Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 21/02/2019

Mme Laurence Cohen attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conséquences désastreuses sur la santé du chlordécone, un insecticide utilisé dans les plantations et bananeraies en Guadeloupe et Martinique entre 1972 et 1993.

Les ouvriers agricoles ont été largement intoxiqués et souffrent de cancers de la prostate et de leucémies. Aujourd'hui, l'agence nationale de santé publique estime que 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais sont contaminés au chlordécone.

Vendredi 1er février 2019, à l'occasion de sa rencontre avec les maires d'outre-mer, le président de la République affirmait que le chlordécone n'est pas cancérigène. Or de nombreuses études et spécialistes prétendent le contraire. Le centre international de la recherche sur le cancer (CIRC) a établi dès 1979 qu'il « existe des preuves suffisantes pour considérer que le chlordécone est cancérogène chez la souris et le rat » et qu'en absence de données chez l'homme il est « raisonnable de considérer le chlordécone comme s'il présentait un risque cancérogène pour l'homme ». Puis, en 1987, le CIRC a classé le chlordécone dans la catégorie cancérogène 2B.

Le chlordécone, tout en étant interdit depuis 1976 aux États-Unis puis depuis 1990 en France hexagonale, a continué à être utilisé en outre-mer jusqu'en 1993. Ses victimes, aujourd'hui gravement malades, attendent une indemnisation qui s'avère compliquée, ce dernier n'étant pas encore reconnu comme maladie professionnelle.

Outre les nombreuses victimes directes de ce perturbateur endocrinien neurotoxique, à savoir les ouvriers agricoles, celui-ci est également très néfaste pour l'environnement, contaminant les sols, l'eau douce comme l'eau de mer, les légumes et organismes vivants, ayant alors des conséquences sur tous les habitant.e.s.

Le 23 janvier 2019, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a rejeté une proposition de loi tendant à la création d'un fonds d'indemnisation des victimes du chlordécone et du paraquat en Guadeloupe et en Martinique.

Elle lui demande alors quelles mesures elle compte prendre afin que les victimes du chlordécone soient effectivement indemnisées au titre de maladie professionnelle mais également « de maladie environnementale ».

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Transmise au Ministère des solidarités et de la santé


Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 30/07/2020

La lutte contre la pollution par la chlordécone et ses conséquences sur la santé des Antillais est une priorité du Gouvernement. Le Président de la République a formulé en ce sens plusieurs engagements en septembre 2018, repris dans une feuille de route interministérielle 2019-2020 venant renforcer le plan chlordécone III 2014-2020. Un nouveau plan chlordécone est en cours de co-construction avec la population antillaise afin de prendre en compte au mieux ses besoins et ses propositions pour lutter contre ce polluant et ses conséquences en matière d'impacts environnementaux, sanitaires et sociaux-économiques. Les actions mises en place dans le cadre des trois plans chlordécone, pilotés par le ministère chargé de la santé, ont permis d'accompagner les populations antillaises, victimes des expositions environnementales à la chlordécone. Les agences régionales de santé (ARS) ont instauré depuis 2008 le programme JaFa (Jardins Familiaux) qui s'adresse aux consommateurs de produits des jardins ou d'élevages familiaux, ayant un risque d'exposition plus important, qui peuvent bénéficier gratuitement d'analyses des sols et de conseils agronomiques et alimentaires. De plus, les ARS déploient des programmes de prévention pour protéger les plus vulnérables, en particulier les femmes enceintes et les jeunes enfants, ainsi que des formations à destination des professionnels de santé afin d'assurer un suivi médical adapté de la population. Des travaux sont également en cours pour évaluer la pertinence d'un dosage de la chlordéconémie. Par ailleurs, les services des préfectures et les ARS procèdent à des contrôles renforcés sur les aliments et l'eau du robinet. Enfin, en matière d'indemnisation et de surveillance médicale des travailleurs exposés, plusieurs travaux sont en cours. L'Institut national de médecine agricole a été saisi en mars 2018 par le secrétariat général du ministère chargé de l'agriculture et par le ministère chargé de la santé afin de produire, d'ici la fin de l'année, des recommandations à destination des professionnels de santé pour le suivi médical des travailleurs exposés à la chlordécone et à d'autres pesticides. Par ailleurs, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale a rendu en février 2019 un rapport préliminaire sur le cancer de la prostate en lien avec les pesticides, dont la chlordécone. En outre, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a été saisie fin 2018 pour rendre une expertise préalable à la création ou à la révision de tableaux de maladies professionnelles provoquées par les pesticides, dont la chlordécone. De plus, depuis le 1er janvier 2020, un fonds d'indemnisation des victimes de pesticides a été créé afin d'améliorer l'indemnisation des victimes professionnelles. L'instruction des demandes de reconnaissance en maladies professionnelles provoquées par les pesticides sera désormais centralisée auprès d'un comité de reconnaissance des maladies professionnelles unique créé au sein du fonds. Le niveau de réparation sera harmonisé pour l'ensemble des expositions professionnelles (exploitants agricoles, salariés, retraités). Il est en revanche rappelé que le rapport des inspections générales (IGAS, IGF, CGAAER) de février 2018 avait exclu l'extension du périmètre d'indemnisation aux victimes environnementales dans ses différents scénarios de création du fonds d'indemnisation.

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