Question de M. RAISON Michel (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 11/10/2018

M. Michel Raison interroge M. le Premier ministre sur l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles créé par l'article 64 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Cet article dispose que « chaque maison départementale des personnes handicapées gère un fonds départemental de compensation du handicap chargé d'accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge ».

Il est ainsi prévu que ce reste à charge ne peut, dans la limite des tarifs et montants visés au premier alinéa de l'article L. 245-6 du même code, excéder 10 % des ressources personnelles du bénéficiaire nettes d'impôts dans des conditions définies par décret. Il apparaît toutefois que le décret d'application n'a jamais été publié, créant au niveau national d'importantes distorsions dans la prise en charge selon les départements et provoquant une rupture d'égalité.

Dans un arrêt du 24 février 2016, le Conseil d'État a pourtant enjoint au Premier ministre de publier le décret d'application dans le délai de neuf mois sous astreinte de 100 euros par jour à l'encontre de l'État au-delà de cette échéance.

Au regard de ces éléments et alerté par la situation d'un jeune garçon handicapé dont les parents ne peuvent financer le reste à charge de son fauteuil électrique verticalisateur, il le remercie de lui préciser dans les meilleurs délais l'état d'avancement des consultations engagées sur la rédaction de ce décret ainsi que le délai dans lequel il sera publié.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées


Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 24/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2018

M. Michel Raison. Madame la secrétaire d'État, j'appelle votre attention sur la situation des personnes handicapées qui sont dans l'incapacité de financer du matériel adapté coûteux.

Pour illustrer mon propos, j'évoquerai la situation des enfants handicapés, dont les familles doivent souvent faire face à des dépenses très élevées. Dans mon département, une famille a ainsi dû acquérir pour son fils de huit ans un fauteuil électrique verticalisateur, indispensable au quotidien pour des raisons sanitaires. Alors que le coût de ce fauteuil était de 37 000 euros, le reste à charge s'est élevé à plus de 8 000 euros !

L'inertie de l'État en est la cause ! L'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles, créé par la loi de 2005, prévoit en effet : « Chaque maison départementale des personnes handicapées gère un fonds départemental de compensation du handicap chargé d'accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge ». Il prévoit également que ce reste à charge ne peut excéder 10 % des ressources personnelles du bénéficiaire, « dans des conditions définies par décret ». Or, et c'est l'objet de ma question, ce décret d'application n'a jamais été publié.

Le Conseil d'État, dans un arrêt du 24 février 2016, a condamné l'État à publier ce décret d'application dans un délai de neuf mois, sous astreinte de 100 euros par jour au-delà de cette échéance, soit en novembre 2016. Mais nous n'avons toujours rien !

Pourtant, un arrêt plus récent du Conseil d'État a permis de débloquer rapidement le processus de publication d'un autre décret relatif, cette fois, à la protection des biotopes et des habitats naturels. C'est assurément là un enjeu majeur, mais l'amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens handicapés est, à mon avis, une obligation morale plus impérieuse.

Je souhaite tout simplement connaître l'état d'avancement de la rédaction du décret en cause et surtout savoir dans quel délai celui-ci sera publié. Je vous remercie de votre réponse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, dans une décision rendue le 24 février 2016, le Conseil d'État a effectivement enjoint le Gouvernement, alors dirigé par Manuel Valls, de prendre le décret d'application prévu à l'article L.146-5 du code de l'action sociale et des familles, issu de la loi du 11 février 2005, restée inappliquée depuis onze ans. Toutefois, si ce texte réglementaire n'a pas été pris, c'est qu'il pose de grandes difficultés.

La loi comprend en effet une double contradiction juridique.

En premier lieu, elle garantit un plafonnement du reste à charge à 10 % tout en précisant que l'aide complémentaire apportée par le fonds « ne peut dépasser les montants de la PCH ». L'interprétation stricte d'un reste à charge dans la limite « des tarifs et montants » de la PCH réduit ainsi considérablement le champ des bénéficiaires, puisque la plupart perçoivent 100 % des tarifs de la PCH.

En second lieu, la loi prévoit que ce fonds est alimenté sur une base volontaire de la part de ses contributeurs. Il est dès lors compliqué de faire peser une dépense obligatoire sur un fonds recueillant des recettes aléatoires.

Postérieurement à la décision susvisée, un rapport d'évaluation confié à l'Inspection générale des affaires sociales sur la prestation de compensation du handicap, remis en août 2017, a conclu à l'impossibilité de publier un décret d'application et a proposé de modifier la rédaction de la loi.

Plus près de nous, le député Philippe Berta a déposé une proposition de loi relative à l'amélioration de la PCH qui, dans son article 2, prévoit une solution pragmatique pour mettre fin à cette difficulté. Philippe Berta propose d'organiser une expérimentation sur trois ans dans des départements volontaires, afin d'évaluer la faisabilité d'un dispositif garantissant un niveau de reste à charge maximum, tant pour les maisons départementales des personnes handicapées, ou MDPH, qui instruisent les dossiers que pour les principaux financeurs de ce fonds.

L'évaluation en continu de l'expérimentation devra permettre de mesurer l'incidence en termes de gestion de ce dispositif pour les MDPH, ainsi que l'impact financier d'une éventuelle généralisation, au regard de l'objectivation des besoins. Les données de l'expérimentation permettront également d'harmoniser le fonctionnement des fonds et de répondre à l'injonction du Conseil d'État.

J'ai soutenu cette proposition de loi, au nom du Gouvernement, car je pense que cette expérimentation nous permettra de sortir de l'impasse, de trouver une solution opérationnelle et d'atteindre l'objectif initial de la loi de 2005, qui était de réduire le reste à charge pour les personnes handicapées.

Je m'engage, bien davantage qu'à définir de nouveaux droits formels, à permettre aux personnes handicapées et, avec elles, à leurs aidants, de bénéficier de droits réels.

La proposition de loi de Philippe Berta a été adoptée en première lecture le 17 mai dernier à l'Assemblée nationale et déposée le 18 mai au Sénat. Je profite donc de votre question, monsieur le sénateur, pour solliciter l'inscription au plus vite de ce texte à l'ordre du jour du Sénat !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour répondre à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Mon cher collègue, il vous reste huit secondes !

M. Michel Raison. Madame la secrétaire d'État, j'allais vous proposer de déposer une proposition de loi. J'étudierai donc avec attention celle que vous venez d'évoquer. Nous travaillerons avec vous, afin de l'amender si nécessaire. Pour ma part, je ferai le maximum, dans la mesure où elle répond à nos attentes, pour qu'elle soit adoptée au Sénat, car la question du reste à charge est très importante.

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