Question de Mme TAILLÉ-POLIAN Sophie (Val-de-Marne - SOCR-A) publiée le 20/02/2019

Question posée en séance publique le 19/02/2019

Mme Sophie Taillé-Polian. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, car j'avais cru comprendre, en lisant ses déclarations sur les fameuses contreparties, qu'il exprimait là une opinion et un souhait personnels. Mais la réponse que Mme la ministre des solidarités et de la santé vient de faire à mon collègue Pascal Savoldelli montre qu'il s'agit en fait d'une orientation de la politique gouvernementale !

Comment peut-on demander des contreparties à des femmes et des hommes que l'on aide à simplement survivre et qui sont, avant tout, des victimes du système économique mondial, à l'origine d'inégalités insupportables ?

On ne cesse de nous jouer la même petite musique, de lier aides sociales et chômage, en soulignant que les entreprises peinent à recruter. On entretient ainsi délibérément une confusion, en donnant à entendre que, s'il y a des chômeurs, c'est parce qu'ils ne veulent pas traverser la rue pour trouver du travail ! Or, même si l'on admet le chiffre de 300 000 emplois non pourvus, ce n'est qu'une goutte d'eau au regard de l'océan du chômage de masse, qui concerne 5,6 millions de personnes.

Ce qui est en question ici, ce sont les fondements de notre système de sécurité sociale. Telle qu'elle a été conçue au travers des ordonnances de 1945, la sécurité sociale visait à libérer les travailleurs de cette incertitude constante « qui crée chez eux un sentiment d'infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d'eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère ».

Quand on a décidé de supprimer l'ISF, a-t-on demandé des contreparties aux possédants sûrs d'eux-mêmes et de leur avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Mireille Jouve et M. Joël Labbé applaudissent également.)

- page 2515


Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 20/02/2019

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2019

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, nous parlons ici non pas des allocations versées par la sécurité sociale, financées par les cotisations, mais des aides sociales financées sur le budget de l'État : l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, le RSA, les aides personnalisées au logement, la prime d'activité.

M. Pascal Savoldelli. Les privés d'emploi paient des cotisations !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Des groupes de travail sur le sujet ont été mis en place et une grande consultation du public sera menée, en vue de fondre ces aides sociales en un revenu universel d'activité, de façon à simplifier l'accès aux droits pour nos concitoyens. C'est bien de cela que nous parlons aujourd'hui, et non des allocations financées par nos cotisations au titre de la sécurité sociale.

Une personne qui, aujourd'hui, touche le RSA sans se voir proposer, au bout de six mois, un contrat d'accompagnement en vue d'une insertion professionnelle – c'est le cas d'un allocataire sur deux – subit une perte de chances. Elle est alors prise au piège d'une trappe à pauvreté, victime d'un déclassement. Il faut aider ces personnes : c'est tout l'enjeu de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté que nous avons mise en place et qui a fait l'objet d'un large consensus.

Il est important, aujourd'hui, que les bénéficiaires des allocations de solidarité s'inscrivent dans une démarche de retour vers l'emploi par l'insertion.

M. Pierre Laurent. Dites aux Français ce que vous voulez faire !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Il s'agit là non pas d'adopter une vision punitive, mais d'assurer un accompagnement adapté à chacun, certains de nos concitoyens n'étant pas en mesure, nous le savons, de travailler. Les grandes associations de lutte contre la pauvreté soulignent qu'il est très positif, pour les bénéficiaires de ces allocations, d'être accompagnés vers l'emploi et l'insertion. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.

Mme Sophie Taillé-Polian. Pour nous, l'insertion, ce n'est pas la culpabilisation ! Il faut un accompagnement social, pas un contrôle social !

Le Gouvernement a supprimé les emplois aidés : c'était pourtant un exemple d'accompagnement social vers l'emploi.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Sophie Taillé-Polian. La majorité de l'Assemblée nationale a rejeté, sans aucun débat, la proposition de loi socialiste créant un revenu de base. C'est bien pourtant des aides inconditionnelles permettant aux gens en difficulté de relever la tête qu'il faut ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

- page 2516

Page mise à jour le