Question de Mme DELATTRE Nathalie (Gironde - RDSE) publiée le 08/03/2018

Mme Nathalie Delattre attire l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports sur le rôle de la région dans la gestion des grands ports maritimes (GPM), domaine réservé de l'État.

Depuis la réforme portuaire menée en octobre 2008, le statut de GPM s'est substitué à celui de port autonome pour les onze ports de commerce maritime français les plus importants. Ce statut regroupe des ports à vocation internationale au même titre que des ports placés sur des axes de trafic national. Pour ces derniers, le Premier ministre s'est prononcé pour une plus grande implication des collectivités lors des assises de l'économie de la mer le 22 novembre 2017.

Les GPM restent les derniers ports français à conserver le statut d'établissements publics placés sous la responsabilité de l'État. Comme le permet l'article 22 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, toutes les autres zones portuaires françaises ont d'ores et déjà décentralisé leur gestion notamment en transférant des ports à compétence départementale vers le conseil régional.

Dans un rapport publié le 8 mars 2016, la Cour des comptes a rappelé l'urgence de trancher la question de la gestion des GPM. Sur un marché en perte de vitesse, les GPM français souffrent d'un manque de compétitivité face à leurs concurrents européens, gouvernés localement. À titre d'exemple, le rapport met en évidence les difficultés financières du GPM de Bordeaux liées à un manque de vision stratégique territorialisée. La région Nouvelle-Aquitaine apparaît comme la seule échelle capable de prendre en compte les spécificités du GPM de Bordeaux et sa complémentarité avec les ports de la Rochelle et de Bayonne.

Une gestion régionale des GPM permettrait de mettre en exergue le rôle central joué par une zone portuaire au sein de sa région. Vecteur d'identité régionale, le port est aussi un outil d'aménagement territorial et de développement économique. En transférant la compétence portuaire à la région, l'État permettrait une meilleure intégration des partenaires économiques et industriels irriguant jusqu'à l'hinterland. De plus, il y resterait un acteur central pour l'accomplissement des missions régaliennes liées à la sécurité maritime et au contrôle des flux, ainsi que pour sa compétence en matière de dragage.

En conséquence, elle souhaiterait qu'elle lui communique le plan d'action gouvernemental quant à la gestion des GPM français, alors même qu'un projet de loi relatif aux mobilités a été annoncé pour avril 2018.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quel avenir le Gouvernement français souhaite-t-il réserver à nos grands ports maritimes ?

Depuis la réforme portuaire d'octobre 2008, le statut de grand port maritime s'est substitué à celui de port autonome, qui caractérisait les onze ports de commerce maritime français les plus importants.

Ce statut, néanmoins, regroupe des ports à vocation internationale, au même titre que des ports placés sur des axes de trafic national. Pour ces derniers, le Premier ministre s'est prononcé, durant les assises de l'économie de la mer en novembre dernier, en faveur d'une plus grande implication des collectivités territoriales.

De surcroît, les grands ports maritimes restent aujourd'hui les derniers ports à conserver le statut d'établissements publics placés sous la responsabilité de l'État. En effet, comme le permet l'article 22 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, toutes les autres zones portuaires françaises ont d'ores et déjà décentralisé les ports à compétence départementale vers leur conseil régional de rattachement.

Dans un rapport publié voilà maintenant deux ans, la Cour des comptes rappelait l'urgence de trancher la question de la gestion des grands ports maritimes.

À titre d'exemple, le rapport mettait en évidence les difficultés financières du grand port maritime de Bordeaux, liées à un manque de vision stratégique territorialisée. Port d'estuaire éclaté sur 7 sites différents, pensez-vous réellement, monsieur le secrétaire d'État, que ce dernier puisse être géré comme n'importe quel autre grand port de France ?

Il apparaît que les spécificités du port de Bordeaux, en complémentarité avec les ports de la Rochelle et de Bayonne, ne peuvent être prises en compte qu'à l'échelle de la région Nouvelle-Aquitaine.

Une gestion régionale permettrait de mettre en exergue le rôle central joué par la zone portuaire au sein de sa région. Non seulement vecteur d'identité régionale, le port est aussi un outil d'aménagement territorial et de développement économique.

