics. Ils faisaient notamment état d'une possible contamination particulaire des produits sanguins obtenus par aphérèse lors de l'utilisation des machines de cette société. À la suite de ces alertes, de très nombreuses investigations tout d'abord en laboratoire ont été menées par l'EFS, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et par recours à des laboratoires indépendants sur l'ensemble des machines d'aphérèse commercialisées en France. Aucune de ces études n'a montré de risque particulier, ni pour les receveurs, ni pour les donneurs, ni pour les personnes travaillant à proximité de ces appareils. L'ensemble des rapports ont été rendus disponibles sur les sites internet de l'ANSM et de l'EFS. L'ANSM a élaboré un rapport d'évaluation en date du 6 décembre 2017 visant à examiner les bénéfices et les risques de l'aphérèse. Ce rapport est disponible sur son site internet ainsi que l'ensemble des études menées et l'avis du comité scientifique spécialisé temporaire dédié à ce sujet. Les dons d'aphérèse contribuent à couvrir les besoins en produits sanguins labiles (plasma et plaquettes) dans des indications thérapeutiques majeures et leur besoin est vital pour les patients. La majorité du plasma mondial pour fractionnement est issue d'aphérèse. Trois firmes (Haemonetics, Frésénius et Térumo) couvrent la totalité du marché dans la fourniture des machines de prélèvement par aphérèse, dont deux seulement pour l'aphérèse plasmatique et trois sur l'aphérèse plaquettaire. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et des données disponibles, il est alors apparu que la balance bénéfices-risque de l'aphérèse reste largement positive. Par ailleurs, le risque pour le donneur est maîtrisé puisqu'il existe un filtre entre le kit de prélèvement et le bras du donneur qui arrête les particules de plus de 150µm. Les risques identifiés relatifs à la présence de particules de taille inférieure peuvent également être considérés comme maîtrisés étant donné que toutes les études apportent des éléments cohérents au regard des exigences de la Pharmacopée européenne sur le nombre de particules présentes dans les fluides après procédures d'aphérèse. En tout état de cause, aucun signalement de présence de particules n'a été notifié en hémovigilance en 2018. L'ANSM et l'EFS maintiennent une surveillance renforcée sur les dispositifs concernés via un suivi périodique des signalements de matériovigilance sur la présence de particules (un dernier rapport périodique a été mis en ligne sur le site internet de l'EFS le 21 août 2018). S'agissant des actions menées vis-à-vis des fabricants de dispositifs d'aphérèse, ceux-ci ont engagé des actions d'amélioration sur leurs machines. Concernant la diversification du parc de l'EFS et du centre de transfusion sanguine des armées (CTSA), l'ANSM dans son rapport a recommandé la diversification du parc des machines et dans le cadre de cette transition maintient une surveillance renforcée des machines. Enfin, un comité de suivi sous l'égide de la direction générale de la santé rassemblant l'EFS, le centre de transfusion sanguine des armées, l'ANSM, les associations de donneurs de sang et de patients se réunit régulièrement afin de suivre l'état d'avancement de l'ensemble des mesures préconisées par l'ANSM. Depuis fin août 2018, plusieurs incidents de matériovigilance ont été déclarés à l'ANSM impliquant des machines d'aphérèse de la société Haemonetics. Un incident survenu à l'EFS de Tarbes fin août 2018 a révélé pour la première fois la présence en grande quantité de particules à l'intérieur du séparateur d'aphérèse et également à l'intérieur de la poche de plasma. Cet incident n'a pas eu de conséquences pour le donneur, les dispositifs étant munis de filtres lorsque les globules rouges sont retournés au donneur et ils sont à usage unique. Une première mesure de suspension sur le lot de matériels concernés par cet incident a été prise le 30 août 2018 par l'ANSM et une inspection a été diligentée auprès de l'EFS Occitanie. Le 11 septembre 2018, un autre incident, sur le site