Question de M. MANDELLI Didier (Vendée - Les Républicains) publiée le 05/04/2018

M. Didier Mandelli attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur le seuil de la dotation de solidarité rurale.

La dotation de solidarité rurale est attribuée aux communes qui regroupent moins de 10 000 habitants. Or, de nombreuses communes bénéficiant d'un fort dynamisme devraient atteindre ce seuil et ainsi perdre l'éligibilité à la DSR.

C'est le cas de la commune d'Aizenay en Vendée. Cette commune bénéficie actuellement de la DSR à hauteur de 794 000 euros. Elle devrait atteindre 1,047 million en 2021.

La commune d'Aizenay bénéficie d'un fort dynamisme et accueille ainsi près de 200 à 250 nouveaux habitants chaque année. L'évolution démographique de la commune devrait la conduire à franchir très prochainement le seuil de 10 000 habitants et la priver de la dotation de solidarité rurale. Elle deviendrait alors éligible à la dotation de solidarité urbaine qui s'élève à 300 000 euros.

La commune devrait donc perdre plus de 700 000 euros de dotations de l'État par le simple fait de franchir un seuil symbolique défini à 10 000 habitants.

Il souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage de réviser et de modifier ces seuils arbitraires. Il propose à ce titre deux solutions. La première consisterait à relever ces seuils qui peuvent constituer un frein au dynamisme des communes et à la création de communes nouvelles. La seconde serait d'instaurer une dégressivité progressive de la DSR d'un certain montant chaque année jusqu'à arriver au même niveau que la dotation de solidarité urbaine. Cela permettrait de créer une transition beaucoup plus souple pour le budget des communes. Il souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur ces deux propositions.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 23/05/2018

Réponse apportée en séance publique le 22/05/2018

M. Pierre Cuypers. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi d'excuser M. Mandelli, dont je supplée à l'absence.

La dotation de solidarité rurale, ou DSR, est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants. Elle permet de soutenir les collectivités dans la réalisation de projets d'aménagement de leur territoire et les aide à assurer le bon fonctionnement de leur offre de service.

Or de nombreuses communes bénéficiant d'un fort dynamisme devraient bientôt franchir le seuil de 10 000 habitants et, ainsi, perdre l'éligibilité à la dotation de solidarité rurale.

C'est le cas de la commune d'Aizenay, en Vendée, dont la population est passée de 6 095 à 9 212 habitants en quinze ans. Cette commune bénéficie actuellement de la DSR à hauteur de 794 000 euros. Le montant de cette dotation devrait atteindre 1,047 million d'euros en 2021.

Aizenay accueille 200 à 250 nouveaux habitants chaque année. Du fait de cette évolution démographique, cette commune devrait franchir très prochainement le seuil de 10 000 habitants. Dès lors, elle serait privée de la dotation de solidarité rurale. Certes, elle deviendrait éligible à la dotation de solidarité urbaine, mais celle-ci ne s'élèverait, pour ce qui la concerne, qu'à 300 000 euros.

Cette commune perdrait donc plus de 700 000 euros de dotations, pour la simple raison qu'elle aura franchi le seuil symbolique de 10 000 habitants.

Ce système de paliers est extrêmement pénalisant pour les communes.

Maintenir ce seuil n'encourage d'ailleurs pas la création de communes nouvelles. En effet, un pacte financier garantit pendant trois ans le niveau des dotations de l'État aux communes fusionnant au sein de communes nouvelles de moins de 10 000 habitants, avec une majoration de 5 %. Cependant, rien n'est envisagé pour les communes nouvelles de plus de 10 000 habitants.

Dès lors, deux solutions peuvent être envisagées : la première consisterait tout simplement à relever ces seuils ; la seconde serait d'instaurer une dégressivité sur cinq ans, par exemple, de la dotation de solidarité rurale, jusqu'à parvenir au niveau de la dotation de solidarité urbaine. Ce système garantirait une transition beaucoup plus souple pour le budget des communes.

