Question de M. NAVARRO Robert (Hérault - LaREM-R) publiée le 26/10/2017

M. Robert Navarro interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur le processus de modernisation des agences et des opérateurs de l'État. Un rapport de l'Inspection générale des finances (N° 2011­M­044­01), publié au mois de mars 2012, avait dressé un constat accablant sur les agences - au sens large - qui existent en France.

Ces entités, dont les activités, les statuts, la taille et les relations entretenues avec l'État composent un ensemble très hétérogène, étaient en 2010 au nombre de 1244. Les effectifs des opérateurs étaient de 442 830 agents en 2012 selon ce même rapport. Enfin, concernant leur poids financier, les moyens - crédits budgétaires et taxes affectées - alloués étaient d'environ 50 milliards d'euros en 2012.

Il souhaite obtenir une actualisation de ces chiffres, savoir où en est la mise en œuvre des 35 recommandations de l'Inspection générale des finances, et disposer d'une transparence de l'information disponible afin de mieux connaître et contrôler les différents satellites de l'État, et ainsi de rationaliser le paysage des agences, afin d'associer ces dernières aux efforts financiers de notre pays.

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Réponse du Ministère de l'action et des comptes publics publiée le 23/08/2018

Le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) intitulé « l'État et ses agences », remis en mars 2012, soulignait la dynamique des moyens financiers des agences, la croissance de leurs effectifs et le manque de réflexion stratégique sur le recours à ces agences. L'IGF formulait dans son rapport 35 propositions de nature à renforcer le pilotage stratégique de ces agences. Plusieurs recommandations ont été mises en œuvre au cours des six dernières années afin de mieux connaître les agences et les associer pleinement à l'objectif de redressement des comptes publics. 1) Des avances significatives sur la rationalisation et la connaissance du paysage des agences de l'Etat ont été réalisées depuis 2012  L'Inspection générale des finances préconisait dans son rapport de rationaliser le paysage des agences. Son attention était portée principalement sur les agences qualifiées d'opérateurs qui remplissent une mission de service public pour la réalisation de laquelle elles sont financées majoritairement par l'Etat et soumises à son contrôle. Les opérateurs font l'objet depuis 2007 d'un « jaune budgétaire » annexé au projet de loi de finances. En réponse aux recommandations formulées par l'Inspection générale des finances, la circulaire du Premier ministre du 9 avril 2013 a formalisé la doctrine générale de recours aux agences et défini les critères et les règles de création des agences. Le recours aux formes juridiques sans personnalité morale distincte, comme les services à compétence nationale (SCN), sont privilégiées et, dans l'hypothèse où les missions confiées à l'agence nécessitent qu'elle soit dotée de la personnalité morale, il est préconisé le recours à une agence déjà existante plutôt qu'à la création d'une nouvelle agence. Les possibilités de mutualisation de service avec l'Etat ou entre agences sont recommandées afin d'optimiser les coûts et éviter l'exercice de missions redondantes par plusieurs entités. La création de toute nouvelle agence doit ainsi intervenir en dernier recours et être précédée d'une étude d'impact consistant à vérifier que les missions confiées à l'agence par l'Etat sont clairement définies et spécialisées et qu'elles relèvent de la mise en œuvre de politiques publiques et non de leur conception qui revient à l'administration centrale. Ainsi, seuls trois EPA ayant le statut d'opérateur ont été créés depuis 2013 (hors créations d'EPA issus de la fusion d'organismes) contre 32 sur la période 2006-2012. Le nombre d'opérateurs de l'Etat est passé de 560 en LFI 2012 à 486 en LFI 2018 suite à des déqualifications d'organismes qui ne répondaient plus aux critères d'opérateurs, mais également à des suppressions ou des regroupements d'établissements. On dénombre sur la période plus d'une vingtaine de processus de fusions ayant concerné une centaine d'organismes, parmi lesquels la création de l'agence nationale de santé publique (Santé publique France), l'agence française de la biodiversité, la fusion de plusieurs agences régionales de santé passées de 23 à 17 dans le cadre de la création des nouvelles régions, ainsi que le regroupement de plusieurs universités ou établissements d'enseignement