EFS d'Annonay, de nature proche de celui de Tarbes concernant les mêmes dispositifs d'aphérèse Haemonetics a été déclaré à l'ANSM. Cet incident a donné lieu à une nouvelle inspection de l'ANSM. Il a été également sans conséquence pour le donneur. Face à ces incidents et en l'absence d'explication de leurs causes, l'ANSM a par décision en date du 12 septembre 2018 suspendu la mise sur le marché en France des dispositifs médicaux à usage unique d'aphérèse de référence 782HS-P-SL fabriqués et mis sur le marché par la société Haemonetics ainsi que l'utilisation de ses séparateurs MCS + et PCS2. L'ANSM a poursuivi ses investigations sur les dispositifs Haemonetics notamment par d'autres inspections et, en lien avec le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), des analyses des produits d'aphérèse concernés par ces incidents afin de déterminer l'origine des particules retrouvées. L'objectif des analyses était la capacité à identifier et qualifier les particules présentes et prélevées lors des incidents. Le CEA, effectivement sollicité en urgence compte tenu de la nécessité d'investiguer rapidement suite à la survenue de ces incidents, a accepté de porter son concours à l'ANSM pour réaliser des analyses destinées à obtenir des informations sur les tailles et morphologies des particules retrouvées lors de ces incidents. Des analyses élémentaires qualitatives ont aussi été faites ainsi que des analyses moléculaires par spectrométrie de masse pour une comparaison avec les parties du joint d'un DMU de référence 782HS-P-SL. L'ensemble des analyses réalisées par les laboratoires de l'ANSM et du CEA sont en faveur d'une origine organique des particules générées au cours de ces incidents, probablement en lien avec les différents éléments sanguins contenus dans le dispositif. Aucune particule issue d'un joint du dispositif ou d'un autre élément du dispositif n'a expressément été mise en évidence. Ces rapports sont disponibles sur le site internet de l'ANSM. Par ailleurs, l'ANSM a consulté l'ensemble des autorités compétentes européennes notamment afin de déterminer si des signalements de matériovigilance mettant en cause des dysfonctionnements des machines d'aphérèse Haemonetics avec libération de particules leurs étaient signalés. Les différentes réponses reçues à ce jour ne font état d'aucun dysfonctionnement reporté. À ce stade des investigations, il n'existe pas de risque avéré pour les donneurs de plasma et de plaquettes prélevés par un dispositif d'aphérèse en France, ni pour les patients qui reçoivent ces produits ou les professionnels qui manipulent les machines. C'est la raison pour laquelle par décision du 21 janvier 2019, l'ANSM a abrogé l'article 3 de la décision de police sanitaire du 30 août 2018 précitée permettant ainsi d'une part, que les produits sanguins labiles préparés à partir des dons de sang réalisés avec les DMU de référence 782HS-P-SL du lot 9217036 puissent être distribués et utilisés par l'EFS, et d'autre part, que la préparation de PSL à partir de ces mêmes dons puisse reprendre. Pour autant, l'ANSM poursuit ses investigations sur les dispositifs Haemonetics. L'origine des dysfonctionnements constatés sont probablement d'origine multifactorielle incluant notamment des sujets de maintenance et de fréquence d'utilisation des machines. À ce titre et après sa lettre d'injonction à l'EFS et à la société Haemonetics, l'ANSM assurera une vérification de la totalité des actions demandées au terme des délais déterminés. Afin de compléter ses investigations, l'ANSM a conduit au mois de mars 2019 une nouvelle inspection sur le site de production des DMU d'aphérèse de la société Haemonetics en Malaisie. Ainsi, l'ANSM veille d'une part à mettre tous les moyens en place pour que l'approvisionnement des patients soit assuré et d'autre part, pour garantir la sécurité des donneurs lors de l'utilisation des machines d'aphérèse. L'ensemble de ces moyens permet de satisfaire les besoins du marché français, dans l'intérêt des patients.

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