En transférant la compétence portuaire à la région, l'État permettrait une meilleure intégration des partenaires économiques et industriels irriguant jusqu'à l'hinterland. Il resterait néanmoins un acteur central pour l'accomplissement des missions régaliennes liées à la sécurité maritime et au contrôle des flux, ainsi que pour sa compétence en matière de dragage, tout particulièrement dans l'estuaire de la Gironde.

Monsieur le secrétaire d'État, cette question cruciale de gestion sera-t-elle enfin réglée dans le projet de loi sur les mobilités annoncé pour avril 2018 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. À nouveau, madame la sénatrice Nathalie Delattre, veuillez pardonner l'absence d'Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, qui m'a confié le soin de vous répondre.

Comme vous l'avez rappelé, à l'occasion du Comité interministériel de la mer – le CIMer – de novembre dernier, le Premier ministre a réaffirmé son engagement en faveur du développement de la compétitivité et de l'attractivité des ports.

Cette stratégie passe non seulement par la transformation du modèle économique des ports, mais aussi par la recherche d'une meilleure complémentarité entre eux. Cela conduit à la mise en place d'une nouvelle gouvernance, plus efficace et, nous le souhaitons, plus lisible.

Deux cas de figure se dégagent.

En métropole, trois systèmes portuaires ont clairement une dimension européenne et internationale et doivent, à ce titre, rester de la compétence de l'État. Ce sont les ports de l'axe Seine – Le Havre, Rouen et Paris – et les grands ports maritimes de Marseille et Dunkerque.

C'est en ce sens que M. François Philizot, pour les ports de l'axe Seine, M. Jean-Christophe Baudoin, pour celui de Marseille, et M. le préfet de région Michel Lalande, pour celui de Dunkerque, ont été missionnés.

Mais la stratégie souhaitée par le Premier ministre passe également par la mise en place d'une réflexion concernant la gouvernance des autres grands ports maritimes, identifiés comme ayant une vocation plutôt nationale.

En particulier, le Premier ministre a souhaité engager une concertation la plus large possible sur l'avenir de tous les ports de la façade Atlantique, que vous représentez, madame la sénatrice. Des échanges sont également en cours avec les élus de la région Nouvelle-Aquitaine pour partager la réflexion sur l'avenir du grand port maritime de Bordeaux.

Sachez que le Gouvernement est conscient du rôle essentiel des ports de la façade Atlantique dans l'économie de nos territoires et qu'il veillera tout particulièrement à leur donner les capacités de poursuivre leur développement économique, dans le meilleur cadre de gouvernance possible, qui pourront être débattues et rappelées lors de l'examen du projet de loi à venir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Il y a urgence, monsieur le secrétaire d'État ! Comme le montre le bilan de la réforme de 2008, dressé par la Cour des comptes en 2017, les objectifs de performance et de compétitivité n'ont pas été atteints. Les trafics continuent de baisser, la France et l'Italie étant les seules économies maritimes à connaître ce déclin.

Si certains ports français que vous avez cités, comme Le Havre, Paris, Marseille et Dunkerque, sont des concurrents de grands ports européens et internationaux, il n'en va pas de même des ports de la façade Atlantique. Au-delà des débouchés nationaux ou infranationaux, la régionalisation permettrait de rendre ces derniers plus pertinents et compétitifs, à la seule condition que l'État tienne les engagements liés à ses compétences, notamment en matière d'entretien des accès et, en particulier, de dragage.

Comme l'a souligné la Cour des comptes à plusieurs reprises, l'État semble rencontrer des difficultés pour honorer cette obligation : au cours des dernières années, il a financé environ 50 % de ce qu'il aurait dû verser. Or le dragage constitue près du tiers du budget des ports de Nantes-Saint-Nazaire et Bordeaux.

Si cette question n'est pas traitée dans le projet de loi sur les mobilités, je profiterai d'une niche du groupe du RDSE pour présenter une proposition de loi, afin que ce sujet soit débattu rapidement dans l'hémicycle.

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