supérieur (université d'Auvergne, université de Lorraine, Institut Mines Télécom…) ou des établissements du réseau Canopé. Ces fusions ont permis de rassembler des agences exerçant des métiers identiques et leur donner une taille critique sans nuire au principe de spécialité. Enfin, plusieurs organismes ont été supprimés (l'agence nationale des services à la personne en 2013 ; le musée d'histoire de France et le GIP pour l'éducation numérique en Afrique en 2014 ; le fonds de solidarité en 2018) tandis que deux opérateurs ont été « réinternalisés » : l'institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire et l'agence de la cohésion sociale (ACSé), qui a été supprimée et dont les missions ont été transférées au Commissariat général à l'égalité des territoires. L'Inspection générale des finances recommandait également de proscrire le recours aux agences dites « transparentes », dont les ressources sont majoritairement constituées de subventions ou de taxes affectées et qui financent des interventions ou des investissements pour le compte de l'Etat sans disposer d'une réelle autonomie dans la prise de décision, qui soulèvent des interrogations notamment en matière de pilotage global des engagements de l'Etat ou de risques de sur-financements. Dans le sens d'un meilleur pilotage, la réforme introduite par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique a unifié le cadre budgétaire applicable aux organismes majoritairement financés sur fonds publics sur le modèle de celui mis en place pour l'Etat par la LOLF, avec notamment l'introduction de la comptabilité budgétaire en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. La plupart des agences dites « transparentes » (l'AFITF, la CGLLS, l'ANCOLS, le FNAP…) sont par ailleurs bénéficiaires de taxes affectées qui ont fait l'objet de plafonnement dans le cadre des lois de programmation des finances publiques. De même, l'Inspection générale des finances recommandait de proscrire la constitution d'agences ayant le double statut d'établissement public et d'administration centrale, mais dont le seul exemple est le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), financé majoritairement par taxes affectées, qui exerce depuis l'origine au-delà de ses missions d'opérateur de l'État des fonctions relevant de l'administration centrale. Enfin, l'Inspection générale des finances préconisait dans son rapport de développer le système d'information des opérateurs (SIOPE) mis en place par la direction du budget en 2011, pour faciliter la saisie des informations des volets opérateurs dans les documents budgétaires (notamment les projets et rapports annuels de performance) et contrôler plus facilement leur fiabilité. Ces objectifs ont été poursuivis dans le cadre de l'adaptation des applications budgétaires, avec le développement d'une interface avec l'infocentre des établissements publics nationaux (EPN) de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) permettant d'automatiser et de fiabiliser la production des données relatives aux budgets et comptes financiers des opérateurs dans les documents budgétaires (PAP, RAP, jaunes). 2) Les agences ont été associées aux efforts financiers de l'Etat et le pilotage de leur budget mieux encadré L'évolution des concours aux opérateurs de l'Etat a été contenue sur les cinq dernières années. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur le budget de l'Etat en 2016, « entre la LFI pour 2007 et le PLF pour 2012, les concours aux opérateurs avaient augmenté de 2,8 % par an, à périmètre constant selon l'IGF. Entre l'exécution 2012 et la LFI pour 2017, les moyens financiers alloués aux opérateurs par l'État ont progressé de 1,9 % par an à périmètre 2012 constant, hors PIA. » Par ailleurs, les taxes affectées aux opérateurs ont été plafonnées, ce plafonnement étant passé de 3 Md€ en LFI 2012 à 9 Md€ en LFI 2018. Les opérateurs et autres bénéficiaires des ressources affectées participent ainsi à l'effort de redressement des finances publiques par une modulation à la baisse de ces plafonds. Dans le cadre du budget 2018, les ressources affectées contribuent à hauteur de 635 M€ à ce redressement. Outre le plafonnement des taxes affectées, des prélèvements ponctuels sur ressources accumulées ont été effectués en lois de finances sur plusieurs opérateurs de l'Etat pour un montant total de 1,484 Mds d'euros entre 2012 et 2018.  