Question de M. PERRIN Cédric (Territoire de Belfort - Les Républicains) publiée le 08/03/2018

M. Cédric Perrin appelle l'attention de Mme la ministre du travail sur l'interprétation de la réglementation relative au travail en hauteur.

La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) Bourgogne Franche-Comté impose aux acteurs d'une construction la mise en place de dispositifs de sécurité antichutes permanents, normalisés et non rabattables au niveau des accès et des périphéries des toitures planes des bâtiments. Elle justifie cette exigence par sa « propre connaissance des situations de travail à risques ».

Or, l'article R. 4323-59 du code du travail prévoit que la prévention des chutes de hauteur à partir d'un plan de travail est assurée : « soit par des garde-corps intégrés ou fixés de manière sûre, rigides et d'une résistance appropriée, soit par tout autre moyen assurant une sécurité équivalente ».

Dès lors, en vertu de ce décret, il n'existe donc aucune obligation d'installer des garde-corps permanents et non rabattables contrairement aux exigences de la caisse régionale.

C'est pourquoi il souhaite connaître sa position quant à l'interprétation faite par la CARSAT et les contraintes qu'elle fait naître pour les professionnels de la construction.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 20/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 19/06/2018

M. Cédric Perrin. Madame la secrétaire d'État, si je vous pose une question si technique aujourd'hui, c'est parce que je n'ai pas réussi – et Dieu sait si j'ai essayé ! – à obtenir jusqu'à présent une réponse par un autre procédé.

À mon courrier cosigné avec Michel Raison, mon collègue sénateur de la Haute-Saône, et adressé au cabinet de la ministre du travail, je n'ai pas obtenu de réponse. À mes questions écrites, pas de réponse non plus. C'est pourquoi j'attends de vous aujourd'hui une réponse précise.

La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Bourgogne-Franche-Comté impose aux maîtres d'ouvrage de bâtiments et à leur maître d'œuvre l'installation de garde-corps permanents et non rabattables au niveau des accès et périphéries de la totalité des toitures planes.

Or le code du travail prévoit que la prévention des chutes de hauteur est assurée soit « par des garde-corps intégrés ou fixés de manière sûre, rigides et d'une résistance appropriée », soit « par tout autre moyen assurant une sécurité équivalente. » Il n'existe donc aucune obligation légale d'installer des garde-corps permanents et non rabattables, comme l'exige la caisse régionale. La Cour de cassation l'a d'ailleurs rappelé récemment dans une jurisprudence claire.

Pourtant, les acteurs du bâtiment qui utilisent des garde-corps rabattables se voient opposer un refus catégorique et systématique de la part de la CARSAT ou, plus précisément, de l'un de ses agents, sans doute trop zélé. Ils sont alors soumis à une procédure de majoration de leur taux de cotisation, qui peut s'élever jusqu'à 200 %, et à d'autres sanctions financières insupportables, notamment pour les collectivités.

Madame la secrétaire d'État, vous comprendrez donc tout l'enjeu de ma question. Je vous remercie de bien vouloir m'indiquer précisément si le recours à des garde-corps rabattables, ou à tout autre dispositif de sécurité équivalent, est conforme ou non à la réglementation relative au travail en hauteur. Si le Gouvernement l'estime ainsi, comme l'a jugé la Cour de cassation, comment peut-il intervenir auprès de la CARSAT Bourgogne-France-Comté pour lui rappeler la réalité de la réglementation, car, de notre côté, nous n'y parvenons pas ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire secrétaire d'État.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Cédric Perrin, je vous réponds en lieu et place de Muriel Pénicaud, qui ne peut malheureusement être présente ici ce matin.

Je vous remercie de cette question, qui touche à un sujet important pour la santé et la sécurité au travail, celui de la prévention des risques liés au travail en hauteur. Celui-ci est la troisième cause d'accidents du travail mortels, responsable de 13 % des décès sur les 514 accidents du travail mortels recensés en 2016.

Comme vous le savez, les risques de chutes de hauteur font l'objet d'une attention toute particulière, parce qu'ils font partie des risques prioritaires dans le cadre du troisième plan santé au travail. L'objectif est clairement de faire progresser la prévention des chutes, en faisant évoluer les pratiques des acteurs de l'entreprise et de la construction, pour réduire le nombre et la part des accidents du travail dus aux chutes.

Concernant les moyens d'intervention des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, le code de la sécurité sociale prévoit qu'elles peuvent « inviter tout employeur à prendre toutes mesures justifiées de prévention ». Par ces dispositions, le réseau des CARSAT se voit conférer un large pouvoir de recommandation et d'injonction, sans le support d'aucune prescription réglementaire puisqu'il peut donc prescrire des mesures ne figurant pas expressément dans le code du travail à partir du moment où elles contribuent à la prévention, comme l'a précisé le Conseil d'État voilà plus de vingt ans.

En l'espèce, la CARSAT régionale est fondée à imposer aux acteurs de la construction les mesures de prévention qu'elle a jugées appropriées. Car les dispositions du code du travail relatives à la prévention des chutes de hauteur donnent justement une marge d'appréciation aux employeurs et préventeurs, pour leur permettre de réfléchir aux moyens de prévention les plus adaptés en fonction de la situation réelle sur le terrain.

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

M. Cédric Perrin. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État, même si elle ne me satisfait pas. Est ainsi finalement donnée toute latitude à la CARSAT et à ses agents, dont certains frisent l'intégrisme en la matière, pour interpréter à leur guise les dispositions réglementaires ou législatives et les appliquer différemment d'un département à l'autre.

Cela pose de véritables problèmes. Des architectes qui viennent travailler dans mon département se voient soumis à un certain nombre d'obligations, auxquelles ils ne sont pas contraints dans le département d'à côté. D'où une instabilité juridique évidente et des conséquences financières absolument dramatiques pour un certain nombre de collectivités.

Je rappelle en effet que la CARSAT intervient non pas au moment du dépôt du permis de construire, mais après que tout a déjà été instruit et que les budgets ont été élaborés. Certaines personnes font alors preuve d'un grand zèle et appliquent les textes de façon beaucoup plus restrictive que nécessaire.

Je vais vous donner un exemple très simple. Un architecte qui construit un bâtiment avec un toit plat se voit contraint de poser une barrière permanente, voire une seconde lorsqu'est ajouté un acrotère juste au-dessous. Je vous laisse imaginer les conséquences sur l'aspect esthétique d'un tel bâtiment.

Ce problème pourrait parfaitement être réglé en acceptant que ces barrières soient rabattables et déployées seulement au moment, c'est-à-dire une fois tous les dix ans, où l'on doit intervenir sur ce bâtiment. Il a aujourd'hui de nombreuses conséquences négatives sur le plan financier pour nos collectivités, ainsi que pour nos entreprises privées.

Madame la secrétaire d'État, tout cela est uniquement lié au fait qu'une personne, à un moment donné, a tout pouvoir pour décider et imposer aux maîtres d'ouvrage un certain nombre de restrictions. Je suis évidemment complètement d'accord avec vous : il est nécessaire de réglementer ce travail en hauteur, pour éviter au maximum les accidents, mais il est à mon sens possible de procéder différemment. J'espère donc que nous arriverons à trouver une solution. Sinon, nous irons évidemment devant les tribunaux.

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