Question de M. JOYANDET Alain (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 18/10/2018

M. Alain Joyandet attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la suppression du taux réduit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) concernant le gazole non routier. Cette suppression conduira à une hausse de la fiscalité pour les entreprises françaises de l'ordre de 1 milliard d'euros en 2019. Pour les 8 000 entreprises de travaux publics, dont 80 % sont des petites et moyennes entreprises (PME) et dont le taux de marge nette (résultat net sur chiffre d'affaires) est de l'ordre de 2 %, en prenant en compte l'impact sur la filière en amont (extraction de matériaux) et l'augmentation conjoncturelle ainsi que structurelle du coût du gazole, l'impact de cette mesure est estimé à plus de 700 millions d'euros, soit l'équivalent de 60 % de leur marge. Par ailleurs, en raison de la hausse des prix pratiqués qu'elle engendrera mécaniquement dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), cette mesure d'économie budgétaire entraînera une baisse significative du volume de travaux publics réalisés par les collectivités locales sur leurs infrastructures (à budget constant), alors que leur entretien est essentiel et qu'il est aujourd'hui un sujet de préoccupation majeur pour les élus ainsi que pour les Français dans leur ensemble. Elle risque également de déséquilibrer économiquement les marchés déjà conclus à un prix fixe et qui n'ont pas encore été réalisés ou qui ne sont pas terminés. En outre, elle introduit une rupture du principe d'égalité entre les entreprises de BTP et celles qui évoluent dans le secteur des travaux agricoles ou paysagers, qui continueront pour leur part à bénéficier du taux réduit de TICPE, mais qui interviennent fréquemment sur des marchés de terrassement ou de voirie. Ainsi, cette décision purement fiscale, qui n'a d'ailleurs pas fait l'objet de la moindre concertation préalable avec les opérateurs économiques qu'elle concerne, va mettre en danger de nombreuses entreprises de travaux publics, en particulier les plus petites, et ralentir les embauches dans ce domaine, qui sort à peine d'une crise sans précèdent (2008-2016). Toutefois, selon la fédération des travaux publics, il est encore possible d'éviter les conséquences désastreuses pour les entreprises de ce secteur et les infrastructures de notre pays. C'est pourquoi, elle souhaite ardemment que le taux réduit de la TICPE concernant le gazole non routier soit maintenu pour cette filière, au même titre que pour celle de l'agriculture ou de l'industrie ferroviaire. En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte prendre en la matière.

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 30/01/2020

Le tarif réduit de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) appliqué au gazole sous conditions d'emploi, ou gazole non routier (GNR), ne se justifie pas sur les plans économique et environnemental et sa suppression progressive contribuera à orienter le choix des acteurs vers des usages ou des technologies plus vertueuses. Sa suppression doit également contribuer au financement des mesures prises en réponse à la crise des « gilets jaunes », notamment la baisse de l'impôt sur le revenu des classes moyennes. La suppression du tarif réduit sera mise en œuvre de façon progressive à compter du 1er juillet 2020, permettant aux acteurs concernés de disposer d'un délai d'une année complète à compter de l'annonce de la mesure pour s'adapter. Par ailleurs, un important travail de concertation avec l'ensemble des secteurs économiques concernés a permis d'identifier les mesures d'accompagnement à retenir. Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), le Gouvernement propose de porter de 5 % à 10 %, par décret au Conseil d'État, le taux minimal de l'avance versée par les collectivités locales dans le cadre des marchés publics. Parallèlement, les collectivités locales bénéficieront de l'extension de l'éligibilité au fonds de compensation de la TVA sur des travaux portant sur les réseaux. Par ailleurs, afin de ne pas affecter l'économie générale des contrats en cours, une majoration de plein droit de ces derniers est prévue lorsque la part du GNR dans les coûts d'exploitation excède 2 %. Dans les secteurs ferroviaire et agricole, les tarifs réduits de TICPE demeureront quant à eux inchangés. Le secteur agricole bénéficiera en outre, à partir de 2022, d'un gain de trésorerie résultant de l'application directe du tarif très réduit auquel il est éligible au moment de l'acquisition du produit, et non après dépôt d'une demande de remboursement. Dans les secteurs des industries extractives à forte valeur ajoutée et des activités de manutention portuaire dans l'enceinte des ports maritimes, compte tenu de leur forte exposition à la concurrence internationale, la hausse de tarif a été neutralisée par l'application de tarifs réduits pour le gazole utilisé pour les travaux statiques et de terrassement. Les activités de manutention portuaire bénéficieront, en outre, d'un tarif réduit de la taxe sur la consommation finale d'électricité. Par ailleurs, l'acquisition d'engins non routiers fonctionnant avec un carburant alternatif au GNR sera favorisée par le biais d'un dispositif de suramortissement de ces engins : les entreprises, notamment de travaux publics, d'exploitation de remontées mécaniques et de domaines skiables, pourront déduire de leur résultat imposable 40 % du prix de revient de ces investissements. Dans le secteur du transport frigorifique, un mécanisme spécifique d'indexation des prix en fonction de l'évolution du coût du carburant routier est prévu. Enfin, le contrôle de l'interdiction d'utiliser du gazole au tarif de TICPE applicable aux travaux agricoles à d'autres types de travaux, notamment des travaux publics, sera renforcé. En particulier, la faculté d'incorporer des colorants et des traceurs est prévue afin de prévenir ou de lutter contre les vols de carburant et les contrôles sur sites seront renforcés grâce au concours de la police et de la gendarmerie nationales. Par ailleurs, l'obligation, pour l'ensemble des donneurs d'ordre et des bénéficiaires du remboursement agricole, de tenir un registre des travaux relevant du secteur du BTP permettra une instruction plus efficace des dossiers de demande de remboursement de TICPE. La large concertation dont a fait l'objet cette mesure a ainsi permis d'apporter un ensemble de solutions concrètes aux difficultés rencontrées par les secteurs les plus affectés.

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