Dans la même perspective d'associer les agences au redressement des comptes publics, la loi interdit aux organismes divers d'administration centrale (ODAC), dont la liste est actualisée chaque année par arrêté, de contracter auprès d'un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois. De plus, les dettes et engagements hors bilan des ODAC et autres opérateurs font l'objet d'un état des lieux au sein du « jaune opérateurs » annexé au projet de loi de finances. Par ailleurs, dans un souci d'optimisation de la trésorerie de l'Etat et des administrations publiques, des échéanciers de versement des subventions et dotations aux opérateurs ont été adaptés aux prévisions de trésorerie des organismes à partir de 2016, permettant d'éviter la constitution de trésorerie inutile au regard des besoins de décaissement. Enfin, la recommandation de l'Inspection générale des finances consistant à réaffirmer réglementairement le principe d'obligation de dépôt des fonds au Trésor a été mis en oeuvre dans le décret GBCP (article 47). Le principe est d'autant mieux affirmé que les dérogations, prévues à l'article 197 du décret GBCP, qui autorisent sous conditions la possibilité de déposer les fonds à la Banque de France, ou dans un établissement de crédit, ou d'opter pour la rémunération des dépôts, sont plus strictement encadrées qu'auparavant. En matière d'emplois, le Parlement vote chaque année le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État. Les dépenses de personnel des organismes soumis à la comptabilité budgétaire sont également encadrées par le vote par l'organe délibérant d'un plafond d'emplois intégrant des emplois « hors plafond » rémunérés sur ressources propres et d'une enveloppe limitative de crédits de personnel. Certains organismes, plus autonomes dans la gestion de leur masse salariale (entreprises publiques, EPIC, etc.) font par ailleurs l'objet du cadrage salarial de la commission interministérielle d'audit salarial du secteur public (CIASSP). Chaque année, le ministre chargé du budget détermine un cadrage salarial de l'évolution de la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP) qui intègre l'ensemble des mesures salariales des entreprises : mesures générales, catégorielles et individuelles (GVT) hors primes de participation ou d'intéressement. Ce cadrage est ensuite décliné pour chaque organisme, en liaison avec le ministère de tutelle concerné. Seul le cadrage individuel s'impose à ces organismes. A ce jour, 66 organismes (dont 29 opérateurs de l'Etat) sont audités par la CIASPP (soit près de 444 000 agents). 3) Les agences font l'objet d'un pilotage stratégique renforcé  La circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs de l'État avait préconisé le renforcement stratégique de la tutelle, en demandant aux ministères de généraliser les instruments de pilotage stratégique, tels que le contrat de performance, la lettre de mission, et la mise en place de rendez-vous stratégiques réunissant à un haut niveau de représentation, les ministères de tutelle et les dirigeants d'opérateurs afin de dégager les priorités de l'organisme. Cette préconisation a été réaffirmée par la circulaire du Premier ministre du 23 juin 2015 relative au pilotage des opérateurs et autres organismes publics contrôlés par l'Etat, qui recommande en outre de moduler le pilotage des organismes en fonction des enjeux. Le Gouvernement souhaite désormais donner une nouvelle impulsion à ce pilotage stratégique et pluriannuel par un recours étendu aux contrats d'objectifs et de moyens. Le comité interministériel de la transformation publique (CITP) du 1er février 2018 a proposé d'expérimenter des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens entre le ministère chargé du budget et certains gestionnaires, pour donner une visibilité plus large sur les moyens financiers et, sur les effectifs, une plus grande souplesse dans leur utilisation sur la période du contrat, en échange d'engagements précis sur des objectifs de performance, d'efficience et de transformation. Enfin, si le décret GBCP a réaffirmé le rôle du contrôleur budgétaire dans la surveillance du caractère soutenable de la gestion, l'identification et la prévention des risques budgétaires ainsi que l'évaluation de la performance des organismes au regard des moyens qui leurs sont alloués, une réflexion est en cours dans le cadre du programme « Action publique 2022 » pour rénover le contrôle budgétaire avec l'objectif de responsabiliser les gestionnaires en passant d'une culture de contrôle a priori à une logique de responsabilisation a posteriori.

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