Question de M. CABANEL Henri (Hérault - SOCR) publiée le 16/11/2017

M. Henri Cabanel appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conclusions, publiées fin octobre 2017, de l'étude conduite par le département Sciences pour l'action et le développement de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) avec Montpellier SupAgro, en collaboration avec le CERPAM (Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée, Manosque), et portant sur la viabilité des élevages ovins dans le Sud-Aveyron et le nord de l'Hérault face aux loups. Une politique ambitieuse et réaliste de protection contre les dommages causés par les loups est nécessaire. Plusieurs raisons militent fortement dans ce sens. Au-delà du désarroi manifesté par les éleveurs d'ovins, que ce soit individuellement auprès de leurs élus ou de la presse, ou collectivement lors de manifestations ou par l'intermédiaire de leurs fédérations et associations, plusieurs études montrent que les limites sont atteintes. Le nombre d'animaux tués par les loups s'élève à dix mille par an. Le préjudice est évalué à vingt six millions d'euros. Le nombre de meutes de loups est difficile à estimer mais paraît avoir augmenté de manière significative, compte tenu des témoignages et de l'accroissement du nombre d'attaques. Cet accroissement ne paraît pas maîtrisé et il entre en contradiction avec l'agropastoralisme qui est une condition essentielle du cahier des charges de l'AOP (Appellation d'origine protégée) Roquefort. L'étude publiée par l'Inra de Montpellier devait répondre à une question : « L'adoption des moyens de protection des troupeaux sur le territoire des Grands Causses permettrait-elle aux systèmes d'élevage ovin de rester viables face à l'arrivée des loups ?». Elle indique que des solutions consistant à installer des clôtures ne sont pas viables : si on veut réellement contenir les loups, il faudrait en déployer de 2 000 à 3 400 kilomètres, en complétant ce dispositif par la présence de chiens, ce qui présente des inconvénients majeurs pour les autres animaux et l'équilibre du milieu naturel. L'attractivité des territoires concernés, inscrits sur la liste de l'UNESCO au patrimoine mondial de l'humanité, serait atteinte. Les coûts de telles installations seraient supérieurs au préjudice des attaques de loups et ne pourraient être supportés par une part estimée entre 25 et 40 % des élevages laitiers. Face à ces constats, le projet de plan pour 2018-2023 présenté par le Gouvernement le 12 septembre 2017 paraît insuffisant. Ce n'est pas le loup en lui-même qui pose problème mais la multiplication des loups. Comme en tout, l'excès est contre-productif et ne saurait être combattu par des demi-mesures. Il lui demande quelle suite il compte donner aux demandes des éleveurs d'un plan efficace de tirs et, dans ce cas, à partir de quelles méthodes de recensement, et quelle lecture il fait de l'étude de l'Inra de Montpellier citée plus haut.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 03/05/2018

Le loup est une espèce « strictement protégée » au titre de la convention de Berne et de la directive européenne « habitats, faune, flore ». Mais son expansion dans un contexte d'activités pastorales remet en question la vitalité de certains territoires. C'est pourquoi, depuis 2004, les plans nationaux d'action précisent le dispositif de soutien aux éleveurs pour protéger leurs troupeaux et autoriser le prélèvement de loups. En 2017, 21 millions d'euros ont été versés à 2 200 éleveurs pour protéger les troupeaux et 1 424 arrêtés autorisant des tirs ont été pris, aboutissant à l'élimination de 41 loups. Face à l'augmentation du nombre de victimes constatée ces dernières années (plus de 11 000 en 2017, soit une augmentation de 46 % en quatre ans), l'État renforce ce type de dispositif avec le plan national d'action loup 2018-2023. Ce plan a été élaboré avec l'ensemble des partenaires concernés, notamment les représentants de la profession agricole. Ce nouveau plan apporte une réponse collective à un double impératif : d'une part, protéger la biodiversité et, d'autre part, permettre au pastoralisme d'atteindre ses objectifs économiques, garantir l'aménagement des espaces ruraux et le lien social indispensable à la vie de nos territoires. Il porte de réelles avancées afin de concilier au mieux l'activité d'élevage avec la présence du prédateur. Les principales orientations retenues sont les suivantes : En matière de biodiversité, nos engagements nous obligent à permettre au loup d'atteindre un état de conservation favorable. Un objectif de viabilité de 500 loups a été fixé. Quand il sera atteint, l'opportunité de mettre en place un dispositif de gestion de la faune sauvage classique sera étudié. De même, si le loup est jugé viable sur le territoire national, la notion de « plafond de loups » pourra faire l'objet d'un nouveau débat. Comme exprimé par le président de la République lors de ses vœux au monde agricole le 25 janvier 2018, ce nouveau plan doit être articulé autour « d'un éleveur placé au centre de la montagne, en réfléchissant à la place du loup dans des écosystèmes qui lui préexistent ». Aussi, l'éleveur doit pouvoir protéger son troupeau. Pour cela, la réglementation sur les tirs de loups a été adaptée. Elle permet désormais de pratiquer des tirs de défense et de prélèvement sans protection préalable des troupeaux dans certains secteurs. Elle donne également le droit aux éleveurs de continuer à pratiquer les tirs de défense simple au-delà du plafond annuel de loups pouvant être éliminés, ce qui leur donnera la possibilité de protéger leurs troupeaux toute l'année. La libéralisation des modes de tir, notamment du tir de défense simple avec une arme à canon rayée et un accès plus rapide au tir de défense est renforcée. Enfin, l'autorisation de pratiquer des tirs d'effarouchement sans autorisation administrative est également accordée. Le renforcement des pouvoirs des préfets pour une gestion adaptative et de proximité améliorera l'efficacité de ce dispositif. Concernant le dispositif de protection des troupeaux, les évolutions portent à la fois sur la prise en charge à 100 % du coût du berger salarié (contre 80 % dans le plan précédent), le soutien à l'attractivité du métier de berger, le recrutement des bergers et une réflexion avec les conseils régionaux sur le soutien au pastoralisme dans les Alpes et le Massif Central. L'accompagnement technique sera également revu. Une brigade mobile de bergers expérimentés, un réseau technique « chiens de protection », et un observatoire de l'efficacité des mesures de protection seront mis en place. Un autre changement concerne la liaison faite entre la protection des troupeaux et l'indemnisation des dommages. Il s'agit d'une obligation européenne qui impose la souscription au dispositif de protection des troupeaux : il en va de l'efficience du dispositif qui repose aussi sur l'échelle territoriale de mise en œuvre de la protection. Ce principe sera déployé progressivement : par exemple, il ne sera pas mis en place dans les nouvelles zones de présence du loup. Les évolutions apportées dans le cadre de ce plan loup sont le fruit d'un travail collectif. Sa gouvernance a été rénovée et un suivi sera mis en œuvre de façon à mieux associer les parties prenantes. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est pleinement conscient des problèmes induits par la prédation. Il est déterminé, avec l'ensemble du Gouvernement, à agir dans le sens de la sauvegarde du pastoralisme, dont le maintien est déterminant pour le bon développement économique, social et écologique de nos territoires.

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