Monsieur le secrétaire d'État, M. Mandelli souhaite connaître la position du Gouvernement face à ces deux propositions.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu relayer les interrogations de votre collègue, M. Mandelli, au sujet de la commune d'Aizenay.

Aizenay perçoit cette année une dotation globale de fonctionnement, ou DGF, en hausse de 8,5 % – cette dotation s'élève à 1,7 million d'euros, contre 1,6 million d'euros l'année dernière. Cette augmentation résulte notamment de la progression de la dotation de solidarité rurale, qui voit son montant augmenter pour atteindre 867 000 euros en 2018.

Toutefois, je précise que le montant que cette commune devrait percevoir en 2021 ne peut être garanti. En effet, la DGF est une dotation que l'on qualifie de « vivante » : elle évolue chaque année en fonction de critères de ressources et de charges, et ne suit pas une trajectoire linéaire, commune par commune.

En conséquence, il est impossible de prévoir ce que percevrait la commune d'Aizenay si elle restait éligible à la dotation de solidarité rurale. De même, il est impossible d'imaginer le montant qu'elle pourrait percevoir si elle devenait éligible à la dotation de solidarité urbaine, la DSU. Je le répète, ces montants sont calculés en fonction de la situation relative de chacune des communes.

Aizenay connaît effectivement une progression constante de sa population, sur laquelle M. Mandelli insiste dans sa question, et que vous venez de rappeler. Cette évolution est susceptible de lui faire franchir le seuil de 10 000 habitants, en deçà duquel une commune est éligible à la DSR.

Un tel effet de seuil est inhérent aux mécanismes de répartition. Il est en effet indispensable de fixer des seuils au-dessus ou en dessous desquels les communes sont ou ne sont pas éligibles à tel ou tel dispositif. Si l'on ne procède pas ainsi, on dispersera nécessairement les concours financiers de l'État entre l'ensemble des collectivités.

Ce n'est pas là une simple réponse théorique, il s'agit d'un cas tout à fait concret : tout élargissement de la liste des communes éligibles à une dotation réduit d'autant les montants attribués aux autres communes.

Ainsi, en 2018, seize communes ont dépassé en métropole le seuil de 10 000 habitants. Si leurs attributions de DSR avaient été maintenues, il aurait fallu déduire plus de 3 millions d'euros des dotations attribuées aux communes de moins de 10 000 habitants.

Au demeurant, rehausser le seuil de 10 000 habitants afin d'attribuer la DSR aux communes de 15 000 ou 20 000 habitants ne permettrait pas de remédier à l'existence des effets de seuil, que le sénateur Mandelli critique de manière générale.

Le Conseil constitutionnel s'assure que le législateur ne fixe pas des seuils sans lien avec l'objet de la loi. Pour ce qui concerne la distinction entre communes rurales et communes urbaines, le seuil de 10 000 habitants paraît objectif et rationnel.

Le Conseil constitutionnel exige également que les seuils ne produisent pas des effets disproportionnés pour ceux qui y sont soumis. Sur ce point, vous observez vous-même que le passage au-dessus des 10 000 habitants permet souvent à une commune perdant son éligibilité à la DSR de devenir bénéficiaire de la DSU : on peut citer, par exemple, la commune de Juvignac, dans l'Hérault, qui a perdu 107 000 euros de DSR et gagné 238 000 euros de DSU, ou encore celle de Borgo, en Corse, qui a perdu 293 000 euros de DSR et gagné 346 000 euros de DSU.

De telles améliorations ne sont évidemment pas automatiques. Elles dépendent du classement de la commune au sein de chaque dispositif, en fonction des critères que j'ai précédemment évoqués.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers.

M. Pierre Cuypers. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite simplement revenir sur la seconde proposition formulée par M. Mandelli : un système de dégressivité, permettant d'assurer un lissage. Mon collègue suggère d'assurer ce lissage sur cinq ans, mais cela peut être réévalué et recalculé.

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